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Le travail intellectuel: travail et philosophie, XVIIe-XIXe siècle

Published online by Cambridge University Press:  04 May 2017

Dinah Ribard*
Affiliation:
EHESS (Grihl-CRH)

Résumé

L’histoire du travail, y compris lorsqu’elle s’intéresse aux élaborations écrites des travailleurs sur leur expérience ou lorsqu’elle réfléchit à la production du concept de travail, et l’histoire des professions intellectuelles, des savoirs ou des disciplines, qui tend à être une histoire du travail intellectuel, ne se rencontrent guère. Le propos de cet article est de réduire cet écart entre deux usages historiens du même terme – travail – en faisant jouer ensemble des sources sur la mise en œuvre politique et réglementaire du travail intellectuel comme travail, sur la transformation de la pensée du travail vécu comme travail intellectuel, et sur la production de formes de travail intellectuel qui se donnent pour objet le travail des autres, voulu le plus simple possible. Des tailleurs qui produisent dans les années 1830 une « science des tailleurs » bien plus strictement professionnelle que celle que propose le plus ancien livre de patrons encore lu par eux (1670), l’association dans les années 1770 d’un marchand de vernis et d’un avocat auteur d’un projet de mont-de-piété dans un même travail intellectuel sur le travail des autres, des règlements royaux et des recueils commentés de documents issus des mondes artisans datant du XVIIIe siècle: ces sources, prises ensemble, montrent la socialisation des processus de structuration par le travail de la société française entre fin de l’Ancien Régime et début du XIXe siècle.

Abstract

Abstract

The fields of the history of labour (even when it takes into account testimonies written by workers about their experience or analyses the production of the concept of work), and of the social history of intellectual professions, of knowledge or of disciplines, are rather strictly separated. In order to inscribe the history of intellectual labor into labor history, this article studies together a wide array of sources on the regulation of intellectual labour as work, on the conceptualisation of work as intellectual labour, and on the production of intellectual work on the work of others: treatises tailors wrote about their own work as a science in the 1830s; theoretical writings on the labour of others co-authored in the 1770s by a varnish producer and a lawyer interested in pawnbroking; documents about artisan work collected by magistrates. Taken together, those sources show the socialization of the conceptualization of work in at the end of the Old Regime and the early 19th century.

Type
Travail et création
Copyright
Copyright © American Society of International Law 2010

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References

1 - Quelques exemples significatifs, les plus récents possibles: Backouche, Isabelle (dir.), « Expertise » et « Devenir expert», Genèses. Sciences sociales et histoire, 65, 2006 Google Scholar et 70, 2008; Barbin, Évelyne et Boistel, Guy (dir.), « Mesurer le ciel et la terre», Histoire et mesure XXI-2, 2006 Google Scholar; Boutier, Jean, Passeron, Jean-Claude et Revel, Jacques (dir.), Qu’est-ce qu’une discipline ?, Paris, Éd. de l’EHESS, 2006 Google Scholar; Cerutti, Simona et Pomata, Gianna (dir.), « Fatti: storie dell’evidenza empirica», Quaderni Storici, 108-3, 2001 Google Scholar; Coquery, Natacha, Menant, François et Weber, Florence (dir.), Écrire, compter, mesurer. Vers une histoire des rationalités pratiques, Paris, Éd. Rue d’Ulm, 2006 Google Scholar; Leuwers, Hervé, L’invention du barreau français 1660-1830. La construction nationale d’un groupe professionnel, Paris, Éd. de l’EHESS, 2006 Google Scholar; Marmursztejn, Elsa, L’autorité des maîtres. Scolastique, normes et société au XIIIe siècle, Paris, Les Belles Lettres, 2007 Google Scholar; Menger, Pierre-Michel (dir.), Les professions et leurs sociologies. Modèles théoriques, catégorisations, évolutions, Paris, Éd. de la MSH, 2003 CrossRefGoogle Scholar; Pomata, Gianna, Contracting a cure: Patients, healers and the law in early modern Bologna, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 1998 Google Scholar; Poovey, Mary, A history of the modern fact: Problems of knowledge in the sciences of wealth and society, Chicago, The University of Chicago Press, 1998 CrossRefGoogle Scholar; Prochasson, Christophe et Rasmussen, Anne (dir.), « Comment on se dispute. Les formes de la controverse», Mil neuf cent, 25, 2007 Google Scholar; Ribard, Dinah et Schapira, Nicolas (dir.), « L’histoire par le livre (XVIe-XXe siècle)», Revue de synthèse, 128-1/2, 2007 Google Scholar; Sapiro, Gisèle (dir.), « L’organisation des professions intellectuelles», Le Mouvement social, 214-1, 2006 Google Scholar; Schwartz, Yves, Le paradigme ergo-logique ou un métier de philosophe, Toulouse, Octarès éd., 2000 Google Scholar; Thomas, Yan (dir.), « Histoire et droit», Annales HSS, 57-6, 2002 Google Scholar; Van Damme, Stéphane, Paris, capitale philosophique de la Fronde à la Révolution, Paris, Odile Jacob, 2005 Google Scholar.

2 - Pour une bibliographie et des réflexions sur les tendances actuelles de l’histoire du travail, voir Lemercier, Claire (dir.), « Mesurer le travail», Histoire et mesure, XX-3/4, 2005 Google Scholar et « Travail et société, XVIe-XIXe siècles. Angleterre – France – Belgique», Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine, 54-1, 2007. Pour d’autres propositions interdisciplinaires, voir Arborio, Anne-Marie et al., Observer le travail. Histoire, ethnographie, approches combinées, Paris, La Découverte, 2008 Google Scholar.

3 - Deux exemples différents de cette démarche: le travail de Vatin, François, dont les formulations les plus récentes se trouvent dans Le travail et ses valeurs, Paris, Albin Michel, 2008 Google Scholar, voir également Id., Le travail. Économie et physique, 1780-1830, Paris, PUF, 1993; Ehmer, Josef et Lis, Catharina (dir.), The idea of work in Europe from Antiquity to modern times, Farnham/Burlington, Ashgate Pub., 2009 Google Scholar.

4 - Le dernier livre de Menger, Pierre-Michel, Le travail créateur. S’accomplir dans l’incertain, Paris, Gallimard/Le Seuil, 2009 Google Scholar, vise bien la compréhension de la création comme travail, création et travail étant saisis dans leur réalité contemporaine et non historique. Une autre spécificité de la démarche présentée ici est peut-être à trouver dans le fait que la pensée du travail créateur n’est pas elle-même de l’ordre du travail créateur, alors que la pensée du travail intellectuel – y compris d’ailleurs la pensée du travail intellectuel dans le travail créateur, la pensée de la dimension intellectuelle d’un travail qui peut être qualifié (ou non) de travail intellectuel – est un travail intellectuel.

