En 1981 déjà, Cedric E. Pickford soulignait le silence qui entoure le nom de Chrétien de Troyes entre le XIIIe et le XVIe siècle: si ses romans se lisent encore, s'ils font l'objet, outre que de citations et d'allusions, d'au moins deux mises en prose au XVe siècle (Cligés en 1454, Erec avant 1468), le nom du poète est ignoré, délibérément selon Pickford, jusqu'à Geoffroy Tory et aux érudits du XVIe siècle, tels Pasquier, Fauchet, La Croix du Maine et Du Verdier, qui tous nomment Chrétien, dans la plupart des cas pourtant sans avoir une connaissance directe de ses œuvres. Après le silence du XVIIe siècle, le XVIIIe est marqué par un intérět renouvelé pour l'auteur autant que pour l'œuvre, comme le témoigne, entre autres, l'insertion des quatre romans complets de Chrétien dans la Bibliothèque Universelle des Romans (BUR): Erec, Lancelot, Yvain, Cligés, tous publiés en 1777. Georges Doutrepont proposait, en 1939, un parallèle entre les ‘mises en prose’ du XVe siècle et ces arrangements du XVIIIe. ‘Des deux cǒtés, dans les deux ǎges, écrivait-il, ce fut une modernisation de livres «en romant antique» pour plaire à la société contemporaine ou pour les rendre d'accès possible.’ Dans les deux cas, c'est très certainement l'intérět pour l'histoire qui domine, au delà de toute perspective philologique, ou plus simplement littéraire, qui aurait à cœur la récupération du texte ‘original’.