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Le royaume chrétien de Valence et ses vassaux musulmans (1240-1280)

Published online by Cambridge University Press:  06 September 2021

Robert Ignatius Burns*
Affiliation:
Université de San Francisco

Extract

Après la conquête de la majeure partie de la côte orientale de l'Espagne, du fait de la croisade de Valence de 1232-1245, le roi Jacques le Conquérant tenta d'assujettir l'aristocratie militaire aux formes féodales catalo-aragonaises. Il ne réussit pas à assimiler complètement les Musulmans à l'ordre féodal chrétien ni à exercer son emprise sur les puissants détenteurs de forteresses, ni à fusionner de façon cohérente les structures sociales de l'Islam espagnol et celles de la Catalogne. Des ressemblances superficielles, des analogies de coutumes et des réponses identiques aux mêmes défis permirent effectivement au Conquérant d'interpréter la stratification de la noblesse étrangère dans les termes de la société militaire semi-féodale de son royaume de Catalogne. Le roi Jacques s'appuyait sur des précédents : tributs, alliances et enclaves de vasselage ; mais ces données étaient portées à une échelle qui changeait complètement l'aspect du problème.

Type
Pratiques et Cultures
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1973 

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References

Notes

1. « The Muslim in the Christian Feudal Order », conférence présentée au Ve Congrès bi-annuel des Études Médiévales, à l'Université de Western Michigan, en mai 1970 et à paraître dans Studies in Médiéval Culture, sous presse. En ce qui concerne la croisade de Valence, la reconstruction coloniale et tout particulièrement la naissance de l'Église en tant qu'institution « frontière », voir ouvrage, mon, The Crusader Kingdom of Valencia, Reconstruction on a Thirteenth-Century Frontier, 2vol. (Harvard University Press, 1967)Google Scholar; sous presse, à la Princeton University Press : Islam Under the Crusaders, Colonial Survival in the Médiéval Kingdom of Valencia, qui analyse les relations de la société mudéjare avec les conquérants. Les ouvrages classiques au sujet des Mudéjars — en particulier les articles du Gual Camarena, Roca Traver et autres, y compris la bibliographie des Mudéjars de Valence — ne s'intéressent pas à cette question ; les études se rapportant à des points particuliers sont citées plus bas. Pour des raisons de place on a omis de tracer un tableau plus large de l'Islam occidental et de traiter de l'esprit de la contre-croisade qui prit son origine en Orient à partir de 1260.

2. Rodrigo Jiménez de Rada, primat d'Espagne, dans De Rébus Hispaniae ;voir Chabâs, Roque, « Çeit Abu Çeit», El Archivo, V (1891), 363.Google Scholar

3. Jacques, Le roi, Llibre dels feyts, édité sous le titre de Crànica, par J. M. de Casacuberta, 9 vol. en 2 (Barcelone, 1926-1934), ch. 377.Google Scholar

4. Desclot, Bernât, Cronica, édité par M. Coll y Alentorn, 5vol. (Barcelone, 1949-1951), ch. 49.Google Scholar« E parec bé que foshonrat hom, que el venc en 1 caval liar molt bel, e la sel e.l pitral obrat ab fula d'aur de son seyal, e.l fre e les règnes de seda ab platons d'argent, ab obra entallada ab pères e ab perles encastades ; e fo vestit d'escarlata ab fresadures d'aur, e no aportâ negunes armes mas I espaa pendent en son coyl, molt rica ab rie garniment. E amena ab si cccc sarrayns, ab lanzes, e ab darts e ab bones balestes, qui no dupten nuyl hom d'armes. » Desclot est vraisemblablement mort en 1289. C'était un fonctionnaire important de la Cour royale.

5. Llibre dels feyts, ch. 312.

6. Ibid., ch. 87.

7. A propos d'al-Azraq, cf. ibid., ch. 334, 356, 361-363, 368-369, 371-374. 556. Voir aussi le court article de Chabâs, R., « Don Jaime el Conquistador y Alazrach», El Archiva, IV(1890), 280282 Google Scholar; Tarragô, J. Ribera y, « El Blau ?», El Archivo, II(1887-1888), 1920 Google Scholar, et « Alazrach », dans Disertaciones y opûsculos, 2 vol. (Madrid, 1928) ; II, 298-300 ; Gina Bolufer, C., « Topografia histôrica de los valles de Pego», Anales del Centro de Cultura Valenciana, XV(1947), 4674 Google Scholaret F. de P. Momblanch y Gonzâlbez, « El Rey D. Jaime y las guerras de Alazrach », VII Asamblea de cronistas del reino de Valencia(Valencia, 1970), tiré à part avec nouvelle pagination. I. de las Cagigas, qui décrit al-Azraq comme un « emigrado de Jâtiva » transcrit le nom sous la forme « al-Yazrayï » (Los mudéjares, 2 vol. [Madrid, 1948-1949], II, 416), le confondant peut-être avec le gouverneur de Jâtiva des premiers temps de la croisade de Valence, « Ahmed ben Isa el Chazragi » (Ahmad b. ‘Isa al-Khazraj’) ; voir J. M. Conde, Historia de la domination de los Arabes en Espana(Madrid, 1874), p. 263. L'emploi, par Ribera, du qualificatif « aux yeux bleu clair » est influencé par le castillan zarco ;mais la signification du nom n'est pas aussi sûre et a des origines différentes. L'historien de La Mecque Muhammad b. ‘Abd Allah al-Azraqï (f vers 860) hérita de ce nom parce que son ancêtre, un esclave byzantin appelé al-Azraq, avait les yeux bleus. Deux autres historiens du moyen âge portaient le nom d'al-Azraq, ainsi qu'un poète qâdi de Grenade, un poète de Cordoue au x e siècle, et le fondateur d'une importante secte puritaine appelée les Azraquites, qui parcoururent l'Iraq et la Perse du Sud à l'époque Ummayade : c'était aussi le surnom du fleuve Kàrûn. Un compagnon de beuverie du « Rey Lobo » (Ibn Mardanïsh), gouverneur de Murcie-Valence au x u e siècle et un qâ'id sous les ordres de Lobo, portaient le nom d'Ibn al-Azraq (cf. E. Lévi-Provençal, Inscriptions arabes d'Espagne[Leyde, 1931], pp. 92, 100). Un al-Azraq valencien du xve siècle vécut à Eslida. Juste avant la chute de la ville de Valence, document transférant un bâtiment qui est dit appartenir à Muhammad « Alazradi Azabach », de la même famille peut-être ; la propriété avait de la valeur puisqu'elle échut à un membre de l'entourage de la reine, comme en témoigne un document certifié par quatre notables (J. Miret y Sans, Itinerari de Jaume I« el Conqueridor» [Barcelone, 1918], p. 133 [11 juillet 1238]). Des noms similaires apparaissent en divers endroits : « Mahometus el Rubio de Villena », dont les propriétés d'Almizra furent exemptées de droits sa vie durant (Archivo de la Corona de Aragon, Jacques Ier, Reg. Cane. 11, fol. 192 v° [5 fév. 1260]).

