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Pascal Marichalar, La montagne aux étoiles. Enquête sur les terres contestées de l’astronomie, Paris, La Découverte, 2024, 304 p.

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Pascal Marichalar, La montagne aux étoiles. Enquête sur les terres contestées de l’astronomie, Paris, La Découverte, 2024, 304 p.

Published online by Cambridge University Press:  02 April 2025

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Abstract

Type
Pacifique et Océanie (comptes rendus)
Copyright
© Éditions de l’EHESS

Depuis très longtemps, l’Océanie est un lieu d’observation des astres. Bien avant l’arrivée des Européens, les insulaires du Pacifique avaient développé des connaissances astronomiques très poussées qui leur permirent de naviguer sur le grand océan1. Lorsque les Européens se lancèrent à leur tour dans l’exploration du Pacifique, celle-ci était pour partie liée à l’observation du passage de la planète Vénus devant le Soleil en vue « d’estimer la distance entre la Terre et le Soleil, et d’en déduire celle entre toutes les planètes du système solaire » (p. 9), comme le rappelle Pascal Marichalar dans le prologue de son ouvrage. L’histoire coloniale d’Hawaiʻi, ce territoire insulaire qui devint en 1959 le cinquantième État américain, fut dès l’origine liée à l’astronomie. En effet, l’explorateur britannique James Cook – dont le destin tragique fut scellé au moment même où prenait fin la saison de Makahiki pendant laquelle la constellation des Pléiades était observable de la grande île d’Hawaiʻi2 – avait pour second James King, un astronome dont la mission était d’ériger un observatoire doté d’un télescope pour déterminer les coordonnées géographiques de l’île. L’observatoire fut installé sur l’île même où se déroule l’« affaire du Mauna Kea », soit la mobilisation à l’encontre de l’installation du plus grand télescope du monde, le Thirty Meter Telescope (TMT), sur le plus haut sommet du Pacifique, qui lança l’enquête à l’origine de cet ouvrage au hasard d’une visite de l’auteur à Hawaiʻi.

C’est lors de son passage dans l’archipel hawaïen, à l’occasion de vacances en famille en juillet 2019, que l’auteur fut mis au fait des événements du Mauna Kea. Impressionné par la détermination des kiaʻi, les Kānaka Maoli (autochtones) protecteurs de la montagne, et comprenant que ceux-ci s’inscrivaient dans une longue histoire de résistance à l’installation de télescopes sur ce lieu, P. Marichalar s’est lancé dans une enquête sur ce « qui faisait qu’un projet de télescope sur un volcan en sommeil était devenu le combat prioritaire du mouvement de souveraineté hawaiienne » (p. 26). Son ouvrage, qui documente de façon fine l’histoire de l’astronomie sur le Mauna Kea à travers une revue de presse locale, une recherche dans les archives inédites des principaux observatoires astronomiques, des observations et des entretiens réalisés par lui-même ainsi que dans le cadre d’un projet local d’histoire orale concernant le Mauna Kea et les terres environnantes constitue aussi une solide introduction à l’histoire naturelle, sociale et politique de la montagne de la grande île d’Hawaiʻi où celle-ci se trouve et, plus largement, de l’État d’Hawaiʻi.

Grâce à un récit captivant et une écriture vivante et limpide, l’auteur nous convie à le suivre dans la grande île, et en particulier sur les pentes d’abord du Mauna Loa où est situé un observatoire atmosphérique, puis sur la route nous menant au sommet du Mauna Kea, dans les rues des petites villes de Hilo et de Waimea, sur les traces de ceux qui firent du volcan endormi « la montagne aux étoiles », mais également de ceux qui y contestèrent la présence des principaux observatoires astronomiques du monde.

