Comme l'indiquent le titre et le sous-titre de l'ouvrage de William H. TeBrake, la monographie régionale, objet de cette étude, s'inscrit d'emblée dans un effort de compréhension globale et systématique. Un des premiers chapitres, prolongé par divers rappels dans le corps du livre, fonde en effet une problématique qui s'inspire expressément de quelques idées-forces. Frontière d'abord. Ce sont évidemment Turner et sa postérité qui sont à l'origine du concept, mais TeBrake, beaucoup plus explicitement, s'appuie sur un article du médiéviste Archibald R. Lewis qui s'attache à distinguer deux sortes de frontières : l'une, externe, périphérique par rapport au coeur de l'Europe (donc par rapport à un ensemble géographique comprenant la France, l'Italie centrale et septentrionale, le sud-est de l'Angleterre, les Pays-Bas, l'Allemagne), zones de contacts, de rencontres et d'affrontements, souvent militaires, mais non exclusivement, qui mettent aux prises cette Europe étroitement définie et divers mondes étrangers (musulman, Scandinave, ou slave…) ; l'autre, frontière interne, c'est-à-dire intérieure à l'espace précédent, marquée par l'extension des cultures aux dépens de l'Europe sauvage, grâce aux défrichements et à la colonisation agricole, et par la transformation des paysages. C'est à ce deuxième genre de frontière que se réfère TeBrake dans son ouvrage, et dans un sens strictement géographique (p. 2).