La place accordée à l’image par les anthropologues soviétiques durant les années 1920-1930 éclaire la vigueur et la diversité des projets de légitimation en concurrence. Sur fond de « marxisation », l’aura de la mécanisation du regard, reflet du fantasme scientiste auquel est soumis la construction de la société soviétique, n’allait pas mettre pour autant un terme à la coexistence entre dessin et photographie. Le musée ethnographique, lieu central de la professionnalisation, a par ailleurs grandement contribué à imposer, outre certaines contraintes à l’instrumentalisation de l’image, les conditions de la continuité de l’esthétisation du regard sur l’autre. Par l’attribution d’une place respective et hiérarchisée, assurant une logique parfois contradictoire, à cette coexistence, les anthropologues soviétiques se sont efforcés de constituer le préalable à la promotion d’une « science ethnographique ».