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Le crachoir chinois du roi: Marchandises globales, culture de cour et vodun dans les royaumes de Hueda et du Dahomey (xviie-xixe siècle)

Published online by Cambridge University Press:  24 May 2019

Roberto Zaugg*
Affiliation:
Universität Bern

Résumés

Acteurs majeurs de la traite transatlantique des esclaves, les royaumes de Hueda et du Dahomey (Sud du Bénin actuel) se sont insérés dans les flux mondiaux de marchandises. Entre le xviie et le xixe siècle, les biens importés y ont alimenté des pratiques de consommation ostentatoire et des attitudes de largesse ritualisée dont les manifestations ont été essentielles à la consolidation de la souveraineté des monarques. En mettant l’accent sur deux marchandises en particulier (le tabac et la porcelaine) ainsi que sur des pratiques comportementales (fumer, cracher), cet article étudie la façon dont ces biens étaient matériellement et symboliquement intégrés à la culture de cour et associés à des croyances religieuses et à des pratiques rituelles du vodun. Il associe une enquête micro-historique reposant sur des sources écrites avec des découvertes archéologiques, des observations anthropologiques et l’analyse de sources visuelles et sculpturales, afin de mettre en évidence des aspects récurrents de la scénographie de cour, de comparer les significations des pratiques corporelles dans différentes régions du monde et d’identifier les liens matériels engendrés par le commerce mondial. L’article montre ainsi que les palais royaux ont été des laboratoires essentiels d’un changement esthétique et de nouvelles cultures de consommation élitiste. Au cours de ce processus, les éléments d’origine étrangère ont non seulement enrichi la culture matérielle des palais, illustrant la splendeur mondiale des monarques, mais ils se sont également chargés de nouvelles significations qui ont intégré ces biens et les pratiques afférentes dans des codes culturels spécifiques à certaines régions.

Abstracts

As key players of the transatlantic slave trade, the monarchies of Hueda and Dahomey (in modern-day southern Benin) connected themselves to global commodity flows. From the seventeenth to the nineteenth century, imported merchandise fueled practices of conspicuous consumption and ritualized largesse, the performance of which was pivotal in consolidating the rulers’ power. Focusing on specific items (tobacco, porcelain), as well as on behavioral practices (smoking, spitting), this article examines how these goods were materially and symbolically integrated into courtly culture and associated with religious beliefs and ritual practices of Vodun. In order to track recurring aspects of courtly scenography, to compare the signification of bodily practices in different parts of the world, and to identify material links engendered by global trade, it combines microhistorical investigation based on written records with archaeological findings, anthropological observations, and the analysis of visual sources and sculptural artefacts. This contribution argues that royal palaces constituted crucial laboratories of aesthetic change and new cultures of elite consumption. In this process, exogenous elements not only enriched the material culture of the palaces, celebrating the rulers’ global splendor; they were also charged with new meanings that inscribed foreign goods and related practices into specifically regional cultural codes.

Type
Micro-analyse et histoire globale
Copyright
© Éditions de l'EHESS 

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Footnotes

*

Je remercie Émile-Désiré Ologoudou, Dominique Juhé-Beaulaton, Craig Koslofsky, Samuel Francis Adjei, Almut Höfert, Mario Del Pero, Saskia Cousin, Erwan Dianteill, Yann Dahhaoui, ainsi que les lecteurs anonymes pour leurs précieuses suggestions.

References

1 Salman Rushdie, Les enfants de minuit, trad. par J. Guiloineau, Paris, Plon, [1981] 1997, p. 451.

2 Berlin, Geheimes Staatsarchiv Preussischer Kulturbesitz, VI. HA, FA Oettinger, 12, « Reisebeschreibung und Lebenslauf von Johann Peter Oettinger », p. 74. Une version fortement remaniée de ce récit a été publiée par l’arrière-petit-fils du barbier-chirurgien : Paul Oettinger (dir.), Unter kurbrandenburgischer Flagge. Deutsche Kolonialerfahrungen vor zweihundert Jahren. Nach dem Tagebuch des Chirurgen Johann Peter Oettinger, Berlin, Eisenschmidt, 1886. Pour une traduction partielle de cette version, voir Adam Jones, Brandenburg Sources for West African History, 1680-1700, Stuttgart, F. Steiner, 1985, p. 180-198. Ce manuscrit est le sujet d’un projet éditorial mené conjointement avec Koslofsky à paraître chez University of Virginia Press. Les premiers résultats ont été présentés dans Koslofsky, Craig et Zaugg, Roberto, « Ship’s Surgeon Johann Peter Oettinger: A Hinterlander in the Atlantic Slave Trade, 1682-1696 », in Brahm, F. et Rosenhaft, E. (dir.), Slavery Hinterland: Transatlantic Slavery and Continental Europe, 1680-1850, Woodbridge, The Boydell Press, 2016, p. 25-44Google Scholar. Sur les écrits de la famille Oettinger, voir Zaugg, Roberto, « Les siècles des Oettinger. Écrits et mémoires d’une famille allemande au fil des générations (1682-1936) », in Tosato-Rigo, D. (dir.), no spécial « Appel à témoins. Écrits personnels et pratiques socioculturelles (xvie-xxe siècles) », Études de lettres, 300-1/2, 2016, p. 183-216Google Scholar.

3 « Reisebeschreibung und Lebenslauf von Johann Peter Oettinger », p. 76.