8. Llibre, ch. 334 : « vostre poder de cavaliers que vos tenits a soldada » ; ch. 374 : « e dones soldades a peons ».

9. Ibid., ch. 372 : « Son pena », « en sa comanda » ; ch. 375 : « ab gran brugit de corns e d'anafils » ; une cornest une sorte de hautbois. Les drapeaux étaient très répandus même dans la vie civile musulmane ; les groupes de pèlerins en portaient en route (voir par exemple Ibn Battûta, Voyages, trad. angl. H. A. R. C.ibb, 3 vol. [Cambridge, Gr.-B., 1958-1971], I, 17).

10. Llibre, ch. 87, 377 : « iii exortiquins denant ab ses atzegayes » ; « e sos exortins ». Gayangos fait dériver exortind’ [al-] shurtah, un officier militaire qui devint aussi officier de police civile ; atzegayest le javelot berbère (catalan moderne : atzagaia ;français : sagaie).

11. Arch. de la Couronne, Codex, Liber patrimonii regni Valentie, fol. 227 v° (16 avril 1244) ; et dans la section Documents, El Archivo, I (1886), 204-205. Le Musulman dit : « yo habuabdele yuan fudayl Alguazil y senor dalcala » ; et le roi répond : « recibo vos Abuadele yuan fudayl alguazil et senor dalcala ». La graphie « yuan » que les historiens ont perpétuée, semble être une erreur de copie pour « auen » (ibn). Le nom Ibn Hudhayl n'est pas rare, l'un de ceux qui le porta est un poète aveugle de Cordoue, de l'époque du Califat ; les Banû Hudhayl furent un clan espagnol important.

12. Chabâs, « Alazrach », p. 281 (9 mars 1250).

13. Giner Bolufer, « Vallès de Pego », pp. 46, 49, 51, 61, 66-67, e t passim.Sa chronologie des révoltes, qui place l'exil d'al-Azraq après le soulèvement de 1252, n'est pas en accord avec la mienne. Alcalâ correspondait à la moderne Alcalâ de la Jovada. M. Sanchis Guarner a réuni d'autres renseignements sur la toponymie et les tribus dans son travail : « Dictados tôpicos de la comarca de Dénia, Pego, y La Marina », Revista valenciana de filologia, V (1955-1958), 8-13 ; ces notes combinées avec les renseignements que nous fournit Ibn Hazm, peuvent contribuer à éclairer l'arrière-plan tribal ; voir « Linajes arabes en Al-Andalus, segûn la ‘ Yamhara ’ de Ibn Hazm », trad. Elias Terés, Al-Andalus, XXII (1957), 55-111, 337-376. Pour les premiers établissements arabo-berbères, voir Guichard, Pierre, « Le peuplement de la région de Valence aux deux premiers siècles de la domination musulmane», Mélanges de la Casa de Veldzquez, V, 1969, 103156.CrossRefGoogle Scholar

14. Document de la note u. Alphonse obtint aussi « dos alcarias de Hebo et de tollo […] con los otros castielos » ; si « tollo » est Castellot, les deux forts de cette vallée ont dû être cédés en même temps. Puisqu'al-Azraq dut s'emparer, lors de sa révolte de 1258, des châteaux de Pego et de Serra, ainsi que de Gallinera (Benirrama), c'est qu'il ne les possédait plus à cette date. Le nom de Hambra rappelle l'Alhambra ou « château rouge » de Grenade. Il ne faut pas confondre Pop avec le château de Polop au sud, beaucoup plus important, lui aussi réclamé par al-Azraq. Pop, isolé dans la sierra sauvage de Laguart, était un lieu de retraite exceptionnellement sûr ; le roi Pierre l'exclut de la trêve générale signée avec les rebelles en 1276 ; les Morisques de Valence en firent le dernier bastion de leur résistance en novembre 1609, sous le commandement de Ahmad, natif du village de Camp(f)iel dans la vallée de Laguart. Le sens du mot castrumdoit être précisé : dans les documents du présent article il signifie tour, fortification, aîcazar ou toute espèce de château.

15. Desclot, Crdnica, ch. 49 : « x castels dels forts del règne de Valencia ». Les châteaux de Jalon, Polop et Altea étaient aux mains d'al-Azraq à la fin de sa révolte de 1258, soit parce qu'il s'en était emparé, soit parce qu'il n'en avait pas perdu le contrôle.

16. La chronologie de cette guerre, ou de cette série de révoltes toutes liées les unes aux autres, a été fort mal établie par tous les historiens. J'en reconstruirai le cours de novembre 1245 à juin 1258, par phases successives, dans une étude séparée. Knviron deux douzaines de documents royaux et papaux y seront utilisés.

17. Llibre, ch. 363 : « de tan bon loch et de tan honrat ».

18. Itinerari, p. 275, documents des 22 et 31 mai et 3 juin 1258 ; « in obsidione Alcalani ».

19. Archives de la Couronne, Jacques Ier, Reg. Cane. 9, fol. 59 v° (30 juillet 1258) ; aussi in extensodans Itinerari, p. 278 : « alquariarum castri de Altea quas a vobis habuimus et accepimus et easdem dedimus Aladracho quando nuper fecimus pacem et composicionem cum eo et ipse Aladrachus reddidit nobis omnia castra que tenebat in regno Valencie ». Fol. 65 (14 août 1258), donne licence à Berengar de recouvrer les villes.

20. Ibid.(30 juillet) : « omnia illa alfundica et domos et operatoria que nos habemus in civitate Barchinone iuxta litus maris ».

21. Ibid., Reg. Cane. 11, fol. 199 (9 avril 1261) : « vobis Bacem et alguazir Aliafar Sarracenis donacionem quam Alazrac frater tui Bacem et avunculus tui alguacir Aliafar tibi fecit de castris de Polop de A[l]tea et de Xalo ». Chabâs en a publié la transcription dans El Archivo, IV (1890), doc. 19, mais il fait l'erreur d'écrire Aliajar pour Aliafar, bien qu'il en donne deux fois la forme exacte. Comme l'explique la note suivante, le scribe lut ‘Alï au lieu de Abu. Ici il s'agit du château de Polop, l'orthographe est exacte, et non de Pop ; Giner Bolufer a lu Pop ; il bloque les noms en un seul personnage : « Hacen Aliatjar aben Bazel ben al-Alazdrach » (” Vallès de Pego », p. 54).

