Quand, comment et pourquoi l'esclavage a-t-il disparu dans le Sahel nigérien – si tant est qu'il ait complètement disparu ? Quels processus ont favorisé l’émancipation des personnes réduites en esclavage ? Quelles étaient les stratégies des administrateurs coloniaux, des propriétaires d'esclaves, des trafiquants, des esclaves eux-mêmes et de leurs descendants ? Au cours des deux premières décennies de l'occupation française du Sahel central, l'abolition légale n'a pas abouti à l’éradication de l'esclavage car les lois n’étaient pas appliquées. Mais, à partir des années 1920, l'internationalisation de l'abolition qui a suivi la création de la Société des Nations a entraîné la mise en œuvre des lois contre l'esclavage. Cet article entend montrer que l’émancipation a connu une impulsion initiale grâce à la mise en place de mécanismes internationaux de surveillance en mesure de (dé)légitimer le pouvoir colonial à un moment où personne ne cherchait activement à mettre fin à l'esclavage dans cette région. L'article met tout d'abord l'accent sur les ambiguïtés de l'abolitionnisme européen et sur les interconnexions entre la Société des Nations, l’État français et les administrateurs sur le terrain. Il propose ensuite une micro-analyse de la résistance à l'esclavage, en montrant comment des personnes asservies ou victimes de la traite des esclaves, en particulier des jeunes femmes, ont tiré profit des transformations institutionnelles à l’échelle mondiale pour poursuivre leurs propriétaires ou des trafiquants devant les tribunaux. Il examine enfin les souvenirs contemporains d'une femme âgée qui a connu, plus jeune, des situations analogues à celles décrites précédemment dans l'article. Sa perception, ainsi que celle d'autres personnes ayant eu des expériences similaires, s'inscrivent dans un contexte marqué par la tension entre des discours circonscrits en faveur de l'esclavage et la lutte pour l'abolition menée au niveau local.