4 Un an après Oettinger, le capitaine d’un navire négrier anglais décrivait une scène similaire à la cour de Savi : « [le roi Agbangla] fumait une longue pipe en bois, dont le fourneau […] pouvait contenir une once, et se tenait sur son trône, avec une bouteille de brandy et une petite coupe en argent sale à ses côtés » ; Phillips, Thomas, « A Journal of a Voyage Made in the Hannibal of London: Ann. 1693, 1694, from England to Cape Monseradoe, in Africa: and Thence Along the Coast of Guiney to Whidaw, the Island of St. Thomas, And So Forward to Barbadoes », in Churchill, A. et Churchill, J. (dir.), A Collection of Voyages and Travels, Londres, J. Walthoe, 1732, vol. 6, p. 173-239, ici p. 216Google Scholar.

5 Sur les « scènes » comme objets de l’histoire globale, voir Timothy Brooks, Vermeer’s Hat: The Seventeenth Century and the Dawn of the Global World, Londres, Profile Books, 2009 ; Susanna Burghartz, Lucas Burkart et Christine Göttler (dir.), Sites of Mediation: Connected Histories of Places, Processes, and Objects in Europe and beyond, 1450-1650, Leyde, Brill, 2016.

6 Blier, Suzanne Preston, « Europia Mania: Contextualizing the European Other in Eighteenth- and Nineteenth-Century Dahomey Art », in Chatterjee, K. et Hawes, C. (dir.), Europe Observed: Multiple Gazes in Early Modern Encounters, Lewisburg, Bucknell University Press, 2008, p. 237-269, ici p. 239Google Scholar.

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9 Warnier, Jean-Pierre, The Pot-King: The Body and Technologies of Power, Leyde, Brill, 2007 [Régner au Cameroun, le roi-pot, Paris, Karthala, 2009]CrossRefGoogle Scholar.

10 Sur la centralité analytique des contextes locaux pour l’histoire globale, voir Brahm, Felix, Epple, Angelika et Habermas, Rebekka (dir.), no spécial « Lokalität und transnationale Verflechtungen », Historische Anthropologie, 21-1, 2013Google Scholar.

11 Sur les potentialités et les difficultés de la micro-histoire globale, voir Trivellato, Francesca, « Is There a Future for Italian Microhistory in the Age of Global History ? », California Italian Studies, 2-1, 2011, http://escholarship.org/uc/item/0z94n9hqGoogle Scholar.

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14 Adam Jones, « The Dark Continent: A Preliminary Study of the Geographical Coverage in European Sources, 1400-1880 », in B. Heintze et A. Jones (dir.), no spécial « European Sources… », op. cit., p. 19-26.

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16 Bay, Edna G., Wives of the Leopard: Gender, Politics, and Culture in the Kingdom of Dahomey, Charlottesville, University of Virginia Press, 1998, en particulier p. 27-39Google Scholar, propose une discussion pertinente sur les sources de l’histoire du Dahomey. Fromont, Cécile, The Art of Conversion: Christian Visual Culture in the Kingdom of Kongo, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 2014CrossRefGoogle Scholar, souligne les potentialités qu’offre l’intégration des sources écrites, visuelles et matérielles.

17 Albéca, Alexandre, « Au Dahomey », Le tour du monde. Nouveau journal des voyages, 68, 1894, p. 65-128, ici p. 87Google Scholar.

18 Mudimbe, V. Y., The Invention of Africa: Gnosis, Philosophy, and the Order of Knowledge, Bloomington, Indiana University Press, 1988, p. 53Google Scholar.

19 Pour les siècles précédents, voir Fauvelle-Aymar, François-Xavier, Le rhinocéros d’or. Histoires du Moyen Âge africain, Paris, Alma éditeur, 2013Google Scholar.

20 Vernet, Thomas et Beaujard, Philippe (dir.), no spécial « L’Afrique orientale et l’océan Indien. Connexions, réseaux d’échanges et globalisation (Ier millénaire-xixe siècle) », Afriques. Débats, méthodes et terrains d’histoire, 6, 2015, https://journals.openedition.org/afriques/1719Google Scholar.

21 Sur le commerce transsaharien dans la longue durée, voir Lydon, Ghislaine, On Trans-Saharan Trails: Islamic Law, Trade Networks, and Cross-Cultural Exchange in Nineteenth-Century Western Africa, Cambridge, Cambridge University Press, 2009, chap. 2CrossRefGoogle Scholar.

22 Fauvelle-Aymar, François-Xavier et Hirsch, Bertrand, « Voyage aux frontières du monde. Topologie, narration et jeux de miroir dans la Rihla de Ibn Battûta », Afrique et histoire, 1-1, 2003, p. 75-122Google Scholar.

23 Dans l’édition franco-arabe (Voyages d’Ibn Batoutah, trad. par C. Defrémery et B. R. Sanguinetti, Paris, Impr. impériale, 1853-1858, vol. 4, p. 406) comme dans l’édition anglaise (The Travels of Ibn Baṭṭūṭa, A. D. 1325-1354, trad. par H. A. R. Gibb et C. F. Beckingham, Cambridge/Londres, Cambridge University Press/The Hakluyt Society, 1958-2000, 5 vol., ici vol. 4, p. 959), ar-rūmiya est improprement traduit par « européen ». Dans les sources arabes contemporaines, le terme rūm (lit. : Rome) désigne en général l’Empire romain d’Orient et, par extension, les Balkans et les territoires d’Asie Mineure qui avaient appartenu à cet empire : ibid., vol. 2, p. 415 sq., où Ibn Battūta identifie le Bilad al-Rūm à l’Asie Mineure.

