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Le destin des classes et les vicissitudes du pouvoir dans l'Allemagne entre les deux révolutions : Un essai d'interprétation1
Published online by Cambridge University Press: 30 October 2017
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L'expérience du national-socialisme allemand, se déroulant dans un paysfortement industrialisé, à population principalement urbaine, a remis à leur place un certain nombre de théories aventureuses sur le « fascisme » au sens où les partis politiques emploient ce mot. La théorie la plus atteinte par cette expérience a sans doute été celle que Mr Vandervelde soutenait au congrès de Bruxelles de la IIe Internationale, en 1928 : le fascisme s'installe dans les pays « où le cheval-vapeur n'a pas pris la place du cheval vivant », le fascisme est propre aux pays où la classe dite moyenne est forte, c'est-àdire aux pays « retardataires » à prédominance agraire et à équipement industriel primitif. La marche des événements en Allemagne amenait déjà la IIe Internationale à condamner cette thèse en 1931.
- Type
- Problèmes d'Ensemble
- Information
- Copyright
- Copyright © Les Éditions de l'EHESS 1937
Footnotes
Comme on s'en apercevra de prime abord, l'interprétation qui est ici proposée de la révolution nazi est loin de coincider de tous points avec celle que, plus haut, donnait Mme Varga. Il nous a semblé que cette différence de points de vue était en elle-même riche d'enseignements. — Les Directeurs.
References
page 570 note 2. Les chiffres concernant le mouvement des salaires entre 1919 et 1925 sont empruntés aux publications suivantes du B. I. T. : Conditions de vie dans les pays à change déprécié (B. I. T, Études et documents, Série D, Genève, 1925) et Fluctuations des solaires dans différents pays de 1914 à 1921 (ibid., Genève) ; — les chiffres concernant les prix agricoles et les propriétés paysannes, aux Commentaires économiques aux annuaires internationaux de statistique agricole publiés par l'Institut International d'Agriculture de Rome (spécialement le Commentaire 1932-1933). — Tous les autres chiffres et aussi quelques chiffres concernant les catégories indiquées plus haut viennent des publications officielles allemandes : Bulletin de l'Office de Statistique du Reich, Bulletin de l'Office de Crédit et surtout les publications hebdomadaires ou annuelles de l'Institut pour l'étude de la conjoncture. Il va de soi que, l'article se proposant pour objet non de décrire la situation présente de l'Allemagne, mais d'expliquer la genèse et la nature de la révolution nazi, les données statistiques utilisées n'avaient pas à s'étendre à la période strictement actuelle.
page 571 note 1. Dutt, Palme, Fascisme et révolution (traduction française), Paris. E. S. I. 1936.Google Scholar
page 571 note 2. Brailsford, article du New Clarion, 8 juillet 1933.
page 571 note 3. Daily Herald, 2 mai (jour de l'occupation des syndicats ouvriers).
page 572 note 1. Conditions de vie des ouvriers dans les pays à change déprécié. (Publications du B. I. T., Genève, 1925.)
page 573 note 1. Octobre 1923 : chômeurs complets, 19,1 p. 100 ; partiels : 47,3 p. 100.
page 573 note 2. Les chiffres suivants révèlent le degré de concentration de l'industrie allemande. Les entreprises comptant plus de 50 ouvriers formaient en 1917 0,9 p. 100 de l'ensemble des entreprises et occupaient 37 p. 100 de tous les ouvriers de l'industrie. En 1925, ces entreprises formaient 1,2 p. 100 du total des entreprises et occupaient 48 p. 100 des ouvriers. Une concentration bancaire s'était produite : en 1912, 9 grandes banques de Berlin (soit 5,2 p. 100 du nombre des banques dont le capital dépassait 1 million de marks) concentraient 49 p. 100 de tous les dépôts ; en 1929, le nombre des grandes banques de Berlin n'était plus que de 5 et ces cinq-là concentraient 67,5 p. 100 de tous les dépôts.
page 574 note 1. Chiffres de l'Institut pour l'étude de la conjoncture. La productivité du travail par ouvrier et par heure passe de 87,3 en 1925 à 100 en 1928 pour l'ensemble de l'industrie. Pour les ouvriers du sous-sol, l'indice étant 100 en 1913, on passe de 103 en 1925 à 126 en 1928.
page 575 note 1. Baumont, M., L'activité industrielle de l'Allemagne depuis la guerre dans Annales, t. I, 1929, p. 46.Google Scholar
page 576 note 1. De plus, le recul de la production qui était en mois pour le fer, le charbon et les contrats de construction, respectivement, en 1908 de 3, 6, 9 mois, est en 1920-1921 de 16, 4, 9 — et, en 1929-1932, de 39, 41, 57 mois. On remarque, en même temps, un caractère nouveau de la crise : son centre de gravité se déplace vers la section I, vers la production des moyens de production :
(de l'année de prospérité à l'année du maximum de crise). La proportion était inverse au temps de l'économie industrielle non monopoliste. Cette Inversion de plus en plus forte est la conséquence des monopoles et de l'excédent chronique des moyens de production qui caractérise la crise générale.