5 - Voir dernièrement Stanziani, Alessandro (dir.), Dictionnaire historique de l’économie-droit XVIIIe-XXe siècles, Paris, LGDJ, 2007 Google Scholar et les bibliographies correspondant aux différents articles; précédemment, Hirsch, Jean-Pierre, Les deux rêves du commerce. Entreprises et institution dans la région lilloise, 1780-1860, Paris, Éd. de l’EHESS, 1991 Google Scholar; dans la lignée de Perrot, Jean-Claude, Une histoire intellectuelle de l’économie politique (XVIIe-XVIIIe siècles), Paris, Éd. de l’EHESS, 1992 Google Scholar, Grenier, Jean-Yves, L’économie d’Ancien Régime. Un monde de l’échange et de l’incertitude, Paris, Albin Michel, 1996 Google Scholar; Margairaz, Dominique et Minard, Philippe (dir.), « Le marché dans son histoire», Revue de Synthèse, 127-2, 2006 CrossRefGoogle Scholar; voir également les remarques de Morgane Labbé sur le livre de Garner, Guillaume, État, économie, territoire en Allemagne. L’espace dans le caméralisme et l’économie politique, 1740-1820, Paris, Éd. de l’EHESS, 2006 Google Scholar, dans Histoire et mesure, XXII-1, 2007, p. 183-187.

6 - Hilaire-Perez, Liliane et Garçon, Anne-Françoise (dir.), Les chemins de la nouveauté. Innover, inventer au regard de l’histoire, Paris, CTHS, 2003 Google Scholar et la bibliographie correspondante; également, Hilaire-Pérez, Liliane, L’invention technique au siècle des Lumières, Paris, Albin Michel, 2000 Google Scholar, et Id., « Les examens d’inventions au XVIIIe siècle», in C. Demeulenaere-Douyere et É. Brian (dir.), Règlements, usages et science dans la France de l’absolutisme, Paris, Tec & Doc/Lavoisier, 2002, p. 309-321; Sibum, H. Otto, «Les gestes de la mesure: Joule, les pratiques de la brasserie et la science», Annales HSS, 53-4/5, 1998, p. 754-774 CrossRefGoogle Scholar; sur le travail de Gaspard Monge puis de ses élèves, à l’école de Mézières puis entre autres à l’École Normale, pour « appliquer les mathématiques aux arts » et en particulier enseigner la géométrie descriptive aux ouvriers, voir les annexes à l’édition des cours de Monge: Dhombres, Jean (dir.), Leçons de mathématique. Édition annotée des cours de Laplace, Lagrange et Monge, Paris, Dunod, 1992 Google Scholar; voir aussi les travaux animés par Pascal Dubourg-Glatigny et Hélène Vérin autour de la « réduction en art» à l’époque moderne: Verin, Hélène, «Généalogie de la ‘réduction en art’. Aux sources de la rationalité moderne», in Gaudin, T. et Hatchuel, A. (dir.), Les nouvelles raisons du savoir, vers une prospective de la connaissance, La Tour-d’Aigues, Éd. de l’Aube, 2002, p. 29-41 Google Scholar.

7 - Arrêt du Conseil d’État du Roi portant règlement pour la Bibliothèque du Collège royal de La Flèche, du 25 mars 1775, extrait des Registres du Conseil d’État, Paris, Imprimerie Royale, 1775, p. 1-2.

8 - Roche, Daniel, «L’intellectuel au travail», Les Républicains des lettres. Gens de culture et Lumières au XVIIIe siècle, Paris, Fayard, 1988, p. 225-241 Google Scholar.

9 - Decultot, Élisabeth (éd.), Lire, copier, écrire. Les bibliothèques manuscrites et leurs usages au XVIIIe siècle, Paris, CNRS Éd., 2003 Google Scholar; Nogues, Boris, Une archéologie du corps enseignant. Les professeurs des collèges parisiens aux XVIIe et XVIIIe siècles (1598-1793), Paris, Belin, 2006 Google Scholar.

10 - Lettre citée dans le Troisième rapport du Comité de Mendicité de l’Assemblée Consti tuante, Paris, Imprimerie Nationale, 1791, p. 10, reprise dans la thèse de Bloch, Camille, L’assistance et l’État à la veille de la Révolution. Généralités de Paris, Rouen, Alençon, Orléans, Châlons, Soissons, Amiens, 1764-1790, Paris, Picard, 1908, p. 289 Google Scholar et par Imbert, Jean, Le droit hospitalier de l’Ancien Régime, Paris, PUF, 1993, p. 66-67 Google Scholar. La phrase continue par « et fait quelquefois consommer le bien des pauvres en frais de justice »: l’édit de 1749 (voir Recueil général des anciennes lois françaises, depuis l’an 420 jusqu’à la Révolution de 1789 par MM. Isambert, Decrusy, Taillandier, Paris, Belin/Leprieur, 1830, t. XXII, p. 226- 235) porte sur les biens possédés (en trop grand nombre par rapport aux nécessités du commerce et de la subsistance des familles, selon le législateur) et maniés par les gens de mainmorte, et par là seulement sur les activités de ces derniers. Il n’est pas ici question de régler des conflits internes à l’administration des hôpitaux.

11 - Voir Desmarez, Pierre et Freyssenet, Michel (dir.), « Les énigmes du travail», Sociologie du travail, XXXVI, 1994 Google Scholar, notamment Marie-Noëlle Chamoux, « Sociétés avec et sans concept de travail », p. 57-71; également Cartier, Michel (éd.), Le travail et ses représentations, Montreux, Éd. des Archives contemporaines, 1984 Google Scholar.

12 - « Travail et société, XVIe-XIXe siècles... », op. cit., p. 7-68. Cette notice est due à Philippe Minard, qui a coordonné le numéro. Voir aussi Jones, Gareth Stedman, «De l’histoire sociale au tournant linguistique et au-delà. Où va l’historiographie britannique ?», Revue d’histoire du XIXe siècle, 33-2, 2006, p. 143-168 Google Scholar. Sur le discernement, à destination du public français, des bons et mauvais usages historiographiques des principes du linguistic turn, voir Cerutti, Simona, «Le linguistic turn en Angleterre. Note sur un débat et ses censures», Enquête, anthropologie, histoire, sociologie, 5, 1997, p. 125-140 Google Scholar, et Id. « Le linguistic turn: un renoncement», in J. Boutier et D. Julia (dir.), Passés recomposés. Champs et chantiers de l’histoire, Paris, Autrement, 1995, p. 230-231. Voir également Eley, Geoff, «De l’histoire sociale au tournant linguistique dans l’historiographie anglo-américaine des années 1980», Genèses, 7, 1992, p. 163-193 CrossRefGoogle Scholar et, hors de l’histoire du travail, Guilhaumou, Jacques, «De l’histoire des concepts à l’histoire linguistique des usages conceptuels», Genèses, 38, 2000, p. 105-118 CrossRefGoogle Scholar.

