Hostname: page-component-78c5997874-ndw9j Total loading time: 0 Render date: 2024-11-05T16:12:52.447Z Has data issue: false hasContentIssue false

Une ville de Hongrie au milieu du XVIe siècle (analyse factorielle et modèle social)*

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Michel Demonet
Affiliation:
Centre de Recherches Historiques EHESS, Paris
György Granasztói
Affiliation:
Institut d'Histoire, Budapest

Extract

Située au nord-est du pays, non loin de la frontière polonaise, Kassa (aujourd'hui Kosice en Tchécoslovaquie) était l'une des grandes villes de la Hongrie du xvie siècle. Entre 1450 et 1600, la stabilité des cadres de la vie urbaine, celle de la population (3 000 habitants sur quarante-trois hectares) paraissent témoigner d'une sorte d'équilibre, remarquable dans un pays en plein bouleversement. Les marchands tiraient de bons profits du monopole qu'ils exerçaient sur le commerce avec Cracovie (où ils acquéraient des draps et exportaient, depuis la fin du xve siècle, du vin de Tokaj). Les artisans étaient relativement nombreux. Les activités urbaines, à Kassa comme dans toute la Hongrie, semblent avoir suscité la formation d'une couche de consommateurs qui encourageait à son tour l'artisanat et les échanges. Depuis le début du xve siècle, des institutions coutumières avaient fixé un ordre social urbain. Équilibre temporaire, bientôt remis en cause par le temps des troubles qui suit la défaite de Mohâcs ( 15 2 6) : le jeu social et les luttes de pouvoir qui deviennent alors visibles invitent à s'interroger sur les structures sociales plus profondes de la ville. Or des sources, exceptionnelles pour la Hongrie, permettent d'avancer quelques réponses.

Summary

Summary

This article applies Benzecri'sfactorial analysis to a set of sources (name lists)that allows certain economie and demographie phenomena to be precisely located house by house. Despite deep crises, the population ofKassafrom 1549 to 1557 was characterized by a balance between the elite and the middle classes. This equilibrium expressed itself through a bourgeois life-style as well as the hermetic character of urban life so symptomatic of Hungarian feudalism. Thefindings are distorted from the outset by the biases displayed by the authors of the local sources studied hère. But those very attitudes offer valuable insights into bourgeois ideolog

Type
Expériences en Cours
Copyright
Copyright © Copyright © École des hautes études en sciences sociales Paris 1982

Access options

Get access to the full version of this content by using one of the access options below. (Log in options will check for institutional or personal access. Content may require purchase if you do not have access.)

Footnotes

*

Cet article est le résultat d'un travail effectué en collaboration par le Centre de Recherches Historiques de Paris (E.H.E.S.S.) et par l'Institut d'Histoire de Budapest. Michel Demonet en a assuré la partie informatique, Gyorgy Granasztôi est responsable de l'interprétation historique.

References

Notes

2. Elles indiquent parfois aussi certains rapports hiérarchiques, puisque dans chaque maison, à côté du ménage propriétaire, elles recensent le plus souvent un ou plusieurs ménages locataires. Les sources en question se trouvent aux archives de la ville de Kassa(Archiv Mesta Kosic) : les Rec. 1549 et 1554 dans Taxa. Lad. L sans indice, la Taxe 1557 dans Taxa. Lad. 2. n° 27, l'Amb. 1557 dans Conscriptiones et sous les indices V.5., V.9., V.12. et V.I6. Toutes ces sources en microfilm sont classées au n° C 794 aux Archives Nationales Hongroises. Une bibliographie détaillée de l'histoire de Kassa a Été recueillie dans Kosâry, D., Bevezetés Magyarorszàg tôrténeténekforrâsaiba es irodalmâba (Introduction aux sources et à la littérature de l'histoire de Hongrie), vol. I, Budapest, 1970, pp. 479 484.Google Scholar Citons encore l'ouvrage plus récent de HalAga, O., Pràvny, ûzemny a populaccny vyvoj mesta Kosic (Développement juridique, géographique et démographique de Kassa), Kosice, 1967.Google Scholar

3. Benzecri, J.-P., L'analyse des données, vol. 2 : L'analyse des correspondances, Paris, 1973.Google Scholar La méthode a Été utilisée dans plusieurs recherches d'histoire : Ch. Klapisch et M. Demonet, « “ A uno pane e uno vino “ : la famille rurale toscane au début du xve siècle », Annales E.S.C., 1972, n° 4-5, pp. 873-901 ; M. Demonet, P. Dumont, E. LE ROY Ladurie, «Anthropologie de la jeunesse masculine en France au niveau d'une cartographie cantonale (1819-1830) », Annales ESC., 1976, n° 4, pp. 700-760, etc.

