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Allergico cantabile

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Michel Morineau*
Affiliation:
Université de Clermont II

Extract

A Marguerite Duras.

Affectueusement.

La rédaction des Annales E.S. C. m'a placé dans une situation embarrassante. Je lui avais adressé, voici un an, un assez long article intitulé « La maladie infantile de l'histoire économique moderne » (76 pages). J'y dénonçais un certain nombre de contre-vérités actuellement en circulation dans notre discipline et le laxisme qui se développe de consentir au culte des personnalités comme à l'incohérence dans la pensée. J'y exposais ensuite en quoi et comment ces déviations, incontestablement condamnables, s'étaient trouvées engendrées en quelque sorte naturellement par les circonstances et par les contraintes mêmes à la naissance de cette branche de la recherche. J'y esquissais, enfin, les linéaments d'une perspective et d'une prospective susceptibles de mettre un terme à une évolution regrettable mais résistible et de sortir du labyrinthe.

Summary

Summary

This article summarizes a longer study which could not in its entirety find a place in Annales ESC. It takes note of some “strange silences” which have, for the past decade, surrounded some of the factual evidence for the economic history of the modern period. The author probes the reasons for these ommissions and impasses. He shows that they result from the development of a cult of the personality combined with a failure of a critical sense which in turn lead to a departure from the elementary rules of scientific control and to a rigidity with respect to the kinds of problems deemed worthy of investigation.

In spite of its occasional humorous tone—in the spirit of Mark Twain—the subject is without any question a serious one.

Type
Polémiques et Controverses
Copyright
Copyright © Copyright © École des hautes études en sciences sociales Paris 1981

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References

1. Morineau, M., « D'Amsterdam à Séville : de quelle histoire les prix sont-ils le miroir ? », Annales E.S.C., n° 1, 1968, pp. 178205.Google Scholar

2. Ces articles sont trop nombreux pour être tous cités ici. Indiquons seulement « Gazettes hollandaises et Trésors américains », publiés dans VAnuario de Historio economica y social, Madrid, 1969 et 1970, et « Or brésilien et Gazettes hollandaises », publié dans la Revue d'Histoire moderne et contemporaine, 1978, pp. 1-59.

3. « Des métaux précieux américains au xvne et au xvme siècle et de leur influence », Bulletin de la Société d'Histoire moderne, n° 1, 1977, pp. 16-33. Le travail complet, annoncé dans ce paragraphe, que les Presses de l'Université de Cambridge et la Maison des Sciences de l'Homme se sont offertes à publier (qu'elles en soient remerciées) s'intitule Incroyables gazettes et fabuleux métaux.

4. Baquero-gonzalez, A. Garcia, Cadiz y el Atlantico, 1717-1778, Séville, 1976.Google Scholar

5. Seul, Bartolomé Bennassar a eu le courage d'exprimer publiquement les réserves qu'il avait conçues à l'égard de notre article. Bien q“ue celles-ci ne soient pas recevables (l'article contenait, en effet, des indications de source parfaitement claires), je lui suis reconnaissant de sa franchise. Il n'est donc pas concerné par les remarques faites dans le paragraphe ci-dessus. Quant au chevalier à ïexemplum, qui par deux fois, avec des arguments de cet acabit, m'a desservi auprès de collègues et de revues à l'étranger, j'avoue honnêtement ne pas savoir son identité. Je le soupçonne seulement d'être, pour son propre compte, un farouche utilisateur d'exempla, peut-être même d'exempla très anciens, collectionnés dans sa jeunesse studieuse et, depuis trente ans, artistement resservis dans de multiples conférences et communications devant des publics qu'il a l'astuce élémentaire de choisir différents, ce qui lui conserve le prestige de la nouveauté.

6. Bourdieu, Pierre, La distinction. Critique sociale du jugement, Paris Google Scholar, Les Éditions de Minuit. 1979, pp. 56-57. Pour Stoianovitch, T., voir French historical method. The Annals paradigm, Ithaca- Londres, 1976.Google Scholar

7. Allusion explicite est faite à cet endroit à la note d'endocrinologie du professeur Robert Guillemin et alii publiée dans les comptes rendus de l'Académie des Sciences, 1962, et analysée par Bruno Latour et Paolo Fabbri dans les Actes de la Recherches en Sciences sociales, n° 13, [977. pp. 81-95, analyse reprise dans Le Monde du dimanche au cours de l'été 1980.

8. « Tabac » : terme de métier dans le show-business, signifie grand succès, triomphe. Vidalenc, J., Les demi-soldes, étude d'une catégorie sociale, Paris, 1955 Google Scholar. Cet exemphim (hourrah, enfin un !) était déjà venu sous ma plume dans un article qui fut envoyé à la trappe mère Ubu et intitulé, La peur du salaire ou la dérobade du cheval d'obstacles devant le gros open-ditch de l'Allée des Marronniers… 11 doit à cette circonstance d'être encore inédit.

