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Espace urbain et corporations: Les associations de coiffeurs dans le Japon d’Edo
Published online by Cambridge University Press: 20 January 2017
Résumé
À l’époque d’Edo, la reconnaissance d’un statut social était théoriquement la contrepartie d’une capacité à soutenir l’exercice de l’Autorité publique (le pouvoir guerrier) par l’accomplissement de services. Mais pour une multitude de petits métiers artisanaux exercés par des populations précaires et quasiment dépourvues de patrimoine, cette reconnaissance n’allait pas de soi, car les autorités ne considéraient pas ces activités avec beaucoup d’intérêt, sinon pour des questions de maintien de l’ordre. Les coiffeurs d’Edo mirent ainsi des années pour faire avaliser par les préfectures de la ville leurs organisations professionnelles qui régissaient l’exercice de la profession et protégeaient les intérêts de leurs membres. Ces associations n’étaient cependant pas exemptes de contradictions et de conflits internes, qui témoignent d’une évolution du métier de coiffeurs aboutissant à une dissociation entre un droit d’exercice de la profession, objet de transaction, et la pratique réelle des soins capillaires.
Abstract
In the Edo era, a social status was theoretically based on the ability to support the exercise of public authority (i.e. the warriors) through the delivery of services. But for a multiplicity of small crafts done by unstable populations with little property, to have their social status acknowledged by the authorities was difficult. The Edo barbers spent years having their professional associations certified by the city prefectures, to regulate their trade and protect the interests of their members. Those organizations were not free of contradictions and internal conflicts, triggered by evolutions of the trade that led to a dissociation between the right to exercise the trade and its actual practice.
- Type
- Les statuts sociaux au Japon (XVIIe-XIXe siècle)
- Information
- Copyright
- Copyright © Les Éditions de l’EHESS 2011
References
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3- Nobuyuki, Yoshida, «Nihon kinsei ni okeru puroretariateki yôso ni tsuite» (À propos des éléments prolétaires dans le Japon prémoderne), Rekishigaku kenkyû, 548, 1985, p. 67–75.Google Scholar
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5- Pour les coiffeuses et la clientèle féminine, voir Yuriko, Yokoyama, «Coiffeurs et coiffeuses d’Edo et de Tokyo», Histoire urbaine, 29, 2010, p. 67–98.CrossRefGoogle Scholar
6- «Sho-toiya saikô shirabe» (Enquête pour le rétablissement des grossistes), Dai-nihon kinsei shiryô(Archives prémodernes du Grand Japon), vol. 9-10, Tôkyô, Tôkyô daigaku shuppankai, 1970, Kaei 4/4. Cette collection, compilée par le Centre des archives historiques de l’université de Tôkyô (Shiryô hensanjo), reprend surtout des documents légués par le gouvernement shogunal. Les dates sont données en référence au système japonais en vigueur à l’époque (un calendrier lunaire et une année numérotée avec un nom d’ère) dans l’ordre suivant : numéro de l’année dans l’ère, lunaison, jour. Ce système de datation est fréquemment utilisé pour le référencement par ordre chronologique dans les recueils imprimés d’archives. À noter que le calendrier lunaire est en décalage de plus d’un mois avec le calendrier grégorien : la 12e lunaison de Kaei 4 correspond donc en réalité au début de 1852 ; mais nous conserverons dans ce cas l’expression «12e lune de 1851» pour plus de simplicité.
7- Les préfets urbains d’Edo avaient en charge la police, la justice criminelle et l’administration des quartiers bourgeois. Il y avait deux préfectures à Edo, confiées à des guerriers (NDT).
8- «Copie des règlements de la corporation générale» (sô-nakama jôhô utsushi), An’ei 9/9. J’ai utilisé la reproduction conservée aux archives métropolitaines de Tôkyô (Tôkyôto kômonjokan).
9- On en possède des copies dans l’«ancien grand registre des 3 associations» (sangumi furu-oochô), université municipale d’Ôsaka, fonds Fukuda, archives sur les coiffeurs d’Edo. Sur ce sujet, voir SUDÔ Kazumi, «Edo ni okeru kamiyui nakama ni tsuite» (À propos de la corporation des coiffeurs d’Edo), Buraku mondai kenkyû, 131, 1994, p. 63-109.
