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Published online by Cambridge University Press: 23 April 2018
Dès 1750, le thé apporté chaque année de Chine par de bons voiliers devient l'un des symboles d'une civilisation atlantique, comme plus tard de la civilisation russe. La France, riche en vins, en pommes, maîtresse d'îles à café et à cacao, fait exception dans cet ensemble : le thé n'y est souvent qu'un médicament. Au fond de la Gâtine poitevine, loin des salons anglomanes, dans l'inventaire d'une métairie naguère « accordée par le gouvernement » à des rapatriés d'Acadie, surgissent ces objets insolites : deux théières, une boîte à thé. Leur présence éveille le scepticisme : usage réel ? Relique ou trophée, souvenir en tout cas d'une carrière de matelot ? Au contraire, de la Nouvelle-Angleterre ou du Nord brésilien au Maroc, c'est l'absence de ces humbles richesses qui, de plus en plus, étonnerait.
1. Jusqu'en 1861, l'importation russe se faisait, on le sait, par un seul point de troc, Kiakhta ; sur ce commerce, de 1827 à 1861, on peut consulter P. A. Ostrooukhov, Le mouvement des prix du thé, Prague, 1937 (résumé en français). A Moscou, le pourboire des cochers était un « pour le thé » (natchai), depuis quand î Le n° 71 de la Revue Ciba, Bâle, janvier 1949, était consacré à l'histoire et à la pharmacologie du thé ; la préférence des « peuples calmes » pour le thé y est attribuée à des éléments pharmacodynamiques encore inconnus.
2. Dans quelle mesure la chocolaterie bayonnaise a-t-elle popularisé localement le cacao ? Même le café n'était « pris que par remède » avant 89 (à Limoges).
3. P. Massé, « Notes d'histoire acadienne, V : Problèmes acadiens en Poitou », Bulletin de la Société des Antiquaires de l'Ouest, 1962, p. 296. L'inventaire est de 1787. Le maître de maison, mort en 1781 avait d'abord été matelot à Boulogne de 1758 à 1772 ; son gendre et successeur Debien, est un marchand-laboureur du pays. Notre ami Massé veut bien nous préciser qu'aucune des cent vingt-quatre autres métairies acadiennes ne semble posséder de théière.
1. Miège, Jean-Louis. « Origine et développement de la consommation du thé au Maroc », Bulletin Economique et Social du Maroc , vol. XX, n° 7, 3e trimestre 1956, p. 377–398 Google Scholar, ill. : annonçant une étude parallèle sur le café, et faisant suite au « Commerce du sucre à Casablanca au xixe siècle », du même auteur, ibid., n° 53, et à A. Leriche, « De l'origine du thé au Maroc et au Sahara », Bulletin de VInstitut Français d'Afrique Noire, avril 1953, p . 731-736, qui mérite encore d'être lu, ainsi qu'un précédent article du même cité plus loin). Sur le Rio de Oro, cf. J. Carlo Baroja, Estudios saharianos, Inst. de Estudios Africanos, Madrid, 1955, p . 96, 249, 250-256.
2. Les premiers, relevés en 1933, et les seconds, en 1952, sont mis sur le même plan par Miège ; l'incidence de l'auto-consommation pourrait être inégale.
3. C'est-à-dire les statisticiens contre les « enquêteurs sociaux » (p. 381). En fait, la reconstitution des statistiques commerciales anglaises pose des problèmes à peine moindres qu'au Maroc.
4. J. D. Chambers, The vale of Trent 1670-1800. A régional study of économie change, Londres, 1957.
5. J. Eden, The State of the Poor, 1797, cité par J. C. Drummond, The Englishman's food, 1957, p. 210 et 204. Eden ne prend pas parti pour ou contre le thé.
1. Pasquet, Les Ouvriers de Londres, 1911.
2. De 1928 est l'article du Dr Renaud, Ya-t-il une question du thé au Maroc? cité par MIÈGE, p. 378, n° 9, et de 1934 la publication de budgets, déjà évoqués, dans le Bulletin Economique du Maroc. Les importations, triplées encore de 1908 à 1951, ne correspondent finalement qu'à 1 200 grammes par tête et par an contre plus de 1 800 grammes en Grande-Bretagne dès 1871. Dès 1902, avant l'essor de la colonie européenne, les importations marocaines de café atteignaient le tiers des importations de thé. Chez les nomades du Rio de Oro en tout cas, les familles pauvres n'en usent encore à discrétion que dans les grandes occasions.
3. Jouin, J., « Valeur symbolique des aliments et rites alimentaires à Rabat », Hespéris , vol. 44-2, 1957, p. 300 Google Scholar, n. Le P. Busnot, rentré de Meknès en 1712, écrit de Moulay Ismaël : « sa boisson ordinaire est de l'eau qu'on lui apporte de trois lieues » ; son successeur, pour échapper à l'alcoolisme, dit-on, adopte le thé : les Rédemptoristes lui en apportent deux caisses dès 1724 (ils en offrent aussi à leur hôte — ces derniers textes figurent dans Leriche, loc. cit.).
