Published online by Cambridge University Press: 25 May 2018
La renaissance d'une sensibilité régionale en France est un phénomène multiforme et ambigu. Elle se pose en évidence en s'opposant à de très vieilles traditions centralistes et nationales. Mais, comme beaucoup de prises de conscience, elle fait naître plus d'interrogations qu'elle ne résout de problèmes — malgré les certitudes qu'affecte souvent le discours militant. Qu'est-ce qu'une identité régionale en France aujourd'hui ? Il était légitime que les historiens soient convoqués dans ce débat. C'est plutôt leur excessif empressement que critique Gérard Cholvy dans l'article que nous publions ici. Au-delà des polémiques — sans doute inévitables et peut-être nécessaires — on souhaiterait qu'il soit l'annonce dans les Annales d'une réflexion et d'une discussion sur la réalité et sur les perceptions de la région dans la longue durée.
A number of books have now appeared on the recent history of the region of Southern France called Occitanie (roughly the area covered by the Southern portion of the ancient province of Languedoc). For the most part they are not the work of professional historians. This development is not without its drawbacks, since antiquarian methods can hardly give rise to the progressive history that certain of these authors dream of creating. Little may be expected from a history which appeals to the emotions and delights in abusive simplifications and preconceived schemas.
It is therefore necessary to establish the guidelines of a new history, one which will take into account demographie phenomena and the economy, especially the great problem ofthe absence of industrialization in the region and its causes. One must, for example, consider the obstacle constituted by the lack of manpower, the working force having been attracted to the vineyard, where a Malthusian regime was the outstanding demographie factor ever since the rise of the wine trade. While industry has been slighted, viticulture, in contrast has enjoyed unanimous popularity. The major economie fact, clouded over by some authors, is the astonishing prosperity of vine growing in the area of the plains following the opening ofa national market. It left the memory ofa golden age to which many generations have hoped to return. In the domain of mentalités, there are also a large number of false but tenacious ideas in circulation. For example, with regard to the location and earliest date of the region's leftist political orientation, and to the subject of “de-Christianization”. In the plains, the ideal that was cherished by almost everyone was that of individual advance, linked, on the cultural level, to mastery of the French language. Now, however, the abstract man of the Enlightenment and the liberal economy in which he was supposed to operate are both being challenged here.
1. « Qu'est-ce que c'est l'histoire ? L'arrière grand-père mort le 2 décembre 1851 ; le grandpère qui est mort en déportation, après la Commune de Narbonne… », André Benedetto, « L'Occitanie en question», France Culture, 26 août 1974.
2. Émission de France Culture, cit. note 1.
3. Si l'on met à part le Que sais-je ? pionnier et toujours unique d'Emmanuel Le Roy Ladurie, paru en 1962 (24e mille en 1974). «Pour ce qui est précisément de l'Occitanie et de l'occitanisme, nous avons éprouvé que la science historique officielle ou officieuse en France entretenait l'ignorance. Elle va jusqu'au militantisme de la méconnaissance » affirme Robert Lafont, La revendication occitane, 1974, p. 10. Qu'on nous permette cependant de souligner l'édition de travaux universitaires n'est pas de celles qui font recette. Ainsi l'absence de publications imprimées ne signifie pas pour autant le désert de la connaissance.
4. L'Histoire de Provence réalise un heureux équilibre entre les périodes. De même L'histoire d'Aquitaine consacre à la vie politique contemporaine de substantiels passages, cf. A. Armengaud, « Du nouveau sur l'histoire de la France méridionale », Annales du Midi, 1973, n° 111, pp. 131-134.
5. «paragraphes… synthétiques à l'excès, voire parfois insuffisants» reconnaît A. Armengaud dans sa bienveillante critique.
6. A. Armengaud, ibid., p. 134.
7. L'État économique du Languedoc à la fin de l'Ancien Régime, 1750-1789, Paris, 1911.
8. Lafont, R., Clefs pour l'Occitanie, Paris, 1971, p. 32.Google Scholar Du même auteur, La révolution régionaliste, Paris, 1967; Sur la France, Paris, 1968; Décoloniser en France, Paris, 1971 ; Nouvelle histoire de la littérature occitane, Paris, 1970-1971 ; Le Sud et le Nord, dialectique de la France (sous la direction de R. Lafont), Toulouse, 1971. Il est difficile de ne pas signaler le chapitre de M. Grosclaude, consacré aux « Comportements politiques » : le Midi rouge (« Marseille révolutionnaire depuis 1789 » !) est opposé au Nord à droite. Affirmations qui attestent la profonde ignorance de leur auteur dont l'analyse historique est absolument nulle ; Lettre ouverte aux Français d'un Occitan, Paris, 1973 ; La revendication occitane, Paris, 1974.