9. L. Febvre, « Deux chapitres d'histoire commerciale », Annales Écon. et Soc, 1933, pp. 267- 281, reproduit dans Pour une histoire à part entière, Paris, 1962, pp. 215-236. Pierre Bourdieu a proposé de distinguer du Çà proprement psychanalytique, un On (On parle) de nature plus sociologique et qui se rapprocherait peut-être davantage de l'agent inconscient que nous évoquons. Intéressant au niveau opératoire — celui pour lequel intervient Pierre Bourdieu — le discernement du Çà et du On perd de sa force au niveau phénoménologique individuel : 1 ) à cause de la manière dont le On est absorbé et régurgité ensuite, inconsciemment ; 2) à cause de l'imprégnation sociologique imprescriptible du Çà incorporé par le On ambiant à l'incorporation, cf. Dossiers pédagogiques de la radio-télévision scolaire, 1966-1967, p. 27 ss.

10. B. H. Slichervan Bath,” Yield ratios, 1810-1820 »,A.A.G. Bijdragen, n° 10, Wageningen, 1963. Morineau, M., Les faux-semblants d'un démarrage économique : agriculture et démographie en France au XVIIIe siècle, Paris, 1971 Google Scholar. Confirmation de la justesse des conclusions de ce dernier ouvrage a été apportée par divers auteurs : H. Neveux, M.-J. Tits- Dieuaide et, surtout, Alain Derviu.e, « Le Marché lillois à l'époque bourguignonne », Revue du Nord, 1977, pp. 45-62 et « Le rendement du blé dans la région lilloise (1285-1541)», Bulletin de la Commission historique du Département du Nord, Lille, 1978, pp. 23-39. A l'inverse des deux autres auteurs cités, qui noient leurs résultats dans un brouillard de pseudo-scientificité, Alain Derville « réalise » parfaitement la signification des hauts rendements atteints dès le Moyen Age. Dans le même (bon) sens. cf. les travaux de Ch. Vandenbroucke en Flandres.

11. Cf. le rapport final dans le volume Les fluctuations du produit de la dime, Paris, 1972. Le rapport au Congrès d'Edimbourg a donné lieu à une publication dans la Revue historique, 1978, pp. 123-142, sous le titre, La dime et le reste, XIV-XVIIIe siècle. Les exemples (erronés) du rapport de 1969-1972 ont été repris dans le tome II de Y Histoire rurale de la France (sous la direction de G. Duby) et risquent de faire autorité (indûment). Sur tous ces problèmes, voir M. Morineau, « La dîme et l'enjeu », Annales historiques de la Révolution française, 1980, en attendant la publication de la mise au point complète, « Histoires de Dîmes ou De quoi subsister jusqu'à la saison prochaine et/ ou Conclusions réitérées et Perspective droite », promise dans le Journal of European économie history ou celle du résumé La Dime et le zeste qui figurera dans les Actes du Congrès d'Edimbourg (Qu'est-ce qu'il ne faut pas faire pour tenter de parvenir à une audience !).

12. Cette attitude n'a pas été non plus la mienne à l'égard de Pierre Chaunu et de sa tonelada, dont il ne sera pas autrement question dans ce texte.

13. Cf. les travaux de Le Roy Ladurie cités dans la note 11 et, en outre, du même. Paysans de Languedoc, Paris, 1966, pp. 849-852 et de M. Morineau, Les faux-semblants… op. cit., pp. 60-63.

14. Peut-être faudrait-il envisager, à défaut de mieux, l'existence d'une publication régulière de notes signalétiques, comme les médecins en produisent à l'Académie de Médecine ou les savants de toutes obédiences à l'Académie des Sciences ou devant d'autres organismes. Mais ces notes serviraient-elles à quelque chose si l'audience leur était refusée ensuite par des barrages d'indifférence, d'inertie ou de mauvaise volonté ?

15. Tous les tiers-mondialismes ne sont pas gnan-gnan. Il aurait mieux valu, peut-être, parler d'un gnangnanisme se camouflant sous les couleurs d'un tiers-mondialisme. Mais le comité de rédaction des Annales ESC. m'interdit sévèrement tous les néologisme (douteux, comme on le sait, par nature).