22. Arch. de la Couronne, Jacques Ier, Reg. Cane. 12, fol. 118 v° (30 sept. 1263) : « castrum et villam de Polop et torrem … de Altea cum eorum alqueriis » : « Abuhafar Hamt, filio quondam de Acet Abinhudey. » Martînez Ferrando a transcrit dans son catalogue : Abenhafer Hamez, fils de Aceit, mais Abu se lit clairement dans l'original. Hamt pourrait être Hamïd, mais Ahmad était un nom espagnol bien plus répandu.

23. Ibid., Reg. Cane. 16, fol. 156 (22 avril 1269) : «volumus et concedimus tibi algaziro Abiafer quod tu et successores tui habeatis castrum et villam de Polop cum terminis suis … et illas alquerias … ut in dicta carta nostra plenius continetur » ; « et concedimus tibi quod Sarraceni habitantes in dictis locis sint franchi et liberi ». Les trois établissements de Jalon étaient Almacerof, Benibrahim et Murta ; les Musulmans qui y résidaient devaient utiliser les salines de Jâtiva.

24. Giner Bolufer, « Vallès de Pego », recueille les données du Repartimiento, pp. 50, 53, 55-56, 58, 66-67, 70, 72-73.

25. Crônica de San Juan de la Pena, version en latin éditée par A. Ubieto Arteta (Valence, 1961), édition plus ancienne par T. Ximénez de Embûn (Saragosse, 1876), version catalane, par A. J. Soberanas Lleô (Barcelone, 1961), ch. 36 (éd. d'Ubieto, p. 161 ; Ximénez, p. 165) : « nedum regnum ipsum, quin etiam tota Ispania, evidenti erat exposita periculo ».

26. Ibid., « cui universi Sarraceni adherebant » ; « iste Petrus rex interfecit eum et adhérentes sibi ». F. Soldevila compare les différents récits et montre qu'il y a une évolution (Père el Gran, 2 parties en 4 vol. [Barcelone 1950-1962], Ire partie, II, 412-414).

27. J. E. Martinez Ferrando propose ceci pour expliquer la sauvagerie inhabituelle de cet épisode (Martfnez Ferrando et alii, Els descendents de Père el Gran ; Alfons el Franc, Jaume II, Alfons el Bénigne[Barcelone, 1954], pp. 106-107, été 1304). Cette confusion chronologique incite de temps en temps un historien à faire revivre le personnage du rebelle. Ainsi Aurea L. Javierre Mur fait conduite « los moros sublevados en Valencia » par « Al-Adzach » à la conquête de Montesa en 1314 (Privilegios reaies de la orden de Montesa en la edad média [Madrid, 1956], p. 68).

28. F. Martinez y Martinez, Cases de la meua terra (La Marina) (Valence, 1920), pp. 170-173 ; parfois « y te s'emportara » est ajouté ; ici le nom d'al-Azraq est assimilé à l'image d'un dragon. Il est curieux de constater que les femmes musulmanes du Proche-Orient, à la même époque, faisaient taire leurs enfants d'une manière analogue, mais en substituant Richard Cceur-de-Lion : « Tais-toi, ou le roi Richard va venir te chercher ! » (Jean de Joinville, à la croisade avec Louis IX, dans son Histoire de Saint Louis, éd. N. de Wailly [Paris, 1874], ch. 17, une variante ch. 108 ; Guillaume de Tyr raconte la même chose).

29. Rafaël Coloma, Libro de la fiesta de moros y cristianos de Alcoy (Alcoy, 1962), l'arrière-plan général est décrit brièvement dans l'ouvrage de Joan Amades, Las danzas de moros y cristianos(Valence, 1966). Le récit traditionnel le décrit à la tête de 250 cavaliers qui se lancent contre la porte San Marco ; trop sûrs d'eux les chrétiens poursuivent le reste et tombent dans une embuscade à Barranco de la Batalla.

30. Soldevila, Père, 2epartie, III, append., doc. 12 (29 août 1276).

31. Ibid., doc. 15 (6 septembre 1276) : « excepto Castro Alcalano ».

32. Crônica, ch. 67. Les quelques châteaux qui ne sont pas concernés par la trêve générale sur les châteaux révoltés, en août 1276, sont au nombre de 15 (cf. doc. note 30).

33. Ahmad b. Muhammad al-Maqqarï, The History of the Mohammedan Dynasties in Spain ; Extracted front the Nahfu-t-tib min ghosni-l-Andalusi-r-rattib wa tdrikh Lisdnud-din Ibni-l-Khattib, trad. par P. de Gayangos, 2 vol. (Londres [1840-1843], 1964), I, 101-102 ; Ibn Sa'ïd critique Ibn Hûd, le grand héros de Murcie pendant la période des croisades, parce qu'il n'a pas joué correctement son rôle de tyran-dynaste, se montrant trop familier et sans façons.

34. Llibre dels feyts, ch. 555 : « vench nos ardit que.l alcait Abrafim s.era alçat, e que havia bastit i castell que nos haviem enderrocat ja peça havia, lo quai ha nom Serra de Finestrat ; e nos … pensam d.acorrer enves aquela part en lo castell era ».

35. Document de septembre 1276, voir plus haut note 31 ; cette lettre-formulaire fut envoyée séparément à dix-sept centres principaux, de Burriana à Alcoy ; « exceptis tamen castris et locis ac que tenet Alcaydus Abrahim ».

36. « Gartx » n'est pas ici le château de Garg que Jacques donna au diocèse de Valence en 1273 et qui apparaît dans les manuscrits avec les graphies suivantes : Garxio, Garchi, Garg et Girig ; ce n'est pas non plus Gorga ou Gorgo, bien qu'il soit près de Gâta de Gorgos ( mon livre, cf.: Crusader Valencia, I, 159, II, 434, 445Google Scholar). Notre Gartx est l'un des quinze districts exclus de la trêve générale de Pierre en août 1276.