13 - Sur cette notion, voir Kim, Jaegwon, Trois essais sur l’émergence, trad. par Mulcey, M., Paris, Ithaque, 2006 Google Scholar.

14 - Boutet, Josiane a récemment publié un ouvrage de synthèse sur cette question: La vie verbale au travail. Des manufactures aux centres d’appel, Toulouse, Octarès éd., 2008 Google Scholar. Voir également deux collectifs: Kergoat, Jacques et al., Le monde du travail, Paris, La Découverte, 1998 Google Scholar, et Boutet, Josiane (dir.), Paroles au travail, Paris, L’Harmattan, 1995 Google Scholar. Voir aussi Borzeix, Anni et Fraenkel, Béatrice (dir.), Langage et travail. Communication, cognition, action, Paris, CNRS, 2001 Google Scholar, et Gardin, Bernard, Paroles d’ouvrières et d’ouvriers, éd. par Gardin, N. et Boutet, J., Limoges, Lambert-Lucas, 2005 Google Scholar et Id., Langage et luttes sociales, éd. par N. Gardin et F. François, Limoges, Lambert-Lucas, 2005.

15 - Boutet, Josiane, «La qualification professionnelle entre langue et discours», Langages, 93, 1989, p. 9-22 Google Scholar.

16 - Menger, Pierre-Michel, «Compétences et qualifications», in Foray, D. et Mairesse, J. (dir.), Innovations et performances. Approches interdisciplinaires, Paris, Éd. de l’EHESS, 1999, p. 305-323 Google Scholar.

17 - L’écart avec l’analyse « non référentielle » de G. S. Jones ne provient donc pas fondamentalement du support, même si les énoncés venus du passé posent des problèmes spécifiques.

18 - Bien qu’il fasse d’abord allusion, dans la postface ajoutée à « Repenser le char-tisme », à l’opposition entre langue et parole, G. S. Jones en arrive du reste à une comparaison entre les principes du « spécialiste d’analyse littéraire », décrit à la mode anglo-américaine comme un dérridéen, et ceux de l’historien face aux documents écrits: G. S. Jones, « De l’histoire sociale au tournant linguistique et au-delà... », art. cit., respectivement p. 65 et p. 67-68. Il en arrive ainsi, après avoir critiqué la pratique de la déconstruction, à une formulation fort modérée: « pour l’historien, le texte est redevable d’un travail d’interprétation à la fois comme objet littéraire et comme document historique ». Il semble en réalité difficile, du point de vue linguistique, de traiter un « langage politique » comme un équivalent de la langue: un tel langage n’est rien d’autre que la mise en œuvre de la langue dans des énoncés ou des discours qui, précisément, font référence à l’une des dimensions du réel, la politique; et la linguistique du discours ne peut pas se passer de la notion, référentielle, de situation d’énonciation.

19 - S. Cerutti, « Le linguistic turn en Angleterre... », art. cit.

20 - La Bibliothèque nationale de France et la Bibliothèque des Arts décoratifs détiennent chacune deux exemplaires de l’ouvrage, qui existe en deux versions, in quarto et in douze. Les deux exemplaires de la première comportent une épître dédica-toire à Colbert et un portrait gravé du ministre et portent un titre très long: Le Tailleur Sincère, contenant les moyens pour bien pratiquer toutes sortes de pièces d’ouvrages pour les habits d’hommes, & la quantité des étoffes qu’il y doit entrer en chaque espèce; Savoir depuis l’âge de quinze ans jusqu’à la plus grande hauteur & grosseur que les hommes puissent avoir, & en toutes sortes d’étoffes, non seulement pour les habits du commun; Mais aussi pour ceux du S. Père le Pape, & des Cardinaux, Evêques, & pour toutes sortes d’Ecclésiastiques: Comme aussi pour les Cérémonies des Rois, Princes, Seigneurs & Officiers, tant des Parlements, que Magistrats des Villes: Les robes & habits du Grand Turc, des Hongrois, Espagnols &Italiens: Avec un recueil de toutes les principales pièces qui ne sont pas bien communes, & l’instruction de ce qu’il faut observer pour les bien couper &assembler &les rendre dans leurs perfections, le tout avec une intelligence très facile à comprendre, enrichis de plusieurs Planches gravées, dans lesquelles sont empreintes les aunages &mesurages de chaque étoffe, composés par B. Boullay, Paris, Antoine de Rafflé, Jean de la Tourette et chez l’Auteur, 1671. Les exemplaires de la seconde version, différents l’un de l’autre dans le nombre et le classement des planches (donc correspondant probablement à des usages individuels différents), ne comportent ni l’épître ni le portrait de Colbert, non plus que la belle reliure des autres, et s’intitulent plus simplement Le Tailleur sincère, contenant ce qu’il faut observer pour bien tracer, couper & assembler toutes les principales pièces qui se font dans la profession de Tailleur, par le Sieur B. Boullay, Paris, Antoine de Rafflé, 1671.

21 - Art du Tailleur, contenant le Tailleur d’Habits d’Hommes; les Culottes de Peau; le Tailleur de Corps de Femmes & Enfants: la Couturière; & la Marchande de Modes, par M. de Garsault, Paris, Delatour, 1769. Garsault se montre assez méprisant envers l’archaïsme du livre de Boullay, mais il ne peut donner le titre d’aucun autre équivalent.

22 - Le Tailleur sincère..., op. cit., n. p. (la deuxième citation provient d’une deuxième adresse, « Au lecteur »).

23 - Sur la philosophie mise en livres de l’époque moderne, dont Le Tailleur sincère participe aussi bien, quoiqu’à une autre échelle, que le Discours de la méthode, je me permets de renvoyer à Ribard, Dinah, Raconter, vivre, penser. Histoires de philosophes, 1650-1766, Paris, J. Vrin/Éd. de l’EHESS, 2003 Google Scholar.

