Les addictions sont un enjeu majeur de santé publique. Leur prise en charge thérapeutique au sein de lieux de soins spécialisés fait en priorité appel à la capacité contenante de l’institution. L’objet de cette étude a été de préciser le regard porté par les patients d’un centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie sur leur lieu de soin à travers une méthode de photo-élicitation. Les patients participants ont été invités à prendre des photos des lieux. Dix entretiens individuels ont été réalisés, centrés sur deux photos par patient. L’analyse du discours recueilli a été menée selon l’Interpretative Phenomenological Analysis, en s’appuyant en particulier sur les métaphores des lieux suscitées par les photos, pour décrire les qualités et défaillances des phénomènes de contenance et d’enveloppement à l’œuvre dans leur lieu de soin chez les sujets rencontrés. Les résultats rendent compte de la potentielle portée symbolique des murs et des objets qui composent le lieu et de sa capacité à fournir des enveloppes aux patients. Le lieu de soin est décrit comme protecteur (abri et refuge, garant du secret, pourvoyeur d’espaces intermédiaires) et menaçant (lieu de restriction de liberté et d’enfermement, source d’exposition, lieu de duel). L’abord par les lieux s’avère pertinent, révélant ses qualités projectives : projection des représentations de l’altération des propres enveloppes psychiques et corporelles des patients et support d’expression de conflits potentiellement à l’œuvre dans la relation de soin avec les sujets souffrant d’addiction. Le détour par les lieux a permis de recueillir un matériel riche et original et la photo-élicitation s’est révélée être une méthode de recherche particulièrement contenante pour les participants. Ces résultats présentent également des perspectives cliniques car ils supportent l’intérêt de l’élaboration institutionnelle de l’aménagement du lieu de soin. Premier contenant offert à la relation de soin, remplissant les conditions de solidité et de pare-excitation préalables à l’exercice de la fonction conteneur du soin (Kaës, 1979), le lieu se prête à un remodelage dynamique à l’image des valeurs soignantes de l’équipe qui l’habite, pour acquérir ses propriétés d’enveloppe thérapeutique adjuvante, à l’articulation entre le collectif et le singulier.