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La Catégorie moderne de l'historique et le thomisme
Published online by Cambridge University Press: 01 June 1968
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Prenons comme point de départ de notre recherche l'affirmation du P. G. Fessard selon laquelle il n'y a pas de place pour «l'historique» dans le thomisme. Si nous nous en rapportons en effet à la Métaphysique d'Aristote commentée par S. Thomas, il semblerait n'y avoir que deux grandes catégories d'être: l'être de raison étudié par la logique, et l'être naturel, sujet de la philosophie. Où situer alors, dans une telle perspective, l'être historique, terre d'élection de la pensée moderne, selon l'expression du P. Fessard? Nulle part … c'est-à-dire que cet horizon demeure étranger à un tel type de philosophie.
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- Dialogue: Canadian Philosophical Review / Revue canadienne de philosophie , Volume 7 , Issue 1 , June 1968 , pp. 66 - 77
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- Copyright © Canadian Philosophical Association 1968
References
1 « Pour saint Thomas comme pour Aristote, il n'y a done que deux régions de l'être: celle de la raison et celle de la nature, ‘sujet de la philosophic’. En est-il de même pour la pensée moderne? Certainement pas, puisque celle-ci est ‘commandée tout entière ou presque, nous a dit le P. Isaac (dans « La Notion de Dialectique chez saint Thomas », Revue des Sciences philosophiques et théologiques, 1950, pp. 481–506), par l'idée de dynamisme et de progrès.’ Il lui faut donc distinguer une troisième région de l'être qui soit pour elle comme une terre d'élection. Comment la nommer? Pas autrement que ne le fait le P. Isaac dans sa conclusion: l'histoire, l'être historique. » G. Fessard, De l'actualite historique, Desclée de Brouwer, 1960, t. I, p. 19.
2 « La raison en est que l'être est double: l'être de la raison et l'être de la nature. Or, on appelle à proprement parler être de raison ces notions que la raison découvre dans les choses en tant qu'elles sont considérées par elle: ainsi les notions de genre, d'espèce, etc. qui ne se trouvent pas dans la nature, mais résultent de la considération de la raison; et e'est cet être de raison qui est proprement le sujet de la logique. Mais ces notions intelligibles sont coextensives aux êtres de la nature, du fait que ceux-ci tombent sous la considération de la raison; et e'est pourquoi le sujet de la logique s'étend à tout ce qui mérite le nom d'être de la nature. Aussi Aristote conclut que le sujet de la logique est co-extensif au sujet de la philosophie qui est l'être de la nature. » S. Thomas, In IV Metaphys., lect. 4, n. 574.
3 M.-J. Nicolas, O.P., « Thomisme et progressisme » dans la Revue Thomiste, 1960, pp. 251-257; « Le théologien et l'histoire », Ibid., pp. 485–508; M.-M. Cottier, O.P., « Hegel, la théologie et l'Histoire », Ibid., 1961, pp. 88–108.
4 Là où le français n'a qu'un mot, la langue allemande en a deux : Geschichte et Historic. Geschichte désigne I'étoffe même de I'histoire, l'enchaînement des décisions humaines libres qui font l'histoire (c'est de ce sens que nous parlons ici); Historic signifie l'histoire écrite, telle qu'on la raconte. En français nous pourrions distinguer l'histoire-récit (Historie) et l'histoire-vécue {Geschichte; un être capable d'une telle histoire est un être historial).
5 Hegel, La Pheénominologie de l'Esprit, trad. J. Hyppolite, Aubier, Paris, 1939 et 1941; Leçons sur la Philosophic de l'Histoire, trad. J. Gibelin, J. Vrin, Paris, 1945.
6 Phénoménologie…, op. cit., t. I, p. 247.
7 Phénoménologie…, op. cit., « Préface », t. I, pp. 20–21.
8 J. Hyppolite, Genèse et structure de la Phénoménologie de l'Esprit de Hegel, Aubier, Paris, 1946, pp. 477 et 482.
9 Mircea Eliade, Le Mythe de l'éternel retour, Gallimard, Paris, 5c éd., 1949, p. 207. Cf. Maurice Leenhardt, Do Kama, La personne et le mythe dans le monde mélanésien, 2e éd., Gallimard, Paris, 1947; Georges Gusdorf, Mythe et métaphysique, Flammarion, Paris, 1953.
