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Les « inventions » médiévales
Published online by Cambridge University Press: 25 October 2017
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Pendant le moyen âge, « sauf l'invention de la poudre, la technique… resta en grande partie stationnaire ». Voici moins de quinze ans que cette phrase a été écrite. Elle était dès lors scandaleuse au regard de quelques rares spécialistes. Que tous les historiens, je le veux croire, et, sans conteste, beaucoup de personnes simplement cultivées s'accordent aujourd'hui à la juger telle, l'honneur en revient, avant tout, aux découvertes comme aux vigoureuses campagnes du Commandant Lefebvre des Noëttes. Nous savons maintenant, à n'en pas douter, qu'au moment où elles partirent à la conquête des grandes routes océanes, les sociétés européennes disposaient d'un outillage infiniment supérieur à celui de l'Empire romain à son déclin.
- Type
- Technique et Histoire
- Information
- Copyright
- Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1935
References
page 634 note 1. Vierendeel, A.. Esquisse d'une histoire de la technique, Louvain, 1921, t. I, p. 44.Google Scholar
page 634 note 2. Un tableau général des acquisitions techniques qu'il tient pour médiévales a été donné par Mr Lefebvre des Noêttes dans le Mercure de France, t. CCXXXV, 1932 : La « nuit » du moyen âge et son inventaire. Son ouvrage fondamental a paru d'abord en 1924 ; il s'intitulait alors La force animale à travers les âges (cf. un résumé des thèses essentielles par l'auteur lui-même, dans La Nature, 1927, t. I). Le livre a été réédité, en 1931, avec des additions considérables et sous un titre nouveau : L'attelage et le cheval de selle à travers les âges. Contribution à l'histoire de l'esclavage, Paris, 1931, 1 vol. de texte et 1 vol. de planches (cf. mon compte rendu dans Annales, t. IV, 1932, p. 483). On y trouvera notamment, sur les voies romaines des vues très neuves, qui avaient déjà été exposées dans un article de la Revue archéologique, 1925, t. II, p. 105. Nulle part, peut-être, mieux que dans cette brève étude routière, Mr Lefebvre des Noêttes n'a donné la preuve de la saine horreur des poncifs qui est, pour nos études, un si fécond principe de renouvellement. En même temps, il s'attaquait au problème du gouvernail : Le gouvernail . contribution à l'histoire de l'esclavage dans Mémoires de la Société des Antiquaires de France, t. LXXVIII, 1932 ; Autour du vaisseau de Boro-Boudour ; l'invention du gouvernail (contribution à l'histoire de l'esclavage) dans La Nature, 1932, I ; De la marine antique à la marine moderne, Paris, 1935. On voudra bien permettre au terrien que je suis d'observer, vis-à-vis de ces délicates questions d'archéologie navale, un silence prudent. Toute une littérature de comptes rendus et de critiques s'est développée autour de ce que j'oserai appeler le « problème Lefebvre des Noêttes ». Je me bornerai à citer l'article de MT Roger Grand, La force motrice animale à travers les âges et son influence sur l'évolution sociale dans Bulletin de la Société Internationale de Science Sociale, 1926, et — parce que j'aurai à reprendre tout à l'heure quelques-unes des idées qui y sont indiquées — mes deux notes de la Revue de synthèse historique : Technique et évolution sociale, t. XLI, 1926 et La force motrice animale et le rôle des inventions techniques, t. XLIII, 1927 (avec une lettre de Mr Lefebvre des Noëttes). Il ne semble pas, en revanche, qu'à l'étranger on ait généralement accordé aux études de Mr Lefebvre des Noêttes toute l'attention qu'elles méritent.
page 635 note 1. Pour les histoires générales de la technique, voir plus haut, p. 561, l'Orientation bibliographique, en appendice à mon article sur le moulin à eau.
page 636 note 1. Annales monastici, éd. Luakd, Rolls Séries, t. III, p. 402.
