Les institutions religieuses n'ont pas assez attiré l'attention des historiens de l'économie rurale ou urbaine. Les logiciens, eux, se donnent carrière : religion et économie, disent-ils, se repoussent. Pour être ce qu'elle doit êtrer l'institution religieuse doit fuir les problèmes économiques, — s'écarter avec horreur de ce qui sent le gain : l'exploitation des terres, par exemple, et les rapports avec le monde.

Problème vieux comme la religion : on l'aborde toujours par le biais de la critique ou de l'apologétique. M. J. Blache, dans son gros ouvrage sur Les Massifs de la Grande-Chartreuse et du Vercors, l'a posé, et d'une façon fort absolue, dans une note relative au rôle des Chartreux et des Cisterciens dans le défrichement des massifs qu'il étudie.

Il est malaisé de juger le livre dense et vivant qu'Eugène Revert a consacré à la Martinique. Non que les mérites en soient discutables. Dès les premièrespages, ils s'imposent au lecteur : facilité d'écriture, sens de la vie, goût des problèmes les plus divers, don de la discussion, critique alerte, concision… Tout ce que l'on voudrait savoir sur la Martinique est ici l'objet de réponse» et de réponses presque toujours pertinentes, alors que les questions ne sont jamais simples, et que la littérature utilisable du sujet est plutôt une gêne qu'une aide réelle… l'auteur a dû constamment faire justice, au grand dam de ses prédécesseurs, d'explications hâtives, incomplètes ou peu raisonnables.

Différenciation des langues romanes : jusqu'au début du XXe siècle, les linguistes se sont trouvés désarmés en face de ce problème. Beaucoup auraient volontiers comparé (tel Gaston Paris traitant des patois français) l'ensemble de la Romania à une tapisserie aux teintes insensiblement dégradées, à la surface de laquelle on ne pouvait tracer que des limites arbitraires. Le découpage des parlers romans en langues apparaissait comme le résultat de l'élévation de certains d'entre eux au rang de langues politiques et littéraires sur des territoires que, seuls, des événements historiques contingents avaient délimités. Mais, dans leur variété infinie, les parlers romans reflétaient l'évolution locale et spontanée du latin parlé.

Les transferts d'habitudes d'une communauté à une autre se placent, comme les genres de vie eux-mêmes, sous le signe du milieu. Les sociétés dites « inférieures » ne sont pas toujours celles qui empruntent le plus, ni les moins sélectives dans leurs emprunts. Par contre, qui dira tout ce que l'homme hlanc aura pu leur prendre, consciemment ou non ! Le Brésil colonial des brousses de l'intérieur, du sertão, nous en offrent un assez bel exemple.

Dans le sertão, pays de la faim souvent, presque toujours de la vie précaire, le milieu avait imposé aux Indiens des solutions alimentaires, sinon bonnes, du moins possibles. Par ailleurs, on sait à quel pointles habitudes alimentaires sont ancrées solidement.

Vie pastorale dans les Alpes ? Cf. Val d'Anniviers... Il est rare que l'exemple ne soit pas cité, depuis l'article de Jean Brunhes en 1906. Exemple bien choisi d'ailleurs : au coeur du Valais, c'est sans doute le genre de vie alpin le plus parfaitement organisé, terriblement rude pour l'autochtone, captivant pour l'hôte de passage.

Cadre : une petite vallée suspendue à 1000 mètres au-dessus de la hautevallée du Rhône, séparée d'elle par un gradin difficilement franchissable. Un petit monde à part, groupant en six communes quelque 2000 personnes.

Si je signale la leçon d'ouverture, que prononça au Collège de France M. Roger Dion, en prenant possession le 4 décembre 1948 de la chaire de Géographie historique de la France, chaire nouvelle, ou mieux, renouvelée — c'est qu'après avoir défini cette géographie « à la fois comme une archéologie, une histoire de l'occupation du sol et une interprétation du paysage humanisé », le nouveau professeur a réagi nettement (p. 13) « contre ceux qui, oubliant leur dette envers Vidal de la Blache, voudraient que la géographie fût présentée aux étudiants de nos Universités comme naturellement indifférente au passé ». Il a fort bien parlé, dans sa leçon, d'une autre dette : celle des géographes envers Michelet.