Le récit se déploie en sept chapitres finement articulés et construits autour d’un certain nombre de figures clefs, dont l’auteur peint les portraits et retrace les parcours, les inscrivant dans une histoire environnementale et sociopolitique de l’exploration de l’espace et de la colonisation plus longue. Au fil d’une enquête « au ras du sol », mais sensible aux contextes plus larges et à ce qui se joue sur la scène politique et scientifique mondiale, il nous amène notamment à la rencontre de Mitsuo Akiyama, un promoteur immobilier descendant d’ouvrier japonais des plantations de canne à sucre et vétéran de la Seconde Guerre mondiale ; du météorologue et directeur de l’observatoire atmosphérique du Mauna Loa originaire de Caroline du Sud, Howard Ellis ; d’astronomes comme Gerard Kuiper, néerlandais d’origine rattaché à l’université d’Arizona à Tucson et plus grand spécialiste de la lune de son temps ; du physicien solaire qui prit la direction de l’Institute for Astronomy de l’université d’Hawaiʻi, John Jefferies ; du maître du polissage des miroirs de télescope et évaluateur du site de Mauna Kea, Alika Herring, dont les origines hawaïennes demeurent énigmatiques ; des gouverneurs successifs d’Hawaiʻi ; d’ouvriers du site du Mauna Kea et de leur chef à une certaine époque, l’ingénieur d’origine écossaise Peter Sydserff ; d’écologistes comme Mae et Bill Mull et Nelson Ho ; de l’opératrice de télescope d’origine hawaïenne Kealoha Pisciotta ; de l’héritier et directeur du ranch Parker, Richard Palmer Kaleiokū Smart ; des kiaʻi Lanakila Mangauil et Pua Case ; et de plusieurs autres encore.

Dans le premier chapitre qui s’ouvre en mai 1960, soit deux ans après la création de la NASA en 1958 et alors que l’heure est à la relance de l’économie au lendemain d’un tsunami dévastateur à Hawaiʻi, l’auteur montre comment les intérêts économiques et scientifiques convergèrent en vue de trouver le meilleur site pour installer des télescopes infrarouges. Il revient sur une première visite de prospection de l’astronome G. Kuiper à Hawaiʻi, puis sur la campagne d’évaluation des sites potentiels réalisée à partir de 1962 par A. Herring. La nouvelle route au sommet du Mauna Kea, financée grâce au soutien du gouverneur de l’État, donne accès à des vues d’une netteté inédite sur le ciel qui menèrent à la sélection du volcan pour la construction du tout nouvel observatoire astronomique.

Dans le chapitre suivant, l’enquête montre comment l’entrée en scène de certaines personnes à des moments clefs eut une grande influence sur le développement de l’astronomie à Hawaiʻi. Ce fut le cas de l’arrivée du physicien solaire J. Jefferies dans l’archipel, attiré par le charme des îles polynésiennes. Celui-ci saisit l’opportunité d’un appel d’offres de la NASA pour s’imposer et faire en sorte que l’université d’Hawaiʻi reprenne l’initiative en vue d’installer des télescopes sur le Mauna Kea en obtenant de l’État d’Hawaiʻi la garantie du financement d’une meilleure route d’accès3 au sommet, de la construction d’infrastructures et de la création d’une réserve pour empêcher « la prolifération sur le site d’installations incompatibles » (selon ses propres mots, cités p. 70). En 1967 fut ainsi créé à l’université d’Hawaiʻi le nouvel Institute for Astronomy dirigé par J. Jefferies auquel l’État confia la gestion de la « réserve scientifique du Mauna Kea », correspondant à environ 46 km2 de terres publiques sur le Mauna Kea, sous la forme d’un bail de 65 ans.