24 - Le terme de science est très couramment employé, au moins autant que celui d’art, dans les écrits issus des mondes des gens de métier. On se rappelle par ailleurs que celui de tailleur, à l’apprentissage court, était peu élevé dans la hiérarchie des métiers: voir Rancère, Jacques, « The myth of the artisan: Critical reflections on a category of social history», in Kaplan, S. L. et Koepp, C. J. (dir.), Work in France: Representations, meaning, organization, and practice, Ithaca, Cornell University Press, 1986, p. 317-334 Google Scholar. La production de traités et manuels qui mettent en forme et rendent accessibles à des lecteurs les techniques, et parfois les secrets, propres à telle ou telle activité commence à devenir abondante à la fin du XVIIe siècle. Pour se faire une idée de son ampleur, on peut rapprocher les travaux d’historiens qui se sont intéressés aux manuels consacrés aux techniques particulières à seulement trois types de professions, assez éloignées les unes des autres, les métiers de la construction, la comptabilité et la serrurerie: Deforge, Yves, Le graphisme technique, son histoire et son enseignement, Seyssel, Champ Vallon, 1981, p. 48-55 Google Scholar; Lemarchand, Yannick, «‘À la conquête de la science des comptes’, variation autour de quelques manuels français de tenue des livres», in Hoock, J., Jeannin, P. et Kaiser, W. (dir.), Ars Mercatoria. Handbücher und Traktate für der Gebrauch des Kaufmanns, Paderborn, F. Schöningh, 2001 Google Scholar, t. III, p. 91-129, ainsi que Jeannin, Pierre, «Les manuels de comptabilité » et « Les manuels de pratique commerciale imprimés pour les marchands français (XVIe-XVIIIe siècle)», Marchands d’Europe. Pratiques et savoirs à l’époque moderne, éd. par Bottin, J. et Pelus-Kaplan, M.-L., Paris, Éd. de l’ENS, 2002, respectivement p. 341-351 Google Scholar et p. 377-395; Pascal Brioist et Séverine Lacombe, « Savoir-faire et innovations chez les serruriers d’Ancien Régime», in L. Hilaire-Perez et A.-F. Garçon (dir.), Les chemins de la nouveauté..., op. cit., p. 153-165. Je remercie Alain Bernard pour ses remarques sur le travail géométrique de Boullay.

25 - Sur le statut des tailleurs parisiens, voir Roche, Daniel, La culture des apparences. Une histoire du vêtement, XVIIe-XVIIIe siècle, Paris, Fayard, [1989] 1991, p. 282-286 Google Scholar. Sur les rapports entre le travail libre des faubourgs et autres lieux privilégiés de Paris et le travail juré des corps de métier présents dans la capitale, voir Thillay, Alain, Le faubourg Saint-Antoine et ses « faux ouvriers ». La liberté du travail à Paris aux XVIIe et XVIIIe siècles, Seyssel, Champ Vallon, 2002 Google Scholar. Sur d’autres tailleurs, voir Cerutti, Simona, «Du corps au métier: la corporation des tailleurs à Turin entre le XVIIe et le XVIIIe siècle», Annales ESC, 43-2, 1988, p. 323-352 Google Scholar.

26 - Sur ces questions, voir les articles « Expertise » et « Institutions » du Dictionnaire historique de l’économie-droit..., op. cit., et J.-Y. Grenier, L’économie d’Ancien Régime, op. cit. (sur la nomenclature des produits et son rôle dans l’échange marchand).

27 - Le Tailleur sincère..., op. cit., n. p. L’épître dédicatoire à Colbert va bien entendu dans le même sens:«Les soins que vous voulez bien prendre pour toutes les Manufactures de ce Royaume et particulièrement pour celles des Etoffes », dit le tailleur au ministre, « m’ont fait prendre la hardiesse de vous offrir ce petit Recueil. Si vous daignez jeter les yeux dessus vous verrez que j’y ai représenté non seulement tous les habits que l’on fait ordinairement pour le commun des hommes, mais aussi ceux dont se servent nos Rois, nos Princes et Officiers aux jours des Cérémonies: j’ai cru aussi qu’il était nécessaire, et que ce serait rendre service au Public que de marquer exactement la quantité d’Etoffe, et de quelle manière il la fallait employer en chaque habit, et c’est ce que j’ai fait le plus exactement qu’il m’a été possible [...]. »

28 - Ce commentaire s’appuie sur Schapira, Nicolas, Un professionnel des lettres au XVIIe siècle. Valentin Conrart: une histoire sociale, Seyssel, Champ Vallon, 2003, p. 98-151 Google Scholar, qui montre aussi que les privilèges étaient lus.

29 - Sur la mise en scène de l’ordre social, voir Cosandey, Fanny (dir.), Dire et vivre l’ordre social en France sous l’Ancien Régime, Paris, Éd. de l’EHESS, 2005 Google Scholar. Quelques planches supplémentaires représentent des habits, celui du pape et celui du Grand Turc, qu’un tailleur parisien pouvait difficilement imaginer réaliser dans sa carrière. Ceux-ci sont sans doute là pour montrer l’universalité de la science d’un excellent tailleur.

30 - Voir D. Roche, La culture des apparences..., op. cit.

31 - Il n’est donc pas sûr que les autobiographies d’artisans étudiées par James Amelang ne parlent pas, comme il s’en étonne, du travail de leurs auteurs: Amelang, James S., The flight of Icarus: Artisan autobiography in early modern Europe, Stanford, Stanford University Press, 1998 Google Scholar.

32 - J’ai étudié cette production dans un article à paraître, « Le savoir géométrique des tailleurs d’habits de la monarchie de Juillet», in J.-L. Chappey, F. Locher et E. Picard (dir.), Actes de la Journée d’étude « L’État et les savoirs: institutionnalisations, résistances, alternatives, 1808-milieu 19e siècle », 12 octobre 2007.

33 - Par François Pellissery, Tailleur-Mécanicien, Professeur de Coupe breveté et Propriétaire-Éditeur du Journal de Mode Le Soleil, Paris, Imprimerie Boisseau et Compagnie, 1854.

34 - C’est par exemple la trajectoire de Guillaume Compaing, devenu directeur du Journal des Tailleurs, repris par son fils Charles à sa mort.

35 - Pour une description des très dures grèves des ouvriers tailleurs pendant cette période, voir Aguet, Jean-Pierre, Contribution à l’étude du mouvement ouvrier français. Les grèves sous la monarchie de Juillet (1830-1847), Genève, Droz, 1954 Google Scholar, notamment les p. 75-90 sur la grève de 1833, étendue de Paris à plusieurs villes de province. Sur les prud-hommes, voir Cottereau, Alain, «Justice et injustice ordinaire sur les lieux de travail d’après les audiences prudhommales (1806-1866)», Le Mouvement social, 141, 1987, p. 25-61 CrossRefGoogle Scholar.