24 Sur la prostration dans les rituels africains, islamiques et chrétiens européens, voir F.-X. Fauvelle-Aymar et B. Hirsch, « Voyage aux frontières du monde… », art. cit., p. 101-103, et Brauner, Christina, « To Be the Key for Two Coffers: A West African Embassy to France (1670/1) », Ifra-Nigeria E-Papers Series 30, 2013, http://www.ifra-nigeria.org/publications/e-papers/ifra-e-papers/63-brauner-christina-2013-to-be-the-key-for-two-coffers-a-west-african-embassy-to-france-1670-1Google Scholar.

25 The Travels of Ibn Baṭṭūṭa…, vol. 4, p. 959. On ne peut pas exclure que cette partie du récit d’Ibn Battūta était, dans une certaine mesure, le résultat d’une stratégie narrative par laquelle l’auteur voulait souligner que – malgré la persistance d’éléments « païens » – le souverain du Mali partageait une culture de cour islamique. Cependant, nous avons de bonnes raisons de croire que la cour de mansa Suleyman – dont le frère et prédécesseur mansa Musa Ier avait établi des contacts avec l’Égypte des Mamelouks et la péninsule arabique lors de son pèlerinage à La Mecque (ḥajj) en 1324-1325 – se caractérisait effectivement par une culture matérielle cosmopolite et par la coexistence de codes cérémoniaux islamiques et préislamiques. Voir F.-X. Fauvelle-Aymar et B. Hirsch, « Voyage aux frontières du monde… », art. cit., p. 100-103. Il est à noter, à cet égard, que l’impact d’objets originaires de l’Égypte mamelouke sur la culture matérielle de l’Afrique de l’Ouest a été attesté jusque dans la région des forêts que peuplaient les Akans dans le Ghana actuel : Silverman, Raymond A., « Material Biographies: Saharan Trade and the Lives of Objects in Fourteenth and Fifteenth-Century West Africa », History in Africa: A Journal of Debates, Methods, and Source Analysis, 42, 2015, p. 375-395CrossRefGoogle Scholar.

26 F.-X. Fauvelle-Aymar et B. Hirsch, « Voyage aux frontières du monde… », art. cit., p. 101, n. 96.

27 Law, Robin, « West Africa’s Discovery of the Atlantic », The International Journal of African Historical Studies, 44-1, 2011, p. 1-25, ici p. 2Google Scholar.

28 Havik, Philip J. avec Green, Toby, « Introduction: Brokerage and the Role of Western Africa in the Atlantic World », in Green, T. (dir.), Brokers of Change: Atlantic Commerce and Cultures in Precolonial Western Africa, Oxford, Oxford University Press, 2012, p. 1-26, ici p. 7Google Scholar.

29 Akyeampong, Emmanuel, Drink, Power, and Cultural Change: A Social History of Alcohol in Ghana, c. 1800 to Recent Times, Portsmouth, Heinemann, 1996Google Scholar ; Kriger, Colleen E., Cloth in West African History, Lanham, AltaMira Press, 2006 Google Scholar; La Fleur, James D., Fusion Foodways of Africa’s Gold Coast in the Atlantic Era, Leyde, Brill, 2012CrossRefGoogle Scholar ; Kriger, Colleen E. (dir.), no spécial « Material Culture and Commerce in Precolonial Africa », History in Africa: A Journal of Debates, Methods, and Source Analysis, 42, 2015CrossRefGoogle Scholar ; Alpern, Stanley B., « What Africans Got for Their Slaves: A Master List of European Trade Goods », History in Africa: A Journal of Debates, Methods, and Source Analysis, 22, 1995, p. 5-43CrossRefGoogle Scholar ; Jones, Adam, « Written Sources for the Material Culture of the Gold Coast before 1800: A Provisional Checklist », in Chouin, G., Perrot, C.-H. et Pescheux, G. (dir.), no spécial « Approches croisées des mondes akan II », Journal des africanistes, 75-2, 2005, http://africanistes.revues.org/102Google Scholar.

30 Voir le cadre analytique élaboré pour l’Afrique de l’Est maritime du xixe siècle par Prestholdt, Jeremy, Domesticating the World: African Consumerism and the Genealogies of Globalization, Berkeley, University of California Press, 2008, p. 8Google Scholar, qui définit la domestication comme « la réception et la recréation de biens circulant à l’échelle mondiale […] : le processus consistant à rendre familier et utilisable, à contrôler et à intégrer dans les espaces intimes ».

31 Roche, Daniel, Histoire des choses banales. Naissance de la consommation dans les sociétés traditionnelles (xviie-xixe siècle), Paris, Fayard, 1997Google Scholar.

32 Subrahmanyam, Sanjay, Courtly Encounters: Translating Courtliness and Violence in Early Modern Eurasia, Cambridge, Harvard University Press, 2012CrossRefGoogle Scholar ; Siebenhüner, Kim, « Approaching Diplomatic and Courtly Gift-Giving in Europe and Mughal India: Shared Practices and Cultural Diversity », The Medieval History Journal, 16-2, 2013, p. 525-546CrossRefGoogle Scholar ; Burschel, Peter et Vogel, Christine (dir.), Die Audienz. Ritualisierter Kulturkontakt in der Frühen Neuzeit, Cologne, Böhlau, 2014Google Scholar ; Brauner, Christina, Kompanien, Könige und caboceers. Interkulturelle Diplomatie an Gold- und Sklavenküste im 17. und 18. Jahrhundert, Cologne, Böhlau, 2015CrossRefGoogle Scholar. Pour une vision comparative, voir Duindam, Jeroen, Dynasties: A Global History of Power, 1300-1800, Cambridge, Cambridge University Press, 2016CrossRefGoogle Scholar, chap. 3.

