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La place du nombre dans la dialectique hégélienne et la dialectique hamelinienne
Published online by Cambridge University Press: 09 June 2010
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En confrontant la dialectique hégélienne et la dialectique hamelinienne sur le rapport du nombre à la suite des notions et des concepts, nous poursuivons un triple dessein, que nous nous permettrons d'indiquer de façon très schématique. Nous voudrions: 1 ° contribuer à dégager l'histoire de la philosophie de considérations strictement érudites ou herméneutiques, qui tournent indéfiniment en rond sur elles-mêmes à l'intérieur d'un même auteur pris pour prétexte; car en établissant un dialogue entre philosophes nous mettons en relief leur philosophie, parce que nous rétablissons l'ordination de cette dernière à son objet, la vérité, et en l'occurrence nous pratique-rons — selon notre mesure — une méthode dont Hegel lui-même, pour ne rien dire d'Hamelin, a donné un magistral exemple; 2° mon-trer qu'une pensée dialectique a des ressources propres non seulement pour le traitement des catégories en général, mais aussi pour celui des catégories logico-mathématiques fondamentales, et en particulier à l'endroit du concept qui a suscité à la fin du siècle dernier, on le sait, la rénovation des mathématiques et de la logique; car Hegel et Hamelin peuvent nous apprendre sur le nombre ce qu'on trouverait difficilement chez Frege, Russell ou Peano: le rapport du nombre aux autres catégories de la pensée; 3° montrer réciproquement que la philosophie du nombre constitue une pièce essentielle dans les deux dialectiques, dont elle exprime pour une large part la divergence, puisqu'elle installe celle d'Hamelin dans le fini, tandis qu'elle confirme l'orientation de celle de Hegel vers l'infini.
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- Articles
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- Dialogue: Canadian Philosophical Review / Revue canadienne de philosophie , Volume 13 , Issue 4 , December 1974 , pp. 733 - 761
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- Copyright © Canadian Philosophical Association 1974
References
1 cf à ce sujet Wissenschaft der Logik p. 70–71 Suhrkamp Verlag (toutes nos références se rapporteront à cette édition): der Anfang der Wissenschaft.
2 cf en particulier l'objet que Hegel assigne à la « logique objective » dans L'AUgemeine Einteilung der Logik. W.d.L.I p. 58–62.
3 Hegel en a d'ailleurs eu pleine conscience, comme il l'indique très clairement dans son Introduction à la Science de la Logique: « Die objektive Logik tritt damit vielmehr an die Stelle der vormaligen Metaphysik » W.d.L.I p. 61.
4 Du point de vue très général qui est le nôtre ici la notion expressément utilisée par Frege dans les Fondements de l'Arithmétique, à savoir « l'extension des concepts équinumériques », peut être rattachée à celle de classe.
5 Ce second cycle (Die Grösse) est divisé, comme le précédent, en trois moments principaux: 1. Die Quantität, 2. Quantum, 3. Das Quantitative Verhältnis, et le moment que nous appelons médiateur (Quantum) comprend lui-même trois articulations: a. Die Zahl, b. Extensives und intensives Quantum, c. Die quantitative Unendlichkeit.
6 La première triade hamelinienne sera en effet: Relation, Nombre, Temps, la seconde Temps, Espace, Mouvement. On voit que chez lui, ce qui n'a pas lieu chez Hegel, la synthèse de la triade antècèdente se prolonge sous forme de thèse dans la triade subséquente.
7 Notamment p . 18–19 (« l'être et le rapport ») , et d'abord p. 4 et 5 sur la « méthode analytique ».
8 Hamelin s'est expliqué très nettement là-dessus dans les dernières pages de l'alinéa intitulé « Sur l'histoire de la méthode synthéique » (p. 37–40), où il salue en Hegel le plus grand maître de cette méthode avant d'indiquer pourquoi il s'en sépare.
9 cf à ce sujet « l'opposition » p. 14–16.
10 On a trop peu souligné ce point, cependant capital pour l'intelligence de la pensée dialectique, qu'aux yeux d'Hamelin comme de Hegel, l'analyse doit commencer la démarche dialectique, en évaluant le degré d'abstraction des notions et en fournissant de la sorte, en particulier, la première.
11 C'est en effet comme une dialectique de la contrariété, on le sait, qu'Hamelin a présentée sa méthode synthétique et l'a distinguée de celle de Hegel.
12 cf l'Essai p. 18: « il n'est réel que dans la pensée réfléchie, laquelle le crée pour dépasser en simplicité l'être relatif, le rapport».
13 Chez Hegel au contraire, la pensée sans pourtant sortir d'elle-même, pose cependant avec l'être comme un au delà d'elle-même. cf à ce sujet les excellentes remarques de J. N. Findlay dans son « Foreword » p. x et xi à Hegel's Philosophy of Nature, Oxford 1970.
14 C'est surtout aux thèses proposèes par Frege dans les Fondements de l'Arithmétique et à celles développées par Couturat dans De I'lnfini mathé-matique, que nous faisons allusion ici. Les idées que Couturat expose, à la suite de Russell, dans les Prlncipes des Mathématiques, notamment sur la théorie du continu, sont sensiblement différentes et s'écartent davantage de celles d'Hamelin. Elles demeurent cependant dans le mème orbe rationaliste.
15 C'est pourquoi Hamelin croit devoir exprimer ainsi, « au grand dommage de l'élégance », la première position du nombre: « un, un en face d'un autre un, deux ». C'était là envisager le nombre sous le rapport de la compréhension, non de l'extension, comme le font Frege et Russell. Or, puisque le point de vue de l'extension implique toujours un regard sur l'experience, on peut dire que, par sa façon d'envisager le nombre, Hamelin se place à l'extreme pointe du rationalisme, ce qui ne signifie pas, bien entendu, que le nombre se trouve privé, à ses yeux, de racines et de portée empiriques.
16 La définition du nombre fondamental donnée plus haut « un, un en face d'un autre un, deux », et sa généralisation où se trouve indiquée « la continuation de la série...: nombre donne nombré donné en face d'une unité extrinsèque, nombre obtenu » soulignent que la conception du nombre enveloppe seulement la détermination de ses termes, leur opposition et leur syn-thèse, éest-à-dire de pures opérations rationnelles, celles qui caractérisent la démarche synthétique de la raison.
17 Les deux termes sont synonymes pour Hamelin, car pour lui, comme il l'a précisé p. 190–192 de l'Essai, il peut y avoir genre véritable, contrairement à ce que pensait Aristote, « là où il y a de l'antérieur et du postérieur », éest-à-dire là où les espéces sont hiérarchiquement subordonnées les unes aux autres et non par coordonnées. C'est en ce sens que la relation, puis le nombre peuvent être dits les genres de toutes les autres catégories.
18 cf De I'lnfini mathématique Livre III. De l'idée de grandeur et notam-ment chap. IV Le Nombre confu comme rapport — La grandeur infinie p. 433 et sq. Puis Livre IV chap. II La grandeur et la mesure — chap. Ill L'Infini et le continu.
19 Comme le Coutura t de l'Infini mathématique, Hamelin pense que ce qu'on appelle, d'un terme d'ailleurs impropre, «le nombre généralisé », « c'est le nombre allié à quelque chose d'entièrement extérieur à lui ». Cf. Le Nombre généralisé de la nouvelle analyse . Essai p. 54–56.
20 Par ce pythagorisme délibéré, reçu de Renouvier, Hameli n s'écarte non seulement du leibnizianisme et du bergsonisme , « qui veulent soustraire les réalités les plus profondes à la juridiction de la loi du nombre », mais aussi de l'hégélianisme « qui est encore trop une philosophie de l'identité » faute d'avoir admis que « de ce point de vue du nombre.. . l'on embrasse... tout ce qui est souverainement réel » Essai, p. 50–51.
21 cf Les Fondements de l'Arithmétique p. 87–97 où Frege soutient que l'analycité d'une proposition est définie par le rapport conclusion-prémisses, non par le rapport sujet-prédicat: est analytique, selon lui, toute proposition qu'on peut démontrer à partir de prémisses logjques, sans appel à l'intuition sensible, ce qui serait le cas, à ses yeux, en arithmétique, mais non en géométric II va sans dire que pour Hamelin il n'y a pas d'inruition proprement sensible, tout ce qui est donné dans l'experience étant en droit rationnel.
22 cf à ce sujet sa critique du « formalisme » arithmétique, Essai p. 54–56.
23 cf Essai p. 74: « avec l'abstraction reparaissent la continuité et l'infinité ».
24 Ce qui est souligné par le fait que, chez Hegel, la position du temps, moment négatif de la trilogie espace-temps-mouvement, implique au préalable celle de l'espace, position inverse de celle qu'a adoptée Hamelin. cf. Philo-sophie de la Nature, lère Section.
25 C'est déjà vrai de la grandeur spatiale elle-même cf W.d.L.I Di e Zahl — Ammerkung I, p . 234: « Die Raumgrösse hat nur die Begrenzung überhauot; insofern sie als ein schlechthin bestimmtes Quantum betrachtet werden soil, hat sie die Zahl nötig ». Et plus loin Am . II p. 244, Hegel appelle l'objet de l'arithmétique: « der abstrakte Gedanke der Ausserlichkeit selbst.
26 Plus précisément, c'est à l'interieur de la 'représentation théorique », premier moment de la Personnalité, que la logique formelle doit trouver place, à côté de la psychologie et de l'épistémologie. cf l'Essai, p. 394–400.
27 C'est pourquoi cette logique, définie comme « die Logik des Begriffs als Begriffs », doit répondre à la fameuse question «Was ist Wahrheit ? » cf W.d.L.II p. 244 et p. 261–269, et comporte, parmi ses trois moments, celui de l'objectivitè (die Objektivität).
28 cf W.d.L.II, p. 256–7, et pour le rapport avec la Phénoménologie de I'Esprit, W.d.L.I, p. 42.
29 « Im Masse sind, abstrakt ausgedrückt, Qualität und Quantitat vereinigt », W.d.L.1, p. 387.
30 Celles-ci se sont effondrées dans l'indifférencié, analogue logique de la matière aristotélicienne: « Die absolute Indifferenz ist die letze Bestimmung des Seins », laquelle se révèle comme un tissu de contradictions « allseitige Widerspruch » W.d.L.I, p. 456 et 451. Par contre l'essence est un au delà de l'être: « Das Wesen ist das aufgehobene Sein », sa dêtermination fondamen-tale est d'une tout autre nature que celle qui domine la sphère de l'être », « und die Bestimmungen des Wesens haben einen anderen Charackter als die Bestimmtheiten des Seins ». W.d.L.II, p. 15.
31 cf en particulier W.d.L.I, p. 243–249, et l'idée que la science arithmétique, toute analytique d'ailleurs, (Die Arithmetik ist analystische Wissen-schaft) développe ses opérations comme des manipulations manuelles, sur un plan inférieur à celui du concept (Sie enthalt nicht nur den Begriff) ... « in der Gedankenlosigkeit ».
32 Moment qui correspond d'ailleurs au moment lui-meme analytique du jugement dans la Logique subjective: « Das Urteil ist die Diremtion des Be-griffs durch sich selbst » W.d.L.II, p. 304.
33 On peut retrouver, en vérité, un rapport du même genre entre les Sphères, puisque I'essence procède de l'être (« Das Wesen kommt aus dem Sein her» W.d.L.II, p. 17) ou que le concept explique génétiquement la substance (« sie ist das an sich, was er als Manifestiertes ist ». p. 246) Cela provient et de ce que l'en-soi contient en germe le poursoi, et de ce que l'ensoi n'est rien d'autre que la conception encore abstraite et primitive du pour-soi, ou plutôt de l'achevé qui est en-et-pour-soi et vers lequel il avance comme s'il retournait à son vrai principe: « das Vortwartsgehen ein Rückgang n i den Grund, zu dem Ursprünglichen und Wahrhaften ist», W.d.L.1, P. 70. Voir aussi des considérations semblables, à propos de l'être-pour-soi de la mesure W.d.L.I, p. 410.
34 Le « Fürsichseiendes », premier moment du « qualitative Fürsichsein », a en effet le « Eins » pour troisième articulation, avant de passer dans le moment négatif « Eins und Vieles », puis dans le moment unitaire « Repulsion und Attraktion ».
35 Comme notion explicite, le terme n'apparaît qu'au troisième moment des Reflexionsbestimmungen, c'est-à-dire au moment où sont étudiées les « Sätze» fondamentales de la logique formelle. Sans doute, pour Hegel la contradiction est aussi et d'abord un moment capital du réel et de la pensée, et dès le début de la Logique il affirme, longuement (W.d.L.I, p. 51–52, p. 84–108), que si la philosophie est demeurée inférieure à sa tâche c'est pour n'avoir pas eu le courage de l'envisager et de Papprofondir. Mais c'est juste-ment parce que la philosophie n'a pas su discerner, sous la contradiction formelle impossible à maintenir, la contradiction ou l'opposition réelle, source du developpement dialectique. « Das, wodurch sich der Begriff selbst weiterleitet, ist das vorhin angegebene Negative, das er in sich selbst hat; dies macht das wahrhaft Dialektische aus », p . 51.
36 cf d'ailleurs W.d.L.I, p. 70 déjà, à propos de la démarche effective suivie par le savoir: « das Ganze derselbe ein Kreislauf in sich selbst ist, worin das Erste auch das Letzte und das Letzte auch das Erste wird. »
37 cf Frege. Les Fondements de l'Arithmétique. Sur I'unité 29–46 et Cou-turat. De I'lnfini mathématique, Livre IV, chap. I. Le nombre et le concept.
