Au-delà des dogmes anciens posant que le deuil devait être « respecté » et des données cliniques classiques permettant de discriminer deuil et épisode dépressif, la question est aujourd’hui posée de savoir quel curseur choisir pour porter le diagnostic d’épisode dépressif chez les endeuillés ? En effet, bien que les deuils soient des événements de vie inhérents à la vie de tout sujet, et le plus souvent sans interaction avec les épisodes dépressifs, les deuils sont toutefois parmi les évènements de vie le plus souvent associés à des épisodes dépressifs. Cette question du choix du curseur pour porter le diagnostic d’épisode dépressif chez les endeuillés est importante, puisqu’elle va déterminer la nature de la prise en charge à proposer ou non aux endeuillés. Cette question est par ailleurs d’actualité avec la nouvelle critériologie américaine DSM-5. En effet, la définition de l’épisode dépressif majeur du DSM-IV comportait un critère d’exclusion lié au deuil, critère hérité de la culture psychanalytique. Ce critère d’exclusion avait pour objectif de discriminer des sujets présentant une symptomatologie dépressive modérée liée au deuil, de façon à ne pas les prendre en charge prématurément comme des patients déprimés. Dans trois études françaises différentes, nous avons étudié la validité discriminante de ce critère d’exclusion lié au deuil. Nos résultats ont montré une validité discriminante médiocre de ce critère d’exclusion en pratique quotidienne. Et, après de nombreux débats, il a été décidé de supprimer ce critère d’exclusion lié au deuil pour la définition de l’épisode dépressif majeur dans le DSM-5. Le développement par le NIMH d’importants programmes de recherche consacrés au deuil dans toutes ses composantes devrait permettre d’une part de mieux comprendre la physiopathologie du deuil et ses liens avec la dépression et d’autre part de mieux soigner les sujets endeuillés souffrant d’épisodes dépressifs.