9. E. Le Roy Ladurie, « Combats pour l'Occitanie », Le Monde, 29 novembre 1974. Sur la naissance du mythe, on sait le rôle joué par l'ouvrage du pasteur Napoléon PEYRAT, Histoire des Albigeois, 1870, arme de guerre contre le cléricalisme. Opinion de R. Lafont : l'Église cathare est « d'abord le fait de la bourgeoisie d'affaires ». Elle bénéficie de la protection des seigneurs, anticléricaux. « Au demeurant, cette religion très sombre, qui voyait dans la création l'oeuvre du démon, et qui engageait ses prêtres sinon ses fidèles à un ascétisme de désespoir, ne pouvait convertir les masses. » Mais la répression du catharisme pose le problème du droit à l'hérésie, Sur la France, cit. p. 93.
10. Lettre ouverte aux Français…, cit. p. 68.
11. Clefs pour l'Occitanie, cit. pp. 127 et 220.
12. Nouvelle histoire de la littérature occitane, cit. p. 489.
13. P. 146.
14. La Revendication occitane, cit. p. 19.
15. Histoire de l'Occitanie, Barnier, Nîmes, s.d., 146 p. traduit de l'occitan par J. Revest. L'istoria d'Occitania avait paru en 1968. Lo Libre Occitan, Lavit. Préface de R. Lafont: «Le livre d'aujourd'hui a une valeur d'éveil. Un éveil qui me semble juste, à la bonne lumière de la vérité ». « L'auteur n'a pas écrit avec une idée préconçue le Petit Lavisse occitan… Pour la première fois nous sentons l'histoire occitane. »
16. Avant-propos.
17. Cf. M. J. Carbonnier, « De l'idée que le protestantisme s'est faite dans ses rapports avec le catharisme, ou des adoptions d'ancêtres en histoire », Bul. soc. hist. du protestantisme français, t. CI, 1955, pp. 72-87. Aucun historien sérieux ne soutient aujourd'hui les affirmations de N. Peyrat.
18. Napo, F., 1907. La Révolte des vignerons, Toulouse, 1971, 279 pGoogle Scholar.
19. Cf. le compte rendu de l'ouvrage par R. Laurent dans Annales du Midi, 1973-III : « Le récit demeure événementiel. Le milieu où se développe la crise est à peine esquissé ».
20. A Montpellier, Jules Guesde, rédacteur aux Droits de l'homme avait multiplié les appels aux armes. Il y eut quelques mouvements à Sète et Béziers, un peu d'agitation à Lodève, Riols et Saint-Chinian (qui sont des centres textiles). « Dans la plaine, il y a plus de propriétaires que d'ouvriers, la terre est entre les mains de tous, constitution qui est un obstacle salutaire à ces doctrines », E. Lisbonne, préfet de l'Hérault, 20 août 1871, A. D. Hérault 39 M 247. Or Lisbonne est un républicain, ex-proscrit du 2 décembre, un « rouge du Midi ».
21. Pour une analyse détaillée, cf. la critique que nous avons faite de l'ouvrage dans Études sur Pézenas et sa région, V, n° 3, 1974, pp. 31-36.
22. Autre exemple vers 1870 entre le Tarn-et-Garonne et la pauvre et rude Ariège dans A. ARMENGAUD, Les Populations de l'Est-Aquitain au début de l'époque contemporaine (vers 1845-1871), Paris, 1961, p. 320.
23. Paris, Hachette, 1974, 351 p.
24. « La période impériale (1er Empire) semble avoir marqué une étape importante dans la francisation du Languedoc »… mais que savons-nous sur l'état de l'enseignement primaire à cette époque ? « Les fédérés de 1871 sont les ancêtres de vignerons de 1907 » (p. 287) ; p. 255, il est question des juristes : de longs développements sont consacrés à l'obscur J.-P. Fabre de l'Aude, Cambacérès n'est même pas cité ! ; p. 279 « les revendications régionalistes ne se manifestaient pas encore » (en 1870) : et dans les milieux légitimistes ? p. 301, le Front populaire : « C'est en Languedoc surtout que l'union des gauches se réalisa le plus complètement : la lecture de la thèse de 3e cycle de Marianne CARON, Le Front populaire dans le Bas-Languedoc et le Roussillon, Montpellier, 1973, malheureusement non imprimée, aurait permis de nuancer sérieusement cette affirmation : sur 14 candidats radicaux, 11 ont fait campagne contre.
