L’épisode dépressif majeur (EDM) : problème de santé publique majeur avec presque 121 millions de personnes affectées dans le monde et une prévalence vie entière de 5 à 15 % . Son évolution (20 % de chronicisation et 30 % de résistance aux antidépresseurs) ainsi que ses complications (suicide, dénutrition ou déshydratation) demeurent des enjeux majeurs pour les soignants. L’électroconvulsivothérapie (ECT) : un des traitements les plus efficaces de l’EDM, indiquée en cas de résistance médicamenteuse mais cette réponse est partielle avec 48 % de rémission chez les patients présentant une dépression résistante . La stimulation magnétique transcrânienne répétée haute fréquence (HF-rTMS) : thérapeutique instrumentale non invasive ayant prouvée son efficacité dans l’EDM . Les ECT et l’HF-rTMS du cortex préfrontal dorsolatéral gauche (DLPFC) auraient un mode d’action commun. Nous nous sommes intéressés à la possibilité d’utiliser la rTMS afin de potentialiser les ECT.
Méthodes de stimulationLa rTMS du DLPFC gauche a été réalisée à haute fréquence (20 Hz, 90 % du seuil moteur, 20 trains de 2 secondes avec des intertrains de 60 secondes), de manière quotidienne, selon une méthode de repérage visuelle. Les ECT ont été réalisés de manière bitemporale. Une titration a été réalisée afin de définir individuellement le seuil épileptogène de chaque patient.
Description des casMéthode de repérage visuel « 10–20 ». Le patient 1 était une femme de 27 ans atteinte d’un trouble bipolaire de type 1 diagnostiqué à l’âge de 22 ans. Elle présentait un EDM évoluant depuis 9 mois. Elle était traitée par aripiprazole et lithium, après avoir reçu plusieurs thymorégulateurs et antidépresseurs. Les symptômes étaient un ralentissement psychomoteur majeur, une thymie triste avec pleurs, de l’anxiété et des idées suicidaires. Elle bénéficia de 10 séances de HF-rTMS du DLPFC gauche suivis d’ECT bitemporale. Les idéations suicidaires disparurent et la thymie s’améliora nettement après la troisième séance d’ECT. Initialement à 25 le score de Hamilton diminua à 2 après 5 ECT puis à 0 après 10 ECT. Le patient 2 était une femme de 39 ans souffrant d’une dépression chronique résistante, avec des antécédents de tentatives d’autolyses graves. Son traitement était composé de sertraline, lithium et loxapine. À son admission, elle présentait un ralentissement psychomoteur, une anhédonie, une anxiété, des troubles du sommeil ainsi que des idées suicidaires. Elle reçut 7 séances de HF-rTMS avant les ECT. La patiente fut sortante de l’hôpital après la sixième séance d’ECT. Initialement à 19 le score de Hamilton diminua à 3 après 5 ECT puis à 2 après 10 ECT. Pour les deux patientes, les crises électriques furent plus longues, avec des intensités de stimulation moindre et les améliorations cliniques plus rapides comparés aux autres patients présentant un état clinique et un traitement par ECT similaires, sans effet secondaire notable. Caractéristiques des crises électriques.
DiscussionLa neuro-excitabilité corticale a été étudiée chez des patients présentant un EDM. Plusieurs études ont retrouvé une diminution de l’ICI (inhibition intracorticale) et du CSP (période de silence corticale) au décours de l’EDM, impliquant un rôle probable du système GABAergique dans son ensemble. De plus, la normalisation du taux de GABA préfrontal est associée à la rémission dans l’EDM. L’ensemble de ces résultats est en faveur d’une diminution de la transmission synaptique GABAergique dans la dépression. Des auteurs ont retrouvé une augmentation du taux de GABA cérébral ainsi que de l’activité GABA-B après un traitement par ECT chez l’homme. La rTMS augmente également le CSP et les patients déprimés répondant à l’HF-rTMS du DLPFC gauche (20 Hz) ont un CSP et une ICI augmentées. Les modifications de l’ICI sont corrélées avec l’amélioration du score de HAMD (Hamilton Rating Scale for Depression). Les travaux d’Otis et Mody indiquent que les changements du CSP ne sont détectables qu’après une importante activation des interneurones inhibiteurs, suggérant que l’activation des récepteurs GABAb nécessite une exposition prolongée au GABA ou une forte concentration de GABA. La HF-rTMS du DLPFC gauche et les ECT sembleraient donc avoir une activité GABAergique corticale commune avec une majoration du taux cérébral de GABA et des modifications de neuro-excitabilité. On peut s’attendre que la HF-rTMS du DLPFC gauche expose de manière répétée les récepteurs GABA à leur substrat et aurait un rôle d’amorce avant la réalisation d’ECT, permettant une meilleure efficacité du traitement par ECT comme dans le cas de nos deux patients.