Pour développer l’astronomie à Hawaiʻi, laquelle étant aussi vue comme favorable au développement résidentiel et touristique, l’idée fut d’héberger sur le Mauna Kea d’autres télescopes financés par des universités et centres de recherche étrangers en échange d’un loyer d’un dollar symbolique par an et de 10 à 15 % du temps d’observation à l’usage de l’Institute for Astronomy. C’est ainsi qu’à la fin des années 1960, on vit apparaître plusieurs petits télescopes supplémentaires sur la montagne et que naquit, à la fin de 1972, le projet du télescope géant Canada-France-Hawaiʻi. C’est au projet de ce dernier et aux oppositions qui émergèrent alors que sont consacrés les chapitres 3 et 4. Pour lancer ce projet de télescope géant, une demande de permis devait être faite afin de construire l’observatoire sur des terres classées conservation lands au sommet du Mauna Kea au moment même d’un renouveau des combats écologistes. L’auteur rappelle d’ailleurs le fait que l’exploration spatiale ne fut pas étrangère à ce renouveau : « […] à partir de 1966, les premières photographies du disque entier de la Terre vu depuis l’espace […] illustraient de manière saisissante la finitude et la petitesse de la seule planète connue pour héberger la vie » (p. 88).

À Hawaiʻi, on craignit les effets du tourisme de masse qui supposaient la construction d’une nouvelle piste à l’aéroport d’Honolulu et l’érection d’une autoroute longée d’une ligne à haute tension. Sur le Mauna Kea, on s’inquiéta pour la sauvegarde de sites archéologiques et pour la survie de l’oiseau palila, qui vit uniquement dans la forêt d’un arbre endémique présent sur le Mauna Kea, le māmane (Sophora chrysophylla). Les écologistes, la militante Mae Mull en tête, s’indignèrent alors de l’absence d’un schéma directeur pour le Mauna Kea, chacun des nombreux projets de télescopes qui s’annonçaient devant faire l’objet d’une procédure d’évaluation distincte des conséquences environnementales. Dans la déclaration du télescope Canada-France-Hawaiʻi, ses promoteurs se firent rassurants : le site étant presque dénué de végétation à l’exception de quelques plantes et herbes, la construction n’amènerait aucune réduction de l’habitat pour la faune. La description était caractéristique de la représentation qu’on avait des sommets volcaniques, considérés comme « un désert minéral et hostile, dénué de toute vie, une terra nullius propice à la réaffectation à d’autres usages » (p. 93)4. La découverte deux ans plus tard par des entomologistes d’une punaise alors nommée wēkiu allait leur donner tort. P. Marichalar questionne en quoi la perspective des astronomes de l’université d’Hawaiʻi concernant l’effet de leurs activités sur l’environnement était originale, avant de l’inscrire dans l’histoire environnementale des îles hawaïennes depuis l’arrivée de leurs premiers habitants.

Un schéma directeur fut finalement adopté en février 1977 pour la montagne. Celui-ci prévoyait plusieurs zones de protection – notamment pour la forêt de māmane et une aire d’intérêt archéologique et historique – ainsi qu’une « réserve scientifique » sur le sommet du volcan correspondant au territoire loué à l’Institute for Astronomy, mais sans mentionner aucune limite au nombre d’observatoires qui pouvaient y être construits (une limite de 13 télescopes sera imposée dans le schéma directeur de 1983). Les travaux pour la construction du télescope Canada-France-Hawaiʻi allèrent de l’avant par la suite. Comme le montre l’auteur, ce fut aussi le commencement véritable du développement économique de l’île que l’astronomie faisait miroiter depuis ses débuts à Hawaiʻi. Étaient entrevues des années de travail pour des techniciens, des ingénieurs et des ouvriers en bâtiment sur le site de l’observatoire, mais également en basse altitude, avec la construction de bureaux, d’ateliers et d’entrepôts de pièces détachées, de développements résidentiels, hôteliers et commerciaux pour loger, nourrir et offrir des services aux astronomes, personnels administratifs et autres travailleurs ainsi qu’à leur famille et aux touristes. Tout en exposant l’irruption des premiers conflits de travail relatifs aux difficiles conditions du travail en altitude, l’auteur nous fait découvrir ce qui mena au choix des sites d’implantation du siège du Télescope Canada-France-Hawaiʻi, mais également des résidences des familles des astronomes et des autres travailleurs, faisant un détour par l’histoire des grandes plantations sucrières dans l’île, mais également du plus grand ranch des États-Unis au xxe siècle, le ranch Parker. Il va sans dire que l’homme à la tête de cet empire, Richard Palmer Kaleiokū Smart, un des descendants par sa mère des fondateurs du ranch – un baleinier de la Nouvelle-Angleterre arrivé sur l’île en 1815 et son épouse, petite-fille du roi hawaïen Kamehameha Ier (vers 1736-1819) –, se révèle un acteur incontournable des développements qui allaient profondément modifier les relations sociales de l’île.

