Inside the Local Campaign: Constituency Elections in Canada, édité par Alex Marland et Thierry Giasson, est le troisième volume d'une série de livres publiée à UBC Press, analysant chacun une campagne électorale canadienne à travers le prisme de la communication politique. Après Canadian Election Analysis: Communication, Strategy, and Democracy (Reference Marland and Giasson2015) et Inside the Campaign: Managing Elections in Canada (Reference Marland and Giasson2020), cet ouvrage collectif prend comme point d'ancrage la campagne fédérale de 2021 (vii).
Afin de brosser un portrait riche et détaillé des campagnes locales au Canada, des chercheurs ont rédigé ou co-rédigé un chapitre visant à explorer une dimension particulière des campagnes (22). Plusieurs chapitres sont le fruit de collaborations avec des contributeurs travaillant en dehors du milieu universitaire, notamment un député en exercice, un candidat à l'investiture infructueux et des journalistes locaux. Mobilisant l'entretien, l'analyse de contenu ou encore l’étude de cas, les auteurs d’Inside the Local Campaign adoptent une approche descriptive se rapprochant « des méthodes familières de production scientifique » tout en disposant par moment d'une documentation de façon « opportune » afin de jeter un éclairage approfondi sur des élections fédérales canadiennes (vii). Des photographies placées en annexe accompagnent par ailleurs ces analyses de manière à illustrer différentes initiatives déployées par les partis au courant de la campagne, tant sur les médias sociaux que sur le terrain (400).
La principale contribution d’Inside the Local Campaign relève de l'utilisation claire et transparente de différents types de données, essentiellement qualitatives, afin de documenter les pratiques déployées à l’échelle locale par les acteurs politiques fédéraux en 2021. Ainsi, il est intéressant de rappeler qu’« avec peu (ou pas) de préavis, Élections Canada met en œuvre un système national de gestion des élections locales pour chaque élection » (45). Pour les partis politiques, préparer une campagne locale débute avec un processus de sélection des candidats et candidates, ce qui peut présenter son lot de défis. En particulier, les partis doivent composer avec la volonté de maintenir un processus démocratique dynamique au sein des organisations locales tout en assurant la diversité des candidatures au niveau national (92). Ils doivent parfois ajouter à ces considérations la présence de ministres sortants (128) et l'intérêt de recruter des candidats vedettes (107).
Plusieurs entretiens offrent aussi la perspective de praticiens sur le travail de campagne. Ainsi, sur la pertinence de participer aux débats locaux, l'un d'entre eux notera que c'est une question de chiffres : « S'il y a quarante, cinquante personnes à un débat, probablement dix de ces personnes peuvent être influencées… Si nous pouvons aller au centre-ville et frapper à cinquante portes et parler à vingt personnes, c'est une meilleure utilisation de notre temps » (333). Des études de cas enrichissent également l'ouvrage. Le cas du candidat vedette québécois Alexandre Boulerice et du degré de latitude qui lui est offert par le Nouveau Parti démocratique permet d'illustrer la complexité d'arrimer les communications locales au plan stratégique national dans le contexte canadien (300). Plusieurs passages font par ailleurs état de l'impact du contexte pandémique sur les activités électorales (17–19). Considérant que les campagnes canadiennes ont peu évolué depuis la fin du XXe siècle (21), les passages les plus pertinents apparaissent toutefois être ceux examinant l'impact des technologies numériques sur les campagnes locales. Par exemple, il sera noté que « la technologie semble avoir accru le contrôle du parti central sur les activités de pointage local » (231) et qu’« à l'ère du numérique, la production de nouvelles locales n'est plus une activité rentable » (318).
Quelques limites à l'ouvrage peuvent être soulevées. D'abord, il faut rappeler qu’Inside the Local Campaign est une contribution descriptive. Alors que « nous savons peu de choses sur l'impact réel des campagnes locales sur le comportement des électeurs au Canada » (8), les analyses présentées ne permettent pas de mieux comprendre dans quelle mesure les candidatures vedettes, les débats locaux, les publicités numériques et les pancartes influencent le comportement des électeurs. De plus, l'exhaustivité du livre et de ses 17 chapitres entraîne par moment une certaine redondance des sujets abordés. Finalement, la perspective théorique est peu mobilisée dans le livre, sauf à quelques exceptions. Les auteurs reprennent, par exemple, à de multiples reprises (9, 86, 174, 191, 271, 286) l'idée préconisée par R. K. Carty (Reference Carty2002) selon laquelle il serait utile de considérer « les partis canadiens comme des organisations de franchise, où les franchiseurs (les partis) concluent des accords de licence avec des franchisés locaux (les candidats) qui tirent parti des réseaux communautaires et répondent au marché local » (9). Ce type d'ancrage théorique est pertinent et aurait pu être davantage exploité.
Somme toute, Inside the Local Campaign demeure un ouvrage bien écrit et agréable à lire. À travers cette collaboration, les auteurs offrent une contribution intéressante à la littérature sur la communication politique au Canada.