33 Au cours des deux dernières décennies, la recherche sur les palais de la région gbé a en grande partie été le fait d’archéologues. Pour le Dahomey, voir Monroe, J. Cameron, The Precolonial State in West Africa: Building Power in Dahomey, Cambridge, Cambridge University Press, 2014CrossRefGoogle Scholar ; pour le Hueda, voir Kelly, Kenneth G., « Using Historically Informed Archaeology: Seventeenth and Eighteenth-Century Hueda/European Interaction on the Coast of Bénin », Journal of Archaeological Method and Theory, 4-3/4, 1997, p. 353-366CrossRefGoogle Scholar ; Id., « The Archaeology of African-European Interaction: Investigating the Social Roles of Trade, Traders, and the Use of Space in the Seventeenth- and Eighteenth-Century Hueda Kingdom, Republic of Benin », World Archaeology, 28-3, 1997, p. 351-369 ; Norman, Neil L., « Hueda (Whydah) Country and Town: Archaeological Perspectives on the Rise and Collapse of an African Atlantic Kingdom », The International Journal of African Historical Studies, 42-3, 2009, p. 387-410Google Scholar.

34 Paris, Bibliothèque nationale de France, ms. fr. 24223, « Journal du voiage de Guinée et Cayenne par le chevalier Des Marchais » (1726), fol. 42r. Cela correspond approximativement à une longueur de sept à huit mètres.

35 Paris, Bibliothéque nationale de France, ms. fr. 24223, fol. 126r. Comme le tabac, les hamacs étaient déjà des objets du commerce inter-régional dans l’Amérique tropicale précolombienne : Thornton, John K., A Cultural History of the Atlantic World, 1250-1820, Cambridge, Cambridge University Press, 2012, p. 104-106CrossRefGoogle Scholar. Dans le Brésil colonial, les hamacs avaient différents usages, notamment comme moyen de transport pour les classes aisées, portés par des esclaves : Verger, Pierre, Flux et reflux de la traite des nègres entre le golfe de Bénin et Bahia de Todos os Santos du xviie au xixe siècle, Paris, Mouton, 1968, p. 89Google Scholar. On les trouvait également fréquemment dans les cargaisons des navires négriers à destination de l’Afrique ; Gustavo Acioli Lopes, « Negócio da Costa da Mina e comércio atlântico. Tabaco, açúcar, ouro e tráfico de escravos. Pernambuco (1654-1760) », thèse de doctorat, Universidade de São Paulo, 2008, p. 53. Dans le cas de la région gbé (S. B. Alpern, « What Africans Got for Their Slaves… », art. cit., p. 30-31) et de la Côte-de-l’Or voisine (A. Jones, « Written Sources for the Material Culture… », art. cit., p. 238), les hamacs ne sont pas mentionnés dans les sources publiées avant les années 1660. Cela suggère que ce genre d’article a été introduit dans cette région avec le commerce atlantique, après quoi il a acquis la fonction de moyen de transport réservé exclusivement aux personnes d’un certain statut. Sur les restrictions somptuaires relatives aux hamacs, voir Iroko, Abiola Félix, « Le transport en hamac dans le royaume du Danhomé du xviie au xixe siècle », in d’Almeida-Topor, H., Chanson-Jabeur, C. et Lakroum, M. (dir.), Les transports en Afrique, xixe-xxe siècle, Paris, L’Harmattan, 1992, p. 159-177Google Scholar, ainsi que Aix-en-Provence, Archives nationales d’outre-mer, Dépôt des fortifications des colonies 75, 104, « Relation du royaume de Judas » (v. 1715), fol. 50.

36 « Journal du voiage de Guinée et Cayenne par le chevalier Des Marchais », fol. 57r. Un auteur français anonyme précise toutefois qu’une table n’était dressée que lorsque des Européens mangeaient en présence du roi et que, même alors, les dignitaires devaient manger par terre : « Relation du royaume de Judas » (v. 1708), fol. 29. Bosman, William, A New and Accurate Description of the Coast of Guinea: Divided into the Gold, the Slave, and the Ivory Coasts, Londres, J. Knapton, [1704] 1705, p. 363Google Scholar, précise que, s’agissant du roi, personne (à l’exception de ses épouses) n’était « autorisé à le voir manger ».

37 K. G. Kelly, « Using Historically Informed Archaeology… », art. cit., affirme que, en plaçant les loges à l’intérieur du district du palais à Savi, la monarchie cherchait à s’associer symboliquement aux négociants européens et à établir un contrôle centralisateur sur les opérations commerciales.

38 Sur l’ascension et la chute du royaume de Hueda, voir Akinjogbin, Isaac Adeagbo, Dahomey and Its Neighbours, 1708-1818, Cambridge, Cambridge University Press, 1967Google Scholar ; Law, Robin, « Ideologies of Royal Power: The Dissolution and Reconstruction of Political Authority on the ‘Slave Coast’, 1680-1750 », Africa: Journal of the International African Institute, 57-3, 1987, p. 321-344Google Scholar ; Id., « ‘The Common People Were Divided’: Monarchy, Aristocracy and Political Factionalism in the Kingdom of Whydah, 1671-1727 », The International Journal of African Historical Studies, 23-2, 1990, p. 201-229 ; Id., The Kingdom of Allada, Leyde, Research School, Centre of Non-Western Studies, 1997, chap. 2 ; Id., Ouidah: The Social History of a West African Slaving « Port », 1727-1892, Athens, Ohio University Press, 2004, chap. 1 ; Juhé-Beaulaton, Dominique, « Organisation et contrôle de l’espace dans l’aire culturelle aja-fon (Sud-Togo et Bénin – xviie-xixe siècle) », Afriques. Débats, méthodes et terrains d’histoire, 2, 2010, http://journals.openedition.org/afriques/738Google Scholar ; N. L. Norman, « Hueda (Whydah) Country and Town… », art. cit.

