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Différences de classe et sentiment depuis 1750 L'exemple de la France

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

Edward Shorter*
Affiliation:
Université de Toronto

Extract

Le concept de sentiment figure quelque part, un peu à l'écart, au milieu des nombreuses novations résultant de la modernisation. Dans le bagage que nous ont légué les bouleversements sociaux des deux derniers siècles, on trouve en effet une forme nouvelle, « moderne », de relations entre individus, extrêmement différente de la forme traditionnelle. En clair, l'une des différences essentielles entre l'Europe du XXe siècle et l'Europe du XVIIIe siècle réside dans le remplacement de la coutume et de la tradition par l'établissement de liens affectifs, comme ciment des relations humaines primordiales. Comment évoluent les rapports entre jeune gens et jeunes filles aVant le mariage, comment maris et femmes coexistent tout au long de leur vie commune, et enfin comment les parents, et plus spécialement les mères, se comportent avec leurs jeunes enfants — toutes ces relations ont une forme moderne différente de la forme traditionnelle, toutes ont changé de manière fondamentale dans la société occidentale au cours des deux derniers siècles.

Type
Histoire et Sexualité
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1974

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References

1. Note du traducteur. L'auteur aborde, dans cette note, le problème de la difficulté et des dangers qu'il y a à écrire l'histoire sociale d'une culture à partir de la perspective d'une autre culture. Selon lui, il est très difficile de trouver des équivalents, en français, à des termes comme « roman tic love » et « domesticity ». Il propose ceux de « amour » et « famille nucléaire ». Dans cette traduction, nous avons traduit romantic love par « amour » et domesticity par « vie de famille ». Nous voudrions préciser qu'on trouvera dans notre traduction des termes aussi imprécis que « classe moyenne » et « classes défavorisées ». On aurait pu adopter un vocabulaire beaucoup plus strict : d'une part, cela aurait trahi l'esprit de l'article, l'auteur revendiquant expressément l'incertitude ; et d'autre part, il n'est pas évident que des cadres sémantiques rigides eussent traduit la réalité sociale du XVIIIe siècle de façon plus appropriée.

2. La compétition fut annoncée dans les « Travaux proposés aux médecins et physiciens régnicoles et étrangers par la Société royale de médecine », dans sa séance publique tenue le mardi 20 octobre 1778. De nombreuses « topographies médicales » manuscrites ont été conservées dans les archives de l'Académie de médecine, et je suis reconnaissant à Jean-Pierre Peter de m'avoir dirigé vers cette collection. Toutes les citations notées « SRM » se réfèrent à ces documents. Les topographies publiées jusque vers 1850 ont été répertoriées par la Bibliothèque Nationale dans son Catalogue des Sciences médicales I, pp. 434-438. Et celles qui se poursuivent après cette date ont été classées comme les précédentes dans les séries Tc6 de la Bibliothèque Nationale.

3. Sur les statistiques napoléoniennes, publiées ou non, voir la bibliographie de A. de Saint-Léger, « Les Mémoires statistiques des départements pendant le Directoire, le Consulat et l'Empire », Le Bibliographe moderne, 19, 1918-1919, pp. 6-43. Les statistiques postérieures à 1815 ont été classées par la Bibliothèque Nationale dans son Catalogue de l'Histoire de France, I, pp. 50-51.

4. La Bibliothèque Nationale a classé de la manière la plus pratique la plupart de cette énorme collection que constituent les écrits des érudits locaux sous les numéros Li 27-31 et Lk4-7. Voir, pour les titres, les deux séries de volumes publiés du Catalogue de l'Histoire de France et les fiches manuscrites au bureau approprié de la B. N. J'ai pris des échantillons de ces différentes séries en examinant tous les travaux qui comportent les mots « statistique », « moeurs », « morale » ou quelque phrase similaire dans leur titre, ce jusqu'à 1939.

