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Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
Ce document est probablement la première Constitution moderne. C'est, avec ses trente articles, l'ultime version d'une suite d'élaborations connues sous le nom d’ « agreement of the people » : ce « Mayday Agreement » fut établi par les adversaires de gauche de Cromwell, les « levellers », aux jours mêmes où il instituait sa République. Les « niveleurs » représentaient, outre quelques libéraux, les éléments, surtout urbains et relativement défavorisés économiquement (artisans, jeunes, classes moyennes appauvries par la guerre civile) qui avaient déjà une évidente conscience politique républicaine ; ainsi qu'un groupe dynamique de soldats et même d'officiers du New Model victorieux, cette armée de recrutement démocratique.
1. « (Les) Levellers… avaient rempli toute la nation de confusion et d'effroi en foulant aux pieds tous les principes de gouvernement et de religion » (Essai sur les cotises qui, en 1649, amenèrent en Angleterre l'établissement de la République, par Boulay De LA Meubthe, p. 93, Paris, an VII).
2. Une bibliographie et historiographie du « souvenir » Niveleur (1660-1960) est de parution imminente ; un autre travail est en cours, où je compte présenter les nombreux textes (éd. Sabine, 1941 et microfilms) de ce « communisme » selon les « diggers » (de 1648-1652) ; cf. Berens, The digger movement in the days of the Commonwealth (1906, rééd. 1961), et des ouvrages critiques libéraux, marxistes, chrétiens.
3. AuBritish Muséum, coll. Thomason ; E. 552/23 ou 571/10, et 669, f. 14/59.
4. Cf. infra, la note se rapportant à la clause XXX.
5. Numéros de fin avril-début mai 1649.
6. Dans W. Hajcler & G. Davies, Levelter Tracts (Columbia Un. P., p. 818 sq), et dans D. M. Wolfe, Leveller Manifestoes (Nelson), p. 397 sq.
7. V. Semenov, Lilburne : pamphlets, Moscou, p. 107 sq.
8. V. Gabrieli, Puritanesimo e Libéria, Einaudi, 1956, p . 151 sq.
9. Cf. Cousin, Madame de Longueville pendant la Fronde : appendice, et De Cosnac, Souvenirs du règne de Louis XIV, p. 256 sq.
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11. Bayle, traduit et complété de biographies dont celle de Lilburne, par Bernard, Birch, Lockman, vol. 7, 1738. 12. Guibaudet et Mirabeau, Histoire d'Angleterre, 1791-92.
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5. C. Hill, The good old cause, 1949 et passim.
6. Brailsford, The Levellers, 1961.
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11. Frank, The Levellers, 1955.
12. Dans Anglijskaja burïuaznaja revoljucija 17 veka, 2 vol., Moscou, 1954, notamment les chapitres de Levitskij, PorSnev et Saprykin ; et dans un ouvrage, demême tre, par Lavrovskij et Barg, 1958.
13. D'Arkhangel'Skij, KresVanskie àoiïenija v Anglii v 40-50 godakh XVII veka, 1960.
14. Brailsford, The Levellers, p. 584.
1. Lilburne utilise souvent son ancien grade de l'armée du New Model, où il avait coopéré à deux reprises avec Cromwell.
2. Ou Convention, ou Pacte (Mirabeau) : c'est déjà le « contrat » social.
3. Pratiquement depuis l'ouverture du Long Parlement.
4. Contre les Royalistes, au cours des deux guerres civiles.
5. L'année 1649 est une année terrible de crise économique et sociale : de nombreux témoignages et projets de réforme le confirment.
1. Ou « République » : l'Angleterre fut officiellement déclarée « A Free Coramonwealth » trois semaines plus tard, les Niveleurs une fois écrasés…
2. Style calviniste caractéristique de Lilburne. Walwyn, humaniste évangélique mais lecteur de Montaigne et de P. Charron, Overton, presque ouvertement rationaliste, ont ailleurs des formules plus « laïques ».