Si les lectrices et lecteurs peuvent être frappés par l’absence de protagonistes kānaka maoli dans cette histoire jusque-là, malgré la mise en scène de l’hawaïenneté lors de la cérémonie d’inauguration du télescope géant en septembre 1979, P. Marichalar l’explique, dans le chapitre 5, par deux facteurs : la suppression historique de la culture et de l’identité autochtones, qui eut pour résultat que de nombreuses personnes impliquées sur les sites ne s’identifièrent pas comme autochtones ; le fait qu’entre les années 1960 et 1990 le mouvement hawaïen se vit accaparé par d’autres luttes. La présence autochtone sur le Mauna Kea apparut pourtant alors qu’« une frénésie de construction astronomique s’empara[it] du sommet » (p. 146) et que le projet du Ten Meter Telescope commençait à se concrétiser au milieu des années 1980. Des images du transport sur une autoroute des États-Unis de son gigantesque miroir dans une caisse de plus de 30 pieds firent craindre le pire au militant d’Hawaiʻi Nelson Ho, qui imagina ce qui allait arriver à la végétation autochtone lors du transport sur la grande île jusqu’au sommet du Mauna Kea. Celui-ci fit alors part de ses préoccupations à la direction de l’Institute for Astronomy. Jouant d’ouverture et d’apaisement, les astronomes invitèrent le militant, qui se fit accompagner pour l’occasion de Mililani Trask, dirigeante du mouvement politique en faveur de l’autodétermination hawaïenne Ka Lāhui Hawaiʻi, à une visite du sommet en décembre 1994. Des observations réalisées à cette occasion révélant que les conditions propices à la protection de l’insecte wēkiu n’étaient pas réunies alarmèrent les visiteurs. Des constats subséquents établissant que la montagne était traitée comme une décharge à ciel ouvert et un audit de 1998 qui révéla que l’université n’avait pas assuré une protection adéquate des ressources archéologiques et naturelles sur le territoire sous sa responsabilité et avait manqué à ses obligations réglementaires en ayant omis de faire des déclarations concernant les répercussions sur l’environnement des projets de construction des plus récents observatoires furent décisifs pour la suite des événements. Pour ajouter à l’indignation, il fut découvert que les sièges administratifs de la plupart des télescopes à Hilo se trouvaient sur des terres réservées à l’usage d’autochtones.

Malgré les signes d’insatisfaction et de mobilisation, les astronomes et ceux qui les appuyaient continuèrent d’élaborer des projets toujours plus grandioses. Un nouveau projet de construction d’une série de petits télescopes autour des télescopes géants, le projet « Outrigger », qui fut officialisé en 2000, suscita une opposition importante de la part d’un collectif autochtone représenté par Kealoha Pisciotta, une opératrice kānaka maoli de télescope. Devant l’augmentation du niveau d’exigence concernant les répercussions du projet sur l’environnement qui fut alors imposé par la cour, la NASA en vint finalement à retirer son financement au projet en 2006. L’astronomie dans son ensemble était alors l’objet de vives contestations qui s’étendaient, au-delà des questions environnementales, à celles des inégalités sociales persistantes, des terres autochtones volées, de l’illégitimité de la présence américaine à Hawaiʻi et du néocolonialisme des scientifiques.

