Hostname: page-component-cd9895bd7-7cvxr Total loading time: 0 Render date: 2024-12-22T23:18:17.673Z Has data issue: false hasContentIssue false

Ménage Gilles, Observations sur la langue françoise (Descriptions et Théories de la langue française, 6, série Remarques et observations sur la langue française). Paris: Garnier, 2022, 203 + 1477 pp. 978.2.406.12799.4. 2 vol. Édition critique par Marc Bonhomme.

Review products

Ménage Gilles, Observations sur la langue françoise (Descriptions et Théories de la langue française, 6, série Remarques et observations sur la langue française). Paris: Garnier, 2022, 203 + 1477 pp. 978.2.406.12799.4. 2 vol. Édition critique par Marc Bonhomme.

Published online by Cambridge University Press:  12 October 2023

Philippe Caron*
Affiliation:
Laboratoire Formes et Représentations en Linguistique, Littérature, Image Professeur de linguistique française Université de Poitiers Maison des Sciences de l’Homme et de la Société 5 rue, Théodore Lefebvre TSA21103 86073 POITIERS CEDEX 9 France
Rights & Permissions [Opens in a new window]

Abstract

Type
Book Review
Copyright
© The Author(s), 2023. Published by Cambridge University Press

Voici une édition monumentale qui fera date par le soin qui caractérise la collection et la série dans lesquelles elle s’insère. Son premier et principal avantage est le soin avec lequel l’original a été saisi. Toutefois l’éditeur, suivant en cela l’exemple du premier volume de la série, a cru bon de procéder à certaines corrections destinées à «faciliter la lecture», comme la suppression des virgules placées entre le sujet et le verbe, la résolution des tildes, la discrimination des caractères i, u et v ainsi que l’expansion des abréviations. L’édition choisie est la deuxième, publiée à Paris chez Claude Barbin en 1675–1676.

Une introduction de plus de 200 pages restitue toute sa complexité à la personne et à l’œuvre d’un auteur trop souvent connu d’une façon partielle, voire partiale. Si l’on connaît le mondain brocardé par Molière dans les Femmes Savantes, ou le collaborateur de Madame de Lafayette pour ses romans, on connaît moins le savant mêlé à plusieurs querelles de son temps. Il est notamment l’auteur des Origines de la langue françoise de 1650, premier vaste dictionnaire étymologique salué pour sa sagacité. Cette culture historique qu’il étend également à l’italien se ressent dans ses Observations. En effet il sait tenir un équilibre assez admirable pour son temps entre le point de vue diachronique qui replace un mot ou une expression dans l’histoire de leur développement et un point de vue synchronique qui discute subtilement les conditions de leur acceptabilité dans l’usage autorisé. À cet égard, Ménage se détache parmi les remarqueurs de son temps qui, souvent, ne prennent en compte que le deuxième aspect. En outre il mentionne ses sources et multiplie les citations d’auteurs. Cette largeur de vue lui confère souvent un avis plus circonstancié et moins rivé sur l’immédiateté de la culture aulique qui fait encore autorité en ces premières années du règne de Louis XIV. Ses remarques, très amples parfois, ont une réelle dimension critique et Vaugelas fait partie des remarqueurs qu’il entend rectifier à l’occasion, sans pour autant diverger sur la question du bon usage (pp. 59–60). L’avis est parfois tranché mais, dans le premier volume des Observations, Ménage fait fi de la légèreté mondaine et pense, rédige en homme de cabinet soucieux de véracité, de solidité dans l’argumentation. C’est probablement toutes ces raisons qui entraîneront les critiques du jésuite Bouhours, auquel il était pourtant lié. Dans le deuxième volume de 1676, c’est ce contradicteur qui est le plus souvent mentionné et le ton de la critique devient plus acerbe et moins démonstratif.

Les notes de cette édition, très nourries, ne peuvent que satisfaire le lecteur averti qui désire la référence exacte d’une citation ou d’une allusion faites par Ménage. En outre elles replacent l’avis dans la diversité des pratiques et des propos métalinguistiques du temps, ce qui montre que la variation est encore largement à l’œuvre (voir par exemple la remarque S’il faut dire plurier ou pluriel p. 234 et s.). Le XVIIe siècle apparaît donc comme une période encore ouverte, plurielle, tâtonnante dans laquelle le ciseau de la norme est loin d’avoir effacé bien des variantes. Mais les notes indiquent déjà une direction qui va s’imposer, notamment en citant abondamment les grands dictionnaires du temps. Moins mondaine et parfois moins tranchée que celle de ses contradicteurs, cette œuvre perspicace et souvent nuancée sera éclipsée par celle de Vaugelas qui fera figure de référence.

Ce volume fait honneur à son éditeur, à cette série, et surtout à un auteur d’une culture, d’une érudition et d’une sagacité remarquables.