16. Processus particulièrement net dans le cas des niveaux alimentaires, par l'omission dans le rapport de B. Bfnnassar et de J. Goy, « Histoire de la consommation », Annales ESC, (1975, pp. 409-411, de tous nos travaux, la célébration au contraire de l'article de H. Neveux, « L'alimentation du XIVe au XVIIIe siècle. Essai de mise au point », Revue d'Histoire économique et sociale, 1973, qui ignore la moitié de ce que j'ai publié (dans la même revue, deux ans auparavant) et se tient carrément en-deçà du point d'insertion où l'on en est dans le problème, les difficultés rencontrées auprès de la même revue pour obtenir une mise au point de la mise au point jusqu'aux ciseaux de Lodoiska tranchant from top lo toe la Peur du salaire ou la dérobade..., etc. Cf. pour le titre complet, la note 8. Multaluli !

17. J'avais abordé, effleuré plutôt, vu la nature de l'ouvrage, ces questions de formation de la construction historique dans le petit volume édité chez Larousse en 1968 et intitulé. Le XVIe siècle. L'âge de Jean Le Coullon.

18. L'ouvrage type de cette filière me semble être celui de Anderson, A., An historical and chronological déduction of commerce, from the earliest account to the présent times, containing an history of the gréai commercial interests of the British Empire, Londres, 1764 Google Scholar. L'idée d'une histoire de la Compagnie des Indes néerlandaises avait été envisagée dès le xvnc siècle par J. Hudde.

19. Une partie de ce travail est enfouie, inexploitée, en France, dans les publications des sociétés locales. A l'échelon national, certains historiens du type érudit ont tout de même une stature remarquable. Un Emile Levasseur associait l'érudition à une orientation plus large : on trouve déjà chez lui cette conversion des prix parisiens en grammes-argent qui, portée à son terme, a fait la renommée de Jean Meuvret.

20. Le lecteur n'aura aucune peine à accoler des noms aux idéologies énumérées : K. Marx, P. Clément, W. Sombart, M. Weber, etc.

21. Cf. en particulier ceux qui ont été rassemblés dans Pour une histoire à part entière, op. cit, pp. 183 à 380 notamment.

22. Ch. Morazé, « Essai sur la méthode de François Simiand », Mélanges d'histoire sociale, 1942,1, pp. 1-24 et 1942, II, pp. 22-44. Nous avons découvert cet article grâce à T. Stoianovitch, op. cil. Cf. aussi, J. Bouvier, « Feu François Simiand », dans Conjoncture économique, structures sociales hommage à Ernest Labrousse, Paris, 1974, pp. 59-78. Pour la tonelada. Chaunu, P., Séville et l'Atlantiquefl 504-1650), tome I, Paris, 1952 Google Scholar et Morineau, M., Jauges et méthodes de jauge anciennes et modernes, Paris, 1966 Google Scholar. Bon ! D'accord. Les lecteurs de la note 12 se plaindront ajuste titre. Mais qui a dit : « Tonneau ! je ne boirai plus de ton vin » ? Certainement pas Emmanuel Le Roy Ladurie dans son envoi à la veuve Couët que l'on trouvera dans Les fluctuations du produit de lu dime, op. cit.. loc. cit. (allons ! pas de misogynie !).

23. T. Stoianovitch, op. cit., pp. 200, trouve le moyen de dresser une couronne à E. Le Roy Ladurie pour son courage à braver F. Simiand (dans un feuilleton du Monde du 25 janvier 1969), alors que « le plus grand historien de sa génération » (d'après Emmanuel Todd. dans le même journal) démarque purement et simplement une phrase de mon article : « D'Amsterdam à Séville… » paru, comme déjà dit, dans les Annales ESC. en 1968. Ici, l'on s'aperçoit que la discrimination intellectuelle (sociale, dirait Pierre Bourdieu et qui sait ? raciale) s'opère à l'intérieur des Annales ESC. dont certains articles sont lus (lorsqu'ils portent des signatures prestigieuses) et d'autres découpés pour faire des cornets de frites… Si un lecteur plus innocent que la moyenne ignorait qui est cet Emmanuel Todd, dont l'aveu tremblant d'admiration a fait jaillir les larmes des yeux de la veuve Couët, nous nous en voudrions de ne pas l'affranchir en lui révélant que cet Emmanuel Todd est « le plus brillant espoir de sa génération », d'après Emmanuel Le Roy Ladurie lui-même et c'est tout dire, dans la feuille vespérale dont les kiosques de nos boulevards se parent sur les cinq heures de l'aprèsmidi (a los cincos de la tarde, hurlait un matador connu), venue du 5 de la rue des Italiens (Paris, ixc). P. S. Les annonces classées sont reçues par téléphone du lundi au vendredi de 8 h à 12 h 30, de 13 h 30 à 18 h au 296.15.01. (Fin de citation. Merci de votre attention.)

