La linguistique arabe est sans aucun doute la première science conçue et cultivée en arabe pour répondre à certains besoins scientifiques et idéologiques de la nouvelle société islamique. Les premiers travaux en ce domaine datent du VIIIe siècle, et leurs auteurs, les premiers linguistes, sont précisément contemporains de l'arabisation des institutions, de l'administration, de la monnaie etc., sous le Khalife Omeyade ʿAbd al-Malik ibn Marwān. Ces premiers travaux étaient intimement liés à l'exégèse coranique, à l'orthoépie coranique, à la jurisprudence islamique, c'est-à-dire aux disciplines associées à l'organisation de la nouvelle société et à sa culture. C'est à cette époque qu'Abū al-Aswad al-Duʾalī (mort en 688–9) inventa des signes graphiques permettant de distinguer les différentes fonctions grammaticales des éléments linguistiques. C'est à la même époque que l'on a engagé la codification massive et systématique des données de l'arabe, comme en témoignent, à peine plus tard, les travaux d'ʿAbdallāh ibn Isḥāq (m. 735), d'Abū ʿAmr ibn al-ʿAlāʾ (m. 770) et de bien d'autres. Ils ont également initié l'étude de la grammaire au sens large, puisque celle du système phonétique y est incluse. Tous ces travaux ont tracé la voie de plusieurs disciplines: phonologie, phonétique, métrique, lexicographie, et favorisé la naissance des grandes théories du langage. Et, de fait, au cours de la seconde moitié du VIIIe siècle, al-Khalīl ibn Aḥmad (m. 786–7) a fondé plusieurs de ces disciplines. Sa connaissance des mathématiques et son recours aux procédés combinatoires l'ont aidé non seulement à inventer des disciplines telles que la métrique et la lexicographie, mais aussi à formuler les catégories grammaticales. Son élève, l'éminent linguiste Sībawayh, a ensuite codifié la plupart des analyses et des explications d'al-Khalīl, et les a enrichies en maintes occasions. Cette période héroïque de la linguistique arabe s'est prolongée grâce à de grands successeurs qui vont fonder des écoles linguistiques à Bassorah, Kufa, Bagdad, etc. D'autres écoles ont également vu le jour à Fuṣṭāṭ et ailleurs, et la recherche linguistique va ainsi se poursuivre jusqu'à la fin du XIe siècle, au moins.