3. « Représentative » : sens technique. Je traduis en général « Assemblée (représentative) », que le texte différencie du « Parlement », ou plutôt du Rump, qui, depuis Pride's purge, faisait maigre figure « représentative »…
4. Restriction partiellement antidémocratique. Mais les Niveleurs réalisaient qu'ouvriers agricoles ou domestiques de la gentry ou aristocratie étaient aussi sous le contrôle moral, mental, physique de leurs maÎtres…
5. L'on notera la suppression de tout cens électoral et déjà des bourgs pourris.
1. Ou « membre »? Le terme « officer » reprend évidemment le « fonctionnaire » du début de l'article ; mais d'autre part l'Oxford English Dictionary date de 1565 notre sens de « one holding a commission in the army ». E t cf. article XXIX.
2. Sens large en Anglais (juristes, avoués, avocats). Il y a un curieux contraste entre l'intérêt porté par les Niveleurs à la notion de Loi (et au style légaliste : répétitions, doublets, attendus…) et leur hostilité à l'égard des soutiens « légaux » des classes supérieures ; les radicaux du temps associent fréquemment « lawyers » et « priests » dans une même hostilité : le cas sera évident chez le leader « digger » Winstanley. En matière juridique, les auteurs de cet Accord sont, en fait, entièrement autodidactes.
1. Sens technique de « Knights & Burgesses » : « a gentleman representinga shire or county in parliament (knight of the shire), & the member of parliament for a borough, corporate town, or university » (Oxf. E.D.).
2. Cf. Titre V.
1. Le Conseil d'Etat exécutif entourant désormais Cromwell, et que Lilburne venait d'attaquer violemment en un pamphlet où lui et ses collègues décrivaient leur arrestation ( The picture of the Councel of State, avril).
2. Ou « dernier Roi » ; il avait été exécuté en janvier. Il s'agit de la Pétition de 1628, ce qui implique donc garanties judiciaires légales, contrôle parlementaire des impôts, interdiction de la loi martiale en temps de paix —, toutes demandées par les parlementaires d'alors.
3. Cf. supra : ou « de la République » : le sens hésite entre les deux, la notion « romaine », centralisée et autoritaire, de l'Etat s'exprimant tout aussi bien depuis les Tudors par le mot « State ».
4. Il s'agit ici de certains principes légaux et « droits de l'homme », que la conception anglaise place au-dessus de la décision parlementaire même majoritaire (et, a fortiori, de l'arbitraire de l'exécutif), et dont la garantie, voire la définition, relève en fait du judiciaire.
1. Les « libertés » (franchises et garanties : « liberties ») explicitant « la Liberté » évoquée quelques lignes plus haut (Freedom).
2. « Covenant » notamment, c'est-à-dire l'engagement politico-presbytérien que Lilburne avait refusé (cas unique) de prendre, préférant quitter l'armée. Cette revendication de la liberté de conscience avait été élevée dès 1644 par Overton, Walwyn, et par Milton dans sa célèbre défense «for the liberty of unlicensedprinting » (Areopagitica : cf. l'Introd. à mon édition bilingue du texte, Paris, 1956, Aubier, passim.).
3. Le lien entre politique-éducation-religion et le rôle des groupements religieux sont tels alors (grâce à la disparition de fait de la censure depuis l'ouverture du Long Parlement, permettant ainsi aux éléments plus populaires ou libéraux de s'exprimer à travers tracts ou sermons) que cela revient à la liberté d'opinion, en tout cas pour l'époque. Cette clause aboutit à la suppression de toute église d'Etat, c'est-à-dire du système qui, dans la réalisation anglicane et les projets « presbytériens », quadrillait le pays (église « établie » et paroisses = communes, ou « classis » presbytérienne), neutralisant toute opposition politique (” sédition » = « hérésie »).
4. « Justness », plus moral que juridique (= «justice in its non-legal sensé » dit l'Oxf. E.D.). D'authentiques scrupules moraux apparaissent alors parmi les soldats dirigés vers l'Irlande catholique, que Cromwell allait soumettre avec une brutalité dont le souvenir est demeuré.
1. D'Etat ou d'Eglise : souvenirs odieux de la Cour de Haute Commission et de la Chambre Etoilée (” luciférienne », disait Milton en 1644).