37. Arch. de la Couronne, Pierre III, Reg. Cane. 39, fol. 169 v° (25 février 1277), cinq lignes d'écriture large et nette. Soldevila transcrit le traité en huit lignes et donne une traduction en catalan par J. Vernet (Père, 2e partie, III, append., doc. 58) ; le titre porte dans ce livre «al-Asri», mais Vernet lit le document «al-Asqarï’ ». Si l'on se reporte à l'original, on constate qu'il y a un ajout, mais d'une main contemporaine; c'est la seule identification connue de ce qâ'id comme Ibrahim — « carta de la co[n]vinença /q[ue.]l Alcaid Abrahim feu ab lo/ del Senor Rey » ; « del » est barré, la partie que je mets ici entre barres obliques a été ajoutée, d'une même écriture ou d'une écriture similaire. Le document est daté « samedi soir 23e jour du Ramadan de l'année 675 ». Aucune date chrétienne n'y figure et le fait qu'il soit placé parmi les documents du registre de 1276 ne prouve rien. Le catalogue de Martfnez-Ferrando suppose une confusion entre 1276 et 1277, selon que l'année commence à l'Incarnation ou à la Nativité, mais on sait que l'état de révolte persista à Garg jusqu'à la fin de 1276 (voir plus haut note 30) ; de plus l'année musulmane 675 a commencé le 15 juin 1276.

38. Père, 2e partie, I, doc. 59 (12 mars 1277) : « aliqua castra que Alcaçdus Abraym tenuerit et modo teneat alcaydus Mahomet vel alius ». Dans le manuscrit original je lis « alcaydus » pour le quatrième mot.

39. Ibid., doc. 95 : «noveritis nos fecisse pacem cum alcaydis Abrahim et Mahomet et cum Sarracenis locorum que ipsi tenent et cum Sarracenis loci de Biar ». C'est là une lettre formulaire dont des exemplaires particuliers furent envoyés aux sept districts du Sud, y compris Murcie et Alicante.

40. Tbid., doc. 111 (18 juillet 1278) : « transferre alcaydum Abrafim et alcaydum Mafumet apud Tirimçe cum magna multitudine Sarracenorum, quos eyicimus de regno Valencie ».

41. Arch. de la Cour., Pierre III, Reg. Cane. 41, fol. 71 v° (10 mai 1279) : « quod non permittatis Sarracenos tam alcaydi Mahometi quam alios de terra nostra transfretari ad partes Sarracenorum nisi in navi Ser Francisci ».

42. Ibid., Reg. Cane. 38, fol. 27 (3 sept. 1276) : « del muy noble Don Jayme Rey darago, a que Deus perdone, e entrel veillo noble Abrurdriz Hyale Abenayeth Ay [?] el cavallero [cavero ?] noble Abenzumayr Abenzaquimaran el alguazir Abulfaratx Asbar aixi quel dito Senyor Iffant atregua a todos los castellos que son alçados … ». En répétant plus bas les noms, le manuscrit omet Abenzaquimaran, ajoute Abulfaratx entre deux lignes et orthographie un nom Aben Zumar. Sur ces noms, voir de Zurita, J., Anales de la Corona de Aragon, 7vol.Google Scholar(Saragosse, 1610-1621), lib.IV, c.1. Soldevila prétend que « el titol que precedeix cadascun précisa prou bé que son solament très » ﹛Père, 2epart., I,p. 11, note et avec doc. 12), mais dans d'autres documents, certains noms sont accompagnés d'un titre et les autres pas, alors que généralement les documents de Jacques évitent cette combinaison de Aben-Aben ; Soldevila aurait peut-être dû insister sur l'emploi de trois conjonctions seulement. Qu'il y ait trois noms, quatre, cinq ou sept, les personnages désignés nous demeurent inconnus.

43. Arch. de la Cour., Pierre III, Reg. Cane. 42, fol. 122 (31 juillet 1279) : « assignaverimus Abucezit Abencablia tenenti tune Castrum de Carmoxen hereditatem … cum domibus et aliis ad ipsam hereditatem pertinentibus, eo quod nobis reddidit dictum Castrum de Carmoxen quod tenebat tempore guerre … preterite » ; le nom figure une deuxième fois dans ce document sour la forme Abuçeyt. Dans Reg. Cane. 48, fol. 145 v° (10 sept. 1280), Pierre commence ainsi une lettre de protection : « mandamus vobis quatenus Abceyt Abincablia Sarracenus ». Dans les registres de Jacques Ier, Reg. Cane. 10, fol. 79 v° (Ier juin 1258), le roi Jacques donne « pro hereditatem propriam francham et liberam vobis Âbzeit Avencablia … unicuique … domos et ii iovatas » de terre d'exploitation sises à Alcudia ; cette donation faite par le roi pendant le siège d'Alcalâ était peut-être une façon de s'attacher les services du châtelain musulman. Le deuxième élément de ce nom, Abencablia, est peut-être une graphie erronnée ; je proposerais : Galïb, ou Ibn al-Habalï (les Banû Hâbîl étaient originaires de Jaén).

44. Voir le document du 6 septembre 1276 à la note 31 : «exceptis tamen castris … [de] Abrahim, et excepto Castro de Alcalano, [et] Vallis de Alfandec de Marynnen, et Sarracenis dictorum castrorum et rébus eorumdem ».

45. Soldevila, Père, doc. 63 (26 avril 1277) : « ut reduceremus eos ad nostrum intellectum et voluntatem ».

46. Llibre dels feyts, ch. 371 : « e aqui mori Abenbazol, que era lo meylor Sarray que Alazarc havia, e.l pus poderos, e encara de valor valia plus que ell ». Les variantes dans les manuscrits du Llibresont : Abenbaçol, Abetibassol, et Almaçarich. Ibn Bassâl était un nom bien porté en Espagne, illustré, par exemple, par un lettré du Xesiècle qui écrivit sur l'agriculture.

47. Desclot, Cronica, ch. 4g : « qui era pastor e era nègre ».

48. Ibn BattûÇa rencontra un cas semblable au cours de ses voyages en Egypte 75 ans plus tard : un capitaine de la garde du corps du sultan don le nom lui valut le surnom populaire de « le roi » ; bien qu'Ibn Battûta corrige, non sans pédantisme, l'étymologie, il se trompe, et le nom de cet homme était une forme de al-malik (Voyages, I, 30-31). Albocor rappelle aussi des noms valenciens comme : Bocharon (Abu Bakr), Ali Albaca ('Alï al-Baqâ’) le diplomate, et même celui d'Ali Alboegi dont « les maisons dans la [cité] de Valence » échurent à l'oncle du roi lors du partage des prises de guerres de 1238 (Itinerari, p. 137 [19 décembre 1238]).