25. P. 244, « La plupart des prêtres refusèrent de prêter serment. » A comparer avec H. ESPIEUX, supra, p. 4 ; p. 250, « Ce qui importait à l'Église romaine, c'était de reconquérir son influence sur les âmes. Et elle y réussit grâce à l'Empire… et Chateaubriand. » Le raccourci est plaisant, la réalité tout autre. Mais l'ouvrage transpire un anticléricalisme hargneux ; p. 257 «Depuis 1200 jusqu'en 1850, toutes les idéologies systématiques qui se sont développées en Languedoc présentent le double caractère d'être universalistes et antiromaines » : l'auteur doit ignorer le rôle essentiel du Languedoc dans le développement — et le succès populaire — de l'ultramontanisme à partir de 1830. Guizot est « démocrate de sentiment » (p. 264) ; p. 267, « Le Languedoc sous le second Empire ne disposait pas de grands capitaux » : et les revenus tirés du vignoble ? (cf. p. 269 « d'énormes bénéfices » ?) ; la ligne Montpellier-Sète fit la fortune de Béziers… dès 1831 (p. 268); «Le département de l'Aude était (en 1871) depuis 1848, foncièrement républicain et socialiste » (p. 280). Et le succès du bonapartisme rural ? « Chose curieuse, il y avait des antisémites parmi les mineurs de Carmaux » (p. 293). R. Nelli ignore-t-il l'antisémitisme de gauche ? Cf. pour Narbonne, F. Napo, « Un antisémitisme sans équivoque caractérise le socialisme narbonnais », op. cit., p. 20.
26. Pas une ligne sur l'établissement du réseau ferré ! Rien sur l'immigration. Indifférence absolue aux facteurs démographiques — brèves allusions pp. 29, 293 — qui s'explique peut-être pas l'occultation des travaux d'A. Armengaud. Rien — et c'est un comble ! — sur les élections au suffrage universel en 1848 et en 1849. Rien non plus de précis sur la résistance au 2 décembre 1851. Rien sur les grèves viticoles de 1903-1904 (pratiquement ignorées de tous les auteurs et cependant beaucoup plus intéressantes que le mouvement de 1907).
27. De là un paragraphe peu utile sur la «Petite Église »(pp. 251 ss.). Le long développement consacré à Auguste Comte n'est pas sans intérêt mais conduit à majorer l'influence du philosophe parmi les siens.
28. P. 260, le royalisme populaire de 1815 trouve sa seule explication dans « la lassitude et le scepticisme ». Les éléments populaires ont été « trompés… Le véritable (sic) peuple languedocien était obligé de se taire et de subir ». Les ouvriers des villes sont qualifiés de « républicains de coeur » (p. 262) ; c'est ignorer le peuple blanc de Nîmes, de Lunel, de Montpellier, de Sète, etc. Sans parler des cités manufacturières comme Ganges, Lodève, Bédarieux, Castres, Mazamet…
29. N'ayons garde d'omettre La Petite encyclopédie occitane d'André DUPUY, lra édition en 1972, un autodidacte qui dresse « bien davantage en poète qu'en notaire l'aimable inventaire » des richesses de l'Occitanie (liminaire de J. G. Gigot). Entreprise méritoire, dont la réalisation n'est pas dénuée d'intérêt (bonnes cartes et illustrations) mais qui souffre d'un vice rédhibitoire celui de tout « expliquer » à travers le seul prisme occitan. L'auteur confond de plus — c'est peu original à vrai dire — adhésion à la République en 1870 et participation au mouvement communaliste.
30. J.-M. Mayeur, « Le développement des études régionales ouvre un nouveau domaine à l'historiographie», Le Monde, 1er janvier 1973.