39 The Transatlantic Slave Trade Database, www.slavevoyages.org.

40 R. Law, Ouidah…, op. cit., p. 30.

41 Ozanne, Paul, « The Diffusion of Smoking in West Africa », Odù: Journal of Yoruba and Related Studies, 2, 1969, p. 29-42Google Scholar ; Philips, John Edward, « African Smoking and Pipes », The Journal of African History, 24-3, 1983, p. 303-319CrossRefGoogle Scholar ; Roberts, Allen F., « Smoking in Sub-Saharan Africa », in Gilman, S. L. et Xun, Z. (dir.), Smoke: A Global History of Smoking, Londres, Reaktion Books, 2004, p. 46-57Google Scholar.

42 Walker, Roslyn Adele, The Arts of Africa in the Dallas Museum of Art, New Haven/Dallas, Yale University Press/Dallas Museum of Art, 2009, p. 94Google Scholar.

43 Handler, Jerome S., « The Middle Passage and the Material Culture of Captive Africans », Slavery and Abolition: A Journal of Slave and Post-Slave Studies, 30-1, 2009, p. 1-26CrossRefGoogle Scholar, ici p. 7 ; Heywood, Linda et Thornton, John, « Central African Leadership and the Appropriation of European Culture », in Mancall, P. C. (dir.), The Atlantic World and Virginia, 1550-1624, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 2007, p. 194-224Google Scholar, ici p. 199 sq.

44 Voir la représentation d’un homme en train de fumer sur le célèbre plateau de divination fa du royaume d’Allada : Jones, Adam, « A Collection of African Art in Seventeenth-Century Germany: Christoph Weickmann’s ‘Kunst- und Naturkammer’ », African Arts, 27, 1994, p. 28-43CrossRefGoogle Scholar et 92-94.

45 Voir les cadeaux offerts au roi Glélé en 1863-1864 : Burton, Richard Francis, A Mission to Gelele, King of Dahome: With Notices of the So Called « Amazons », the Grand Customs, the Yearly Customs, the Human Sacrifices, the Present State of the Slave Trade, and the Negro’s Place in Nature, Londres, Tinsley, 1864, vol. 1, p. xvGoogle Scholar. Voir aussi la lettre datée du 9 octobre 1810 du roi Adandozan au prince régent du Portugal, qui résidait alors au Brésil, citée dans Ana Araujo, Lucia, « Dahomey, Portugal, and Bahia: King Adandozan and the Atlantic Slave Trade », Slavery and Abolition, 33-1, 2012, p. 1-19, ici p. 12 (et p. 15 pour la photographie)CrossRefGoogle Scholar.

46 R. F. Burton, A Mission to Gelele…, op. cit., vol. 1, p. 239 ; E. G. Bay, Wives of the Leopard…, op. cit., p. 210. Pour la Côte-de-l’Or voisine à la fin du xviiie siècle, voir les observations du chirurgien et botaniste Isert, Paul Erdmann, Reise nach Guinea und den Caribäischen Inseln in Columbien, in Briefen an seine Freunde beschrieben, Copenhague, Morthorst, 1788, p. 231 sqGoogle Scholar., qui travailla entre 1783 et 1786 sur la forteresse danoise de Christiansborg (Osu, Accra). Celui-ci constate que la consommation de tabac était autant répandue chez les hommes que chez les femmes et remarque une nette préférence pour le tabac brésilien.

47 R. Walker, The Arts of Africa…, op. cit., p. 282.

48 W. Bosman, A New and Accurate Description of the Coast of Guinea…, op. cit., p. 306. Apparemment, le tabac local était consommé principalement par les « nègres de l’intérieur des terres », tandis que les habitants du littoral préféraient fumer du « tabac du Brésil ». Tout le tabac n’était pas vendu directement par les Portugais aux Africains. Une fois arrivée sur les côtes d’Afrique de l’Ouest, une partie de la cargaison était achetée par d’autres navires européens. Le tabac servait également à payer les droits de douane que les vaisseaux portugais qui commerçaient sur la Côte-de-l’Or et dans le golfe du Bénin devaient verser à la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales à partir de la seconde moitié du xviie siècle. P. Verger, Flux et reflux de la traite des nègres…, op. cit., p. 28-46 ; Jean-Baptiste Nardi, O fumo brasileiro no período colonial. Lavoura, comércio e administração, São Paulo, Editora Brasiliense, 1996 ; G. A. Lopes, « Negócio da Costa da Mina e comércio atlântico… », op. cit. ; Zeuske, Michael, « Sklaven und Tabak in der atlantischen Weltgeschichte », Historische Zeitschrift, 303-2, 2016, p. 315-348CrossRefGoogle Scholar, ici p. 318 sq. Les fouilles archéologiques d’Ozanne semblent indiquer que les années 1660-1690 – soit les décennies suivant de près le début du commerce direct entre le Brésil et l’Afrique de l’Ouest – ont été une période cruciale pour la propagation des pipes dans la région d’Accra et que la consommation de tabac s’est répandue depuis le littoral vers l’intérieur des terres. Vivian, Brian, « On Tobacco Pipes in Asante », in Chouin, G., Perrot, C.-H. et Pescheux, G. (dir.), no spécial « Approches croisées des mondes akan II », Journal des africanistes, 75-2, 2005, https://journals.openedition.org/africanistes/122Google Scholar, propose une version plus fine et mise à jour de la typologie d’Ozanne sur les pipes. Boachie-Ansah, James, « Smoking Pipes and the Dating of Post 16th Century in Ghana: The Evidence from Ahwene Koko », West African Journal of Archaeology, 16, 1986, p. 53-70Google Scholar, étudie la possibilité que certains types de pipes fabriquées en Afrique aient pu être introduits, depuis la région du Sahel vers le Ghana actuel, par des commerçants mandés dès le milieu du xviie siècle.