49. Crànica, ch. 49. H. Garcia y Garcia, Notas para la historia de Vall de Uxô(Vall de Uxô, 1962), p. 70.

50. Cette subdivision apparaît clairement dans de nombreux documents financiers et administratifs, et même dans la trêve d'août 1276 que le roi Jacques accorda à tou les rebelles du royaume : « en todo lo regno de Valencia e de su termino, e d'Exativa e de su termino » (doc. à la note 30). Dans Rawd-al-qirtas, Ibn Abï Zar’ décrit Abu Zayd comme « seigneur de Valence, de Jâtiva, et Dénia” (El cartds[Valence, 1918], p. 277). La chronique d“Abd ar-Rahmân III parle du « kûra de Valence et de Jâtiva » (cf. l'interprétation de P. Guichard, Le peuplement de la région de Valence aux deux premiers siècles de la domination musulmane, p. 120). Lévi-Provençal en parle constamment comme d'une kûra séparée, à l'époque du califat (cf. par exemple son « Al-Andalus », Encyclopaedia of Islam, éd. revue, I, 490). A propos de la juridiction et de l'école dominicaines, voir ouvrage, mon Crusader Valencia, I, 205, et mon article, « Islamic-Christian Confrontation in the West», American Historical Review, LXXVI (1971), 13861434.Google Scholar

51. Llibre, ch. 129 : « Pero Lopis de Pomar, qui havia estât por missatgeria nostra al alcayt d.Ixativa ». Ce séjour doit se placer avant 1229 et avoir été à la fois important et assez long pour que l'envoyé fût alors en mesure de conseiller au roi d'entreprendre la conquête de Valence. Pierre « era cavalier antich [expérimenté] e era de nostra meynada » ; c'était un compagnon d'armes et un intime du roi au cours des guerres, il commandait aussi sa propre compagnie (ch. 29, 41, 63-64). Un de ses parents devint le premier châtelain de Jâtiva après la conquête ; un autre reçut du roi une dot de 13 500 solidi pour sa fille (Itinerari, p. 427).

52. Llibre, ch. 318 : « lo castell tan noble e tant bell, e tan bêla orta, e hauguem ne gran gog e gran alegre en nostra cor » ; « haver lo castell per crestianisme, e que Deu hi fos servit » ; ch. 322 : « castells qui eren entorn de nos a de [nos a ?] Xativa » ; ch. 327 : « no.m a altre meylor en toda la Endeluzia » ; ch. 333 : « en sa senyoria » ; ch. 341 : « de la pertinencia de Xativa » ; « nenguns dels castells de Xativa » ; ch. 350 : « Deus volia que nos fos sem rey del règne de Valencia, e que Xativa era lo pus noble loch qu.y fos, de Valencia enfora, […] era clau del règne, e nos no serien rey del règne de Valencia si Xativa no era nostra » (dans un autre manuscrit on lit : « clau del altre règne de Valencia si Xativa ») ; cn-353 : « el Pus bell castell es del mon e.l pus rich que jo anch vees ». Voir aussi Cagigas, Mudéjares, II, 369-370. Mon hypothèse que Jacques n'avait pas l'intention d'annexer Jâtiva ne repose pas seulement sur la narration qu'il donne de la façon dont il en a eu l'idée, mais sur l'insistance qu'il met à répéter que Jâtiva fait partie du royaume de Valence et est indispensable à sa survie : le roi est visiblement en train de chercher des justifications légales. Peut-être faudrait-il analyser très attentivement, de ce point de vue, les donations précédentes que fit le roi des lieux qu'il espérait conquérir. Ainsi le roi légua à son plus jeune fils Pierre, par un testament de 1241 (souvent daté à tort de 1242) : « totum regnum Valencie a Biar usque ad rivum Huldecona [Ulldecona] » ; cf. Soldevila, Père, Irepartie, I, 8 n., et comparer avec (p. 17) le contrat de mariage de 1235 où Jacques accordait à tout fils à lui naître seulement « quidquid iam adquisivimus diebus nostris et acquisituri sumus a Sarracenis in regno de Valencia ». Jacques agissait-il seulement en maître du fief tributaire de Jâtiva et donc en seigneur indirect des châteaux éparpillés dans les montagnes jusqu'à Murcie, ou bien avait-il secrètement décidé de conquérir complètement Jâtiva ainsi que Biar dès janvier 1241 ? Al-Maqqarï, parlant des principautés qui émergent du chaos du XIesiècle, considère Jâtiva comme importante mais de second rang : « les rois de Ronda, Huesca, Jâtiva et autres cités … Comme tous ces petits souverains étaient plus ou moins dépendants d'États plus puissants [Séville, Valence et Saragosse] auxquels leurs possessions propres s'incorporèrent, nous ne nous attarderons pas à en parler » (Dynasties in Spain, II, 25g, voir aussi p. 327, où Dénia et Jâtiva rejoignent la révolte de Ibn Hûd). Al-Idrïsi décrit Jâtiva, en 1154, comme « une ville imposante, dont les châteaux sont d'une beauté et d'une puissance proverbiales » (Description de l'Afrique et de l'Espagne, éditée et trad. par R. Dozy, M. J. de Goeje [Leyde, 1864-1866], 1968, p. 37).

53. Llibre, ch. 206 : « tôt aquel règne sera près, tro a Xativa ». Al-Maqqarï, qui choisit Jâtiva comme étant la seule subdivision de Valence qui mérite un commentaire, fait intervenir très tôt l'une des sept armées de Jacques dans la croisade de Jâtiva ; il est possible que seules les deux armées stationnées dans la ville de Valence et les bandes de pillards près d'Alcira et Jâtiva vinssent d'Aragon ; les trois autres appartenant à la Castille et étant peut-être disposées par l'écrivain au hasard (Dynasties in Spain, I, ch. 4).