10 Taîttirîya Brâhmana, I, 5, 9, 4, cité dans Eliade, Le Mythe…, op. cit., p. 44.
11 Eliade, Le Mythe…, cit., p. 169.
12 Hesiode, Les Travaux et les Jours, vv. 110–176; Platon, Le Politique, 269–274; Aristote, Métaphysique, A, 6, 1072a6–10; 8, 1074b10–15. Cf. Raymond Weil, Aristote et l'histoire, C. Klinsksieck, Paris, 1960.
13 Cf. l'intéressant ouvrage de George P. Grant, Philosophy in the Mass Age, Hill and Wang, New York, 1960.
14 Cf. l'excellente Encyclopédie de la Pléiade : l'Histoire et ses méthodes, Gallimard, Paris, 1961. H.-I. Marrou, De la connaissance historique, 3e éd., Seuil, Paris, 1959.
15 Charles De Koninck a développé ce point dans son Cosmos et dans ses « Réflexions sur le problème de I'indéterminisme », Revue Thomiste, 1937, pp. 233–241.
16 Publications de I'Institut Supérieur de Philosophic, Louvain, 1952, pp. 81–85.
17 Ibid., pp. 188–215.
18 « Le progrès est mort. Et c'est son cadavre qui empoisonne l'atmosphère. » Jean Lacroix, Histoire et Mystère, Casterman, Tournai, 1962, p. n. Cf. aussi A. Camus, L'Homme révolté, Gallimard, Paris, 1950.
19 Cf. Emile Callot, Ambiguïtés et antinomies de l'Histoire et de sa Philosophic, M. Rivière, Paris, 1962. R. Johannet, « Y a-t-il un sens de l'Histoire? » dans la Revue des Deux-Mondes, 15 novembre 1963, pp. 169–182.
20 Joseph de Finance, Essai sur l'agir humain, Les Presses de l'Université Grégorienne, Rome, 1962.
21 Cf. Jacques de Monléou, « Petites notes autour de la famille et de la cité » dans le Laval Théologique et Philosophique, 1947, pp. 262–289; C. De Koninck, De la Primauté du Bien Commun, Fides, Montréal, 1943.
22 Cf. André Marc, S. J., « Histoire et Métaphysique » dans Analecta Gregoriana, vol. LXVII, Rome, 1954, pp. 139–155 (reproduit dans Raison philosophique et religion révelée, Desclée de Brouwer, Bruges, 1955, ch. VIII); P. Grenet, « Approches thomistes de l'Historicité » dans L'Ami du Clergé, vol. 71 (1961), pp. 529–535.
23 Dialectique de l'Affirmation, Desclée de Brouwer, 1952, p. 407–408.
24 Cf. art. « Théologie », « Thomas d'Aquin », « Thomisme » dans le Dictionnaire de Théologie catholique.
25 Cf. T. Gilby, O. P., The Political Thought of Thomas Aquinas, The University of Chicago Press, 1958. A. Hayen, S. J., « Le Thomisme et l'Histoire » dans la Revue Thomiste, 1962, pp. 51–82. G. De Lagarde, La Naissance de l'esprit laïc au déclin du Moyen Age, nouvelle édition, B. Nauwelaerts, Louvain, 1963, t. II.
26 Cf. E. Voegelin, The New Science of Politics, University of Chicago Press, 1952; Order and History : I Israel and Revelation; II The World of the Polis; III Plato and Aristotle, Louisiana State University Press, Baton Rouge, Louisiana, U. S. A., 1956–1957. E. Voegelin est actuellement professeur à l'Université de Munich (1968). Cf. aussi mon article : « Premiers jalons d'une philosophic thomiste de l'Histoire » dans Sciences Ecclésiastiques, vol. XIV (1962), pp. 265–291.
27 S. Thomas, In I Ethic., lect. 1, ed. Pirotta, nn. 1–4.
28 A. Marc, Raison philosophique…, op. cit., p. 280; P. Grenet, Approches thomistes…, art. cit., p. 533.