36 - Voir Perrot, Philippe, Les dessus et les dessous de la bourgeoisie. Une histoire du vêtement au XIXe siècle, Paris, Fayard, 1981 Google Scholar, largement fondé sur Vanier, Henriette, avec la collaboration de Guy Palmade, P., La mode et ses métiers. Frivolités et luttes des classes, 1830-1870, Paris, Armand Colin, 1960 Google Scholar; sur la mode écrite, Greimas, Algirdas Julien, La mode en 1830. Langage et société. Écrits de jeunesse. Quelques reflets de la vie sociale en 1830. Actualité du saussurisme, éd. par Broden, T. F. et Ravaux-Kirkpatrick, F., Paris, PUF, 2000 Google Scholar.

37 - Faure, Alain et Rancière, Jacques, La parole ouvrière, 1830-1851, Paris, UGE, 1976 Google Scholar; Rancière, Jacques, La nuit des prolétaires. Archives du rêve ouvrier, Paris, Fayard, 1981 Google Scholar. Voir aussi la note critique de Bourdeau, Vincent, Jarrige, François et Vincent, Julien, «Le passé d’une désillusion: les luddites et la critique de la machine», Actuel Marx, 39, 2006, p. 145-165 CrossRefGoogle Scholar, ainsi que François Jarrige, « Le mauvais genre de la machine. Les ouvriers du livre et la composition mécanique», in « Travail et société, XVIe-XIXe siècles... », op. cit., p. 193-221.

38 - P.-M. Menger, « Compétences et qualifications », art. cit.; Piotet, Françoise (dir.), La révolution des métiers, Paris, PUF, 2002 CrossRefGoogle Scholar.

39 - L’usage de cette notion a une histoire, commentée par Michel de Certeau: voir Büttgen, Philippe et Jouhaud, Christian (dir.), Lire Michel de Certeau - La formalité des pratiques /Michel de Certeau lesen - Die Förmlichkeit der Praktiken, Francfort, Vittorio Klostermann, 2008 Google Scholar.

40 - La huitième édition paraît sous le titre d‘Art du Peintre, Doreur, et Vernisseur, Ouvrage utile aux Propriétaires ou Locataires qui veulent décorer eux-mêmes leur séjour, ainsi qu’à ceux qui se destinent à la profession de Peintre, Doreur et Vernisseur, par M. Watin, entièrement refondue et augmentée de l’Art des Fabricants de Couleurs, d’après les procédés les plus récents, et de plusieurs Traités sommaires sur les principes de la combinaison des Couleurs, et sur l’Art de peindre le Tableau, par M. Ch. Bougeois, Peintre et Directeur de la fabrique de Couleurs de J. Colcomb, Paris, Belin-Leprieur, 1819. Le point intéressant est ici le maintien du nom d’auteur pour un ouvrage effectivement très refondu. Les éditions suivantes, incorporées à partir de la onzième dans l’encyclopédie Roret – la quatorzième paraît en 1906 – sont fidèles à cet usage.

41 - L’Année littéraire, t. 4, lettre 7, 1772.

42 - Académie des sciences, pochette, 23 août 1777.

43 - Voir Farge, Arlette, «Les artisans malades de leur travail», Annales ESC, 32-5, 1977, p. 993-1007 Google Scholar; sur la médecine charitable et son travail sur les professions, je me permets également de renvoyer à Ribard, Dinah, «Pathologies intellectuelles et littérarisation de la médecine. Une voie pour l’histoire du travail intellectuel», in Carlino, A. et Wenger, A. (dir.), Littérature et médecine. Approches et perspectives (XVIe-XIXe siècles), Genève, Droz, 2007, p. 113-134 Google Scholar.

44 - Archives nationales, Y 9328: tous deux sont bien marchands épiciers; Mauclerc est reçu en 1757 et Watin en 1758.

45 - Pour une analyse dans ce sens et un tableau des publications liées à cette polémique, voir Lowengard, Sarah, The creation of color in eighteenth-century Europe, Columbia University Press, 2006: http://www.gutenberg-e.org/lowengard Google Scholar. Sur l’académie de Saint-Luc, voir Schnapper, Antoine, Le métier de peintre au Grand Siècle, Paris, Gallimard, 2004 Google Scholar.

46 - L’Art du Peintre, Doreur, Vernisseur [...], par le sieur Watin, Peintre, Doreur, Vernisseur, & Marchand de Couleurs, Dorures & Vernis, Paris, chez l’Auteur, rue Sainte-Apolline, n° 33, [1772] 1785, p. XV.

47 - Moyens d’extirper l’usure, ou Projet d’établissement d’une Caisse de prêt public sur tous les biens de l’homme; Contenant les Lettres Patentes de création du Mont-de-Piété de Paris en 1777, dédié à Henri IV, par M. Prévost de Saint-Lucien, Avocat au Parlement, Paris, Lesclapart, 1778. Sur le mont-de-piété parisien, Cheryl L. DANIERI, Credit where credit is due: The Mont-de-Piété of Paris, 1777-1851, New York/Londres, Garland Publishing, 1991; voir aussi Marec, Yannick, Le « Clou » rouennais des origines à nos jours (1778-1982). Du Mont-de-piété au Crédit municipal. Contribution à l’histoire de la pauvreté en province, Rouen, Éd. du P’tit Normand, 1983, p. 20-301 Google Scholar.

48 - L’avertissement de la huitième édition (voir note 40) appuie cette attribution qui contredit son titre sur la parole de Prévost: le fait n’est notable que parce qu’il signale à nouveau une relation de connaissance entre l’ancien avocat et un auteur peintre et directeur de fabrique, ou plus vraisemblablement, compte tenu du fait que Prévost a vécu de travaux de librairie pendant et après la Révolution, entre l’ancien avocat et l’éditeur du livre.

49 - Le Provincial à Paris, ou l’État actuel de Paris; Ouvrage indispensable à tous ceux qui veulent connaître & parcourir Paris, sans faire aucune question, en quatre volumes in-24, et cinq Cartes nouvelles [...], Paris, chez le sieur Watin, fils, Éditeur, rue Sainte-Apolline, n° 33, 1787. Les informations sur Watin père se trouvent p. XIII. Prévost de Saint-Lucien figure dans la liste des membres de la Société des amis de la Constitution au n° 34 de la rue Saint-Apolline, adresse de ses multiples ouvrages, et notamment, en 1804, du Provincial à Paris, dont il se déclare alors l’auteur: voir l’Histoire parlementaire de la Révolution française, ou Journal des assemblées nationales depuis 1789 jusqu’en 1815 contenant la narration des événements... précédée d’une introduction sur l’histoire de France jusqu’à la convocation des États-Généraux, par P.-J.-B. Buchez et P.-C. Roux, Paris, Paulin, 1834, t. XIV, p. 463.

