Du fait de la place qui leur a été assignée dans l’idéologie coloniale, puis dans la lutte anticoloniale, les chrétiens du Proche-Orient, en tant qu’objet d’étude, sont longtemps restés à la marge de l’historiographie académique. La situation a néanmoins changé depuis une vingtaine d’années, et la prise en compte des minorités, chrétiennes et autres, s’avère à présent riche d’un point de vue épistémologique pour l’étude des sociétés du Proche-Orient et de la Méditerranée. Cet article retrace l’historiographie du sujet depuis les années 1960, pour montrer comment il a été progressivement investi par les historiens de la période moderne. L’histoire économique et sociale n’a pas voulu faire des minorités un objet d’études spécifique. À partir des années 1990, au contraire, dans une approche d’histoire des mentalités, l’étude des chrétiens est entrée dans le champ de recherche de la « religion populaire » et des « religions partagées », montrant ainsi les similitudes et les interactions entre chrétiens et musulmans. Les chrétiens, formant de petits groupes diasporiques, reliés par des individus mobiles constitués en réseaux, se prêtent désormais bien à des études microhistoriques, qui livrent d’utiles éléments de compréhension pour une histoire globale incluant la Méditerranée. Enfin, leur prise en compte en tant qu’acteurs permet une approche relationnelle de la construction des savoirs sur l’Orient, qui remet en cause une vision unidimensionnelle, axée sur les centres européens du savoir au service de l’impérialisme.