Les migrations des societés rurales ont longtemps été pensées par défaut, comme l'expulsion d'individus surnuméraires. Le modèle homéostatique, centré sur l'idée d'un équilibre précaire entre populations et ressources, en a donné une des formalisations les plus abouties. L'article met ses fondements à l’épreuve d'un terrain inédit, a savoir le suivi de 44 genealogies descendantes dans la France du xixe et du debut du xixe siècle. Individus et families sont observés non seulement à travers leurs attributs (profession, alphabétisation, patrimoine) mais aussi à travers leurs trajectoires de mobilité (géographique et sociale) et leurs liens (réseaux, endogamie et transmissions inter-générationnelles). II en découle une vision moins passive des comportements migratoires et, par contraste, une analyse des différents modes d'organisation familiale possibles. L'article ne s'en tient pas pour autant a ces determinations « micros » : tirant parti de sources longtemps négligées, il construit des variables macroscopiques valides à l'échelle de la commune. Les lignées, quelle que soit leurimportance, utilisent les infrastructures disponibles (écoles, gares, postes notamment) et se meuvent ainsi dans un espace structuré et hiérarchisé par des dynamiques économiques. Les logiques familiales pèsent par là sur la concurrence à laquelle se livrent les communes, soit pour se répartir des ressources de l'État, soit en investissant elles-mêmes dans des biens publics locaux.