49 P. E. Isert, Reise nach Guinea…, op. cit., p. 232 : « Taba » ; Christaller, Johann Gottlieb, A Grammar of the Asante and Fante Language Called Tshi (Chwee, Twi): Based on the Akuapem Dialect, with Reference to the Other (Akan and Fante) Dialects, Bâle, Basel Evangelical Missionary Society, 1875, p. 12Google Scholar : « tawa ».

50 D’azɔ (le mot fongbé pour « fumée » et, par extension, pour « tabac ») et aguda (« brésilien/portugais »). Le terme générique azo pour tabac est déjà mentionné dans une liste de mots fongbés établie par le capitaine d’un navire négrier français en 1726 : « Journal du voiage de Guinée et Cayenne par le chevalier Des Marchais », 88v. Le mot aguda apparaît pour la première fois dans un lexique rassemblé parmi des esclaves ouest-africains au Brésil : R. Law, Ouidah…, op. cit., p. 37. Chez les Gbés et les Yorubas, il a également été utilisé pour désigner les anciens esclaves africains du Brésil qui s’étaient réinstallés dans le golfe du Bénin au cours du xixe siècle. Selon une hypothèse fréquente, aguda serait une forme corrompue d’Ajudá, la traduction portugaise de Hueda : E. G. Bay, Wives of the Leopard…, op. cit., p. 169. Cette étymologie est toutefois contestée : R. Law, Ouidah…, op. cit., p. 37. Hazoumé, Paul, Le pacte de sang au Dahomey, Paris, Institut d’ethnologie, 1937, p. 5Google Scholar, considère que le mot vient de agoudan, qui désigne une personne indolente et vaniteuse. S’agissant du mot-valise agudazɔ, il apparaît pour la première fois – à ma connaissance – dans l’ouvrage de Hazoumé. Cependant, il est certain que son origine étymologique remonte à l’âge d’or du commerce brésilien des esclaves au Dahomey. Pour une étude de grande envergure sur la diffusion de mots d’emprunt désignant le tabac des régions littorales vers l’intérieur des terres, voir Vansina, Jan, « Deep-Down Time: Political Tradition in Central Africa », History in Africa: A Journal of Debates, Methods, and Source Analysis, 16, 1989, p. 341-362CrossRefGoogle Scholar.

51 Norman, Neil L., « From the Shadow of an Atlantic Citadel: An Archaeology of the Huedan Countryside », in Monroe, J. C. et Ogundiran, A. (dir.), Power and Landscape in Atlantic West Africa: Archaeological Perspectives, Cambridge, Cambridge University Press, 2012, p. 142-166CrossRefGoogle Scholar, ici p. 156-158.

52 Norris, Robert, Memoirs of the Reign of Bossa Ahádee, King of Dahomy, an Inland Country of Guiney to Which are Added the Author’s Journey to Abomey, the Capital and a Short Account of the African Slave Trade, Londres, W. Lowndes, 1789, p. 147Google Scholar ; Renzo Mandirola et Pierre Trichet (dir.), Lettres du Dahomey. Correspondance des premiers pères de la Société des missions africaines (avril 1861-avril 1862), Paris, Karthala, 2011, p. 302 et 330.

53 Peukert, Werner, Der atlantische Sklavenhandel von Dahomey, 1740-1797. Wirtschaftsanthropologie und Sozialgeschichte, Wiesbaden, F. Steiner, 1978, p. 208Google Scholar sq. (estimations) et 210 (citation).

54 R. Law, Ouidah…, op. cit., p. 130.

55 J. C. Monroe, The Precolonial State in West Africa…, op. cit., p. 96.

56 P. Hazoumé, Le pacte de sang au Dahomey, op. cit., p. 30.

57 E. G. Bay, Wives of the Leopard…, op. cit., p. 123-128.

58 W. Peukert, Der atlantische Sklavenhandel von Dahomey…, op. cit.

59 Polanyi, Karl, Dahomey and the Slave Trade: An Analysis of an Archaic Economy, Seattle, University of Washington Press, 1966Google Scholar.

60 D’autres restrictions somptuaires réglementaient l’usage des hamacs (supra n. 35), des parasols, des chaussures européennes, des chaises et même des couvre-lits. Voir R. F. Burton, A Mission to Gelele…, op. cit., vol. 1, p. 181, et S. P. Blier, « Europia Mania… », art. cit., p. 242-245.

61 « Relation du royaume de Judas », fol. 29. Voir également fol. 23 (sur la consommation constante de tabac par le roi) et 32 (sur l’étalage du tabac, des pipes et des alcools par les dignitaires).

62 « Relation du royaume de Judas », fol. 42r. Des normes similaires ont été mentionnées à propos de l’empire du Mali : The Travels of Ibn Baṭṭūṭa…, vol. 4, p. 960.

63 Dalzel, Archibald, The History of Dahomy, an Inland Kingdom of Africa: Compiled from Authentic Memoirs, Londres, T. Spilsbury, 1793, p. ixGoogle Scholar.

