L’article propose une analyse du procès pénal qui s’est tenu entre 1975 et 1977 à Stuttgart-Stammheim en vue de juger les membres du noyau central de la première génération de la Rote Armee Fraktion (RAF). Événement judiciaire marquant pour la jeune République fédérale, le procès de Stammheim a fait l’objet d’un investissement massif de la part des accusés et de leurs avocats. Discernant dans le procès une occurrence de « justice politique », l’enjeu est de démontrer l’incapacité de l’État à se soumettre à ses propres exigences, et par-là même de dévoiler la nature « fasciste » d’un État dont le caractère démocratique serait de pure apparence. Cet objectif, ils entendent le réaliser en faisant un usage stratégique du droit. Et cet usage du droit contre le droit constitue, pour les représentants de l’État, un problème de taille : la volonté des accusés de les forcer à sortir du droit ne laisse d’autre choix que d’en rajouter dans l’usage du droit et de chercher à réduire la procédure judiciaire à une succession d’actes techniques, sans admettre aucune forme d’extériorité. Une telle configuration offre un remarquable point de vue sur les contraintes qui pèsent sur le travail juridique et le passage du droit et, plus généralement, sur l’État de droit saisi à travers les épreuves qu’il affronte et qui le forgent.