24. Toujours en vertu du même principe de lecture sélective, Patrick O'Brien ne se pardonnerait pas de ne pas citer les maîtres des A nnales ESC. mais il n'a pas lu Les faux-semblants… Résultat : des calculs du produit national en France au XVIIIe siècle à la Gregory King (cf. E. Le Roy Ladurie) et des redécouvertes candides de la parenté, du point de vue des conditions culturales et de la productivité, de l'Angleterre et de la France du Nord-ouest. Cf. P. Mathias et P. K. O'Brien, « Taxation in Britain and France, 1715-1810. A comparison of the social and économie incidence of taxes collected for the central goverments », Journal of European Economie History, 1976, pp. 601-650 ; O'Brien, P. K. et Keyder, C., Economic growth in Britain and France 1780-1914, Londres, 1978 Google Scholar ; P. O'Brien et C. Keyder, « Les voies de passage vers la société industrielle en Grande-Bretagne et en France (1780- 1914) », Annales ESC, 1979, n° 6, pp. 1284-1303. Lorsque E. Le Roy Ladurie, avec la politesse de l'ascenseur, signale ces redécouvertes en oubliant les obscurs de la veille, c'est la grande fête à Zombie, la boucle est bouclée. Cf. « La dîme et le reste », art. cit. in fine. Nota. Pour ceux qui continueraient de percevoir comme une ambiguïté dans la note 23, précisons qu'Emmanuel Le Roy Ladurie et Emmanuel Todd n'appartiennent pas à la même génération.

25. R. Descimon, « La France moderne. Quelle croissance ? », Annales ESC, 1979, pp. 1304- 1317.

26. G. Franz, DUS Dreissigjàhrige Krieg und das deutsche Volk. Iéna, 1938 ; I. Bog, Die Bàuerliche Wirtschaft im Zeitalter des dreissigjàhrigen Krieges, Cobourg, 1952 ; F. Pétri, « 1m Zeitalter der Glaubenskàmpfe, 1500-1648 », dans Rheinische Geschichte, t. II, Diisseldorf, 1976, pp. 1-199. Cf. aussi Gutmann, M. P., Wartithe, und agricultural production of the Meuse Basin North of Liège, 1661-1740, communication au Colloque de Paris, 1977 Google Scholar. Ces citations n'entraînent pas de notre part une adhésion sans réserve à la théorie de la bagatellisation de la guerre mais la reconnaissance d'une problématique qu'il eût été intéressant et normal d'appliquer au cas français.

27. Dans sa citation de la page 1312, R. Descimon ne s'est pas aperçu que je me démarquais de la recherche conjoncturelle en quelque sorte « téléologique » courante et que celle-ci, au contraire, était ma cible. Denis Richet, pareillement, au cours de l'émission radio consacrée à ce volume de XHistoire économique et sociale de la France avait cru pouvoir m'embarrasser avec cette critique. J'avais alors rappelé cette phrase écrite en 1968 : « La conjoncture générale d'un continent, d'un espace maritime durant tout un siècle n'est pas monoxyle. » La continuité de ma position et son ancienneté (qui pensait de la sorte en 1968 ?) auraient dû être dissuasives… Cf. M.Morineau,” Flottes de commerce et trafics français en Méditerranée au xvue siècle (jusqu'en 1660)», XVIIe siècle, 1970, pp. 135-171.

28. R. Descimon, art. cit. p. 1313.

29. Blessé par les risées qui accueillirent sa trouvaille et les restes qu'il présentait, P. Du Bois ne persévéra pas et rangea les os dans les caisses où on les redécouvrit beaucoup plus tard…

30. On sait, ou plutôt, on ne sait pas assez que la longueur d'une cure psychanalytique dépend autant des «résistances » du psychanalyste que de la complexité des problèmes du psychanalysé. Comme le psychanalyste ne peut se débarrasser de ses résistances qu'en se faisant à son tour psychanalyser et que le psychanalyste consulté par le psychanalyste-en-mal-de-psychanalyse-pourfaire- disparaître-les-résistances-qui-nuisent-à-la-psychanalyse-de-son-patient, peut lui-même et çà se comprend — éprouver des « résistances » dans l'analyse, dont il ne sera délivré que par le recours à un confrère et ainsi de suite, la situation donne lieu à un intéressant problème dit du « cercle vicieux » que le Dr Alexander, médecin-chef de l'Hôpital de Gordes en Asie Mineure, a proposé de irancher de manière ingénieuse en suggérant de ramener le tarif de la séance de psychanalyse au tarif banalisé de la Sécurité Sociale, bref de faire du plancher un plafond, ce qu'il a explicité dans la formule : « La catharsis, c'est pas fait pour les chiens. » Ses élèves n'ont pas encore fini de déconnoter les riches irisations de cette profonde pensée. Jusques à quand déconnoteront-ils ?

