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Leibniz et la table de mortalité

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Jacques Dupâquier*
Affiliation:
EHESS

Extract

Leibniz s'intéressait aux questions de population. Il avait vu la table de Graunt et le mémoire de Jean de Witt sur la valeur des rentes viagères. Il préconisait la création d'un Bureau central d'enregistrement des baptêmes, mariages et sépultures. Enfin, il a laissé deux papiers qui n'ont été malheureusement publiés qu'au siècle dernier, l'un en latin : Quaestiones calculi politici circa hominum vitam, et cognatae, l'autre en français : Essay de quelques raisonnements nouveaux sur la vie humaine et sur le nombre des hommes. Ces écrits ne sont pas datés ; d'après leur place dans la publication des œuvres complètes, ils semblent avoir été composés entre 1680 et 1689.

Nous passerons rapidement sur le premier, bien qu'il témoigne de l'ampleur des vues de Leibniz. Certaines des questions posées débordent largement les sujets abordés par Graunt et par Petty, seuls auteurs à s'être intéressés jusqu'alors aux questions démographiques.

Summary

Summary

Leibniz was interested in questions of population. Among the writings which he has left on this subject, the most remarkable is the Application of some new observations concerning the human life and the number of men which seems to have been composed between 1680 and 1689. It was written, then, considerably after the pioneering work of J. Graunt, but well before E. Halley had constructed the first real mortality table. Having chosen a very arbitrary hypothesis, Leibniz demonstrates how to calculate the average life span of human beings, the life expectancy of a given age, the corresponding mortality quotients, the gross mortality rate, and even defines, in general terms, the characteristics of a fixed population. However, when he does have the opportunity to make use ofthe observations of pastor K. Newmann which would have permitted him to construct a real table, he does not seize this occasion. Perhaps an understanding of the principles was more important for him than the actual knowledge.

Type
Population et Société
Copyright
Copyright © École des hautes études en sciences sociales Paris 1985

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References

Notes

1. John Graunt avait publié en 1662 le fameux traité intitulé : Natural and Political Observations Upon the Bills ofMortality, premier ouvrage de démographie.

2. Jean de Witt avait présenté en 1671, devant les États de Hollande, un rapport sur la valeur réelle des rentes viagères.

3. Die Werke von leibniz, Hanovre, 1866, tome V, pp. 326-340.

4. Voici quelques-unes des questions posées :

1. Numerus hominum.

2. Proportio marium ad foeminas, unde quantum coelibatus rationi consentaneus.

3. Proportio conjugatorum ad liberos.

4. Quot foeminae aptae ad generandum.

5. Quot viri apti ad arma ferenda.

6. Quotcujusqueaetatishomines.

7. Quae netates magis mortibus obnoxiae.

8. Quot ex infantibus ad annos confirmatos perveniant.

9. Quae sit longitudo média vitae humanae.

10. Data aetate quae sit vita residua praesumtiva.

11. Quanti sit reditus ad vitam.

12. Quae sit regionum salubritas.

13. Qui morbi, quibus temporibus et locis maxime régnent.

14. Quo modo morbi alii in alios mutentur.

15. Quae sit proportio capacitatis inter morbos.

16. Speciatim quae inter chronicos et acutos.

17. Comparatio agri et urbium mediocrium cum magnis.

18. Qui loci aut qui anni plus minusve foecundi.

19. Proportio generum vitae (si illa quoque mortibus annotetur).

20. Disproportio locorum pro numéro hominum etc.

21. Comparatio mortium et nativitatum.

22. Incrementum aut decrementum generis humani.

5. Selon leibniz, quand il s'agissait d'estimer la valeur d'une maison ou d'un héritage, les paysans de Lunebourg constituaient trois groupes d'évaluateurs (Schurzen). Dans chacun de ces groupes, on convenait d'une estimation ; celle-ci était alors proclamée à voix haute et on faisait la moyenne.

6. Ce passage introduit la technique statistique de jugement sur échantillon.

7. Il est probable que Jean de Witt avait calculé une table réelle, mais il ne l'avait communiquée qu'à son ami Jean Hudde, bourgmestre d'Amsterdam. Par ailleurs, celui-ci avait dressé un tableau d'extinction des rentes viagères souscrites à Amsterdam de 1586 à 1590, mais sans en tirer une vraie table de mortalité.

8. On croyait à l'époque qu'il existait des « âges climatériques » particulièrement mortifères, correspondant aux multiples de 7 et 9.

9. leibniz avait pourtant vu la table de Graunt, et en avait conclu que la courbe de mortalité devait être de forme logarithmique.

10. Graunt avait implicitement supposé un quotient de mortalité constant à partir de l'âge de 6 ans : en dix ans, il devait disparaître trois hommes sur huit, de manière qu'il ne restât plus qu'un seul survivant au 76e anniversaire. Quant à J. de Witt, il avait fondé tous ses calculs sur l'hypothèse que la mortalité était constante de 3 à 53 ans, augmentait de moitié entre 53 et 63, doublait entre 63 et 73 et triplait entre 73 et 80 ans.

11. La distinction entre vie moyenne et vie probable avait été faite dès 1669 par les frères Louis et Christian Huygens, mais leur correspondance ne fut publiée qu'en 1920 ; et ce ne fut qu'en 1746 qu'Antoine Deparcieux en donna une explication publique.

12. En principe, il faut ajouter une demi-année au résultat, car les âges exacts sont supérieurs en moyenne aux âges révolus. leibniz en eut probablement conscience, car il précise : « Nous négligeons les fractions ou parties d'années. »

13. leibniz introduit ici le calcul d'une somme de nombres en ordre naturel de 1 à 70 : elle est égale, dit-il à la moitié du produit de 70 par 71 (en règle générale, la somme des nombres de 1 à n est égale à n (n + l)/2). Or l'espérance de vie à 10 ans est égale à cette somme, divisée par 71. Ce dernier nombre se trouvant à la fois au numérateur et au dénominateur, il ne reste que la moitié de 70, c'est-à-dire 35.

14. Cette phrase semble indiquer que l'effectif de 81 correspond à la population moyenne entre la naissance et un an, alors que l'hypothèse choisie impliquait apparemment que ce nombre était la racine de la table. Il y a une certaine confusion.

15. Ce mémoire, intitulé Reflexiones ùber leben und Tod bei denen in Breslau Gebornen und Gestorben, n'a jamais été retrouvé (peut-être se trouve-t-il encore dans les papiers inédits de leibniz). Selon Westergaard (Contribution to the History of Statistics), Neumann concluait qu'il n'y avait pas de surmortalité aux âges climatériques, et que les phases de la lune n'avaient pas d'influence sur la santé.