50 - Le premier s’intitule État et détail des principales Marchandises & autres objets relatives aux trois Arts traités dans l’Ouvrage du sieur Watin, qui se fabriquent dans sa nouvelle Manufacture, sur le Boulevard; ou se trouvent par assortiment considérable dans son Magasin à Paris, Carré de la Porte Saint-Martin, à la Renommée (« (Cet État se distribue gratis ) », est-il précisé), et contient une Approbation de Crébillon en date du 28 mars 1774; le permis d’imprimer est du 29 mars 1774; le deuxième, daté de 1775, Troisième Édition de L’Art du Peintre, Doreur, Vernisseur [... prix 4 livres 26 sols broché. . . chez l’auteur Carré de la Porte St-Martin; au 1er octobre 1777, rue Ste-Apolline, ou sur le bd Saint-Martin. . .] ADDITIONS insérées dans la Troisième Édition [. . .], 40 pages in-8° données par supplément à ceux qui ont la seconde Édition de 1773, prix 10 sols Chez le même [. . .] Supplément à l’Ouvrage contenant Réponse aux diverses Critiques, in-8° prix 12 sols; le troisième, imprimé en 1777, Extrait de la troisième Édition de l’ Art du Peintre [...], À Paris, rue Sainte Apolline, sur le Boulevard Saint-Martin; le dernier, enfin, est imprimé en 1781, et porte le titre d’Extrait de l’ Art du Peintre [...] À Paris, rue Sainte-Apolline, & sur le Boulevard Saint-Martin. Sous le sous-titre « Entreprise de la Peinture des Bâtiments », il est précisé que « Watin, en sa qualité de Peintre, Doreur, Vernisseur, dont il cumule la Profession avec celle de Marchand de Couleurs & Vernis, assuré de la réalité de l’effet de son Vernis sans odeur, offre aux Particuliers d’entreprendre chez eux la peinture de leurs Bâtiments, & de les rendre habitables vingt-quatre heures après l’application de son Vernis; il peut donner des preuves très multipliées de son succès dans cette partie. »

51 - Le prospectus de 1777 indique: «Les Maisons de l’Amérique, avec lesquelles le sieur Watin vient d’établir des correspondances, lui ont fait parvenir en retour diverses marchandises des Colonies, & notamment un assortiment supérieur de toutes les Liqueurs de Madame la veuve Amphouxe, & Grand’Maison du Fort St Pierre de l’Amérique, qu’il débite comme étant aussi Marchand Epicier, Savoir, Huile de Vénus [...] Macis [...] Café. » Suit une liste fort longue.

52 - Il vend notamment le secret d’un «Mylord Sykes» pour apprendre à peindre.

53 - Le début de la lettre de Gautier-Dagoty, graveur et fabricant d’estampes en couleur pensionné du roi (sur ce personnage et sa carrière controversée, voir Rodari, Florian, «Jacob Christoph Le Blon, l’œil trichrome», in Rodari, F. (dir.), Anatomie de la couleur. L’invention de l’estampe en couleur, Paris/Lausanne, BNF/Musée Olympique Lausanne, 1996, p. 52-65 Google Scholar), que Watin insère dans son supplément polémique contre Mauclerc est ici très frappant: « Je n’ai l’honneur, Monsieur, de vous connaître que sur votre réputation; & parce qu’ayant plusieurs fois besoin de vernis, je les fais prendre chez vous par préférence & vraisemblablement nous n’aurions jamais eu ensemble aucune relation, sans un ouvrage qui vient de paraître, intitulé: Traité des Couleurs & Vernis, par le sieur Mauclerc, où vous êtes, ainsi que moi, passablement maltraité. Comme vous avez annoncé que vous répondriez à sa critique, voudriez-vous bien insérer cette lettre dans le Supplément que vous promettez »: Supplément à L’Art du peintre, doreur, vernisseur, servant de réponse à la réfutation du sieur M. Observations sur l’ouvrage du sieur Watin. Avis aux souscripteurs de son édition in-fol. Extrait de l’« Avant-Coureur » [du 27 septembre 1773], contenant la description de l’« Athénienne », meuble nouveau. État et détail des principales marchandises nécessaires et relatives aux trois arts décrits, Par le sieur Watin, Paris, Grangé, 1773, p. 20.

54 - Cette production est une autre source possible pour une histoire du travail intellectuel; je me permets de renvoyer à l’article où je l’étudie, « Faire science. Théologie et calcul dans les projets de monts de piété en France, XVIIe-XVIIIe siècle», in F. Salaün et J.-P. Schandeler, Écrire les savoirs au XVIIIe siècle, à paraître. Le projet de Desglanières se trouve aux Archives de la Seine et de Paris, D1B6 37 5650-5652, Mémoire concernant le Rétablissement du Mont de Piété, établi sous le Règne de Louis 13, par Edit du mois de février 1626; registré au Parlement le 6 mars suivant, suivi d’un second projet du même – D1B6 37 5653. Il a été partiellement imprimé.

55 - Moyens d’extirper l’usure..., op. cit., p. 154-155.

56 - Ibid., p. 58.

57 - L’Art du Peintre..., op. cit., p. 8-10.

58 - À la différence des projets précédents, celui de Desglanières notamment qui décrit en détail ces formules.