31. Excellent exemple récent dans Roger Béteille, Les Aveyronnais, Poitiers, 1974, 477 p. (thèse de géographie). Les populations du Rouergue font preuve d'un considérable dynamisme démographique, avec une natalité qui, malgré l'émigration est toujours supérieure à la moyenne nationale. La population du département culmine en 1886. A partir de cette date la diminution s'explique par un fort courant migratoire. Il faut noter la coïncidence entre les forts départs des années 1886-1891 et la reconstitution du vignoble en Bas-Languedoc. En 1901, la colonie aveyronnaise installée dans l'Hérault est forte de plus de 20 000 membres.
32. Il pose évidemment celui de l'attitude des classes dominantes. Pour le Sud-Ouest, non abordé ici, cf. F. Crouzet, « Les origines du sous-développement économique du Sud-Ouest », Annales du Midi, 1959, pp. 71-79 et A. Armengaud, «A propos des origines du sousdéveloppement industriel dans le Sud-Ouest», Annales du Midi, 1960, pp. 75-81.
33. Markovitch, Tihomir J., « L'industrie française au XVIIIe siècle », Cahiers de l'I.S.E.A., t. II, n° 8, 1968, p. 1687 Google Scholar. Les conclusions de l'auteur montrent qu'il est hasardeux d'aller chercher dans le centralisme monarchique, tout autant que dans les conséquences de la révocation de l'Édit de Nantes, les raisons d'un déclin… qui n'existe pas. Markovitch précise que « ni la Champagne ni la Picardie, ni même la généralité de Rouen ne pouvaient se mesurer avec le niveau de production de la généralité de Montpellier » (p. 1 629).
34. Cl. Fohlen, «En Languedoc: vigne contre draperie», Annales E.S.C., n° 3, 1949 et L. Dermigny dans Histoire du Languedoc, Privât, p. 405. En 1785, « le commerce du Levant est en crise… depuis plus d'une décennie. La grande époque de la draperie carcassonnaise et clermontaise est passée… C'est de déclin durable qu'il s'agit ». Crise de la soie à Nîmes à partir de 1789, à la suite de la fermeture de plusieurs marchés étrangers.
35. L. Bergeron, « Les origines de la mécanisation de l'industrie lainière en France », Revue historique, janvier-mars 1972.
36. Lettre du préfet de l'Aude, 29 avril 1809, A. D. Aude 13 M. 397 et Y. Maurin, L'élevage ovin en Languedoc dans la première moitié du XIXe siècle, Montpellier, 1974 (thèse de 3e cycle). Lévy-Leboyer note que la prospérité des industries du Midi étaient dues « au bon marché des laines locales et à l'abondance de la main-d'oeuvre », Les Banques européennes et l'industrialisation dans la première moitié du XIXe siècle, Paris, 1964, p. 99.
37. « Nous fabriquions l'article commun, de qualité médiocre, qui ne peut soutenir la concurrence avec les draperies du Nord. » Pour la qualité oui, mais non le prix. Dr J. BARTHÈS, Petite histoire… de Saint-Pons, Saint-Pons, 1956.
38. Cf. F. E. Manuel, «La grève des tisserands de Lodève en 1845», Revue d'histoire moderne, 1935, pp. 209-235. En 1818 à Clermont-l'Hérault, les ouvriers menacent de «tomber sur les patrons et sur les mécaniques ». Le préfet décrit la même année les misères que les machines ont provoqué dans les arrondissements de Lodève et de Saint-Pons — où la pauvreté des sols excluait toute reconversion — « chaque machine effectuait avec 10 hommes le travail de cent » (2 janvier 1818, A.N.F. 7 9786). En 1821 à Lodève, l'adoption de la tondeuse hélicoïde se heurte aux ouvriers. Les industriels ne semblent pas très chauds non plus. C'est l'agent du pouvoir central, le sous-préfet, qui insiste et, s'adressant aux ouvriers, « dit la nécessité de défendre les intérêts locaux, à une époque de compétition entre les industries drapières des diverses régions ». Sinon « on se vouait à une infériorité commerciale qui éloignerait les commandes » (2 janvier 1821, A.N.F. 7 9786). La machine n'est installée qu'en 1823, sous la protection de cent hommes de troupe. Avant 1850 dans la région, la main-d'oeuvre est abondante, donc bon marché et les machines chères. Les premiers essais sont souvent des échecs. Ceci rend compte des hésitations des industriels, cf. F. E. Manuel, op. cit.
