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La multinationalisation de l'industrie électrique française, 1880-1931. Causes et pratiques d'une dépendance

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

Albert Broder*
Affiliation:
Université de Lille II

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En 1898 est créée en France la Compagnie Générale d'Électricité (CGE) destinée, après un demi-siècle de difficultés et parfois de renoncements, à devenir la première entreprise française du secteur. L'entreprise naît de la rencontre de la volonté d'un homme, E. Azaria, et d'un producteur régional de fluide, la Société Normande d'Électricité de Rouen, de se libérer du monopole étranger des fournitures d'équipement. A ce moment, la dépendance française dans le secteur de l'électrotechnique est aussi forte que dans celui de la chimie organique.

Summary

Summary

At the beginning of the 1880's, France appeared both economically and scientifically equipped to seize the opportunites offered by the newborn electrical industry. Half a century later, she was to lag far behind the U.S., Germany, the U.K. and even in some sectors Switzerland, and was responsable for only 6 % of world production.

This article analyses the reasons for this development and surveys the decline of the French economy until the turn of the century, the lack of risk capital and the deterioration of urbanization. These combined factors created a small undynamic market which encouraged the American manufacturers to turn from France to Germany for their continental contact.

The rapid technical and industrial expansion of the latter as well as their intersecting interests (GEC/AEG and Westinghouse/Siemens and the national links) reinforced their French subsidiaries and made the reconquest of the national market, not to mention the export trade, by the new French industry an impossible task.

After the First World War the French lost ail hope of renewing their ties with American manufacturers. Reinforced international cartellization, short-sighted government policies (phone, radio…) and the excellent reputation of German products, prevented the French industry in the 1920'sfrom establishing a firm international position in the world market.

Type
La Grande Industrie
Copyright
Copyright © Les Éditions de l'EHESS 1984

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References

Notes

1. CGE. Notice publique, 1898.

2. Après la grave crise de surproduction subie par l'industrie allemande, et qui fit croire à certains, en France, tel Méline, que cette industrie avait atteint la saturation des marchés.

3. Pour l'exploitation des brevets Jamin et Gramme (ce dernier, membre du conseil, est payé en actions). Les banquiers sont Durrieu (président du CIC), Rostand (président du Comptoir d'Escompte), Lehideux (banque privée), de la Bouillerie.

4. Formée le 23 mai 1881, Brevets Reynier et Wergemann (anglais). Le banquier est Durrieu.

5. C'est la politique suivie par le groupe Lebon, d'abord en Espagne et en Afrique du Nord, puis dans ses petites concessions en France.

6. Voir notre thèse : Le rôle des intérêts étrangers dans la croissance de l'Espagne, 1768-1920. Polycopiée.

7. Idem.

8. F. Crouzet, « Un indice de la production industrielle française au xixe siècle », Annales ESC, n° 1, 1970, pp. 70-99 ; M. Lévy Leboyer, « L'héritage de Simiand. Prix, profits et termes d'échange au xixe siècle », Revue historique, 493, janvier 1970, pp. 77-120.

9. Production industrielle, dans Fontana, Economie History of Europe, t. 4, vol. 2. Appendice statistique :

10. Cf. Albert Broder, Histoire économique de la France, Paris, PUF, 1976, t. 3, 1, pp. 305-346.

11. On trouve aux différents conseils les mêmes banquiers : Ellissen, de Sinçay, Bernheim, Tambour, Mallet, Siegfried, Petsche, aux côtés des inévitables polytechniciens achevant là une carrière de gestionnaires et d'organisateurs, tout en assurant les indispensables relations avec les ministères.

12. Siemens fait son expérience dans le télégraphe et la signalisation ferroviaire, Loewe paraît avoir été le premier à introduire sur le continent la technique américaine née chez Remington de la pièce usinée interchangeable.

13. C'est le cas de la British Westinghouse. Alors que la filiale française est limitée au marché de la France et de son Empire, la British Westhinghouse est autorisée à vendre en France des produits identiques à ceux qui y sont fabriqués.

14. L'Industrielle au capital de 1,5 million de francs, les deux autres, chacune 1 million de francs.

15. Speyr Brothers et Drexel & Harjes. Du côté français Seligmann frères, la Banque d'Escompte de Paris et la Société Centrale de Banque.

16. Dans The Emergence of Multinational Enterprise. American Business abroad from the ColonialEra to 1914, Cambridge (Mass.), 1970.

17. A. Broder, « L'Expansion internationale de l'industrie électrique allemande », dans Relations internationales, XXIX, Printemps 1982, pp. 65-87.

18. Voir sur ce sujet les travaux de H. Morsel. L'électrométallurgie française se place techniquement au premier rang mondial.