2. « Interest » implique un groupe (ex : « brewing, Ianded interest ») autant qu'un souci abstrait : allusion évidente à des « groupes de pression » aristocratiques ou commerciaux, liés aux monopoles économiques ou religieux.
3. C'est le fameux « 5 e amendement » de la Constitution américaine (” … Nor shall be compelled in any Criminal Case to be a witness against himself… »), utilisé contre le « witch-hunting ». Sa première formulation légale en ce texte est une des confirmations que les projets Niveleurs passèrent l'océan entre 1650-1700. Il n'est pas impossible aussi que les Levellers aient été influencés par certaines expériences anglo-américaines immédiatement antérieures (cas de Rhode Island avec Roger Williams) ; mais, là encore, ils « laïcisent » systématiquement.
1. Les radicaux d'alors lient souvent l'oppression au « Norman Yoke » importé par Guillaume-le-Conquérant, et symbolisé par le maintien de termes en français dans une législation considérée comme injuste.
2. C'est la réclamation de la « libre entreprise », mais dans un contexte différent de notre époque : les « levellers » représentent, entre autres, des artisans et petits commerçants ruinés par l'action des grosses entreprises financières et commerciales d'une Cité déjà capitaliste, et exaspérés par l'existence de monopoles « féodaux » souvent liés à la royauté Ce sont les « diggers » (Winstanley, dans sa Loi de Liberté) qui proposeront, sans succès, un début de planification.
3. « Subsidies » : votés par le Parlement, à l'origine pour le souverain.
1. Sens juridique (approximatif) de « real or personal (estâtes) ».
2. « Unchristian » ; chacun connaÎt l'indignation de Dickens, deux siècles plus tard.
3. Allusion très probable aux emprisonnements arbitraires, déportations sans jugement (Lilburne devait être envoyé à Jersey en 1654), pilori, torture et mutilations.
4. Probablement la criminalité (Londres a alors 300.000 ou 400.000 habitants) : la version de « l'Ormée Bordelaise » de 1653 traduit « vice ».
5. Il s'agit bien entendu d'une alternative — donc d'une atténuation, le coupable pouvant « payer » autrement que de sa vie un crime « capital ».
1. « Impropriators » : ils étaient fort nombreux, à la suite du processus de sécularisation de biens d'église depuis les Tudor : les dÎmes apparaissent chez tous les radicaux ou libéraux (de Winstanley aux Levellers et à Milton) comme un double symbole d'injustice fiscale et de privilège abusif, auquel s'attachait l'idée d'un droit extorqué aussi aux consciences.
2. Ou « communes » (sens français) : il y avait superposition. Le libre choix et paiement du pasteur est un symbole, et une condition, de démocratie politique et sociale : avec un pragmatisme tout britannique, il y a correspondance entre l'idéal exprimé à l'article X et ces mesures qui assureraient concrètement la suppression de toute église d'Etat. C'était aller à rencontre des anglicans, des presbytériens (et de certains « indépendants »), et au delà des juristes « érastiens » voulant avant tout assurer la suprématie de l'Etat sur (ou dans) l'Eglise.
3. Divisions administratives du temps.
1. « Securities ». La traduction a titres » (d'emprunt d'Etat par ex.) me paraÎt trop moderne à cette date. Pendant tout le conflit, les emprunts avaient été multiples, les ruines fréquentes, les ventes (biens royalistes par exemple) parfois obligatoires, avec rachat par des tiers de bonne foi, qu'en tout cas les « Levellers » ne se souciaient pas de s'aliéner. On voit par contre le courage avec lequel la fin de l'article s'attaque à des hommes en place (Presbytériens, mais aussi probablement certains « grahdees », Indépendants).
2. Ou « l'Etat ».
3. « remove » : sens de « révoquer, destituer », beaucoup plus fréquent que « dépla cer ».