10- Des communautés urbaines pouvaient être déplacées dans le cadre d’un réaménagement d’une cité. Dans ce cas, non seulement l’Autorité publique relogeait les habitants, mais la communauté en question conservait aussi son intégrité et son nom ainsi que ces liens institutionnels avec d’autres quartiers, même si ceux-ci se trouvaient désormais géographiquement éloignés (NDT).
11- Sur les liens entre statut social et service, voir Shôsaku, Takagi, Nihon kinsei kokkashi no kenkyû( Recherches sur l’histoire de l’État prémoderne), Tôkyô, Iwanami-shoten, 1990.Google Scholar
12- Edo machibure shûsei(Recueil des édits urbains d’Edo), Tôkyô, Hanawa shobô, 1994, doc. 239.
13- Le Yamanote (” la montagne») désigne les quartiers ouest d’Edo. Par opposition aux quartiers est où se concentrait la population marchande (le Shitamachi, ou «ville basse»), cette zone comprenait de nombreuses résidences guerrières (mais pas exclusivement) (NDT).
14- Les Anciens de la cité étaient à Edo les magistrats suprêmes des quartiers bourgeois. Ils étaient au nombre de trois et cette charge était héréditaire (NDT).
15- Il arrivait pourtant que le pouvoir guerrier réquisitionne des coiffeurs pour qu’ils se livrent à leur art, par exemple en coupant les cheveux des prisonniers, des bannis dans les îles, ou de personnels envoyés sur l’île de Sado. Ils étaient alors rétribués pour leur service à hauteur de 200 ou 400 pièces de cuivre dans les années 1830. Toutefois, ce n’était pas avec la corporation des coiffeurs que les responsables des geôles shogunales prenaient contact quand le besoin se faisait sentir, mais avec les communautés de quartier. Aussi, les préfectures urbaines d’Edo estimaient qu’il s’agissait non pas d’un service dû par les coiffeurs en tant que tels, mais par les bourgeois des communautés (Dainihon kinsei shiryô : sho-toiya saikô shirabe, vol. 9, op. cit., p. 90-93). D’ailleurs une partie seulement des quartiers bourgeois d’Edo, et donc des coiffeurs, y était astreinte. On peut voir dans cette mise à disposition de leurs coiffeurs par les communautés urbaines, une survivance de la période où les coiffeurs étaient considérés comme «dépendant des quartiers» (machi-kakae), avant qu’ils ne s’organisent en corporation.
16- Copie des règlements de la corporation générale, «Sô-nakama jôhô utsushi»conservée aux Archives métropolitaines de Tôkyô.
17- Fonds Fukuda, voir note 10, sans numéro de cote.
18- «San-gumi kakikae-chô» (Cahier des trois associations), fonds Fukuda.
19- Edo machibure shûsei, op. cit., doc. 3814.
20- Dépôt d’archives du Centre pour l’histoire de l’arrondissement de Bunkyô (Bunkyô furusato rekishikan), Tôkyô, fonds Ozaki Kôichi.
21- Edo machibure shûsei(Recueil des édits urbains d’Edo), op. cit.
22- Mamichi, Kurokawa, Nihon kyôiku bunko, kôgihen kami(Bibliothèque sur l’éducation au Japon, la piété filiale, vol. 1), Tôkyô, Dôbunkan, 1911, p. 255–302.Google Scholar
23- L’auteur emploie ici un mot (kabunushi)qui désigne à l’époque d’Edo les propriétaires d’une patente (kabu), et en japonais moderne les actionnaires d’une société anonyme (NDT).
24- Les communautés urbaines d’Edo entretenaient leurs propres postes de garde situés sur la rue (NDT).
25- Le riest une mesure de distance équivalant à environ 3, 9 km.
26- Edo machibure shûsei, op. cit., doc. 9966.
27- Edo machibure shûsei, op. cit.
28- À cette époque, le Japon souffrait d’une inflation grandissante, que le gouvernement shogunal essayait périodiquement (et sans grand succès) de maîtriser par des baisses autoritaires des prix (NDT).
29- Les privilèges corporatifs furent progressivement abolis au cours des années 1870 par les nouvelles autorités lors de l’établissement de réglementations professionnelles modernisées. L’exclusivité des coiffeurs sur les lieux de tournée fut ainsi explicitement prohibée lors de la promulgation des «règlements des coiffeurs» de la ville de Tôkyô en 1875 : YOKOYAMA Yuriko, «Coiffeurs et coiffeuses d’Edo et de Tôkyô», art. cit.