19. Détail dans notre thèse, citée infra, n. 6.

20. En fait, le noyau est formé de l'ancienne Thomson Houston International, dont les responsables prennent les postes clé dans la nouvelle entreprise.

21. Il s'agit de C. A. Coffin et de E. Griffin, personnages centraux de la maison mère. Coffin est chairman de la GEC, et Griffin président de la Thomson Houston International.

22. Soit la prise de contrôle ou la minorité de blocage chez les éventuels utilisateurs. Références pour l'AEG dans Broder, op. cit., n. 17. Pour les États-Unis, entre autres, U.S. Senate, Hearings, Document 46-70, 1, 1928.

23. Toute la zone méditerranéenne à l'est du Rhône et la moitié méridionale des Alpes.

24. Cf. A. Broder, « L'Industrie électrique française dans le contexte international, 1881-1930 », Congrès du Centenaire de la Société des Électriciens (sous presse).

25. Infra, n. 24, pour le renvoi aux références.

26. Détails et références dans notre thèse, infra, n. 6.

27. Idem, surtout pp. 1837-1843.

28. Pour l'Espagne, détails dans notre thèse, infra, n. 27.

29. Idem. Les détails dans l'acte de dissolution de la Thomson Houston de la Méditerranée. Un membre (tournant) du conseil de surveillance d'AEG siège au conseil de la CFTH. En échange, l'administrateur délégué de cette dernière, Ernest Thurnauer, siège au conseil de l'AEG. Mais sans effet, puisque la CFTH n'a aucun droit sur les contrats exécutés par la firme allemande.

30. Pour les détails, voir notre thèse, infra, n. 6 et 27, surtout pp. 1 721-1 778.

31. En particulier les Financières franco-suisse et italo-suisse. Pour détail, infra, n. 24.

32. La Russie exige la construction sur place du matériel faisant l'objet de contrats officiels. Or les grands projets sont publics.

33. La centrale électrique de Passy, construite en 1879, est revendue l'année suivante.

34. Cf. une correspondance de Thyssen à propos de l'acquisition de mines de fer en Normandie et de la construction d'une aciérie. Voir infra, n. 24.

35. Une ligne spéciale a été construite, de plus de 100 km, en Brandebourg, et les locomotives dépassent normalement les 150 km/h. En France, au contraire, les responsables militaires du « Train » sont hostiles à une technique qui rendrait plus vulnérable le transport ferroviaire. Encore qu'ils voient avec plus d'indifférence l'électrification entreprise par le Midi des lignes pyrénéennes (cf. n. 24). L'organe commun est la « Société pour l'Étude pour les chemins de fer électriques à grande vitesse ». Une locomotive d'essai a atteint 210 km/h. A partir de 1912, des essais d'endurance ont lieu sur la ligne Dessau-Bitterfeld (Anhalt et Saxe prusienne).

36. Dr. Joseph Dubois, Les Locomotives du Nord. Histoire de Fives Lille Cail, Lille, 1983.

37. C'est la création de cette société qui est à l'origine de la démission des membres français du Conseil. La presse relève avec ironie que dans d'autres occasions les Schneider sont parmi les plus ardents protagonistes du boycott des produits allemands. Mais il n'en est fait mention que dans la presse financière spécialisée, La Journée financière, 23 avril 1914. Ni les grands quotidiens, ni les organes économiques (Économiste français, Économiste européen, Réforme économique, le Globe…) ne mentionnent le passage de Creil sous contrôle allemand.

38. Alsacienne de Construction mécaniques, Belfort, Statuts. Spécialisée dans le thermique. Les câbles et les conducteurs sont fournis par Mulhouse et, en cas de besoin spécifique, par Siemens (Berlin) ou même, est-il spécifié, Siemens Brothers (Grande-Bretagne). Mulhouse livre chaudières et machines à vapeur. Les dynamos sont statutairement fabriquées à Berlin.

39. Ces derniers sont pratiquement les seuls à pouvoir livrer des centrales électriques thermiques ou hydrauliques en assurant la totalité des équipements. Les Français, en ce qui concerne le thermique, doivent combiner des sources diverses, en particulier pour les dynamos Râteau, CEM, ou les importer. Même la CFTH ne couvre pas la gamme des matériels. En outre, les sociétés de travaux publics sont mieux intégrées en Allemagne. Mais ici les progrès français sont très rapides grâce surtout à l'hydro-électricité et, en 1913, on ne note aucune différence de qualité.