4. Kachef er roumouz (la révélation des énigmes), trad. L. Leci-Erc, Paris, 1874, p. 369. G. Salmon (” Sur quelques noms de plantes en arabe… », Archives marocaines, VIII, 1906, p. 83, n° 1) interprète : « Abd ar Razzaq, au début du xviiie siècle, dit qu'on buvait, sous le nom de thé, l'infusion d'une plante qui n'était pas le thé ». MIÈGE ne fait pas allusion à ce texte.
5. Au début du xviie siècle : des documents ont été publiés dans Hespéris. Notons que P. Berthier mène une étude archéologique de l'industrie sucrière marocaine sous les Saadiens.
6. Quelques années avant que le naufragé Cochelet, cité par Miege, ne boive le thé de l'hospitalité à Oued Noun, le naufragé Riley, cité par J. Cako Baroja, op. cit., p. 95, n., signale le rôle de cette localité (à l'ouest de Gouleimin) comme tête de caravanes pour Tombouctou. Du côté mauritanien, la tradition reconnaît le même point de départ pour l'introduction du thé, mais la situe dans la seconde moitié du siècle (Baroja, p. 96 et aussi A. Leriche).
1. On ne voit pas que le Maroc ait servi d'escale à ces fins voiliers, évoqués par anticipation au début de cette note.
2. Et centre caravanier aussi : c'est Fès qui est mis en cause pour le Touat en 1860. Or, les registres d'entrée et de sortie des fondouk de Fès sont conservés, indique Miège, p. 394-395.
3. C'est une des questions à examiner.
4. G. Salmon, op. cit. : souvenir conté par un vieux paysan
1. Mais selon Jouin, les chérifs, les gens pieux, évitent le sucre, prenant le café avec du miel ou avec une datte. — Fetwas en faveur du thé : Leriche, op. cit.
2. Salmon, dans une dernière notation, dit qu’ « un grand nombre de tribus berbères » l'ignorent encore, en 1905. Selon M. Leriche, le Sud de la Mauritanie est atteint à ce moment, tandis que le Nord, l'Adrar, avait dû être gagné pendant la paix de 1872- 1890. En Tunisie, la grande vogue ne date que de 1920.
3. Rapprochement d'autant plus légitime qu'au répit fiscal de 1903-1904 correspond une « pointe » des entrées de thé.
4. Etude sur l'Yemen, en préparation, par M. Said au Centre d'Etudes sur la Planification, Ecole Pratique des Hautes Etudes (VIe Section).
5. Tel que le décrit G. Salmon, op. cit. (1906), p. 98. Les types d'alimentation traditionnels de Fès et de différentes régions rurales depuis le xve siècle ont été bien dégagés par L. Massignon, Le Maroc au XVIe siècle, 1896, p. 118 (il n'est question que de trois repas dont le premier comporte bien des salaisons, l'hiver).
1. L. Burema, De Voeding in Nederland, 1954, admet le chiffre d'une centaine de tasses par jour (thé ou café), et situe l'atténuation des excès de tous ordres au XVIIIe siècle. MIÈGE s'attache davantage aux implications psychophysiologiques supposées par Michelet, Marc Bloch, Gilberto Fkeyre, Claude LÉVI-Steauss : thé et sucre ont-ils adouci les moeurs ? Cf. la richesse sémantique de ehâ en lusobrésilien.
2. A. Leuiche, « De l'origine du thé en Mauritanie », Bulletin de VI.F.A.N., XIII, 1951, p. 871. Ces médecins ont composé des traités en vers sur l'usage et la préparation du thé. La préparation maure est spéciale en ce que la théière elle-même est posée trois fois sur le feu ; elle n'en porte pas moins un nom marocain qui signifie « refroidisseur ».
3. Il renvoie pour l'état des sources e t l'exposé de ses méthodes à son Histoire du Commerce de Casablanca.
4. Invoquée à Azemmour, mais pour une date d'introduction qui semble bien tardive (vers 1880). Il n'est pas certain que l'infusion de thé elle-même ait eu valeur magique comme le suggère Miège, mais on y a fait infuser autre chose. Cf. Leriche, 2e article, B.I.F.A.N., XV, 1953, sur le thé au « baume » de 1819. Notons qu'en France, le thé dit de Hollande ou d'Angleterre était mélangé de poudre de racine d'iris (Encyclopédie méthodique, Arts et Métiers, t. II, p. 237).
1. Quant à la diffusion, évoquée plus haut, de l'objet « archéologique » au delà de son domaine d'utilisation, l'Afrique nous offre l'exemple des services à thé portugais dont les chefs Lunda du XVIIIe siècle (Katanga actuel) faisaient étalage.