page 636 note 2. Schhamm, Pergy E., Die deutschen Kaiser und Konige in Bildern ihrer Zeit, t. I, 1928, p. 5.Google Scholar
page 636 note 3. Cf. ci-dessous, p. 644, la note de Mr Louis Lackocq.
page 638 note 1. Cf. Annales, t. VI, 1934, p. 479.
page 638 note 2. Sur l'étrier, outre le livre de Mr Lefebvre des Noêttes, voir E. H. Minns, Scythians and Greeks, 1913, p. 250 et 277 (cf. p. 75), et surtout M. Rostovtzeff, Iraniansand Greeks in South Russia, 1922, p. 121 et 130. Prédécesseurs des Sarmates, les Scythes l'avaient ignoré. Cf. aussi les intelligentes suggestions de E. Gautier, Genséric, roi des Vandales, p. 80. Sur l'Espagne, utiles indications dans CL. Sanchez-Albohnoz, Estampas de la vida en Léon hace mil anos, 2” éd., 1934, p. 134, n. 18.
page 638 note 3. Anciennes modes orientales à la fin du moyen âge dans Seminarium Kondakovianurn, Prague, t. VII, 1935, p. 165-168. Ce petit article abonde en indications ingénieuses et suggestives.
page 638 note 4. Exactement à Spire, en 1298 (Zeitschrifl fiir die Geschichte des Oberrheins, t. XV, 1863, p. 281).
page 638 note 5. Voir O. Von Lippmann, Geschichte der Magnetnadel, 1922 dans Quellen und Stndien zur Geschichte der Naturwissenschaften, t. III, 1. La partie critique semble convaincante. Il ne parait point, par contre, que l'auteur ait réussi à apporter la preuve de l'origine scandinave qu'il attribue à l'invention. Au début du xiv” siècle, Hauk Erlendsson, reproduisant les vieux récits de la prise de possession de l'Islande par les Norvégiens (Landnâmdbik), observait qu'alors « les marins du Nord n'avaient point l'aiguille aimantée » (cf. E.M.Cahos Wilson, The IcelandTrade dansE. Power et M. M. Postan, Studiesin english trade in the fifteenth century, 1933, p. 160). Puis-je faire observer à ce propos combien il est désirable que, dans toute étude sur la technique du navire et ses possibilités, une suffisante attention soit accordée aux extraordinaires exploits océaniques des Vikings 7 « on s'est avisé depuis peu que la grande navigation date du xin” siècle », écrivait récemment W Paul Valéry (L'idée fixe, p. 38). Heureusement non. Car ce serait s'aviser d'une erreur.
page 639 note 1. Cf., aussi du même auteur, Notes sur les répercussions sociales d'une technique dans Annales sociologiques, série E, fasc. i, 1934, p. 117-123. Voir, ci-dessus, p. 628.
page 639 note 2. R. Musset. Le Bas-Maine, p. 307, et Olsen, Magnus, Farms and fanes of ancient Norway, p. 10.Google Scholar
page 640 note 1. Cf. G. Méautis, Les Romains connaissaient-ils le fer à cheval ? dans Revue des éludes anciennes, 1934, p. 88. Une grande importance s'attache, à ce propos, aux Tactica de l'empereur Léon. Contrairement à ce que j'indiquais encore dans les Annales (t. V, 1932, p. 484), les travaux récents reviennent, pour ce traité, à la datation ancienne qu'avait adoptée, Mr Lefebvre des Noéttes : attribution à Léon VI ; cf. Byzantinische Zeilschrift, t. XXX, 1929-1930, p. 396. Par contre, le manuscrit 764 de Saint-Omer est assurément du Xe siècle, non du IXe.
page 640 note 2. Rien de plus incertain d'ailleurs, en tout état de cause, que cette chronologie. Comme Mr Roger Grand, dans l'article cité ci-dessus, p. 634, n. 2, l'a justement observé, le collier d'épaules a probablement été en usage bien avant que, toujours enclins à reproduire les images traditionnelles, les artistes ne se soient décidés à le figurer. La sagesse est de dire que le harnachement nouveau modèle a été représenté pour la première fois, à notre connaissance, au Xe siècle — non qu'il a été inventé à cette date. Il semble que Mr Lefebvre des Noéttes ait parfois glissé de la première affirmation à la seconde.
page 640 note 3. Un savant belge, Mr Ch. Verlinden, poursuit en ce moment d'importantes recherches sur l'esclavage médiéval ; leurs résultats, sans doute, renouvelleront le sujet. Aussi bien l'histoire de l'esclavage proprement dit est-elle intimement liée à celle des relations de dépendance, en général, telles que les ont conçues les sociétés de l'Occident. Or, là aussi, nos connaissances sont en plein devenir. L'esquisse qu'on va lire n'a d'autre dessein que de présenter, sous une forme volontairement schématique, quelques faits particulièrement considérables et à peu près assurés. J'ai dû renoncer, notamment, à rendre pleine justice aux nuances régionales. Pour la bibliographie de l'esclavage, je me contenterai de renvoyer — en attendant les travaux de Mr Verlinden — à mes deux notes de la Revue de synthèse historique citées ci-dessus p. 634, n. 2, et aux divers comptes rendus des Annales (notamment t. I, 1929, p. 94 et t. IV, 1932, p. 597). Sur les relations de dépendance, dans leurs rapports avec la notion de liberté, voir notamment mon article intitulé Liberté et servitude personnelles au moyen âge dans Anuario de historia del derecho espanol, 1933 et le compte rendu de Mr Ch.-Edmond Perrin dans Annales, t. VI, 1934, p. 274.
page 643 note 1. Comme Mr Sion l'a très justement observé, l'existence d'un rapport précis entre l'avènement d'un nouveau ystème d'attelage et les conditions du travail humain sera démontrée seulement le jour où on pourra prouver qu'antérieurement à la propagation du harnachement « moderne » le portage à dos d'homme était largement pratiqué. Or, au moment de corriger les épreuves du présent article, le hasard d'une lecture me met face à face avec quelques-uns de ces coolies médiévaux. Parmi les corvées qu'au XIe siècle les moines de Saint-Vanne exigeaient de leurs homines de potestate domiciliés à Laumes feld, en Lorraine, figure « l'obligation de véhiculer du blé sur une distance de six mille curn collo » (texte cité par CH.-Edmond Perrin, Recherches sur la seigneurie rurale en Lorraine, 1935, p. 666, n. 4). Le polyptique de Saint-Germain-des-Prés, d'autre part, mentionne, à plusieurs reprises, à côté des charrois, certains services dénommés portaturae ; là encore les distances indiquées sont loin d'être négligeables (Cf. B. GUérard, Polyptyque de l'abbé Irminon, t, I, 2, p. 773). Je ne crois pas qu'aucune prescription de cette nature se rencontre plus tard que le xne siècle. La disparition des porlaturae n'intéresse d'ailleurs point, à proprement parler, l'histoire de l'esclavage. Bien que, parmi les sujets de Saint-Germain que l'on y voit astreints, la plupart — non pas tous, à la vérité — soient qualifiés de servi, on ne saurait oublier qu'en dépit de leur statut personnel le genre de vie de ces tenanciers différait profondément de l'ancienne servitude. Quant à l'homo de polestate du xie siècle, il n'avait, cela va de soi, rien d'un esclave. C'est donc entre les progrès de la traction animale et le travail forcé, au sens large du mot, que la liaison semble s'établir, sans qu'il soit facile de déterminer avec exactitude dans quelle direction elle joua : faut-il supposer que l'adoption d'une meilleure technique amena à adoucir les anciennes exigences ? ou, au contraire, la difficulté d'obtenir l'accomplissement de dures corvées poussa-t-elle à chercher un plus efficace emploi de la bête de somme ? En tout cas, le dossier est encore un peu mince. Avis aux travailleurs curieux t.