31. Cf. notes 12 et 22. Mea culpu.

32. Tout ceci est étudié dans Incroyables gazelles et fabuleux métaux. Cf. aussi notre communication au Colloque de Bendor (1979), intitulée, «De quelques développements de la formule d'Irving Fischer : pour une extension généralisée du champ des observations monétaires »(à paraître dans les Cahiers de la Méditerranée, 1980).

33. Ce que nous avons commencé de faire, notamment dans Malthus au village, communication au Colloque sur Malthus, Paris, 1980.

34. Labrousse, E., Esquisse du mouvement des prix et des revenus en France au XVIIIe siècle, Paris, 1933 Google Scholar. et La Crise de l'économie française à la fin de l'Ancien Régime et au début de la Révolution, Paris, 1944.

35. Désolé de me citer encore. Cf. M. Morineau, « Révolution alimentaire, révolution agricole, révolution démogaphique », Annales de Démographie historique, 1974, pp. 335-371.

36. J. Bricourt, M. Lachiver, J. Quéruei., « La crise de subsistance des années 1740 dans le ressort du Parlement de Paris », Annales de Démographie historique, 1974, pp. 281-333.

37. E. Le Roy Ladurie, Paysans de Languedoc, op. cit. Nous avons essayé de suivre les fluctuations réelles du profit d'un exploitant dans « Trois contributions au Colloque de Gôttingen », dans Hinrichs, E., Schmitt, E., Vierhaus, R., Vom Ancien Régime zur Franzôsischen Révolution, Gôttingen, 1978, pp. 374419 Google Scholar et, plus particulièrement, pp. 390-394.

38. Ceci ne doit pas être pris pour une condamnation de toutes les thèses qui ont été soutenues en France sur le XVIIIe siècle. Loin de là ! Beaucoup a été fait au contraire, notamment du point de vue d'une élucidation sociale. Mais les lecteurs et les auteurs sont presque tous concients d'un certain ressassement dès que l'on aborde les prix, l'évolution des prix, ressassement dont la cause, selon moi, est, en somme, une trop brillante réussite quoique méritée en elle-même.