54. Llibre, ch. 318, premier siège, et ch. 319 pour l'origine de cette décision ; une concession royale faite cette année-là, « in bastita Xativa xii kalendas iunii anno domini MCCXXX nono », montre le roi déjà présent à cette date dans les avant-postes de la ville assiégée, alors que d'autres documents le montrent à Valence le 13 avril et à Montpellier le 2 juin (Itinerari, p. 13g) ; cf. p. 576 la discussion des dates par Chabâs en mai et juin 1240. Le 17 juin 1240, le roi était de nouveau « in bastita Xativa », bien qu'il fût à Valence le 16 mai et le 15 juillet — cette date signalant la naissance de Pierre dans cette ville, d'après Soldevila (Père, Ire partie, I, 11). Cf. Llibre, ch. 327, pour l'hommage, à condition : « que aquel loch no liuras a nuyl hom, pus s.en desisques, si a nos no, per negun temps » ; ch. 334 pour le pacte ; ch. 350 : « son pare li havia manat que a negun Chrestia del mon, ni a Sarray, non lliuras aquel castell si a nos no, si ell lo havia a perdre » ; ch. 354 : « tant amavem nos son pare del alcayt, e tant amavem son fiyl qu.ens havia lexat en nostra comanda » ; à propos de comanda, cf. E. Rodôn Binué, El lenguaje téenico del feudalismo en el siglo XI en Cataluna (contribution al estudio del latin médiéval)(Barcelone, 1957), pp. 55-56 et 58-60. La façon opportuniste dont le roi a mené la conquête de Jâtiva s'accorde avec la thèse de ses ambitions de croisade et de leur évolution, thèse soutenue par A. Ubieto Arteta, « La conquista de Jâtiva en la mente de Jaime I », Saitabi, XII (1962), 117-139. La dernière citation me persuade que le qâ'id anonyme des divers chapitres du Llibreconcernant Jâtiva, recouvre en réalité deux personnages distincts : c'est le père qui rendit le château la première fois ; la clause sur la remise du château à Jacques, figurant à la fois dans le pacte et dans l'avertissement fait à son lit de mort, me le confirment. On peut aussi faire de Yahyà le seul qâ'id d'un bout à l'autre, ce qui suppose un arrangement spécial avec le père, au moment du siège de la ville de Valence auparavant, mais c'est une hypothèse bien peu satisfaisante. Conde, qui a été un pionnier dans la recherche des sources arabes, mais qui est sujet à l'erreur, cite seulement deux membres de la famille de Jâtiva ; il fait nommer Ahmad b. ‘Isa al-Khazraj’ wâlï de Jâtiva par Ibn Hûd, à cause des services rendus, de sa richesse et du rang éminent de sa famille ; à sa mort vers la mi-1241 (sha'bân639), son fils Yahyâ abu ‘1-Husayn lui succède jusqu'à sa reddition en 1246 et 1248. En plus d'une incompatibilité de dates (la chute de Jâtiva se produisant pendant le siège de Séville, 1248), mais l'entrée triomphale de Jacques se faisant à la fin de safar644 (début décembre 1246), Conde fait de Yahyâ b. Muhammad b. Isa abu ’1-Husayn (père de Husayn b. Yahhâ gouverneur de Dénia) le premier des deux gouverneurs de Jativa et il en fait aussi le gouverneur de Dénia (Dominaciôn de los Arabes en Espana, pp. 262-263, 266-267, 269). Voir Cagigas, aussi, Mudéjares, II, 369 Google Scholar. Peut-être le nom supplémentaire du qâ'id, Dhï n-Nûn, le rattache-t-il au clan berbère des Banû Zannûn (Dhî n-Nûn).

55. Les graphies varient selon les manuscrits. « Yafia Abenmafomat Abenaxa » figure dans Arch. Cour., Jacques Ier, Reg. Cane. 9, fol. 24 ; « tibi Jahie Abenmahomet Abenaysa » dans Reg. 11, fol. 192. La forme ancienne Aboyahia Abolhaxen se rencontre dans Reg. 11, fol. 192, mais Abu est une intrusion, tandis qu'Abdolhaxen (dont Martfnez Ferrando donne dans son catalogue la forme erronnée Aldehacen) est une graphie tronquée de Aben Aysa ou Haxa.

56. Llibre, ch. 347, version libre de : « qui en Xativa vol entrar, sobre nos haura a passar ». Miret y Sans, qui raconte les trois sièges de Jâtiva (Itinerari, p. 577) mais en décrit un quatrière (cf. p. 171), fait débuter le siège principal le 30 décembre 1243, ce qui est sans doute une erreur. Des documents situent le roi « in obsidione Xative » au moins vers le 7 janvier 1244 (en fait 1243 mais dans les copies 1244), le 11 février 1244, et de nouveau le 8 février 1245. Voir les dates et explications dans Itinerari, pp. 165, 171 et 551. Miret y Sans fait retourner Jacques au siège (continuer le siège ?) de Jativa après la chute de Biar, malgré le témoignage des mémoires du roi. Dans une question que les calendriers de l'Incarnation et de la Nativité rendent encore plus confuse, vu la rareté des documents concernant le siège et la difficulté de trouver une preuve, j'interprète 1245 comme signifiant en fait 1244.

57. Llibre, ch. 327, 334 (première reddition, hommage et charte), 333 ss. (attaque, et affaire de Castille), 351 (dotation, « heretar l.em »), 353 ss. (deuxième reddition, expulsion). Comparer « loch honrat », « heretat convinent » et « castells bons », ainsi que la phrase du ch. 350 « el e son linatge ne porien viure honradament » avec l'implication de dignité féodale. Le premier siège peut être daté par la dernière phrase d'un document de 1240, « in bastita Xative » (Itinerari, p. 143 [17 juin 1240]).

58. Desclot, Crbnica, I, ch. 49. Llibre, ch. 51.

59. Arch. Cour., Jacques Ier, Reg. Cane. 11, fol. 199 (9 avril 1261) : confirmation d'une concession donnée en arabe par « alcaydus Xative quondam nomine Abenecos [Abovetos ?] » que Martinez Ferrando déchiffre Abenetas. Le qâ'id Muhammad de Jâtiva dont il est question dans les dépenses de la campagne de Murcie est probablement aussi al-Morellï (Reg. 15, fol. 99, mars 1267).