64 W. Bosman, A New and Accurate Description of the Coast of Guinea…, op. cit., p. 369 ; Klavs Randsborg et Merkyte, Inga, Bénin Archaeology: The Ancient Kingdoms, Oxford, Wiley-Blackwell, 2009, chap. 8Google Scholar ; Norman, Neil L., « Sacred Vortices of the African Atlantic World: Materiality of the Accumulative Aesthetic in the Hueda Kingdom, 1650-1727 CE », in Ogundiran, A. et Saunders, P. (dir.), Materialities of Ritual in the Black Atlantic, Bloomington, Indiana University Press, 2014, p. 47-67Google Scholar. Conformément à une pratique courante dans la littérature savante et le discours local, j’utilise le terme « vodun » pour désigner la culture religieuse de la région gbé, qui comprend des pratiques et des croyances relatives aux divinités, aux ancêtres, ainsi que différents objets et substances dotés de pouvoirs. Sur l’étymologie complexe et le sens multiple du terme – souvent utilisé comme un synonyme de « divinité » –, voir Blier, Suzanne Preston, African Vodun: Art, Psychology, and Power, Chicago, University of Chicago Press, 1995, p. 37-47Google Scholar.

65 Dianteill, Erwan et Chouchan, Michèle, Eshu, dieu d’Afrique et du Nouveau Monde, Paris, Larousse, 2011 Google Scholar; Falola, Toyin (dir.), Èṣù: Yoruba God, Power, and the Imaginative Frontiers, Durham, Carolina Academic Press, 2013Google Scholar.

66 Sur les portes des temples yorubas (Wescott, Joan, « The Sculpture and Myths of Eshu-Elegba, the Yoruba Trickster: Definition and Interpretation in Yoruba Iconography », Africa: Journal of the International African Institute, 32-4, 1962, p. 336-354, ici p. 340CrossRefGoogle Scholar) ou sur les plateaux de divination fa (Paris, musée du Quai Branly, « Plateau de divination », no d’inventaire 73.1997.4.135, ou Zürich, Rietberg Museum, « Orakeldeckel, opon ifa », no d’inventaire 2005.1). Le cas du plateau de divination du royaume d’Allada du xviie siècle est différent (supra n. 44). Le fumeur représenté semble être un modeste humain et non le dieu rusé. Néanmoins, le simple fait que la consommation de tabac soit représentée sur cet objet – lequel est utilisé dans le contexte de la divination fa et donc associé à Legba – est certainement significatif et semble attester – certes de façon moins directe – le lien entre Legba et la consommation de tabac.

67 E. Dianteill et M. Chouchan, Eshu…, op. cit., p. 69. D’ailleurs, à Haïti, il est également appelé Maître Carrefour.

68 J. Wescott, « The Sculpture and Myths of Eshu-Elegba… », art. cit., p. 347. Sur la transgression, voir E. Dianteill et M. Chouchan, Eshu…, op. cit., p. 76-81.

69 Ibid., p. 39 (Brésil), 68 (Haïti) et 93 (Cuba).

70 Sauf mention contraire, toutes les informations relatives à l’histoire de la porcelaine sont tirées de Finlay, Robert, The Pilgrim Art: Cultures of Porcelain in World History, Berkeley, University of California Press, 2010Google Scholar.

71 Ibid., p. 18-21 ; Gerritsen, Anne, « Ceramics for Local and Global Markets: Jingdezhen’s Agora of Technologies », in Schäfer, D. (dir.), Cultures of Knowledge: Technology in Chinese History, Leyde, Brill, 2012, p. 161-184Google Scholar.

72 Hormis la synthèse de R. Finlay, The Pilgrim Art…, op. cit., p. 233-237, voir Zhao, Bing, « Chinese-style Ceramics in East Africa from the 9th to 16th Century: A Case of Changing Value and Symbols in the Multi-Partner Global Trade », Afriques. Débats, méthodes et terrains d’histoire, 6, 2015, http://journals.openedition.org/afriques/1836Google Scholar.

73 Pikirayi, Innocent, « The Zimbabwe Culture and Its Neighbours: Origins, Development, and Consequences of Social Complexity in Southern Africa », in Mitchell, P. et Lane, P. (dir.), The Oxford Handbook of African Archaeology, Oxford, Oxford University Press, 2013, p. 915-928Google Scholar ; F.-X. Fauvelle-Aymar, Le rhinocéros d’or…, op. cit., chap. 31.

74 Insoll, Timothy, « Archaeological Research in Timbuktu, Mali », Antiquity, 72-276, 1998, p. 413-417CrossRefGoogle Scholar ; Nixon, Sam, « Tadmekka. Archéologie d’une ville caravanière des premiers temps du commerce transsaharien », Afriques. Débats, méthodes et terrains d’histoire, 4, 2013, http://journals.openedition.org/afriques/1237Google Scholar.

75 Les listes de marchandises destinées à la Côte-de-l’Or incluent parfois des récipients européens (en métal, en faïence ou en grès). Voir les index dans A. Jones, Brandenburg Sources…, op. cit., et Robin Law (dir.), The English in West Africa, vol. 1, The Local Correspondence of the Royal African Company of England, 1681-1699, Oxford, Oxford University Press, 1997-2006. En revanche, je n’ai pas trouvé (dans des sources publiées) de listes de marchandises mentionnant des objets en céramique chinoise. Je suppose que ces objets sont arrivés en petite quantité sur les marchés ouest-africains, probablement comme cadeaux destinés aux élites locales. Il est important de rappeler, toutefois, que ces cadeaux accompagnaient les « droits de douane » que les Européens devaient payer pour accéder aux marchés côtiers. Par la suite, certains de ces cadeaux sont devenus de véritables marchandises dans le cadre de transactions intra-africaines. Sur les échanges de cadeaux dans les relations euro-africaines, voir Brauner, Christina, « Connecting Things: Trading Companies and Diplomatic Gift-Giving on the Gold and Slave Coasts in the Seventeenth and Eighteenth Centuries », Journal of Early Modern History, 20-4, 2016, p. 408-428CrossRefGoogle Scholar.

