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Pour une psychologie de la philosophie

Published online by Cambridge University Press:  09 June 2010

Roch Bouchard
Affiliation:
Université d' Ottawa

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La philosophie peut-elle faire l'objet d'une psychologie? Et auquel cas, en quel sens, selon quels rapports serait-elle à la fois un comportement et une discipline? C'est la question que nous envisagerons ici, en espérant montrer que bien avant de se convertir en discours, l'activité philosophique s'exerce déjà dans une sorte de vécu primitif où elle obéit au déroulement d'une motivation plutôt qu'à une ordonnance de noèmes, et manifeste par là sa relation essentielle à la psychologie; que la production du discours prolonge le même mouvement et se situe dans la même finalité radicale; et que la détermination de l'œuvre philosophique dans un domaine gestuel apporte des enseignements non négligeables pour son épistémologie, de même que pour sa génétique et son axiologie.

Type
Articles
Copyright
Copyright © Canadian Philosophical Association 1973

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References

1 Nous ne sommes pas habilité, ici, à traiter de la raison et de l'universel au sens où nous supposerions acquis leur caractère objectif. Car on affirmerait implicitement la réalité d'un fondement à la généralité des accords, ce qui serait prendre une option doctrinale incompatible avec notre méthode. Nous parlerons done de la raison, et aussi de l'objectivité, au sens où elle est subjectivement appréhendée comme règie et comme but.

2 Expérience et Jugement, trad. Souche, D., P.U.F., 1970, p. 5455Google Scholar.

3 «Quelques notes sur Spinoza», in Célèbres leçons et fragments, P.U.F., 1964, P.52.

4 Nous ne voudrions pas méconnaître la très grande portée démonstrative de la Logique transcendantale. Mais la déduction des catégories et des principes, bien qu'elle mette en lumière la nécessité en quelque sorte pratique d'une coordonnance des phénomènes, ne nous paraît pas ajouter, au double fait de l'expérience et de la science, un appoint très différent de celui d'une psychologie déductive de la perception. Si un tel jugement se vérifiait, et nous nous excusons auprès du lecteur (mais d'abord auprès de Kant) de ne pas le développer ici davantage, il nous semblerait alors que l'Analytique transcendantale échapperait assez difficilement aux reproches encourus par la psychologie rationnelle. Est-il assuré que 1'exigence subjective du Ich denke entretienne, vis-à-vis des données empiriques, et dans le contexte d'un réalisme nouménal, un rapport d'efficience tout à fait primitif et sui generis, un rapport irréductible à quelque physiologie? Brunschvicg estimait là-dessus que «le mirage de la substance nouménale se dresse devant la conscience profonde du Je pense pour interdire le passage au Je suis». (Les âges de l'intelligence, quatrième édition, P.U.F., 1953, p. 147). C'est dans ce sens que nous nous croirions en droit de demander si les Analytiques, malgré l'incomparable génie qu'elles attestent, peuvent être finalement admises aux titres de véritables fondements apodictiques de l'expérience et de la science : si, en somme, elles n'explicitent pas un fait plutôt qu'elles n'expliquent un droit.

5 A Victor Espinas, 17 juillet 1871, Lettres, publiées hors-commerce en 1933, P. 74.

6 Jules Lagneau préférait dire : «Le critérium de la vérité, c'est d'être vécue, c'est-à-dire sentie et rendue avec l'être tout entier, avec celui du penseur et celui des autres esprits qui partagent sa langue (et même non)». «Quelques notes sur Spinoza», in Célèbres leçons et fragments, p. 51. L'assentiment est là nettement présenté dans son antériorité psychologique à la découverte d'un fondement de vérité. On y voit de plus affirmées la part prise dans la certitude par les éléments subjectifs, et la nécessité dans laquelle se trouve le penseur, dès lors qu'il veut propager sa certitude à l'universel, d'en communiquer les objets, non seulement dans un système linguistique qui les travestirait, mais encore dans les conditions recréées de leur appréhension individuelle. De même, pensait Lagneau, «si nous sommes certains des vérités de raisonnement que nous pouvons prouver, des vérités découvertes par réflexion, ce ne peut ètre que parce que nous avons eu avant ces certitudes une certitude naturelle, immédiate». («Cours sur l'évidence et la certitude», Ibid., p. 174).