59 - Moyens d’extirper l’usure..., op. cit., p. 155. Sur l’importance de la résorption de la division entre arts mécaniques et arts libéraux, sujets les uns au contrat de louage, les autres au contrat de mandat, dans la lente élaboration du contrat de travail, voir Hordern, Francis, «Du louage de service au contrat de travail ou de la police au droit (XVIIIe-XXe siècle)», Cahiers de l’institut régional du travail, 3, 1991, p. 76-78 Google Scholar. Sur la dimension seulement doctrinale et la minceur bien connue de la réflexion des juristes d’Ancien Régime sur le travail, voir les réflexions Supiot, d’Alain, Critique du droit du travail, Paris, PUF, 1994, p. 13-14 Google Scholar et 45-51. L’exemple que prend Pothier pour expliquer pourquoi l’honoraire donné au mandataire n’est pas le paiement de ses services mérite d’être cité ici: «La chose se comprendra mieux par un exemple. Je vais trouver un célèbre Avocat pour le prier de se charger de la défense de ma cause: il me dit qu’il veut bien s’en charger; je l’en remercie, & je lui dis, que pour lui donner une faible marque de ma reconnaissance, je lui donnerai le Thesaurus de Méerman, qui manque à sa Bibliothèque: il me répond qu’il accepte volontiers mon présent que je lui offre de si bonne grâce. Quoique je promette à cet Avocat le Thesaurus de Méerman, le contrat qui intervient entre nous n’en est pas moins un contrat de mandat, parce que ce que je lui promets, n’est pas le prix de la défense de ma cause dont il se charge. Cette défense de ma cause, dont il se charge, étant quelque chose qui n’est pas appréciable, le mandat ne laisse pas d’être gratuit, parce que cet Avocat n’exige rien pour se charger de l’affaire qui en fait l’objet. La promesse que je lui fais de ce Thesaurus qu’il accepte, est une convention qui, quoiqu’elle intervienne en même temps que le contrat de mandat, n’en fait pas néanmoins partie, & lui est étrangère. C’est par cette raison que par le Droit Romain, l’honoraire qui a été promis au mandataire, ne peut être par lui demandé, que per persecutionem extraordinariam »: Traités sur différentes matières de droit civil, appliquées à l’usage du barreau & de jurisprudence française par M. Pothier, t. II, Traité du Contrat de Dépôt & de Mandat, Paris/Orléans, Jean Debure Père/Vve Rouzeau-Montaut, 1773, chap. I, section II, art. III-23, p. 854. Pothier précise néanmoins un peu plus loin (26, p. 855) qu’il y a « pourtant certains services pour lesquels, quoiqu’ils dépendent d’une profession libérale, & qu’en conséquence ils appartiennent au contrat de mandat, plutôt qu’au contrat de louage; ceux qui les ont rendus sont reçus en justice à en demander la récompense ordinaire. Tels sont les services que rendent dans leur profession les Médecins, les Grammairiens, les Maîtres de Philosophie ou de Mathématiques, & c. »

60 - Par exemple dans un passage sur la détrempe vernie appelée chipolin: « Toute opération mécanique peut offrir plus ou moins de beauté & de perfection, selon le plus ou moins de soin qu’on y porte, & l’habilité de celui qui travaille. Il est des Arts où cette gradation entre le fini & le parfait est moins sensible; la Peinture d’impression semble même ne pas admettre cette différence; car peindre un sujet d’une couleur uniforme, paraît n’offrir qu’un seul procédé, celui d’appliquer la couleur. L’ignorant comme l’habile homme n’a qu’une manière de le faire, & il a fini son entreprise. D’où dérive donc la beauté d’un ouvrage ? est-ce toujours de la dextérité de l’Artiste ? Non, mais de ses précautions, de ses préparations, de son attention à le perfectionner. Ainsi celui qui, dans tous les Arts mécaniques, veut atteindre à cette perfection, doit se persuader que l’action intermédiaire, qui est l’objet de son travail, ne suffit pas, s’il n’a pris ses précautions avant que d’adopter un sujet, & s’il ne porte tous ses soins lorsqu’il vient de lui donner la forme qu’il cherchait. C’est sur ces deux parties, du commencement & de la fin, qui contribuent tant à la perfection, que nous nous arrêterons toujours dans le cours de cet Ouvrage. Ce sont elles qui font l’habile Artiste, & qui, bien décrites, instruiront l’Amateur: ce sont elles qui ont donné tant de supériorité au chipolin », L’Art du Peintre. . . , op. cit, p. 71-73.

61 - Le mont-de-piété parisien, explique Roche, D. dans Le peuple de Paris. Essai sur la culture populaire au XVIIIe siècle, Paris, Aubier, 1981, p. 85 Google Scholar, est vite devenu populaire et a modifié l’endettement traditionnel qui, à la fois en « réponse à une évolution de la consommation » et comme « parade à l’appauvrissement », est sorti des frontières du groupe, de la famille et des voisins pour gagner l’anonymat du crédit public. On peut noter que le projet de prêt sur créances, loyers et droits de Prévost de Saint-Lucien conçoit – explicitement, à la différence de l’institution effectivement ouverte, destinée aux pauvres quoique fréquentée par d’autres – une clientèle plus large que le petit peuple pour son mont: il n’est pas sûr qu’il ne s’agisse là que de crédit à la consommation.

62 - Voir J.-P. Hirsch, Les deux rêves du commerce..., op. cit., et aussi, à propos d’un secteur proche de celui de la peinture de décoration (les métiers de la construction) et en plein développement sous l’effet de la demande dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, les travaux de l’historien du droit Carvais, Robert, notamment « Le statut juridique de l’entrepreneur du bâtiment dans la France moderne», Revue historique du droit français et étranger, 74-2, 1996, p. 221-252 Google Scholar. Un passage comme le suivant, p. 248-249, peut être mis en regard du cas de Watin: «Comment [les entrepreneurs du bâtiment] pouvaientils appartenir au système corporatif, en tirer profit, puisque la Chambre des Bâtiments leur était souvent favorable en plus de leur garantir leurs droits, et représenter le professionnel individualiste [...] celui qui deviendra plus tard le chef de la libre entreprise ou le patron que l’on connaît aujourd’hui ? L’entrepreneur était déjà pourtant un artisan qui mettait son savoir au service d’une tierce personne afin de réaliser un profit, récompense qui représente la contrepartie indispensable de la part de hasard, d’incertitude, d’impondérable que tentait de contrôler la réalisation des marchés de construction. » Pour une hypothèse sur l’impact sur l’industrialisation du développement des « arts industriels » parisiens, et notamment de la chimie des couleurs, voir Guillerme, André, La naissance de l’industrie à Paris. Entre sueurs et vapeurs, 1780-1830, Seyssel, Champ Vallon, 2007 Google Scholar.

63 - Denis-François Secousse (1691-1754), membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, avait été chargé par Daguesseau, en 1728, de continuer la collection des Ordonnances des rois. Il possédait un très abondant ensemble de pièces sur l’histoire de France, et s’intéressait manifestement aux formes d’organisation de métier, de charité ou de vie en commun. La collection Lamoignon, qui rassemble des copies d’actes de police, de statuts de métier et de décisions diverses concernant le travail, se trouve aux Archives de la préfecture de police de Paris, et la collection Delamare au Département des manuscrits de la BNF. On peut aussi signaler la collection de Jean-Nicolas de Tralage (peut-être plutôt l’abbé bibliophile mort vers 1720 que le conseiller au parlement collectionneur de cartes, mort en 1699), dispersée dans les fonds imprimés de la BNF.

64 - BNF, NAL 2337, 39, 41, 43, 45, 46; La Reynie emprunte et rend ces recueils à Baluze en 1691, et en 1704 Le Songe du verger.

65 - Sur la police, voir Napoli, Paolo, Naissance de la police moderne. Pouvoir, normes, société, Paris, La Découverte, 2003 Google Scholar.