38 cf. W.d.L.I, Das Eins und das Leere p. 184, ou même l'un est identifié au vide avec lequel il partage un rapport tout négatif à soi: « Das Eins und das Leere haben die negative Beziehung auf sich zu ihrem gemeinschaftlichen, enfachen Boden ».
39 cf W.d.L.I, p. 235–237 où Hegel entreprend de montrer que les opérations arithmétiques ne sont pas vraiment synthétiques, parce que ces procédés de calcul (Rechnungsarten) se réduisent à des assemblages et à des séparations tout extérieurs qu'on peut effectuer « avec les doigts », sans penser. La multitude étant déjà donnaée, il s'agit d'y déplacer une limite à la manière d'une toise pour obtenir les nombres déterminés, et les operations d'addition, de soustraction... etc, se réduisent à des procédés du même genre. On voit que Hegel n'hésite pas à livrer une grande partie de l'arithmétique à l'empirisme !
40 w.d.L.Il, p. 186–7 Viele Eins — Repulsion, où Hegel dit de P« Eins » parce que « fur sich Seiendes »: « ist seine negative Beziehung auf sich zu-gleich Beziehung auf ein Seiendes » — Le « ceci» et le « cela » dont nous parlons sont évidemment, comme l'un et son être-là, un ceci et un cela abstraits: d'où le caractère indéfini de la multiplication des « uns >.
41 W.d.L.Il, p. 47.
42 Nous avon s essayé de préciser ce rapport à la qualité dans notre conférence au Congrès de l'Association Canadienne de Philosophie, Toronto , mai 1974: Le rapport quantité-qualité chez Hegel et chez Bergson.
43 Essai sur les données immédiates de la conscience, p. 63 .
44 W.d.L.I, p. 193–194. Cette attraction, tout comme la répulsion, n'a bien entendu qu'une analogie de signification avec la force physique désignée par la même dénomination: elle est un « sich-in-eine-Eines-Setzen » due au fait que l'identité de nature pose les uns comme une communauté homogène.
45 W.d.L.I, p. 228: Kontinuierliche und diskrete Grösse.
46 «W.d.L.I, p. 244–5. C'est pourquoi le Pythagorisme représente la première intelligence du monde extérieur: « Als dieser Gedanke der Ausserlichkeit ist die Zahl zugleich die Abstraktion von der sinnlichen Mannigfaltigkeit».
47 W.d.L.I, p. 250–255 Extensives und Intensives Quantum. De cette propriété de la limite provient en effet cette conséquence que tout quantum présente simultanément un caractère extensif et un caractère intensif et se trouve propre à représenter ces deux espèces de grandeur.
48 Ceci ressort très nettement de la fa?on dont Hegel interprète la notion de dérivée et l'élimination des quantités infinitésimales dans le calcul infinitésimal, cf W.d.L.I, p . 279 et sq. Die Begriffsbestimmtheit des mathematischen Unendlichen.
49 C'est pourquoi le nombre résulte immédiatement de la « Begrenzung der Quantitat », par laquelle la quantité pure passe dans le quantum, cf W.d.L.I, p. 230–231.
50 Cf. Hamelin, Essai, p. 39 et la célèbre formule, à propos des choses finies en W.d.Ll, p. 160: « die Stunde ihrer Geburt ist die Stunde ihres Todes » et un peu plus haut p. 139 » Etwas mit seiner immanenten Grenze gesetze als der Widerspruch seiner selbst, durch den es über sich hinausgewiesen und getrieben wird, ist das Endliche ». En effet le fini, en tant que fini, est une « an sich fixierte Negation», qui se maintient de façon têtue contre l'affirmation à laquelle elle s'oppose, et ne veut pas passer dans une affirmation plus haute, son opposé véritable, l'infini. Ou, pour imiter de plus près cet échange de l'abstrait et du concret que Hegel affectionne, peut-être trop, on pourrait dire: la finitude est négation à la fois du fini qu'elle affirme et de rinfini qui serait sa véritable affirmation mais qu'elle ne veut pas être. Or la négation qui persiste dans la négation se nie elle-même.
51 Le fait que, lorsqu'on veut atteindre rinfini à partir du fini, on parle de deux infinis, l'infini de grandeur et l'infini de petitesse, souligne encore, aux yeux de Hegel, le caractère contradictoire de l'operation. cf W.d.L.I, p. 263 et sq.
52 W.d.L.I, p. 119 et sq.