Peu avant sa mort, survenue en 1910, Louis Bourgault-Ducoudray, professeur d'histoire de la musique au Conservatoire de Paris, reçut un jour la visite d'un invité peu commun. Celui-ci, raconte Bourgault-Ducoudray dans une lettre non datée, était membre de l'Action française, mouvement monarchiste pour lequel le professeur, quoique officiant dans une institution républicaine, éprouvait une sympathie voilée. Le but de cet émissaire singulier ? Consulter le musicien sur un projet de soirée associant littérature et musique, et ce au bénéfice de la ligue nationaliste Si le professeur multiplia d'abord les mises en garde, soulignant les risques de l'entreprise dans une saison déjà largement surchargée et où les nombreuses manifestations se faisaient concurrence, il en vint peu à peu à livrer le fond de sa pensée sur le projet et le principe même du concert mis au service de l'idéologie nationaliste:
Selon moi, l'Action francaise, comme la Patrie francaise, devrait chercher dans Fart et particulièrement dans l'art musical moins un moyen de recette qu'un moyen de propagande par le sentiment. Puisque l'idée de patrie est battue […] il importe de formuler avec toute la puissance qu'il comporte les augures du sentiment national. Je lisais dans le Gaulois, cette définition du nationalisme : le sentiment profond, les traditions, les rêves, les énergies de toute une race. Savez-vous l'unique moyen de formuler cela ? C'est la musique chorale […]. Organisez un culte musical de la patrie et de la tradition franchise et donnez une audition de musique patriotique au Trocadéro […]. Vous affirmerez avec une puissance de rayonnement incomparable l'idée que nous servons.