76 Boachie-Ansah, James, « Excavations at Fort Amsterdam, Abandze, Central Region, Ghana », in Insoll, T. (dir.), Current Archaeological Research in Ghana, Oxford, Archaeopress, 2008, p. 37-61Google Scholar, ici p. 46-48. Des découvertes réalisées à Elmina incluent des tessons de porcelaine provenant de la Chine et du Japon au xviie siècle, ainsi que de Meissen au xviiie siècle : DeCorse, Christopher R., An Archaeology of Elmina: Africans and Europeans on the Gold Coast, 1400-1900, Washington, Smithsonian Institution Press, 2001, p. 152Google Scholar.

77 Wilks, Ivor, Forests of Gold: Essays on the Akan and the Kingdom of Asante, Athens, Ohio University Press, 1993, p. 18Google Scholar.

78 Weiss, Gillian, Captives and Corsairs: France and Slavery in the Early Modern Mediterranean, Stanford, Stanford University Press, 2011, p. 60CrossRefGoogle Scholar.

79 Pour une analyse de l’élaboration et des sources (possibles) de ce texte complexe, voir Rémi Dewière, « Le Discours historique de l’estat du royaume de Borno. Genèse et construction d’une histoire du Borno par un captif de Tripoli au xviie siècle », Afriques. Débats, méthodes et terrains d’histoire, 4, 2013, http://journals.openedition.org/afriques/1170.

80 Rémi Dewière, « L’esclave, le savant et le sultan. Représentations du monde et diplomatie au sultanat du Borno (xvie-xviie siècles) », thèse de doctorat, Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2015, p. 480.

81 Rémi Dewière, Du lac Tchad à La Mecque. Le sultanat du Borno et son monde (xvie-xviie siècle), Paris, Éd. de la Sorbonne, 2017, p. 38.

82 A. L. Araujo, « Dahomey, Portugal and Bahia… », art. cit., p. 12.

83 K. G. Kelly, « Using Historically Informed Archaeology… », art. cit., p. 363.

84 J. Boachie-Ansah, « Excavations at Fort Amsterdam… », art. cit., p. 58. Il a été suggéré que l’esthétique du mogyemogye (le récipient rituel servant à verser les libations sur le siège d’or des Asante) aurait été influencée par la forme des cruches en grès de Rhénanie : C. R. DeCorse, An Archaeology of Elmina…, op. cit., p. 120.

85 Hirsch, Brett D., « The Taming of the Jew: Spit and the Civilizing Process in The Merchant of Venice », in Loughnane, R. et Semple, E. (dir.), Staged Transgression in Shakespeare’s England, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2013, p. 136-152CrossRefGoogle Scholar.

86 Bloch, Marc, Les rois thaumaturges. Étude sur le caractère surnaturel attribué à la puissance royale particulièrement en France et en Angleterre, Paris, Gallimard, [1924] 1983, p. 415Google Scholar.

87 Luís Fróis, Européens et Japonais. Traité sur les contradictions et différences de mœurs, écrit par le R. P. Luís Fróis au Japon, l’an 1585, Paris, Chandeigne, 2009, p. 20, cite la formule d’un jésuite portugais du xvie siècle, lorsqu’il découvrit qu’il était possible de s’abstenir de cracher sa salive : « Nous [les Européens] crachons tout le temps et n’importe où ; les Japonais ravalent d’ordinaire leurs crachats. »

88 Cependant, certains auteurs du xviiie siècle considéraient que des crachats excessifs (à cause du tabac) pouvaient altérer cet équilibre et ainsi conduire à la « mélancolie » : Goodman, Jordan, Tobacco in History: The Cultures of Dependence, Londres, Routledge, 1993, p. 81Google Scholar sq.

89 Elias, Norbert, On the Process of Civilisation: Sociogenetic and Psychogenetic Investigations, trad. par E. Jephcott, Dublin, University College Dublin Press, [1939] 2012, p. 151-157Google Scholar, cité p. 152.

90 de Courtin, Antoine, Nouveau traité de la civilité qui se pratique en France parmi les honnestes gens, Paris, Josset, 1671, p. 172Google Scholar sq.

91 Douglas, Mary, Purity and Danger: An Analysis of the Concepts of Pollution and Taboo, Londres, Routledge, 1966Google Scholar, chap. 7.

92 Álvaro Velho, Roteiro da primeira viagem de Vasco da Gama à India, éd. par J. Marques, Porto, Faculdade de letras do Porto, 1999, p. 78 ; A Journal of the First Voyage of Vasco da Gama, 1497-1499, trad. par E. G. Ravenstein, Londres, Hakluyt Society, 1898, p. 56.

93 Shen, Hsueh-man (dir.), Gilded Splendor: Treasures of China’s Liao Empire, 907-1125, New York/Milan, Asia Society/Five Continents, 2006, p. 310Google Scholar.

94 Il est révélateur que, dans le Sud-Est de la Chine, les crachoirs aient souvent été inclus dans les dots de mariage : