Centre physique de Fès, l'Université de Qarawiyîn en est aussi le centre moral ou, pour reprendre un mot que la mystique arabe a tout chargé de sens, le pôle, al gothb.

Liée à l'opinion islamique mondiale, mère d'une jeunesse turbulente qui prête à la politique une grande partie de ses chefs et de ses auditoires, apte à offrir au clerc habile, outre la consécration et le décor, quantité de ces thèmes spirituels sans quoi rien ne vit durablement en Islam : telle du moins elle apparaît à l'observateur occidental, sensible à toutes ces puissances d'émotion et de couleur. Et sans doute faut-il contrôler cette vue sommaire. Mais la tâche s'avère délicate de chercher à démêler l'influence profonde des prestiges de surface dont elle est le plus souvent inséparable.

De nombreux travaux ont prouvé que le capitalisme actuel avait des bases profondes dans l'économie du moyen âge, qu'il s'agisse du Nord comme du Sud de l'Europe. Bien peu, au contraire, ont précisé son rôle et ses formes durant la période intermédiaire entre ses deux grandes phases : le stade ancien où les entreprises commerciales, et déjà plus ou moins financières, étaient dirigées par des personnes, soit isolées, soit unies entre elles par les liens de la société en nom collectif, conformément à la tradition des villes à l'intérieur des terres ; le stade plus récent qui vit les sociétés anonymes par actions, apparues d'abord sous une forme précise dans la Hollande du XVIIe siècle, donner à la collaboration du capital et du travail un caractère assez nouveau et une plus grande extensibilité.

Le petit ouvrage de Mrs N. Konrad, N. Staroselzief, F. Mesin et E. Joukof se compose de quatre essais dont le premier seul est entièrement de la main du professeur Konrad. Mr Konrad rappelle les traits principaux de l'histoire politique, économique et sociale du Japon jusqu'en 1868 [Lineamenti di storia del Giappone, p. 7-88), puis, en collaboration avec Mr E. Joukof, les faits essentiels du développement du Japon moderne entre 1868 et 1935 (Storia moderna…, p. 137-192), mais il a laissé à Mr N. Staroselzief le soin d'insister sur les soulèvements de paysans à l'époque des Tokougawa (I contádidi nella storia nipponica, p. 91-115) et à Mr F. Mesin celui de caractériser brièvement la Restauration de Méïji (La rivoluzione del Meiji, p. 119-134).

Ancien élève de l'École Normale Supérieure, agrégé de philosophie et soucieux d'éviter les chemins battus, Mr Jacques Soustelle, s'il avait eu vingt ans en 1900, aurait fait sa médecine pour nous donner ensuite une thèse valable de psychologie pathologique ; ou bien, sans quitter Paris et ses bibliothèques, il eût composé, en lisant beaucoup de vieux livres, quelque savante thèse de sociologie économique ou religieuse sur des primitifs d'Australie qu'il n'aurait jamais vus. Comme il eut vingt ans vers 1930, il a fait tout autre chose. II s'est laissé attirer par ces études d'ethnographie qu'ont rendu séduisantes des influences diverses — celle de notre maître Lucien Lévy-Bruhl, celle du grand animateur qu'est Paul Rivet, celle de Mauss également, incarnation vivante d'une sociologie qui tout de même évolue — plus peut-être qu'elle ne le croit. Il est parti, à deux reprises, en mission au Mexique.

C'est d'Amérique que nous vient aujourd'hui une série d'études sur les domaines de nos rois. Voici d'abord, de Mr James Westfall Thompson, professeur à l'Université de Californie, un important travail consacré à l'époque carolingienne. Le principal apport en est une liste des « fiscs » mérovingiens et carolingiens — ou plutôt une série de listes, établies selon un système dont la complication déconcerte d'autant plus qu'elle n'exclut pas les chevauchements. L'essai, plus ancien, de Steinitz se limitait, on le sait, aux règnes de Charlemagne et Louis le Pieux. Mr Thompson a poussé son enquête beaucoup plus loin: jusqu'à 900. Ce qui n'est pas, d'ailleurs, une frontière d'une signification historique bien évidente.

Bien qu'on pût trouver dans les ouvrages d'Antunez y Acevedo, de Haring, de Artiñano, de Merriman, quelques pages sur les institutions qui servaient aux rois d'Espagne à gouverner leurs colonies, il n'existait sur ce sujet aucune étude détaillée. On sera donc reconnaissant à Mr Ernst Schafer, et à l'Ibero-amerikanisches Institut de Hambourg, du travail qu'ils viennent de faire paraître sur le Conseil des Indes, dont on ne peut séparer son annexe principale, la Casa de la Contratacion de Séville. Appuyé sur une étude minutieuse des documents, le présent volume n'est d'ailleurs que la première partie du tome Ier. Il traite des origines et du développement du Conseil des Indes et de la Casa de la Contratacion au XVIe siècle.

Correspondant parisien d'un grand journal britannique de 1926 à 1936, Mr H. G. Daniels vise à l'objectivité dans un essai sur la structure de notre pays, qualifié par lui de « democratically-minded country ». La première partie est formée d'une série de chapitres qui s'intitulent : Paris — le régionalisme — quelques cités — l'Alsace-Lorraine — l'empire colonial français. Sans mettre en doute la solidité de l'unité française, l'auteur est frappé par le régionalisme breton qu'il juge, d'ailleurs, sans avenir. A propos de l'Alsace et de la Lorraine, il a écrit un chapitre bien informé, nuancé et mesuré : par exemple, sur le clergé alsacien, recruté dans le peuple, dont l'influence est favorisée par la structure rurale de la société en Alsace ; sur l'opportunisme des « prêtres politiciens » et des « prêtres journalistes », devenu traditionnel après un demi-siècle de domination allemande.

On connaît la manière, et le talent, de Mr André Siegfried. Grand voyageur devant l'Éternel, il ne possède pas seulement par devers lui tout un trésor de souvenirs variés qui lui permettent de nouer entre pays des rapprochements géographiques féconds. Il a souvent connu la bonne fortune de visiter un même pays à plusieurs reprises — et de pouvoir dés lors confronter ses physionomies d'avant-guerre, par exemple, avec ses physionomies d'après-guerre — ses aspects d'avant-crise et ses aspects de crise. Et c'est ainsi qu'ayant consacré en 1906 au Canada un livre centré tout entier sur le problème des races il lui dédie en 1935 un second livre tout différent : consacré, nous dit-il, à un « nouveau Canada » qui n'existait qu'à peine au début de ce siècle ; un Canada dégagé de ses strictes obédiences vis-à-vis de la Grande-Bretagne, devenu l'une des nations égales entre elles et autonomes que groupe l'Empire et entré franchement, au titre d'unité politique distincte, dans la Société des Nations.