Published online by Cambridge University Press: 15 January 2010
Le mot ethnie a un passé équivoque dans la langue française. Vacher de Lapouge est le premier à l'utiliser en 1896 pour désigner de prétendues «races» distinctes, notion dont la biologie des populations a fait justice. Le terme ne s'appliquait pas seulement aux «primitifs»; il contribua à hérisser des barrières entre les «races» dites inférieures et les «races» dites supérieures. En 1935, G. Montandon, qui se fera l'apôtre d'une certaine conception nazie de l'homme, consacre un livre à «l'ethnie française». Les administrateurs coloniaux utiliseront, quant à eux, le terme ethnie comme substitut de «tribu» ou «peuplade» avec souvent la conviction, fallacieuse, que des caractères anatomiques particuliers entrent dans les particularités du groupe ainsi qualifié. Mais Franz Boas, le fondateur de l'anthropologie culturelle aux États-Unis, réagit avec vigueur. II déclare fermement dès 1932 : « Les résultats des matériaux extensifs amassés au cours des cinquante dernières années ne justifient pas l'hypothèse d'une quelconque relation entre types biologiques et forme de culture » (Boas, 1932, cité par Condominas, 1980, p. 89). Cette conviction sera largement partagée par la majorité des ethnologues, sauf en Allemagne. Dérivé du grec ethnos (peuple) le terme ethnie entre dans le vocabulaire scientifique avec une connotation exclusivement culturelle. Mais ce concept se voit attaqué depuis une dizaine d'années sur le terrain même de l'ethnologie où il s'est developpé. Quelques chercheurs français s'ingénient à démontrer que leurs prédécesseurs, travaillant principalement en Afrique, ont eu le tort de donner consistance à de fausses entités.