60. Bien que l'archiviste Zurita pose l'existence d'un premier siège en 1240, d'un second en avril-mai 1244 (levé) et d'un troisième en (février)-avril 1248 (Anales, lib.III, ch. 38, 42, 44) — chronologie reprise par A. Ballesteros Beretta dans la monumentale biographie qu'il a consacrée à Alphonse X en 1963 — les auteurs qui suivirent préfèrent dater la reddition finale de 1244, les plus récents choisissant plutôt 1249. Sarthou Carreres, historien de la ville, admet 1244 (Geografia gênerai de Valencia, par F. Carreras y Candi et alii, 5 vol. [Barcelone, 1920-1927], II, 484) mais dix ans plus tard penche pour 1249 ou même 1248 (Castillos de Espana[Madrid, 1932], pp. 251-259 et Datos para la historia de Jâtiva, 4 vol. [Jâtiva, 1933-1935], I, 73). Ce n'est qu'en 1948 que Beltrân, V. Pascual ypublia son attaque de 1922, « La conquista de Jâtiva por Jaime I no pudo ser en 1249», Anales del centro de cultura valenciana, XVII(1948), 4150 Google Scholar), posant l'existence de quatre sièges sérieux en 1239, 1240, 1244, et — cela uniquement à cause d'actes de concessions du Repartimiento— en 1248. Mahomet Bencheneb a relevé les datations des historiens arabes entre le 30 décembre 1247 et janvier 1248 (« Notes chronologiques principalement sur la conquête de l'Espagne par les Chrétiens », Mélanges René Basset, études nord-africaines et orientales, 2 vol. [Paris, 1923-1925], p. 76). L. Torres Balbâs, dernier en lice, conclut à un long siège qui dura de 1239 à juin 1240, puis au grand siège de 1248 — faisant reposer cette date sur la coïncidence quasi totale entre Zurita et le biographe encyclopédiste (t 1282) Ibn Khallikàn (reddition entre le 18 et le 28 janvier 1248) : ce qui repousse à 1250 le transfert du second château (« Jâtiva y los restos del palacio de Pinohermoso », Al-Andalus, XXII [1958], 145-147).

61. Il faudrait une étude indépendante pour documenter cette chronologie et cette interprétation qui ne correspondent pas au point de vue généralement adopté ; cf. plus haut note 16.

62. Llibre, ch. 368 : «aquella de Xativa, qui havien forfeit». Cf. Rodôn Binué, Lenguaje téenico del feudalismo, pp. 122-124, « forisfacere » et variantes. Le catalan « forfer » avait, au XIIIesiècle, le sens global de crime ; l'usage féodal appliquait spécialement ce mot à un délit commis par un vassal ou à un « castel forfeu ».

63. Miret y Sans date la charte de Jâtiva du 23 janvier 1252 (Itinerari, p. 219), s'éloignant en cela de Fernândez y Gonzalez qui avance la date de 1251 : le manuscrit dit : « Xative x calendas febroarii anno Domini MCCXL primo ». Le roi Jacques se trouvait dans le royaume de Valence en janvier ces deux années-là. F. Fernândez y Gonzalez, Estado social y politico de los mudéjares de Castilla(Madrid, 1866), appendice, doc. 24 ; Colecciôn diplomdtica de Jaime 1 el Conquistador, éd. par A. Huici Miranda, 3 vol. (Valencia, 1916-1922), doc. 412 et ailleurs. L'assignation de propriétés dans ce document est faite par Simon Pérez d'Arenos comme « tenens locum » du roi, office qu'il remplit plusieurs fois à partir de 1238 et qu'il exerçait à la chute de Jâtiva en 1244 (Itinerari, pp. 137, 145, 167).

64. Crônica de San Juan de la Pena, ch. 36 : « unum castrum vocatum de Montesia mirabilis fortitudinis quod non fuit captum in adquisitione regni Valentiae quinimo Sarraceni id ab antiquis temporibus tenuerant ».

65. IJibre, ch. 368 : « exien se de la terra, e anaven se.n a Montesa tots ». Desclot commet la même exagération lorsqu'il évalue les défenseurs du siège de Montesa à 30000 (Crônica, ch. 74).

66. Conde, Dominaciôn de los Arabes en Espana, p. 269, utilisant « Alabar Alcoday » de Valence, un témoin oculaire. Il faut remarquer que non seulement Yahyâ est demeuré gouverneur, mais qu'Abû Bakr Muhammad lui a succédé.

67. Arch. Cour., Jacques Ier, Reg. Cane. 9, fol. 24 v° (27 février 1257) : des maisons ; Reg. 11, fol. 152 (29 sept. 1259), comme Aldehacen ; fol. 192 (24 janvier 1260), un rahalou real, propriété non close dans la campagne.

68. Les deux autres éléments de son nom figurent dans un manuscrit catalan : « Mahommet Benayhe Abenayça » ; un autre emploi que Soldevila lit «Abu ben Abenayça » signifie sans doute « Bakr » pour le premier du double « ibn » (cf. les documents cités à la note 79). Il était très commun d'appeler quelqu'un par sa kunya, en Espagne, comme c'est ici le cas pour Abu Bakr, mais Jacques emploie fréquemment le nom propre d'autres chefs importants comme Yahyâ, Ibrahim et Muhammad.

69. Arch. Cour., Jacques Ier, Reg. Cane. 19, fol. 82 v° (17 décembre 1273). Jacques était occupé par la révolte principale et ne tenait pas pour l'instant à s'en prendre à Montesa. Le 20 mais il avait exhorté ses vassaux récalcitrants à l'accompagner pour se porter au secours de la Castille, comme l'avaient fait leurs pères : « in facto Ubede, Almerie, Provincie et nobis in Navarra, Maiorica, Valencia, Murcia et pluribus aliis locis […] nos sequi in Yspaniam » (Itinerari, p. 478).

70. Arch. Cour., ibid., Reg. Cane. 20, fol. 233 v° (28 mars 1275). « Per nos et nostros cum presenti carta volumus et mandamus vobis alcayde de Montessa et abenfarrino quod tradatis castrum de Montesa fideli nostro A. Scribe baiulo et procuratori nostro Valencie loco nostri. Nos etiam cum presenti carta per nos et nostros absolvimus et appelamus quitium vos dictum alcaydum et vestros imperpetuum de Castro predicto cum ipsum tradideritis dicte A. Scribe loco nostri. Ita quod extunc cum ipsum castrum dicto A. Scribe tradideritis non possitis nos [,] vel nostri vos [,] inde modo aliquo demandare. Datum Ilerde v kals. Aprilis anno domini MCCLXX quinto ».

71. Je lis Abenfarrino (datif) et déchiffre Abenfejim dans le document cité à la note 83. Soldevila donne Abinfen et Ben Farim dans les documents de la note 79. Les noms hispanoarabes pouvaient s'enrichir de l'augmentatif un, Al-Azraq devenant Zarqûn, par exemple. A défaut d'analyse l'analogie des sons suggère aussi Ibn Hâriz (un champion tué par le Cid), Hârûn, et des variantes similaires, f et h alternant dans les versions chrétiennes. Au sujet des charges de hâjibet wazïr, dont l'évolution en Espagne diffère, se reporter à mon article à paraître : « Forms of Address and Realities of Political Power in Islamic Valencia During the Crusade Génération ».