39. Cl. Fohlen, , L'industrie textile au temps du second Empire, Paris, 1956, pp. 181 Google Scholar ss. La guerre de Crimée est la « dernière période de prospérité » (rapport du procureur général de Montpellier), en janvier 1856 « les fabricants suffisent à peine aux commandes du gouvernement. Il est venu à Lodève une quantité considérable d'ouvriers », A.N. BB 30 380, mais l'année suivante le marasme est total.
40. Cf. R. Lafont, Lettre ouverte… cit., p. 112, « Ce sont des Arabes ! » (propos tenus devant l'auteur par un industriel).
41. Ne faut-il pas aussi faire une part aux données climatiques ? Les chaleurs estivales du Midi étaient peu propices à la course aux rendements imposés ailleurs. On n'oubliera pas que la première moitié du XIXe siècle (durant laquelle il semble bien que se soit joué le sort du textile languedocien) est une période de dépression économique, donc d'âpre concurrence.
42. Lévy-Leboyer, op. cit., p. 99.
43. Id., ibid., p. 104.
44. Denis, Michel, « La géographie et les origines des déséquilibres régionaux en France », La pensée géographique française contemporaine, Presses universitaires de Bretagne, 1972, p. 688 Google Scholar.
45. En témoignent les rapports officiels du second Empire : « 3 000 ouvriers sont sans travail dans les draps où la situation est déplorable » (le préfet de l'Hérault, novembre 1857). Même impression en 1858. En 1859, le sous-préfet de Béziers faisant état de nombreuses faillites à Saint- Chinian, souligne le manque de débouchés « l'industrie manufacturière s'éteint ». La cause est le discrédit : « Ils sont allés jusqu'à se servir de laines provenant de vieux habits. » Mauvaise qualité également à Bédarieux, Saint-Pons et dans l'Aude. En octobre 1868, la fabrication des draps est complètement arrêtée dans l'arrondissement de Lodève, les ouvriers chôment trois jours par semaine. Il y a eu 750 licenciements en 3 mois.
46. Sous le second Empire, l'Hérault est l'un des rares départements français où le salaire réel est en hausse, où « l'ouvrier peut connaître une relative opulence » : cf. Duveau, G., La vie ouvrière en France sous le second Empire, Paris, 1946 Google Scholar. A Aniane on manque d'ouvriers (dans la tannerie) « à cause des journées avantageuses occasionnées par le haut prix des vins. On doit faire appel à des ouvriers au dehors » (journal du juge de paix, juin 1861, archives privées). En 1862, le préfet de l'Aude rapporte que « la culture rémunératrice de la vigne a réclamé beaucoup de bras et a payé la main-d'oeuvre à chers deniers : les ouvriers (du textile) ont abandonné leurs maigres salaires », cité par Cl. Fohlen, supra n. 34.
47. L'enrichissement eut une autre conséquence, une évolution des goûts de la clientèle locale : le préfet de l'Aude écrit le 24 novembre 1883 : « Ces industries ont tout à fait perdu la renommée qu'elles avaient jadis. Les habitants du département étant en général dans une grande aisance, donnent plutôt la préférence aux draps du Nord qu'à ceux du pays », A.N., F/12 4484 cité par Pech, R., La vie politique dans l'Aude 0881-1902), D.E.S., Paris, 1967 Google Scholar.
48. « Ne nous est-il pas permis de demander qu'on ne crée des établissements industriels que dans des conditions favorables ? Nous voulons des industries puissantes et vivantes, et non des industries maladives, à charge de la nation… », toast du maire de Montpellier Pagézy lors du banquet offert à Montpellier le 13 septembre 1856 par l'agriculture, le commerce et l'industrie du département de l'Hérault, à M. B. Oliveira, membre du Parlement anglais, président du Comité pour la réduction des droits d'entrée sur les vins en Angleterre, B.N., LK 7 13155.
49. Ardouin-Dumazet, Voyage en France, 36e série, Paris, 1904.
50. A. D. Hérault, 175 M 2. A Saint-Gobain (Balaruc) 40 % d'étrangers; a la Bordelaise 15 % ; à la raffinerie de pétrole du Midi 20 % ; dans les chantiers de maçonnerie de Sète, Béziers ou Frontignan 60 % ; à l'usine de bougies de Villodève (Montpellier) 51 %. En 1901, on compte à Sète 1 601 ouvriers étrangers (dont 1 054 Italiens). La main-d'oeuvre autochtone abandonne les métiers les plus rebutants aux étrangers. Est-là une situation « coloniale » ? « Les vraies colonies ont ravitaillé l'Hexagone… en manoeuvres-balai, arabes ou noirs. Elles ne l'ont pas pourvu de présidents, ni de leaders, ni de classes moyennes. Pompidou n'était pas Kabyle », E. LE ROY LADURIE, «Combat pour l'Occitanie », Le Monde, 29 novembre 1974.