En dépit de ces protestations ainsi que de nouvelles mises en garde en 2007 quant aux risques sociaux et politiques d’une localisation sur le Mauna Kea, le projet du Thirty Meter Telescope prit son essor. Lors de la cérémonie du coup d’envoi prévue le 7 octobre 2014 sur la cime du volcan, après divers engagements culturels et environnementaux, le consortium responsable auprès des Hawaïens du projet dut toutefois composer sans grande surprise avec un mouvement d’opposition mené par de nouvelles figures militantes qui, malgré des arrestations, n’allait pas s’essouffler de sitôt. Une action en justice et la mobilisation des kiaʻi, les protecteurs de la montagne, allaient entraver le projet et non seulement semer la discorde au sein même de la communauté astronomique, mais également de la petite communauté insulaire. C’est sur ces actions, leurs protagonistes, leur enracinement local et leurs répercussions que s’attarde P. Marichalar dans les deux derniers chapitres de l’ouvrage, nous ramenant chemin faisant aux événements de 2019 à l’origine de son ouvrage.

Le lectorat le plus familiarisé avec les luttes autochtones regrettera sans doute que l’auteur n’ait pas côtoyé plus longtemps les kiaʻi dont il est ici question. On aurait souhaité, à ses côtés, pouvoir s’insérer un peu plus dans la vie du village temporaire qu’ils installèrent sur les pentes du Mauna Kea, participer à certains de leurs rituels, et par conséquent mieux comprendre le caractère sacré de la montagne pour les Kānaka Maoli ainsi que certains des éléments cérémoniels mentionnés dans l’ouvrage. On aurait aimé en savoir plus sur les pierres sacrées placées sur la route, sur les ahu ou autels, les heiau – ou sanctuaires de pierres assemblées selon l’auteur, mais que l’on pourrait sans doute traduire plus précisément par lieux de culte ou espaces cérémoniels – et les sites funéraires qui se trouvent sur la montagne. Comment s’inscrivent-ils dans le système socio-politico-religieux hérité de leurs ancêtres par les Kānaka Maoli ? Quelle est leur importance dans le mouvement de « renaissance » ou de renouveau culturel hawaïen plus largement5 ? Par-delà la visite de vedettes du cinéma comme Dwayne Johnson et Jason Momoa, on aurait aussi voulu mieux comprendre qui se trouvaient aux côtés des kiaʻi de la grande île sur la route menant au sommet du Mauna Kea et dans leur campement où furent présentes jusqu’à 1 400 personnes. Y avait-il des Kānaka Maoli de tout l’archipel ? Des autochtones d’ailleurs dans le Pacifique et dans le monde ? Des alliés non autochtones d’Hawaiʻi et d’ailleurs ? Qui étaient-ils ? Cela étant dit, il ne s’agit pas là d’une lacune de l’ouvrage. Il est clairement indiqué dès les premières pages que l’auteur, par son expertise, a d’abord et avant tout mené cette recherche en historien des sciences. L’ouvrage est par ailleurs un excellent point de départ pour s’initier aux mouvements autochtones et aux luttes pour la souveraineté en Océanie, et ouvre de nombreuses pistes.

L’épilogue est à cet égard fort intéressant puisqu’en s’emparant du concept de « situation coloniale » de l’anthropologue du politique Georges Balandier – qui est d’ailleurs au cœur d’un renouveau des études coloniales qui émergea dans le contexte du cinquantenaire de la publication de son texte fondateur de 19516 – et par un pas de côté qui nous amène cette fois avec lui sur le sommet de La Palma, aux îles Canaries, pour visiter l’observatoire du Roque de los Muchachos, P. Marichalar fournit des outils pour réfléchir aux liens complexes entre l’astronomie et l’environnement naturel et social dans lequel elle se déploie et leur arrière-plan colonial, lequel demeure largement impensé.

