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Le possible et le réel dans le langage

Published online by Cambridge University Press:  27 June 2016

Roch Valin*
Affiliation:
Université Laval

Extract

Une des difficultés majeures qu’est appelée à rencontrer sur sa route une linguistique visant à expliquer le langage en tant que phénomène est d’apprendre à opérer partout, dans ses analyses, la répartition exacte du possible et du réel. C’est, du reste, à leur impuissance à vaincre cette difficulté, qu’il faut imputer les insuccès répétés, à date ancienne, de la grammaire générale, et, à date plus récente, de la linguistique curieusement appelée ‘structurale.’ Comme si toute connaissance scientifique d’un phénomène quelconque—ce phénomène fût-il le langage humain—ne devait pas être, par nécessité, structurale! A-t-on jamais éprouvé le besoin, du côté des sciences de la nature ou de leur indispensable instrument d’investigation que sont les mathématiques, de parler d’une ‘physique structurale,’ d’une ‘chimie structurale,’ d’une ‘biologie structurale,’ ou encore d’une ‘mathématique structurale’? Tant il est évident aux yeux des praticiens de l’un ou l’autre de ces savoirs établis que l’adjonction à leur désignation de l’épithète en cause constituerait plus qu’une simple redondance: une véritable tautologie.

Type
Papers on the Psychomechanics of Language/Articles sur la psychomécanique du langage
Copyright
Copyright © Canadian Linguistic Association 1981

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References

Notes

1 Lire, à ce propos, l’Introduction au troisième volume du beau livre de Georges Dumézil intitulé Mythe et épopée. Paris: Gallimard, 1973.

2 Le lecteur curieux de connaître les résultats de ce colloque organisé par le Centre International de Synthèse, du 18 au 22 avril 1956, est invité à parcourir les actes qui en ont été publiés sous le titre de Notion de structure et structure de la connaissance. Paris: Editions Albin Michel, 1957.

3 Nous empruntons l’expression au livre remarquable que Jean Ullmo a consacré à La pensée scientifique moderne. (Paris: Flammarion, Bibliothèque de Philosophie Scientifique, 1958.)

4 Voir plus loin, pp. 22–3.

5 Ses premiers essais linguistiques, signés F.-G. Guillaume, sont trois opuscules ne totalisant guère plus de trois cents pages et parus à la Librairie Fischbacher, Paris, dans l’ordre suivant: 1911, Etudes de grammaire logique comparée (sous titre: les passés de l’indicatif français, allemands et russes); 1912, fascicule I de Etudes de grammaire française logique (consacré essentiellement à l’article); 1919, fascicule II du même ouvrage consacré, celui-là, aux temps verbaux. Particulièrement remarquable, par ce qu’ il annonce des dons d’analyste de son jeune auteur, est le troisième de ces opuscules.

Le dernier essai publié du vivant de l’auteur est l’article paru en 1958 dans Les études philosophiques (dir.: Gaston Berger). L’essai a été repris dans Langage et Science du langage (Paris: Librairie A.-G. Nizet et Québec: Presses de l’Université Laval, 1964). Ce recueil posthume comporte deux versions très différentes de la même étude.

6 Réédité en 1974 à la Librairie A.-G. Nizet, Paris, avec préface de R. Valin.

7 Quatre volumes en ont à ce jour été publiés sous le titre générique de Leçons de linguistique de Gustave Guillaume (Paris: Klincksieck et Québec: Presses de l’Université Laval). Le reste de son enseignement—une dizaine de milliers de feuillets dactylographiés aujourd’hui accessibles au public savant sur place ou par voie de photocopie—se trouve au Fonds Gustave Guillaume de l’Université Laval. Un index de ces inédits est en cours de préparation et des extraits en sont parus dans Principes de linguistique de G. Guillaume (mêmes éditeurs).

8 L’article est reproduit dans Langage et Science du langage (cf. supra, note 5).

9 Cf. Langage et Science du langage, pp. 241 sqq.

10 Ailleurs il en va presque régulièrement autrement, l’effection portant alors soit sur chaque élément formateur consciemment identifié dans le mot, soit sur des groupements d’éléments formateurs ne constituant pas le tout du mot.

11 G. Guillaume utilise couramment, dans ses toutes dernières formulations, le mot dire au sens de ‘discours.’ Ce qui a d’une part l’avantage de mieux marquer la relation du discours au dit terminal, mais aussi, d’autre part, de permettre de définir la langue comme un savoir-dire. A partir de quoi, le ‘dire’ étant facilement démontré être de la nature d’un ‘faire-voir,’ la langue prend alors la figure d’un ‘savoir-faire-voir’ et le ‘dit’ final celle d’un ‘vu’ en pensée, la fonction représentative de la langue devenant ainsi manifeste. Remontant ensuite du ‘savoir-dire’ de la langue à l’architecture mentale qui en définit le contenu idéel, il devient alors facile de démontrer que cette ‘architecture’ est, en réalité, de la nature d’un ‘voir’ puissanciel, lequel a à son tour sa racine puissancielle dans un ‘savoir-voir’ qui est ce que G. Guillaume appelait la ‘structure.’ On voit ainsi le langage impliquer de bout en bout, dans sa réalité vécue, une visibilité—ou mieux, peut-être, une visibilisation—mentale qui est, après tout, sa fonction symbolique essentielle, laquelle consiste à doter l’expérience commune permanente—et, à travers elle, l’expérience individuelle momentanée—d’un formalisme de représentation qui, pour être opérant, doit se doter d’un symbolisme de nature phonique (et, par dérivation, graphique) destiné à en rendre possible et commode la saisie mentale consciente: c’est le côté expression du langage. Il s’avère ainsi qu’au départ du phénomène, comme à son arrivée, on se trouve en présence d’un vu, mais d’un ‘vu’ dont la nature n’est pas la même selon que l’on considère l’extériorité d’avant du phénomène ou son extériorité d’après (cf. supra, fig. 6 et 7). Le ‘vu’ initial est celui lié à la vision plus ou moins confuse que nous avons avant représentation linguistique, en visée de discours, du vécu expérientiel. Le ‘vu’ terminal—alias le ‘dit’—est le ‘vu’ initial de nos facultés naturelles de perception, mais perçu désormais sous formalisation linguistique opérée. On espère avoir l’occasion, un jour pas trop lointain, de s’expliquer mieux et plus extensivement.

12 Au sens où Saussure disait de la langue qu’elle est une forme.