5. A la fin du XIXe siècle, le folklore devient une sorte de « science » sociale, et de ce fait perd aussitôt tout intérêt pour l'historien. Les érudits locaux, encouragés par les théoriciens parisiens du folklore versèrent dans le « scientisme », et abandonnèrent leurs riches relations (écrites jusqu'alors sans esprit de système) de la façon dont les choses se passaient au village, pour ne plus s'occuper que de la couleur du ruban utilisé pour lier les gerbes au moment de la récolte. Une bibliographie systématique de ce folklore « scientifique », accompagnée parfois de notes utiles, a été fait par Arnold Van Gennep, dans son Manuel de folklore français contemporain, 4 vol. (le vol. I en 7 parties), Paris, Éditions Picard, 193 7-1958 ; pour l'analyse de la naissance, du mariage, et autres choses du même genre, voir plus particulièrement les volumes I (1) et I (2) ; la bibliographie figure dans les volumes III et IV. On trouve aussi quelques aperçus sur ce sujet dans l'ouvrage trop négligé d'André Varagnac, Civilisation traditionnelle et genres de vie, Paris, Albin Michel 1948.

6. J'ai envisagé ces statistiques avec plus de détails par ailleurs ; voir « Illegitimacy, Sexual Révolution and Social Change in Modem Europe », Journal of Interdisciplinary History, 2, 1971, pp. 237-272, pour quelques séries d'enfants illégitimes; «Female Emancipation, Birth Control, and Fertility in European History », American Historical Review, 78, 1973, pp. 605-640, pour les différentes séries de grossesses prénuptiales ; et « The Décline of Non-Marital Fertility in Europe, 1880-1940 » (en collaboration avec John Knodel et Etienne Van de Walle), Population Studies, 25, 1971, pp. 375-393, les séries sur les naissances illégitimes par région après le milieu du XIXe siècle. J'ai reçu des informations complémentaires précieuses d'André Burguière, qui prépare une thèse importante sur les aspects de l'illégitimité au XVIIIe siècle.

7. Raymond Deniel et Louis Henry, « La population d'un village du Nord de la France : Sainghin-en-Mélantois, de 1665 à 1851 », Population, 20, 1965, 563-602, cf. p. 582. Des publications plus anciennes font parfois allusion à l'illégitimité selon les classes ; par exemple Camille Bloch, L'Assistance et l'État en France à la veille de la Révolution, Paris, Alphonse Picard, 1908, p. 104, pour les données sur Orléans de 1737 à 1789 ; Ernest Bertrand, « Essai sur la moralité des classes ouvrières dans leur vie privée (II) », Journal de la société de statistique de Paris, 14, 1873, pp. 86-95 ; sur l'appartenance sociale des mères illégitimes, voir, plus récemment, Jacques Depauw, « Amour illégitime et société à Nantes au XVIIIe siècle », Annales E.S.C., 27, 1972, pp. 155-182 ; Alain Lottin, « Naissances illégitimes et filles mères à Lille au xvme siècle », Revue d'histoire moderne et contemporaine, 17, 1970, pp. 278-322 ; Jacques Sole, « Passion charnelle et société urbaine d'Ancien Régime : amour vénal, amour libre et amour fou à Grenoble au milieu du règne de Louis XIV », Annales de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Nice, vol. 9-10, I969. PP- 211-232. J'ai aussi été aidé par deux études non publiées, un mémoire de maîtrise d'Annick Thivollier et Pierre Laroque, Filles-mères et naissances illégitimes à Lyon au XVIIIe siècle, préparé en 1970-1971 sous la direction de Maurice Garden, et un « travail d'études et de recherches » supervisé par Jacques Sole et rédigé par Mlles Sapin et Sylvoz, Les rapports sexuels illégitimes au XVIIIe siècle à Grenoble d'après les déclarations de grossesse.

8. Op. cit., p. 78.

9. Jean-Marie Gouesse, « Parenté, famille et mariage en Normandie aux XVIIIe et XVIIIe siècles », Annales E.S.C., 27, 1972, pp. 1139-1154, surtout p. 1146.

10. Abel Hugo, France pittoresque, 3 vol., Paris, 1835, II, p. 50. Il peut paraître malhonnête, qu'après avoir critiqué mes confrères historiens de trop utiliser les écrits de Victor Hugo, j'aie tourné la difficulté, et utilisé son frère, qui était aussi un écrivain. Cependant Abel avait beaucoup voyagé, et se flattait de connaître la vie provinciale.

11. Voir le ms. « Statistique du département de la Charente », 1801, F20 172. — Sauf pour les « topographies médicales », tous les documents manuscrits cités se trouvent aux Archives Nationales.