72. Arch. Cour., Jacques Ier, Reg. Cane. 20, fol. 257 v° (17 mai 1275) : « tu alcaydus abubaqr abenayça alcaydus [sic] Montese debebas reddere Castrum de Montesa ». Lorsque alcaydusprécède le nom, il fait fonction de vocatif ; lorsqu'il le suit il est descriptif ; c'est un phénomène assez rare et peut-être une erreur de transcription, que l'on retrouve dans la note suivante avec alguazirus.

73. On le retrouve au fol. 329 v° (6 mars 1276) : « tibi alguaziro Abuquequero Abenutzali alguaziro [sic]olim civitatis Murcie ». La date 1275 correspond à 1276 dans l'autre calendrier puisque le vizir retiré était encore en activité en mai 1275 dans le document précédent. Le nom qui figure dans le document de mai est Abubeca Abenhuarda ; il est ici Abuquaquer Abenuhatza ; on trouve Abubecr et Abubacre Abuadah dans un appel par les deux vizirs de Murcie au roi de Castille en 1266 (Fernândez y Gonzalez, Mudéjares de Castilla, appendice, doc. 47) ; il devient Abubecre Abuadan dans la copie du même document qui figure dans Itinerari(p. 383). Le Repartimiento de Murciamentionne la propriété « de alguazil Aboadille Abn Abilcaçim Abn Abilhatab Aben Uadah », donné ailleurs sous la graphie Aben Hudab et Aben Huadach (éd. J. Torres Fontes [Madrid, i960], pp. 192-193).

74. Arch. Cour., Jacques Ier, Reg. Cane. 20, fol. 297 (19 mai 1275).

75. Khaldûn, Ibn, Histoire des Berbères et des dynasties musulmanes de l'Afrique septentrionale, tr. Wm. MacGuckin (Baron de Slane), rev. P. Casanova et H. Pérès, 4vol. (Paris, 1925-1956), IV, pp. 7481, 361, 464.Google Scholar

76. Un écho de ces troubles de printemps se trouve dans la fuite des « Sarraceni de Muntesia vel aliorum locorum regni Valencie » en divers territoires musulmans, fuite que la Couronne a facilitée en octobre 1276 ; et dans l'interdiction d'importer des « arma, victualia, seu alias res prohibitas », « apud Muntesiam vel alias partes seu loca Sarracenorum », procédure que l'on ne pouvait employer que dans les pays musulmans en guerre avec la chrétienté ou dont la puissance militaire était menaçante. Soldevila publie ces deux documents dans Père, 2e partie, I, appendice, doc. 33, 41.

77. Llibre, ch. 369.

78. Soldevila, Père, 2e partie, I, doc. 67 (27 mai 1277) qui renvoie aux conditions attachées au projet du 13 janvier (donné sans ces conditions dans le doc. 52). Au sujet de la guerre, mais se rapportant essentiellement à Pierre et sans la documentation supplémentaire et l'arrière-plan de notre article, cf. Irepartie, III, ch. 16 et 2e partie, ch. 2 et 3. Voir aussi sa Vida de Père el Gran(Barcelone, 1963) qui est plus concise, ch. 6 et 11. Les débuts bien embrouillés de cette révolte, ses rapports avec des attaques contre des quartiers maures paisibles, et tout particulièrement la chronologie indépendante de la révolte des Maures et des troubles civils chrétiens sont traités dans mon article « Social Riots on the Christian-Moslem Frontier (Thirteenth-Century Valencia) », American Historical Review, LXVI (1961), pp. 378-400.

79. Soldevila, Père, 2e partie, I, doc. 65 (20 mai 1277) : « ad petendum et recipiendum nomine nostro castrum et villam de Montesa ab alcaydo Abu ben Abenayça et Abdela Abinfen et ab aliis ad quos ad quos [sic]pertinent et quorum interest » ; et doc. 66 (22 mai 1277), une explication en latin de la mission et « credencia », le mécontentement du roi « de responsione quam dictus alcaydus sibi fecit ad predicta per dictum Eximinum », et le nouvel avertissement « per alias litteras sarracenicas » transcrites ici dans le catalan d'origine et en totalité (” nos no tenim per bastant »). Sur la forme des noms voir plus haut, note 71.

80. Ibid., doc. 67 (28 mai 1277), 68 (id.), 71 (20 juin 1277) : « guerra quam habemus cum Muntesia ».

81. Archivio segreto vaticano (Rome), Reg. Vat. 38, fol. 33-33 v°, ep. 143 (12 avril 1277) ; ainsi que les fol. 13 v°-32, ep. 138 (id.), et fol. 33 V°-34 r°, ep. 144 (id.).Voir aussi, Rationes decimarum Hispaniae (12JÇ-1280), éd. par J. Rius Serra, 2 vol. (Barcelone, 1946-1947), doc. 3, 10, 12, 14 et 15 ; voir en particulier doc. 3 (1280) : « tempore quo Sarraceni regnum ipsum hostiliter impugnabant, quando idem dominus rex 15,000 libras [turonenses] accepit mutuo de pecunia decimali » ; s'y trouve rappelée lettre du 2 décembre 1279 : « ad defensionem sui regni […] propter necessitatem que sibi et regno suo imminebat, pro eo quod Agarenorum rabies inportuna regnum ipsum potentissime et periculos[is]sime invadebat ». Le doc. 15 (30 juillet 1279) contient les injonctions de Pierre : « satis possit constare domino pape, per famam de necessitate quam habebat dominus rex […] propter guerram quam habuit cum Sarracenis, specialiter in facto Muntesie… » ; « multi espiscopi et prelati et nobiles ac barones et etiam religiosi, qui fuerunt présentes et noverunt plenarie necessitatem et negocii veritatem in obsidione Muntesie ».

82. Soldevila publie les documents du 3 juillet et du 21 août (doc. 75 et 93) ; « negotium Muntesie credamus in brevi ad laudabilem finem deducere ». Son relevé des documents souscrits par le roi montre, p. 115, que la chute de Montesa eut vraisemblablement lieu le 29 septembre ; le siège se poursuivait encore le 28, mais le roi était dans la ville le 30. Desclot, Crônica, ch. 74.

83. Arch. Cour., Pierre III, Reg. Cane. 40, fol. 114 v° (4 juin 1278) : « quod permittatis alcaydum qui fuit Muntesie cum septem personis et Abenfejim cum quattuor personis exire de regno Valencie et ire ad quascumque partes voluerint absque solucione … » Il s'agit ici de l'Abenfarrinus cité note 71, le nom différant par un trait de plume. Soldevila a été induit en erreur par Desclot lorsqu'il décrit l'entrée du roi, disant que Montesa s'était rendue sans conditions (Père, 2e partie, I, p. 51).