40. Strowger de Kansas City, en l889.

41. Pour la TSF, en 1921, près de 50 % des émetteurs à longue distance (relations internationales) sont de construction française. Mais, concernant les émetteurs de radio divertissement, la France reste dans le vague. Les rares émetteurs privés n'ont pas de statut et sont « illégaux », donc faibles, et soutenus par les constructeurs de matériel (Ducretet) ou agences (Havas). Les PTT exigent le monopole au nom de l'unité du monopole de transmission de l'information. Mais ils n'ont ni compétence ni personnel, et les émetteurs (Radio PTT) fonctionnent mal. Cependant, en 1926, le statut est toujours discuté au Parlement et butte sur les limites de la liberté d'expression des journalistes… A ce moment, il y a 29 émetteurs, dont 9 puissants en Allemagne, 22 émetteurs et 9 millions de postes en Grande-Bretagne. Cf. infra, n. 24, pour les références.

42. CGE, Statuts. Pour le détail, la Normande d'Électricité (Paul Bizet) apporte en actifs industriels les usines Mouchel et les lampes à brevet Gabriel et Angenault, rémunérés 56,44 % du capital. Paul Azaria apporte la Compagnie Française de Pulvérisation des métaux, 2 395 actions de la Compagnie Française des lampes à incandescence, un concours bancaire et les accords avec Brown Boveri et la Metalgesellschaft, sans plus de précision. Les archives ouvertes de l'entreprise sont muettes sur l'origine et la nature de ce dernier accord. Comme sur son application.

43. Infra, n. 24.

44. CGE, Assemblées générales, 1911 et suivantes.

45. Fondée par la volonté du doyen de la Faculté des Sciences, appuyée par les industriels locaux, et financée par un don de la Société Solvay. Le financement public ne viendra que plus tard grâce à l'influence du sénateur de Nancy, ancien polytechnicien, Albert Lebrun.

46. Assemblée générale, 1919 (pour 1918), 26 juin 1919.

47. Les Belges facilitent juridiquement les transformations de la Sofina (cf. infra, n. 27). Quant aux Suisses, ils sont inquiets sur le devenir de l'Elektrobank dans laquelle sont impliquées des banques suisses, dont le Crédit Suisse, et dont une forte partie des obligations sont dans les portefeuilles helvétiques.

48. Infra, n. 24. La forte inflation permet d'offrir aux entreprises françaises en reconstruction des équipements (moteurs, dynamos…) à des prix inférieurs de 30 à 60 % aux plus faibles offres françaises. Cet avantage existe aussi en Italie ou dans les pays dont la monnaie ne subit pas trop durement les contrecoups de la guerre. C'est-à-dire hors de l'Europe centrale.

49. Infra, n. 6, 17 et 27.

50. Infra, n. 27, surtout pp. 1737-1758.

51. Infra, n. 46.

52. Infra, n. 27. Les sociétés installées au Canada, mais exerçant hors du Canada, sont exemptes d'impôts.

53. Infra, n. 27. La banque allemande et française est implantée en Belgique (Banque de Paris et des Pays-Bas, Crédit Lyonnais, du côté français ; Banque de Bruxelles, Banque Internationale de Bruxelles… du côté allemand). En outre, la législation belge permet presque toutes les manipulations de capital.

54. Outre les accords transatlantiques, des accords de partage de brevet existent entre Westinghouse et GEC (US Senate, Document 46-70, 1, 1928). Siemens et AEG sont liées dès la naissance d'AEG et, bien que séparées, collaborent en nombre d'entreprises communes (cf. A. Broder, « L'Expansion internationale… »,op. cit.).

55. Infra, n. 54. Cf. n. 35 pour un bon exemple, mais aussi Osram, Tobis Klangsfilm, Deutsche Gramofon Gesellschaft plus tard, Telefunken, Deutsche Tudor…

56. Ceci n'est pas toujours vrai. Ainsi l'Afrique du Sud échappe-t-elle au monopole des filiales installées en Grande-Bretagne, sans doute pour des raisons politiques. C'est AEG qui équipe les chutes de Victoria aménagées pour alimenter les mines du Rand.

57. Ce n'est qu'en 1974 qu'est véritablement entrepris l'équipement moderne et généralisé du réseau français. En 1925 la situation est la suivante :

58. Dès la paix revenue et la cession de la Western à ITT effectuée, cette dernière construit à Anvers la plus grosse usine européenne. Sa stratégie première (rapidement abandonnée) étant d'alimenter les réseaux à partir de cette usine. Pour Atelco/Strowger, infra, n. 40.

59. Infra, n. 24.

60. Nous nous référons au texte dactylographié présenté par A. Teichova au Colloque sur les multinationales, Florence, septembre 1983.

61. La CGE, fortement implantée en Catalogne après avoir été en concurrence avec Siemens, cède au groupe allemand l'essentiel de ses intérêts et des marchés d'équipement, tout en laissant croire au gouvernement français que les pourparlers en cours ont pour finalité la cession des intérêts Siemens aux industriels français. Cf. notre thèse, pp. 1721-1778.