12. Déribier-Du-Châtelet, Dictionnaire statistique ou histoire… du département de Cantal, 5 vol., Paris, 1852-1857, II, 1853, pp. 134-135.

13. Hugo, op. cit., II, p. 234.

14. Voir par exemple, D. Monnier, Moeurs et usages singuliers du peuple dans le Jura, Lons-le-Saulnier, 1823, pp. 10-11. Les mariages précoces du Sud-Ouest de la France étaient souvent « arrangés », comme l'indique le Dr Lascoulx-Germignai à propos du Bas-Limousin : « Malheureusement on est dans l'usage et dans la nécessité de marier les filles trop jeunes. A peine une jeune vierge atteint sa 12e année qu'on s'empresse de lui donner un époux. » (Ms. « Topographie médicale… du bas Limousin », 1787, SRM 181.)

La bourgeoisie urbaine de Limoges ne se comportait pas différemment au XVIIIe siècle : « Lorsqu'un père disait à son fils ou à sa fille, ‘ le temps de t'établir est venu, et j'ai fait choix de la personne qui te convient ’, il trouvait ordinairement de la soumission, le mariage se faisait de suite. Néanmoins s'il parlait trop tard, et que le coeur fût déjà pris, la jeune personne le déclarait franchement, alors le père favorisait de tout son pouvoir l'inclination formée, pourvu qu'elle fût honnête sous tous les rapports » (J. J. Juge, Changements survenus dans les moeurs des habitants de Limoges depuis une cinquantaine d'années, 2e éd., Limoges, 1817, p. 42 ; Ire éd. en 1808).

15. Charles-François-Alexandre Perron, Les Francs-Comtois : leur caractère national, leurs moeurs, leurs usages, Besançon, 1892, p. 85.

16. Ange Guépin et Charles Eugène Bonamy, Nantes au XIXe siècle : statistique topo graphique, industrielle et morale, Nantes, 1835, pp. 478-479 ; les deux auteurs étaient des médecins.

17. Brieude, « Topographie médicale de la haute Auvergne », Société Royale de Médecine, Histoires (et Mémoires) de la S.R.M, 1782-1783, Paris, 1787, pp. 257-340, cf. à partir de la p. 302.

18. « Mémoire historique et statistique sur le canton de La Ciotat », Marseille, 1842, p. 240. L'auteur était un propriétaire local.

19. Martine Segalen, par exemple, dans une étude importante du village de Vraiville, trouva que l'endogamie par groupes d'activités se poursuivit très tard, encore au XXe siècle ; les propriétaires paysans épousaient les filles de propriétaires paysans, et les tisserands les filles de tisserands ; la tendance à l'endogamie augmenta certainement au XIXe siècle. Cf. Nuptialité et alliance : le choix du conjoint dans une commune de l'Eure, Paris, Maisonneuve, 1972, pp. 78-80.

Selon Alain Girard, le niveau d'endogamie se maintint élevé jusque vers i960. Cependant, quand on posait aux gens la question : « Selon vous, vaut-il mieux en vue d'un mariage, considérer surtout l'attirance des personnes, ou bien la situation sociale ?” 57 % répondaient que l'attirance seule suffisait, plus de 33 % que les deux devaient être pris en considération, et 7 % que la « situation sociale » était ce qui importait. Cf. Le choix du conjoint : une enquête psycho-sociologique en France, Paris, PUF, 1964, pp. 23-24, 74-79, 149. Une telle enquête aurait vraisemblablement obtenu des réponses complètement différentes au milieu du XVIIIe siècle !

20. Emmanuel Labat, « En Gascogne : l'abandon de la terre », Revue des Deux Mondes, Ire août 1910, Agen, 1911, p. 27. L'auteur était médecin. Dans les Hautes-Pyrénées, région pourtant plus à l'écart des chemins de la modernisation que la Gascogne, l'absence d'inclination et d'égoïsme persista jusqu'à l'Entre-Deux-Guerres ; c'est alors seulement que, selon Pierre Bourdier : « les jeunes filles ne veulent plus être paysannes ». Cf. « Célibat et condition paysanne », Études rurales, 5/6, 1962, pp. 32-109, spécialement p. 67. Cf. aussi Marcel Baudouin, Le Maraîchinage; Coutume du Pays de Monts (Vendée), 5e éd. Paris, Pierre Bossuet, 1932 ; Ire éd. 1900. Baudouin était convaincu que le baiser intrabuccal en public remontait à l'époque des Gaulois, voire même à celle des habitants de l'Atlantide, pp. 199-201. Cependant, l'absence complète de sources aVant le dernier quart du XIXe siècle laisse à penser que le maraîchinage est un des aspects de la révolution sexuelle qu'entraîna la modernisation.

21. Ni le charivari ni les classes d'âge de la jeunesse villageoise n'ont retenu l'attention des historiens modernes. Pour l'Angleterre, nous n'avons que l'article récent de E. P. Thompson, « Rough music, le charivari anglais », Annales E.S.C., 27, 1972, pp. 285- 312. L'étude classique d'organisation selon les groupes d'âges est celle de K. R. V. Wikman : « Die Einleitung der Ehe : eine vergleichend ethno-soziologische Untersuchung uber die Vorstufe der Ehe in den Sitten des schwedischen Volkstums », Abo, Finland, Abo Akademi, 1937 ; dans une partie comparative, pp. 250-251, Wikman évoque brièvement la France. Sur les expéditions de la jeunesse des villages pendant le Carnaval, voir Varagnac, op. cit, p. 30.

22. Déribier-Du-Châtelet, op. cit, II, p. 133. Pour d'autres témoignages sur les femmes se tenant debout pendant que les hommes sont à table, voir Carlo Bossi : « Dans les repas, dans l'arrondissement de Bourg, la femme de la maison, ses filles et les serVantes ne se mettent jamais à la table ; elles sont toujours debout, l'écuelle à la main, et veillent à ce que chacun soit servi pendant que le maître et tous les hommes du domaine sont à la table, même les bergers en bas âge », Statistique générale de la France, département de l'Ain, Paris, 1808, p. 311. Henri Baudrillart écrit, à propos du marais de Touraine : « … ou le mari l'appelle familièrement, non sa femme, mais sa créature, et ou jamais, ni chez les fermiers, ni même chez les simples journaliers, elle ne s'asseoit à table, surtout s'il y a des étrangers ; à demi serVante, et quelquefois plus qu'à demi, elle sert les convives et mange debout ou assise sur la pierre du foyer », Populations de la France, Maine, Anjou, etc., op. cit, p. 184.

23. Voir Ire « Enquête sur l'habitation rurale en France », vol. II, Rapports départementaux sur la situation de l'habitation, Paris, 1939, rapports sur le Doubs, le Tarn-et-Garonne, la Haute-Vienne, la Mayenne, la Vendée, et les Basses-Alpes, entre autres.

24. P.-J.-E. de Smyttère, Topographie historique, physique, statistique et médicale de la ville et des environs de Cassel (Nord), Paris, 1828, p. 104; l'auteur était médecin.

25. François-Alexandre Rouger, Topographie statistique et médicale de la ville et canton du Vigan (Gard), Montpellier, 1819, p. 103. L'auteur était médecin.

26. Verneilh, op. cit., p. 301.

27. E.-J. Savigné, Moeurs, coutumes, habitudes (il y a plus d'un siècle) des habitants de Sainte-Colombe (Rhône)… (Vienne, Ogeret et Martin, 1902), p. 11 ; cet ouvrage renferme des observations écrites vers 1800 par un petit officier d'Ancien Régime, Nicolas-François Cochard, sur les conditions sociales.

28. Dr Saillan (?), manuscrit, Histoire topographique et médicale de Saint-Saturnind'Apt (Vaucluse), reçu à Paris en mai 1786, Académie de Médecine, SRM 181.

29. Barthélémy Chaix, Préoccupations statistiques, géographiques, pittoresques et synoptiques du département des Hautes-Alpes, Grenoble, 1845, pp. 275-276. L'auteur avait été sous-préfet, et était membre du Conseil Général du département.

30. Dupont, Jean-Baptiste, Topographie historique, statistique et médicale de l'arrondissement de Lille, Paris, 1833, p. 71.CrossRefGoogle Scholar

31. Collection d'observations sur les maladies et constitutions épidémiques… ainsi qu'avec l'histoire naturelle et médicale de Normandie, Rouen, 1778, p. 205.