page 576 note 2. Le «Verein Deutscher Ingenieure » publie, le 4 mars 1933, des renseignements sur l'industrie allemande des machines-outils : « Les commandes de machines-outils passées dans le dernier semestre provenaient presque exclusivement de firmes petites et moyennes ; les grandes usines et les consortiums ont suspendu leurs achats dans la mesure où il s'agit d'équipements de production. Elles couvrent leurs besoins pressants avec les parcs de machines des sections des usines moins occupées. » Cette méthode, consécutive à l'excédent chronique de la capacité de production, est poussée au maximum, puisque, dés 1931, des autorités officielles et, en particulier, l'Institut pour la recherche de la conjoncture, dans son rapport hebdomadaire du 9 mars 1932, révèlent que la production des moyens de production a reculé tellement qu'elle ne couvre même pas l'usure naturelle courante. « En 1931, la diminution de l'équipement par suite de l'usure courante et du vieillissement dans tout le territoire de l'économie nationale allemande aurait été supérieure à la somme des investissements destinés à le remplacer et des rares nouveaux investissements. L'économie nationale allemande a vécu en 1931 sur sa propre substance. »
page 580 note 1. Dans l'année 1932 on assiste à la disparition des coopératives techniques et de crédit et à l'augmentation des coopératives de vente à cause de l'exagération de la concurrence. Disparaissaient : coopératives d'épargne et de crédit : 345 ; coopératives d'électrification : 120 ; de battage : 13 ; de machines agricoles : 3 (sur 160) ; d'élevage du bétail : 7 (sur 800) ; par contre, 255 coopératives de plus pour la vente de la laiterie et 17 de plus pour la vente du bétail. De plus, si le nombre des coopératives de vente augmente, le nombre des coopératives d'achat et de vente diminue ; la faiblesse des achats paysans entraîne 169 de ces coopératives à la disparition ; l'achat des engrais, des semences et des graines a beaucoup diminué.
page 583 note 1. En ce sens vont les interprétations de la Deutsche Fuhrerbriefe, bulletin de l'Industrie allemande, le 20 septembre, on y voit que le système « d'écluses », constituées par « les conquêtes relatives aux salaires et à la politique sociale » et par le fait que « .toute la fraction fortement organisée de la classe ouvrière jouissait d'avantages mesurés, mais considérables par rapport aux couches inférieures », doit disparaître « par suite des nécessités de la crise économique ». Cette disparition du système d'écluses entraîne la disparition de « ce soutien le plus éloigné de l'autorité bourgeoise qu'a été, durant la première consolidation d'après-guerre, la social-démocratie.»
page 583 note 2. Fluctuations des salaires dans différents pays de 1914 à 1921. (Publications du B. I. T., Genève).
page 583 note 3. Kuczinski, , Le développement de la situation des ouvriers en Europe et en Amérique de 1870 à 1933 (Bâle, 1934).Google Scholar
page 584 note 1. Les chiffres de salaires de l'Institut pour la conjoncture révèlent officiellement cette modification de la pyramide des salaires, qui se rétrécit par en haut et s'émousse par la pointe :
page 587 note 1. La comparaison des voix national-socialistes de la période de stabilisation et de la période de crise est significative :
page 591 note 1. Une grande inquiétude s'est manifestée dans les milieux informés du-IIIe Reich à ce sujet. L'État avait fait réaliser directement par ses banques les recettes fiscales à venir. Parlant à la fois de ce manque à gagner futur et du déficit proprement budgétaire, le ministre des Finances disait : « Cette somme pourra-t-elle être couverte par les recettes courantes dans les cinq années qui viennent ? Si grand que puisse paraître ce fardeau préalable, sa couverture est parfaitement possible si l'amélioration de l'économie continue au rythme enregistré en 1933. » On retrouve ici l'illusion de prospérité qui fait croire que la production restera bonne et s'améliorera d'année en année ; on ne pense pas au retour de la crise économique cyclique. L'illusion est ici d'autant plus étonnante que l'amélioration de la production est justement obtenue par cette utilisation préalable des recettes à venir ; pour que l'amélioration artificielle continue, il faut engager encore davantage l'avenir au lieu d'espérer rembourser. Ou est dans un cercle.
