Dans l'introduction de sa remarquable étude traitant de l'activité ethnographique des Belges au Congo, publiée en 1908, M. De Jonghe nous dit:
‘L’efficacité de toute œuvre de civilisation se mesure sur la connaissance plus ou moins exacte de la mentalité des populations indigènes.
‘Le colonisateur est, en dernière analyse, un civilisateur. Placé en présence de peuples d'une civilisation inférieure à la sienne, il s'efforce de les élever graduellement à son niveau. On peut le comparer à un agriculteur qui veut mettre un champ en rapport. Le premier soin de celui-ci doit être de connaître la composition de la terre pour y adapter son mode de culture, pour choisir avec discernement les substances chimiques capables d'en activer la production. La psychologie de l'indigène est pour le colonisateur ce qu'est pour l'agriculteur la connaissance des conditions chimiques de la terre qu'il veut cultiver. Connaître le tempérament et le caractère des peuplades qu'il doit civiliser est la première condition à réaliser par l'explorateur s'il veut procéder avec sûreté dans l'atténuation ou l'extirpation de leurs qualités mauvaises et pernicieuses, et dans le développement intense de leurs aptitudes morales et fécondes.
‘La science qui consigne, classe, synthétise les données sur la psychologie des peuples non-civilisés, s'appelle l'ethnographie. L'ethnographie est donc à la base de toute action civilisatrice véritable.
‘A un point de vue moins élevé, au point de vue exclusivement économique, elle mérite de préoccuper sérieusement le colonisateur. Innombrables sont les malentendus, les froissements, les conflits sanglants même, qui, à toute époque, ont surgi entre colonies et mères-patries et qui ont eu leur cause profonde dans l'ignorance des mœurs et coutumes locales.’