4. Pour la classification des professions, on a suivi celle utilisée à la fin du xixe siècle par des auteurs allemands d'histoire urbaine. Cf. les deux ouvrages classiques : Bûcher, K., Die Bevôlkerung von Frankfurt-am-Main im XIV. und XV. Jh., vol. I, Tubingen, 1886 Google Scholar, et EulEnburg, F., « Stadtische Berufs- und Gewerbestatistik im XVL Jh. », Zeitschr.f. d. Gesch. Oberrheins, N.f, vol. 11, 1896, pp. 81141.Google Scholar Ce schéma a Été systématiquement repris, récemment encore, par plusieurs chercheurs spécialisés dans l'histoire urbaine de la Hongrie préindustrielle.

5. Par « ménage », j'entends l'unité domestique enregistrée comme telle dans les recensements, malgré les remarques pertinentes de L. K. Berkner sur le caractère déformant de ce type de source historique (cf. « The Use and Misuse of Census Data for the Historical Analysis of Family Structure », The Journal of Interdisciplinary History, vol. 5, 1975, pp. 725-727. Dans nos recensements, le ménage est apparemment perçu en fonction de son rôle régulateur de la société ; c'est pourquoi je suis les suggestions générales de O. Brunner sur la « maison entière » (” Das “ ganze Haus “ und die alteuropâische “ Ôkônomik “ », Neue Wege der Sozialgeschichte, Gôttingen, 1956, pp. 33-61 ). Pour mémoire, je renvoie au recueil Household and Family in Past Time, Édité par P. Laslett et R. Wall, Cambridge, 1972, et au débat qui s'est développé autour de certaines idées de Laslett et qui dépasse largement les problèmes posés dans cet article. Je rappelle au passage que malgré ses variantes (grande taille et/ou somptueuses), la maison médiévale bourgeoise en Hongrie est d'origine villageoise. Le principe de la disposition de ses locaux (pièce, cuisine, dépendances) remonte au type très ancien de la longa domus (cf. S. Roux, La maison dans l'histoire, Paris, 1976, p. 122). Cette maison à un ou deux niveaux, en tant qu'unité architecturale, se divise facilement en parties autonomes, autrement dit en « maisons » ou ménages. Ainsi, le cas Échéant, deux ou trois unités cellulaires de la société urbaine pouvaient se trouver sous le même toit. Mais en réalité le taux de ces ménages secondaires ou tertiaires est plutôt faible : 18,1 % en 1549, et 18,6 % en 1554.

6. Ce problème de perspective est brillamment exposé dans Herijhy, D. et Ch. Klapisch-Zuber, , Les Toscans et leurs familles. Une Étude du catasto florentin de 1427, Paris, 1978, pp. 469470.Google Scholar

7. Mais au préalable il faut maintenir deux exigences vis-à-vis de nos données. Elles doivent être homogènes et exhaustives. L'homogénéité ne pose pas de problèmes : les grandeurs enregistrées dans nos tableaux de fréquences sont des nombres entiers, résultats de comptages. Quant à l'exhaustivité (les marges des tableaux représentent un inventaire complet d'un domaine réel dont le cadre n'est pas discutable), deux remarques sont nécessaires. 350 soldats environ et une dizaine de ducs ne sont enregistrés ni en 1549 ni en 1554-1557. Nous supposons en outre que les enfants au-dessous de trois ans n'étaient pas recensés (cf. mon article : « La famille bourgeoise en Hongrie à la fin du Moyen Age », à paraître en hongrois dans Tôrténelmi Szemle). L'autre remarque concerne les professions. Le sens d'une notion désignant une profession est souvent incertain. Le mot de « forgeron » peut désigner un Épingleur aussi bien qu'un cloutier. Mais « tisserand » ne désigne qu'un maître tisserand car les femmes qui travaillaient à la maison sont systématiquement omises. Les femmes boulangères fréquemment attestées, le sont Également ; les boulangers et leur corporation n'existent pas à notre Époque. Ainsi nos analyses tiennent compte seulement des métiers considérés comme tels par les contemporains ; ce qui répond plus ou moins au régime des corps de métier.

8. J'ai présenté ces données plus en détail dans deux articles publiés en hongrois : « A tôrténész es a mérés — egy modell korlâtai » (L'historien et la mesure — les limites d'un modèle), Tôrténelmi Szemle, 1978, pp. 315-328, et « Kassa târsadalma a korreszpondencia elemzés tùkrében (1549- 1557) »(La société de Kassa à travers l'analyse des correspondances [1549-1557]), Szâzadok, 1980.