66 - Archives de la préfecture de police, collection Lamoignon, t. XII, fol. 942 r-v. Voir aussi t. XIII, fol. 25, « Statuts des serruriers et lettres patentes confirmatives, 12 décembre 1650 », avec la note suivante: « L’on reconnoit aisement dans ces statuts le stile pompeux et empoulé de M.René Harenger Avocat au Conseil. Voy. notre notte sur les Statuts des Charpentiers du 11 Aoust 1649 ». On trouve effectivement dans le t. XII, fol. 997, une note qui dit que les statuts des charpentiers « sont de la façon de Me René Harenger avocat au Conseil qui en a rédigé plusieurs, et qui malheureusement étoit un fort mauvais rédacteur, son stile est empoulé et obscur; vice entièrement contraire à la simplicité et à la clarté propres aux loix ». Une seconde signale, autre type de travail, que l’arrêt recopié après ces statuts est important parce qu’il en rejette plusieurs articles. On retrouve des commentaires du même genre à propos des statuts des teinturiers et des chapeliers.

67 - Dans le corpus des statuts rédigés par Harenger, ceux des panachers (absents de la collection Lamoignon) pourvus d’une épître dédicatoire comme n’importe quelle pièce de littérature, méritent d’être mentionnés ici, en parallèle avec le Tailleur sincère. L’épître dédicatoire, signée de plusieurs maîtres de ce corps, s’adresse à « l’Incomparable Messire Jean Armand de Riantz, Chevalier [...], Conseiller du Roi en ses Conseils d’État & Privé, & son Procureur au Châtelet de la Ville, Prévôté & Vicomté de Paris, Capitale du Royaume, premier Juge & Conservateur des Arts & Métiers d’icelle»: « Les apanages fidèles du Négoce, & les adresses industrieuses de la Manufacture se rencontrent heureusement dans la Profession des Panachers; puisque par l’honneur du premier ils portent leurs intelligences jusques aux Pays les plus éloignés, & que l’usage de la seconde les rend nécessaire dans les Triomphes et la Paix, les fait favorablement recevoir parmi les courages destinés aux importunités de la Guerre, & leur donne place aux occasions des réjouissances les plus considérables. Il n’y a rien de ravalé en la disposition de leurs Ouvrages, car les Rois, les Souverains, & les Princes en empruntent les principaux objets de leurs ajustements: Les célèbres embellissements des Louvres ne sont point en l’état de leur perfection, qu’ils n’en aient curieusement recherché la délicatesse: Et sans profaner ce qui est de plus saint, ils peuvent avancer, que les Autels manqueraient de leurs plus exquis Ornements, s’ils en étaient injustement privés. Vous l’avez, Monseigneur, merveilleusement fait expliquer dans les Articles des nouveaux Statuts que vous avez fait dresser en faveur de leur Communauté, par un fidèle Avocat, les termes en surpassent tout ce qu’ils en pourraient déduire: Et comme vous êtes le Père véritable d’un enfant si beau; ceux qui en sont les gardiens vous en rendent leurs actions de grâces immortelles [...] »: Articles, Statuts, Ordonnances, et règlements des Gardes Jurés, anciens Bacheliers, Marchands, Maîtres de la Communauté des Plumassiers, Pana-chers, Bouquetiers, & Enjoliveurs de la Ville, Prévôté et Vicomté de Paris, Tirés des anciens Statuts de ladite Communauté, accordés par le feu Roi HENRI IV de glorieuse mémoire, au mois de juillet 1599 [...], par Me Harenger, René, Avocat en Parlement, & aux Conseils d’État & Privé du Roi, Paris, André Chouqueux, 1667 Google Scholar, n. p.

68 - Pour une discussion sur la question des « devoirs d’état » chez M. de Certeau, voir Dinah Ribard, «Travail, formalité des pratiques et socialisation du social», in P. Büttgen et C. Jouhaud (dir.), Lire Michel de Certeau..., op. cit., p. 143-161.

69 - Sur les « bonnes villes » et les rapports d’échange entre monarchie française et patriciats urbains de la fin du Moyen Âge au XVIe siècle, voir Chevalier, Bernard, Les Bonnes Villes de France du XIVe au XVIe siècle, Paris, Aubier/Montaigne, 1982 Google Scholar; sur la dissolution de ce lien au cours du processus absolutiste, voir les travaux de Robert Descimon; voir aussi Cerutti, Simona, «Clientélisme et confiance. Les conflits entre le gouvernement central et les élites urbaines à Turin aux XVIIe et XVIIIe siècles», in Giry-Deloison, C. et Mettam, R. (dir.), Patronages et clientélisme 1550-1750 (France, Angleterre, Espagne, Italie), Villeneuve d’Ascq/Londres, Université Charles-de-Gaulle/Institut français du Royaume-Uni, 1991, p. 149-163 Google Scholar et récemment Marroud, Mathieu, De la Ville à l’État. La bourgeoisie parisienne, XVIIe-XVIIIe siècle, Paris, Albin Michel, 2009 Google Scholar.

70 - Une brochure de 1659 intitulée Le Manifeste & authentique progrès, & éminent succès du vénérable & authentique Métier de Tailleurs d’Habits, d’un degré éminent au dessus de tous les autres Arts & Métiers, tiré de l’Écriture Sainte en termes formels, pour la consolation & édification des Maîtres dudit Métier, trois fois imprimée en une vingtaine d’années, se trouve reliée dans l’exemplaire du Tailleur sincère conservé à la Réserve de la BNF. Rien ne dit si l’ensemble constitué par ces deux écrits appartenait à un tailleur ou à un individu situé ailleurs dans le monde social.

71 - Chantilly, Musée Condé, série 1 AB, carton 26.

72 - Voir les formulations de Chartier, Roger sur cette dissociation fondatrice des droits d’auteur dans Inscrire et effacer. Culture écrite et littérature (XIe-XVIIIe siècle), Paris, Gallimard/Le Seuil, 2005, par exemple p. 190-191 Google Scholar, à propos d’écrits consacrés, au XVIIIe siècle, à la défense des droits des libraires: « La défense des droits traditionnels des libraires et imprimeurs [...] supposait que fût reconnu le caractère patrimonial et perpétuel de la propriété du manuscrit acquis par l’éditeur auprès de l’auteur, partant, que celui-ci fût considéré comme détenteur d’un droit imprescriptible, mais transmissible sur ses compositions. L’objet de cette propriété première n’était pas un manuscrit particulier [...] mais l’œuvre dans son existence immatérielle, invisible et incorporelle [...] Paradoxalement, pour que les textes puissent être soumis au régime de propriété qui était celui des choses, il fallait qu’ils fussent conceptuellement détachés de toute matérialité particulière. »