39. Dans l'étude intitulée : « A la Halle de Charleville : fourniture et prix des grains ou les mécanismes du marché (1647-1812) », dans Actes du 95e Congrès national des sociétés savantes, Reims, 1970, j'avais déjà fait remarquer l'absence d'originalité du phénomène dénommé intercycle. L'effacement de la crise de 1756-1757 dans la localité citée suffit à créer la physionomie d'une dépression plate et prolongée. Sur la courbe dite nationale, analysée par E. Labrousse, la courbe en creux, d'ailleurs imparfaite si l'on veut bien l'examiner d'un peu près, résulte d'un amalgame qui ne coïncide exactement avec aucune des familles de courbes que l'on peut constituer. Pour éclairer notre propos, nous présentons ci-contre six courbes (1756-1790) : cinq régionales, correspondant chacune à une famille ou type différent, et la courbe nationale; voici comment elle se décomposent : 1) Généralité du Roussillon (famille méridionale méditerranéenne) a) montée des prix de 1756 à 1766 avec un sommet bien marqué ; b) courte baisse sur deux ans, 1761 et 1762 ; c) ascension rapide de 1762 à 1766 avec un premier sommet en 1764 (en corrélation avec la famine de Naples), une encoche en 1765 et un deuxième sommet en 1766 ;d) un haut plateau de 1767 à 1772 ; e) un pic isolé en 1773 ; 0 une sorte de synclinal perché entre le sommet de 1773 et celui de 1778 -, g) une dépression avec profil en V dont le point bas se situe en 1780 et le flanc droit culmine en I 782 ; h) de nouveau, une sorte de haut plateau de 1783 à 1788 rompu par i) la pointe relativement modérée de 1789. 2) Généralité de Bordeaux (famille méridionale atlantique) a) montée des prix de 1756 à 1760, mais plus rapide qu'en Roussillon et au sommet plus large ; b) un creux 1760-1762 ; c) une montée de 1762 à 1766 comme dans le Roussillon mais plus douce au début, cette fois-ci (hausse de 1764 amortie) ; d) encoche 1767 et 1768 ; e) montée sévère en 1769, maintenue en 1770 et prolongée en plateau à peine atténué jusqu'en 1773 ; f) un synclinal perché de I 773 à 1778, comme en Roussillon, mais moins creusé et plus irrégulier ; g) après le sommet de 1778, un profil en vallée à base élargie sur deux ans: 1779 et 1780; h) pic en 1782, puis vallée dissymétrique avec fond en 1784 ; i) montée ensuite jusqu'en 1789, interrompue, toutefois par une encoche en 1787. 3) Généralité de Bretagne (famille de la France de l'Ouest) a) ondulations en bosses de 1756 à 1761, la première pointe (1757) plus marquée que la suivante (1760) ; b) creux plus large que sur les précédentes, de 1762 à 1765 (pas de ressaut en 1764) ; c) ascension cahotée de 1765 à 1770, dénivellation plus forte que dans les précédentes généralités ; d) synclinal perché très haut, avec boutonnière, creux marqué en 1774, pointe abrute en 1775 ; e) creux en baquet presque parfait de 1776 à 1781 avec un accroc, seulement en 1778 ; 0 montée en 1782 et synclinal haut perché entre cette pointe et celle de 1786 ; g) vallée en coup de sabre avec fond étalé sur deux ans avant k) la remontée de 1789. 4) Généralité de Soissons (famille Nord et centre du Bassin parisien) a) abrupt bien marqué et détaché de 1757 auquel succède ; b) un mouvement de baisse en deux temps séparés par le ressaut (faible) de 1760, la dépression qui en résulte se prolongeant pratiquement jusqu'en 1766 malgré l'amorce d'un relèvement léger en 1764 ; c) envolée extraordinaire de 1767- 1768 ; puis d) haut plateau un peu semblable à celui de la généralité bretonne mais commençant plus tôt, inégal, avec des creux moins accusés et une pointe en 1775, par contraste, plus empâtée ; e) dépression très nette de 1776 à 1783 en deux paliers, le premier se terminant en 1778, le second coupé d'une taupinière en 1781 ; f) cette dépression pourrait être étendue, à la rigueur, jusqu'en 1786 ou 1787, la verrue de 1784 étant alors condidérée comme un accident peu significatif (cette manière de voir comporte, toutefois, une option que, personnellement, je préférerais ne pas prendre) ; g) hausse très forte de 1789, qui dépasse en niveau absolu celle de 1768, précédent record. 5) Généralité d'Alsace (famille orientale) a) hausse initiale étalée jusqu'en 1762 avec pointe en 1760 ; b) dépression de 1762 à 1766, un peu semblable à celle de la généralité de Soissons mais plus courte ; c) montée des prix assez régulière et relativement modérés jusqu'en 1769 ; d) envolée extraordinaire en 1770 maintenue et légèrement aggravée en 1771 ; e) redescente en escalier jusqu'en 1776 avec des ressauts médiocres en 1773 et 1775 et un creux atteint qui ramène presque au niveau de départ; f) relèvement en 1778 et moutonnement à hauteur de plateau jusqu'en 1787, sauf creux assez marqué en 1786 ;g) hausseforte continue de 1786 à 1790 (le prolongement de cette hausse de 1789 à 1790 constitue une originalité. 6) Courbe dite nationale a) bosses initiales en 1757 et 1760 ; b) creux de 1761 à 1765 ; c) montée rapide jusqu'en 1 769 et envolée ; d) profil caractéristique du sommet en forme de Mont Cervin ; e) redescente plus douce mais cependant rapide et presque continue jusqu'en 1776 sauf le ressaut (modéré) de 1775 ; f) synclinal déprimé avec boutonnière de 1776 à 1780 ; g) remontée nette mais contenue après 1781 et moutonnement jusqu'en 1787 ; h) flambée des prix en 1789. Si l'on examine cette courbe dite nationale en regard des courbes régionales, on s'aperçoit que le profil qui en est le plus proche, de 1756 à 1770, en gros, est le profil breton, à quelques nuances près. Après 1770, le profil dit « national » prend une physionomie quelque peu alsacienne, mâtinée ici et là (en 1773 et en 1775) d'influences centre et ouest. Le final est plutôt conforme à celui de la courbe soissonnaise. Les courbes les moins bien reflétées sont celles des familles méridionales (et il serait intéressant d'étudier du point de vue de la construction statistique comment cette absorption jusqu'à gommage s'opère, quelles en sont les conséquences et quelle en est la pertinence. Mais le comité de rédaction s'impatiente : cette note est trop longue !