page 592 note 1. Cette pression au renouvellement du capital fixe remet à leur véritable place les campagnes antimachinistes du nouveau régime. Sur le plan législatif, on a quelques textes. Dans la loi du 1er juin 1933 sur la « Création de travail », l'article 2 du titre I est ainsi rédigé : « Tous les travaux doivent être effectués par les forces humaines dans la mesure où les moyens mécaniques ne sont pas indispensables, et où l'emploi du travail humain n'a pas pour conséquence un renchérissement disproportionné. » De fait, le 7 Juillet 1933, les verreries de Thuringe sont cartellisées dans une organisation qui fixe conditions de travail, salaires et prix de vente. Le contrat ajoute : « L'achat de machines remplaçant le travail à la main est interdit et l'on a même songé à une interdiction totale du travail à la machine. » Et, le lendemain, une dépêche Havas de Berlin (8 juillet 1933) annonçait : « Le gouvernement de Thuringe vient d'accomplir un acte historique. Il a interdit l'usage des machines pour le soufflage du verre ; cette mesure aura pour résultat, souligne-t-on, de rendre du travail et du pain à un nombre considérable d'ouvriers. » Et l'agence Havas diffuse pour la presse mondiale l'extrait de presse suivant, commenté par tous les journaux allemands : « C'est la première fois dans les temps modernes, déclare l'Acht Uhr Abendblatt en rapportant cette mesure, que l'État arrête les bras métalliques de la machine. Ses articulations d'acier, en accomplissant le travail qui nourrissait autrefois des centaines de vies humaines, ont fait de la machine la mère de la misère humaine. » Une autre loi permet au ministre de l'Economie d'interdire les machines nouvelles et même la remise en service de toute machine existante dans la fabrication des cigares. L'historien ne peut s'empêcher de faire à ce sujet quelques remarques. Ces réformes locales et de détail ne peuvent compenser le fait que les entreprises sont dispensées d'impôts si elles renouvellent leur outillage. La publicité faite autour de ces deux cas montre comment il faut les considérer.
page 594 note 1. 300 000 indemnités de mariage ont été ainsi versées pendant 1934, excluant autant de femmes de la production.
page 595 note 1. Entre 1931 et 1935, le consortium Gute Hoffnungshutte a enregistré une diminution de salaires de 24 millions de marks (126 et 102) et une augmentation du nombre des ouvriers de 5 400 (44 et 49,4) ; à la société Gute H. H. Oberhausen, dans le même temps, les salaires totaux tombent de 63,3 millions à 48,4 et les ouvriers de 22 800 à 21 700 seulement (chute du salaire moyen de 2 864 et 2 785 marks à 2 065 et 2 230).
page 596 note 1. De plus, l'assurance-chômage a été diminuée. D'après la statistique officielle, sur 6 014 000 chômeurs en janvier 1933, 16 p. 100 recevaient l'allocation complète, 24 p. 100 le secours de crise, 41 p. 100 le secours d'assistance publique et 19 p. 100 aucun secours. En mars 1934, les chiffres sont respectivement 9, 32, 35 et 24 p. 100. Le déplacement vers les secours plus faibles est net.
page 596 note 2. Pour bien montrer l'importance de ce problème des graisses dont on a dit que c'était un problème de civilisation, on peut préciser. Le très bas niveau de vie dans les villes empêche les citadins d'acheter du beurre ; d'autre part, la production laitière avait augmenté depuis 1928 de 2 milliards de litres. Les graisses de remplacement et, en particulier, la margarine avaient été livrées sur le marché à des prix encore inférieurs au faible pouvoir d'achat. La fabrication avait doublé depuis la guerre (500 000 t.). De plus, la margarine d'avant-guerre était faite pour 50 p. 100 de matières premières de provenance nationale (graisses animales qui venaient de l'élevage allemand). En 1932, la part des matières nationales dans la fabrication de la margarine n'était plus que de 4 p. 100. Le reste provenait de l'importation (60 p. 100 d'huiles végétales de provenance coloniale et 35 p. 100 d'huile de baleine). Des problèmes complexes d'importation s'ajoutaient donc au problème du marché intérieur des graisses. L'ordonnance du 15 novembre 1932 n'avait eu aucun effet pratique.
page 597 note 1. Prix de gros à Berlin en 1933-1934 (en marks par tonne) :
page 597 note 2. Le moratoire des dettes agricoles avait été rapidement prononcé, mais sous une forme extrêmement prudente. Voici le détail de cette mesure : création d'une procédure de médiation pour la réglementation des dettes agricoles ; développement et unification de la protection des fermiers ; réduction du taux d'intérêt du Crédit agricole. La loi du 1er juin 1933 sur la réglementation de l'endettement agricole prévoit la possibilité de réduction des dettes et d'une diminution de l'intérêt. On verra plus loin que ces mesures n'ont pas réussi.
page 598 note 1. Au moment où les fermes héréditaires ont commencé à être liquidées, on en avait créé 850 000, dont 564 000 avaient une superficie comprise entre 20 ha., et 7,5 ; ces 564 000 exploitations étaient des fermes d'élevage ; la chute des prix du bétail et le maintien des prix des céréales fourragères les a menées à la faillite progressive, toutes héréditaires et inaliénables qu'elles fussent.