1. Evidemment les députés, le pluriel étant d'usage normal en anglais pour les noms collectifs.
2. Suggestion visant à combiner le système d'une armée nationale avec des aspects d'armée de milice démocratique. On comparera cette clause, et son souci républicain, avec les critiques nettement plus révolutionnaires du « digger » Winstanley, qui, dans sa Law of Freedom de 1652 (édition Sabine, Cornell U.P., 1941, pp. 571-576) définit et met en contraste deux types d’ « Army », l'une d'orientation monarchique et l'autre, une « Commonwealths Army… like John Baptist, who levels the Mountains to the Valleys, pulls down the Tyrant, and lifts up the Oppressed » : donc favorisant une action sociale du type révolutionnaire, que Mazarin dénonçait déjà en une dépêche à Pompone de Bellièvre à propos des « agitators » de 1647 (Winstanley avait d'ailleurs eu d'abord une attitude entièrement pacifiste). Ici nos chefs Niveleurs, qui avaient tenté non sans succès de soulever troupe et cadres moyens en liaison avec leur propagande civile, reviennent à leur méfiance à l'égard d'une force contrôlée par les Officiers « grandees » des Indépendants : à partir de 1650, cette dernière garantira en effet de plus en plus le régime de Cromwell (ainsi le gouvernement par « major-generals » sous le Protectorat) : de cette époque date l'hostilité anglaise permanente pour toute « standing army » : on ne l'a pas encore pardonné à Cromwell. La fin de l'article révèle la méfiance de Lilburne, Overton et Walwyn pour Cromwell, Ireton et même Fairfax. Le conflit couvait dès les Army Débutes de fin 1647, dont la sténographie que nous possédons est absolument révélatrice.
3. Cette restriction, ajoutée très tardivement, marque l'évident souci de se « dédouaner » à l'égard de l'accusation de communisme, souvent lancée contre les « levellers » (d'où ce nom même de « niveleurs », à l'origine attribué par des adversaires plus embourgeoisés), et très particulièrement contre Walwyn à cette date. Le développement du communisme agraire (justement en avril 1649) de ceux qui se «lisaient « true levellers » (squatters du Surrey, programme du « True Levellers’ Standard adoanced, or the State of community… » parvenu à Londres quatre jours avant, le 26 avril) explique l'attitude de nos radicaux : Lilburne en tout cas était individualiste plutôt que socialiste. Cette formule (ternaire) de précaution se retrouve dans plusieurs autres pamphlets Niveleurs : les titres des deux appels ou justifications des soldats révoltés de Mai (cf. Introduction) traduisent la même précaution (England's standard adoanced, et The Levellers, falsely so called, vindicated). Par contre Guizot et, au xviiie siècle, la Biographia Britannica font état d'un texte d'Accord ne comportant lias la formule anti-collectiviste.
1. Déclaration officielle, devant un tribunal d'enquête, qu'il y a, pourrait-on dire, matière à poursuites.
2. Commence ici une quadruple réminiscence évangélique presque textuelle (cf. Mat. xi, 29-30; Luc, iv, 18), qui répond au verset mis en épigraphe : mais la pensée politique et juridique est entièrement « sécularisée ».
3. Mabbot, censeur qui accorda 1’ « imprimatur », inévitable pour des prisonniers, était sympathique au mouvement Niveleur : son initiative, audacieuse ou habile, prouve l'audience qu'avait à Londres le mouvement des trois mousquetaires (le 4e, Thomas Prince, est une figure presque inconnue autrement) de la Tour de Londres. Mabbot fut « démissionné » dans les dix jours par le Conseil d'Etat furieux : il commenta sa démission par des arguments hostiles… à la censure, inspirés de V Areopagitica de Milton, qui lui en avait probablement donné un exemplaire : le futur poète du Paradis perdu venait en effet, ayant ardemment défendu la légitimité du régicide (Tenure of Kings and magistrales, février 1649) d'entrer au Conseil de Cromwell comme secrétaire latin (affaires étrangères) : on lui fit, en mars, demande explicite de répondre aux attaques de Lilburne contre Cromwell : mais lui aussi, discrètement, refusa de condamner les radicaux républicains.
En dépit de nombreux autres pamphlets, en 1649 et même au delà, cet Accord du peuple est le chant du cygne du mouvement « leveller ».