…). J'ai exposé plusieurs fois les raisons qui me semblaient déterminantes pour abandonner une terminologie en cycles captieuse et lui substituer un descriptif plus souple organisé en séquences. Les courbes présentées ici confirment la validité de cette proposition. Ni le modelé, ni la durée n'induisent d'eux-mêmes l'idée de cycles réguliers. Il est évident que l'accident de courte durée domine dans le profil roussillonnais, que la durée du bloc de hausse se déploie sur des durées variables de 12 à 17 ans sur les autres courbes, en porte à faux avec la notion de cycle décennal. Quant à ce qu'Ernest Labrousse a dénommé l'intercycle, désignant par là une période déprimée entre 1775 et 1789 (grosso modo), voici ce que l'on peut en dire au vu des courbes. Cette notion ne s'applique en aucun cas aux courbes de la famille méditerranéenne (qui comprend, outre le Roussillon, le Languedoc, la Provence, le Dauphiné, et, par une extension dont la justification se lit sur les graphiques, à Lyon, la Bourgogne et même la Franche-Comté, avec, bien entendu, des mitigations), ni de la famille méridionale atlantique (Bayonne, Bordeaux, La Rochelle, Limoges, Montauban), ni de la famille atlantique (Bretagne, Caen, Alençon, plus, par une extension analogue à celle dont j'ai fait état pour la famille méditerranéenne, Poitiers et Tours). L'identification de l'intercycle a plus de consistance dans le cas de la généralité de Soissons et de celles qui appartiennent à la même famille, encore que le petit accès de fièvre de 1784 puisse susciter des réserves quant à l'ampleur, sinon à l'essence du phénomène. En Alsace, si un premier regard incline à reconnaître un intercycle, le second apporte de la gêne en empêchant de faire abstraction du point bas de 1776 et du relèvement manifeste des prix dans les années suivantes. Les difficultés d'ajustement rencontrées à propos de la courbe alsacienne invitent d'ailleurs à s'interroger sur la signification de la « dépression ». N'a-t-on pas fait de ce terme un usage un peu rapide ? La « dépression » dont il s'agit, en effet, est une dépression relative : relative aux hauts prix qui l'encadrent. Lorsque l'on raisonnait avec en arrière-pensée un mouvement global, séculaire et cyclique, mystérieux mais présent, on ne se préoccupait guère de savoir d'où venaient ces hauts prix. Cependant, ces hauts prix — il n'y a pas à se le cacher plus longtemps — étaient des prix anormaux, des prix d'années disetteuses. Les prix qui sont déprimés par rapport à eux rentrent donc dans la catégorie des prix « normaux », des prix d'années abondantes ou à tout le moins suffisantes. Dès lors, le problème de leur incidence sur le revenu des paysans se complique. Pas plus qu'on ne peut accorder aux hauts prix de la disette une signification positive automatique pour la masse des cultivateurs (signification qu'ils n'avaient sûrement pas), on ne peut décréter d'emblée que les prix relativement bas de 1776 à 1787, dans les généralités placées apparemment sous le signe de l'intercycle, les lésaient de manière certaine et cumulative avec le temps. Si nous regardons la courbe alsacienne, il nous faut constater que les prix, de 1778 à 1787, se tiennent à un niveau supérieur d'un tiers environ aux prix pratiqués avant le début de la crise. Y a-t-il lieu dans ces conditions de parler de « dépression » ? Pour porter un tel jugement, il faudrait ou postuler que les bons prix sont les prix de crise, ce qui serait difficile à soutenir, notamment parce que le nombre des vendeurs diminue dans ces moments-là ; ou établir que les prix avaient cessé d'être rémunérateurs pour les paysans de 1776 à 1787 en Alsace, proposition non démontrée. De toute façon, on voit qu'il n'est plus possible de se contenter d'appréciations sommaires et que des examens approfondis sont nécessaires. Il va de soi que dans ces examens l'augmeritation du prix des baux devra être prise en considération. Mais cette augmentation, elle-même, doit être appréciée froidement. On a beaucoup écrit sur elle, sur le poids qu'elle a pris sous le règne de Louis XVI ou sur le caractère révélateur d'une révolution agricole que sa poussée décèlerait. On oublie dans ces spéculations l'aspect élémentaire de l'ajustement des baux agricoles sur le niveau des prix du blé. Cet ajustement n'était pas et ne pouvait être parfait en raison des mouvements aléatoires de ces derniers, précisément. Par ce que nous en savons, nous devinons que les hausses survenues entre 1764 et 1775 qui atteignent parfois ou dépassent 100 % — ont été un facteur puissant de relèvement des exigences des propriétaires. Et il est possible que, le retour à la normale intervenant sur le marché, l'augmentation de ces baux ait été supérieure à la hausse résiduelle, entraînant une charge réelle accrue. Charge insupportable, charge intolérable ? A ce point de raisonnement, on ne peut trancher avec les seuls éléments en notre possession. Il y faut d'autres moyens de discernement, d'autant que les hausses des baux ont intégré d'autres pulsions que celles des prix. Quoi qu'il en soit, et en restant dans un cadre par force un peu schématique, il semble que si « dépression » il y a eu, non seulement au point de vue des cours mais au point de vue des revenus paysans, c'est dans la région parisienne qu'elle a eu le plus de chance de se manifester. Là, en effet, le contraste entre les hauts prix et les bas prix a été le plus net et le plancher le plus long (cf. courbe de la généralité de Soissons). Mais rappelons-nous les laboureurs champenois en 1786 : ils n'étaient pas à la cote et ils pensaient pouvoir tenir le temps qu'il faudrait jusqu'à un redressement des cours. D'où la justesse d'un appel à examen approfondi. Mais je bavarde, je bavarde et je ne m'aperçois pas de l'espace mangé. Le rédacteur en chef des Annales me téléphone par télépathie et me rappelle sèchement que j'abuse, que tout çà n'est guère intéressant et que je dois laisser de la place pour le chefd'oeuvre d'un jeune normalien frais émoulu qui a écrit une enquête ethnologique épatante (absolument épatante !) sur le culte du petit Saint Pissous dans la Gâtine poitevine (mais si ! mais si !je vous assure ! çà existe). Il ne me reste donc plus qu'à m'effacer. N. B. Les courbes utilisées sont celles des intendants. Leur exactitude mériterait corroboration. Des gauchissements et des coups de pouce ne sont pas impossibles. La courbe de Colmar, que nous avons produite dans A la halle de Charleville, présente deux divergences sérieuses avec la courbe alsacienne.