32. Menuret De Chambaud, op. cit, p. 112.

33. P.-J. Lesauvage, Essai topographique et médical sur Bayonne et ses environs, Paris, 1825, pp. 115-116 ; l'auteur était un « pharmacien aide-major ».

34. Dalphonse, Mémoire statistique du département de l'Indre, Paris, 1804, p. n i ; Dalphonse était préfet, comme tous les auteurs de ces « mémoires statistiques » de l'époque napoléonienne.

35. Verneilh, op. cit, p. 287.

36. Christophe de Villeneuve, Statistique du département des Bouches-du-Rhâne, 4 vol., Marseille, 1821-1829, vol. III, 1826, pp. 277-278 ; l'auteur avait été préfet.

37. Voir à la fin de Varagnac, op. cit., « Carte de régression des feux de brandons et des feux de la Saint-Jean », pour la période « pré-1880 » à 1937.

38. Xavier Thiriat, La Vallée de Cleurie : Statistique, topographie, histoire, moeurs et idiomes, Mirecourt, 1869, pp. 330-331 ; l'auteur était un érudit local.

39. Andrée Michel, par exemple, dans une étude sur les attitudes de la famille contemporaine pense que les facteurs émotionnels (relations entre mari et femme, par exemple) jouent un rôle plus important que les facteurs socio-économiques (l'appartenance à une classe). Un saVant qui croit à l'importance des différences entre les sous-cultures ne pourrait accepter cette hypothèse. Cf. « Interaction and Family Planning in the French Urban Family », Demography, 4, 1967, pp. 615-625. Voir le livre de Jean Labbens sur la vie familiale des prolétaires, Le Quart monde : la pauvreté dans la société industrielle : étude sur le sous-prolétariat français dans la région parisienne, Paris, Éditions Sciences et Service, 1969, pp. 107-156, le lecteur a l'impression que ces gens ont un système de valeurs fondamentalement petit-bourgeois. Si on rapproche l'article de Robert Boudet « La famille bourgeoise » de celui de Jacques Doublet, « Parents et enfants dans la famille ouvrière », écrits dans les années 1950, on peut dégager une certaine convergence quant au genre de vie de ces deux classes ; cf. M. Sorre, éd., Sociologie comparée de la famille contemporaine, Paris, C.N.R.S., 1955, pp. 141-151 et 157-168. Finalement, Alain Girard a découvert des différences infimes d'attitudes entre les deux classes pour ce qui est des relations prénuptiales, mais ces différences étaient importantes quant à la contraception ; il en concluait : « Les normes à l'égard du mariage seraient très générales à l'intérieur de la culture française et s'il y a des ‘ sous-cultures ’, celles-ci participent au mouvement d'ensemble, mais à un rythme plus ou moins rapide, les milieux plus attardés n'étant pas loin cependant de rejoindre ceux qui sont en tête », (op. cit, p. 179).

DeVant ma recherche désespérée de preuves contemporaines et deVant la nouvelle lecture que propose Andrée Michel d'un matériel principalement anglo-saxon, dans La sociologie de la famille : recueil de textes présentés et commentés, Paris, Mouton, 1970, le lecteur conclura sans doute que la sociologie de la famille française est devenue un domaine sinistré.

40. François Mazuy, Essai historique sur les moeurs et coutumes de Marseille au XIXe siècle, Marseille, 1853, pp. 191-193.

41. Populations agricoles, Maine, Anjou, etc., op.cit, pp. 340-341.

42. Coutumes du Trièves au XIXe siècle : souvenirs de ma jeunesse, Grenoble, Aubert, 1939, pp. 22-24.

43. Sur ce point, voir Martha Wolfenstein, « French parents take their children to the park », dans M. Wolfenstein et Margaret Mead, éd., Childhood in contemporary cultures, Chicago, University of Chicago Press, 1955, pp. 99-117. L'auteur conclut : « Ce qu'on voit dans le parc, par conséquent, ce n'est pas tant des groupes d'enfants jouant ensemble pendant que les adultes qui les ont amenés là vont s'asseoir un peu plus loin, qu'une série de petites enclaves » (p. 100).