La présente contribution porte sur tourner et virer, deux verbes attributifs (p. ex. elle a viré/tourné folle) qui ne sont pas encore reconnus pleinement par la tradition grammaticale normative ni dans les travaux des linguistes. Elle vise à établir le profil distributionnel / collocationnel de ces deux verbes qui semblent opérer dans le même domaine sémantico-fonctionnel, afin de mettre à nu les subtiles divergences au niveau de leur profil sémantique. Celles-ci sont rattachées à la sémantique de base du verbe lexical, laissant entrevoir dans ces emplois grammaticalisés des effets dus à la « persistance lexicale » (lexical persistence). Afin d'objectiver au maximum les profils distributionnels des deux verbes (et partant leur profil sémantique), les outils statistiques offerts par la méthode collostructionnelle (Stefanowitsch et Gries 2003; Gries et Stefanowitsch 2004) sont mis à profit. En outre, la combinaison de l'approche collocationnelle et de l'analyse morphosyntaxique amène à distinguer l'emploi proprement attributif des deux verbes d'un emploi directionnel abstrait homonymique (l'entreprise a viré solaire), qui est encore proche de la construction prépositionnelle (virer à / tourner à).