51. Blanqui, A., Des classes ouvrières en France pendant l'année 1848, t. I, Paris, 1849, p. 166 Google Scholar. Il y voit les «populations les plus heureuses de France».
52. Dupin, Charles, Forces productives et commerciales de la France, Paris, 1827, 2 vol., p. 1.Google Scholar
53. Perrot, Michelle, Enquête sur la condition ouvrière en France au XIXe siècle, Paris, 1972, p. 37.Google Scholar
54. A. D. Hérault, 109 M 410.
55. Par ailleurs, elle contribua à attacher les populations rurales à l'Empire. De là la persistance des opinions bonapartistes au début de la IIIe République en plusieurs cantons du Biterrois et de l'Aude, persistance cependant moins prononcée qu'en Aquitaine.
56. F. GRAVELLE, L'agriculture dans le Midi méditerranéen et le Languedoc-Roussillon d'après l'enquête de 1866, Mémoire d'histoire, Montpellier, 1969.
57. Comme le signale l'enquête menée par le docteur Guyot en 1866, les bons vins de l'Hérault, dits « de commerce », ne constituent que le tiers de la récolte totale. « Les intelligents habitants de l'Hérault voudront, je n'en doute pas, profiter de leur sol et de leur climat privilégiés pour réformer peu à peu leurs vignes : ils montreront autant d'habileté à faire et à fournir de bons vins de consommation directe qu'ils en ont montré à produire des vins d'abondance… Ils sauront très bien comprendre que 40 hl à 30 F valent mieux que 100 hl à 10 F et 200 hl à 5 F. C'est là toute la question. Il suffit de bons et nobles cépages… », Études des vignobles de France, Paris, 1868. On voit que la question n'est pas nouvelle.
58. Les cantons ou les départements non viticoles du Languedoc oriental échappent au phénomène : ainsi les cités manufacturières et minières demeurent prolifiques. L'Aveyron ou la Lozère (à l'exception de l'arrondissement « protestant » de Florac) maintiennent une étonnante vitalité démographique, sans laquelle le bas pays eût été contraint beaucoup plus tôt de faire appel à l'immigration italienne ou espagnole.
59. R. Pech l'a noté dans l'Aude où la crise du phylloxéra « a ralenti sans la stopper l'accession à la propriété ». Entre 1882 et 1892, le nombre des propriétaires cultivant exclusivement leurs vignes passe de 16 642 à 25 774, celui des journaliers (propriétaires ou non) diminue de 2 273, La vie politique…, op. cit. Mêmes observations dans l'Hérault (nombreux travaux sous la direction de R. Laurent).
60. Souchon, A., La crise de la main-d'oeuvre agricole en France, Paris, 1914, 552 p.Google Scholar ; Puaux, Yolaine, Prolétariat et syndicalisme agricole dans l'Hérault, 1900-1940, Montpellier, D.E.S., 1966 Google Scholar et Ph. Gratton, « Mouvements et physionomie des grèves agricoles en France de 1890 à 1935 », Le Mouvement social, n° 71, 1970.
61. Interview d'Yves Rouquette à La Croix de l'Hérault, 23 février 1975.
62. G. Cholvy, « Religion et politique en Languedoc méditerranéen et Roussillon à l'époque contemporaine», Droite et gauche depuis 1789, Actes du colloque de Montpellier, 9-10juin 1973, Montpellier, 1975, pp. 33-74. Le fait échappe encore à Jardin, A., Nouvelle histoire de la France contemporaine, Paris, 1973, t. V (1815-1848), p. 34.Google Scholar
63. M. Agulhon, Droite et gauche depuis 1789, op. cit., p. 197.
64. L'Administration du Gard, en application de la loi du 21 thermidor an II (8 août 1794) sur la situation des écoles primaires, A. D. Gard L 916.
65. Cf. R. Nelli, « La disparition de la civilisation traditionnelle en Languedoc et le problème du régionalisme », Annales I.E.O., 1950.
66. Id., ibid.