40. J'ai déjà exposé ce thème dans un autre article et m'excuse auprès de ceux qui y verraient une redite.

41. P. Goubert, « L'Historien et le Pédagogue », Historiens et Géographes, 1980, pp. 439-442.

42. Traduction : « Soufflez la lumière ! » Que du basque jaillisse spontanément du gosier de sénateurs de l'Urbs peut paraître déconcertant. Les spécialistes proposent généralement deux explications à ce phénomène effectivement troublant. Selon la première, il s'agirait d'une résurgence inopinée de l'antique fond ligure ; selon la deuxième, il s'agirait de charismes personnels. Certains des sénateurs ne cachent pas, dans le privé et, même, en public, qu'ils penchent fortement pour la seconde hypothèse.

43. Suivant une logique qui pourrait bien avoir une acceptation pratique quasi indéfinie, celui qui proteste se voit opposer sucessivement des arguments délicieusement moraux : De quoi vous plaignez-vous ? Faites vos preuves (sic !), on vous reconnaîtra. Vous jouez les génies méconnus, de nos jours, il n'y a plus d'injustice, toute personne qui le mérite se fera reconnaître… Orgueilleux, paranoïaque, vous donnez dans le délire de la persécution, etc. On se demande même, parfois, si certains ne louchent pas vers des toundras lointaines en soupirant : « Ah ! si nous avions des goulags à Paris ! »… ou de bons hôpitaux psychiatriques (s'ils louchent, c'est parce que leur oeil gauche ignore encore ce que fait leur oeil droit et vice-versa).

44. P. Bourdieu, La distinction…, op. cit., p. 182.

45. Ce raccourci (brr ! ce mot évoque la guillotine) de la Maladie infantile de l'histoire économique moderne est émaillé de quelques plaisanteries. Elles sont nées au crépitis de la machine à écrire, mais qu'on les comprenne bien. Dans une discussion scientifique, il vient un moment où devant l'évidente mauvaise volonté des interlocuteurs et leur mauvaise foi, la seule arme qui reste à celui auquel on dénie capacités, compétence et droit à la parole, sa seule arme est le rire. Par ce moyen, même, ce qu'il tente, c'est de ramener à la raison ceux d'en face qui ont, doucement, quitté le sens de la mesure et le sens de l'équité. De les amener à réfléchir sur leur erreur et sur la direction qu'ils impriment à la barque. Et puis, chacun sait, depuis Mark Twain, dont l'immortelle leçon à'Économie politique devrait être le bréviaire de tous les jeunes historiens, pauvres, enthousiastes et cons, impatients de se lancer dans l'histoire économique moderne, que les humoristes sont de grands tragiques. Il est inadmissible et il est contradictoire qu'un auteur dont le travail est qualifié ici de révolutionnaire (cf. Braudel, F., Civilisation matérielle, économie et capitalisme, XVe-XVIIIe siècle, Paris, 1979 Google Scholar. t. II, p. 347), se voit, en même temps, là, lanterné pour la publication de ce travail, repoussé avec hauteur par les fifres et les tambours, réduit à mendigoter le placement d'un article et à se faire hara-kiri, faute de moyens de poursuivre. A bon entendeur, salut ! Haizegizu argiari ?