9. Effectivement les statuts de plusieurs corps de métier limitaient le nombre des aides et des apprentis que chaque maître pouvait employer (cf. Wick, B., Kassa tôrténete es mùemlékei (Histoire et monuments de Kassa), Kassa, y, p. 278 Google Scholar).

10. Tels sont les critères formulés par le statut des tailleurs, renouvelé en 1629. Le texte est cité par B. Wick, op. cit., pp. 285-286.

11. Le règlement le plus caractéristique de ce point de vue nous parvient de Buda, où le corps des bouchers (1482) interdisait le remariage de ses membres devenus veufs, sans l'approbation des autres maîtres. Le mariage d'une fille de boucher est Également interdit sans une approbation similaire, et les filles ou veuves doivent Épouser un membre du corps ou un compagnon boucher, etc. Cf. Szucs, J., Vàrosok es kézmùvesség a XV. szâzadi Magyarorszâgon (Villes et artisanat en Hongrie au xve siècle), Budapest, 1955, p. 149.Google Scholar

12. Je présente plus longuement cet aspect de la vie de famille bourgeoise dans mon livre, La ville médiévale hongroise, op. cit., pp. 207-218.

13. Il serait pourtant abusif de se prononcer définitivement, Étant donné le caractère incomplet de nos recensements. Il arrive par exemple qu'on trouve des frérèches parmi les habitants riches, d'origine hongroise de la Grand-Place, mais leur union n'a souvent qu'un but commercial (association des capitaux) et leurs exploitations agricoles peuvent rester séparées. Néanmoins dans une ville qui est, d'une part, si complexe et exposée à tant de brusques mutations, et d'autre part, beaucoup moins développée, voire très modeste par rapport au cas exceptionnel de Florence Étudié par D. Herlihy et Ch. Klapisch, il doit être rare qu'un cycle familial long et plus compliqué puisse s'accomplir dans le sens décrit par ces deux auteurs (cf. Les Toscans…, op. cil., pp. 506-511, sur les feux patriciens) et par R. Wheaton (” Family and Kinship in Western Europe : The Problem of the Joint Family Household », Journal oflnterd. History, vol. 5, 1975, p. 607, fig. I ). Les restrictions et les interdictions mentionnées ci-dessus pourraient jouer elles aussi contre de pareils processus. Sur la conception de la famille souche, voir M. Verdon, « The Stem Family : Toward a General Theory », Journal oflnterd. History, vol. 10, 1979, pp. 90-91. Nous aboutissons donc à la conclusion banale que, dans le milieu urbain hongrois, le ménage à noyau conjugal simple peut être le résultat des courants socio-économiques fort différents, voire contradictoires : la structure familiale, telle qu'elle est révélée par nos recensements, peut cacher des variétés sociales hétéroclites. Voir dans ce sens H. Medick, « The Proto-Industrial Family Economy », Social History, 1976, p. 295.

14. La plus récente interprétation sur l'arrière-fond de ces Événements est proposée par Barta, G., « An d'illusions. Notes sur la double Élection de rois après la défaite de Mohâcs », Acta Historica ASH, vol. 24, 1978.Google Scholar

15. Ont Été retenues toutes les professions qui comptent au moins trois personnes en 1554. Les professions pratiquées par un ou deux individus sont couplées.

16. C'est une Époque où la thésaurisation en argenterie est déjà manifeste dans une couche bourgeoise plus aisée des villes et des bourgs qui tire profit de l'intérêt accru pour les viiie de la région de Tokaj.

1. Pour une histoire du Maryland, voir Aubrey Land, C., Colonial Maryland. A Hislory, Millwood, N. J., 1981 Google Scholar, qui comporte une excellente bibliographie. Parmi les ouvrages plus anciens mais toujours utiles, citons : Newton D. Mereness, Maryland as a Proprietary Province, New York, 1901 ; Charles Barker, A., The Background of the Révolution in Maryland, New York, 1940 Google Scholar; Crowi, Philip A.., Maryland During and After the Révolution : a Political and Economie Study, Baltimore. 1943.Google Scholar Une Étude pionnière sur les fonctions publiques dans la colonie est celle de Donnell Owings, His Lordship's Patronage : Offices of Profit in Colonial Maryland, Baltimore, 1953. Les Études sur les Élites des treize colonies anglaises en Amérique du Nord sont rares ; voir James Martin, Kirby, Men in Rébellion : Higher Government Leaders and the Corning of the American Révolution, New Brunswick, 1973.Google Scholar