References

1. Pour une synthèse en français sur la navigation traditionnelle grâce, notamment, à la connaissance des étoiles et des constellations, voir Éric Conte, Sur le chemin des étoiles. Navigation traditionnelle et peuplement des îles du Pacifique, Pirae, Au vent des îles, 2023.

2. L’auteur a usé de prudence relativement aux raisons qui ont mené à la mort du capitaine Cook aux mains des Hawaïens en se faisant plutôt allusif. Ces raisons furent au cœur d’un vif débat en anthropologie dans les années 1980 et 1990. Pour un aperçu, voir Robert Borofsky, « Cook, Lono, Obeyesekere, and Sahlins », Current Anthropology, 38-2, 1997, p. 255-282 et Francis Zimmermann, « Sahlins, Obeyesekere et la mort du capitaine Cook », L’Homme, 146, 1998, p. 191-205. Pour une revisite des voyages du Capitaine Cook dans les mers du Sud mettant à profit une connaissance anthropologique approfondie des sources polynésiennes et une recherche détaillée dans les archives coloniales, voir Anne Salmond, The Trial of the Cannibal Dog: Captain Cook in the South Seas, Londres, Penguin Books, 2003.

3. Pour une histoire plus détaillée de la route d’accès au Mauna Kea et des intérêts économiques et politiques qu’elle sous-tend, voir Pascal Marichalar, « Skiing, Science and Sovereignty: A Material and Political History of the Road to Hawaiʻi’s Mauna Kea (1936-2020) », History and Anthropology, 35-1, 2024, p. 111-133.

4. Cette idée du désert comme lieu vide se vit utilisée ailleurs en Océanie pour justifier diverses entreprises, en partie liées avec les développements scientifiques. Un tel argument fut central, par exemple, dans le choix par la France de sites dans l’archipel des Tuamotu en Polynésie française pour effectuer ses essais nucléaires ; voir Renaud Meltz, « Pourquoi la Polynésie ? », in R. Meltz et A. Vrignon (dir.), Des bombes en Polynésie. Les essais nucléaires français dans le Pacifique, Paris, Vendémiaire, 2022, p. 37-90.

5. Sur l’insertion de Mauna Kea dans le système de croyances hawaïenne, voir le chapitre de Leon Noʻeau Peralto, « Mauna a Wākea: Hauna ka Mauna, the Piko of Our Era », dans l’ouvrage cité par P. Marichalar : N. Goodyear-Ka‘ōpua, I. Hussey et E. K. Wright (dir.), A Nation Rising: Hawaiian Movements for Life, Land, and Sovereignty, Durham, Duke University Press, 2014, p. 233-243. Voir aussi Marie Alohalani Brown, « Mauna Kea: Ho’omana Hawaiʻi and Protecting the Sacred », Journal for the Study of Religion, Nature & Culture, 10-2, 2016, p. 150-169. Plus généralement sur le système cérémoniel complexe des Hawaïens des temps anciens, voir Valerio Valeri, Kingship and Sacrifice: Ritual and Society in Ancient Hawaii, trad. par P. Wissing, Chicago, The University of Chicago Press, 1985. Pour une illustration de l’importance des sites cérémoniels dans le mouvement de renouveau culturel plus largement en Polynésie, voir Guillaume Alevêque, Le lever des Pléiades. Sur le chemin des ancêtres à Tahiti, Malvezie, Dépaysage, 2023. Haururu, une des associations culturelles à laquelle s’intéresse particulièrement l’auteur dans cet ouvrage, qui a des liens avec des associations similaires à Hawaiʻi, a tenu en 2019 une cérémonie pour témoigner de son soutien aux kiaʻi mobilisés sur le Mauna Kea.

6. Georges Balandier, « La situation coloniale : approche théorique », Cahiers internationaux de sociologie, 11, 1951, p. 44-79.