Quantité d'articles et d'études consacrés à l'Union Soviétique de la perestroïka ont déjà mis en lumière le rôle des œuvres de fiction : comment celles-ci se substituaient à l'Histoire, devenant «historio-graphie” au sens strict; comment l'historien saluait l'écrivain comme collègue et précurseur. En URSS, les problèmes historiques tabous, — les héritages de la pratique stalinienne : collectivisation, terreur, etc.. — étaient posés non par les historiens mais par des écrivains ou des cinéastes, de Trifonov à Grossman, de Tarkovski à Abuladze. Ce phénomène, cependant, en présupposait un autre — jouant sur l'ambiguïté originelle du terme connotant à la fois la science et son objet — sur lequel on s'est peu interrogé : pourquoi en Histoire, l'histoire soviétique ne peut-elle s'écrire? S'il était en effet encore possible en 1987/88 de considérer que seul le recul présidait à l'avènement d'une historiographie renouvelée, force est de constater en 1992 que l'obstacle essentiel ne résidait pas dans le temps nécessaire pour réappréhender le passé mais dans le temps Présent, dans l'actualité. Notre propos n'est donc pas ici d'analyser ces œuvres littéraires qui se sont substituées à l'Histoire comme discours historique, mais plutôt de déceler la nature des obstacles s'opposant à l'écriture de l'histoire dans cette dernière discipline.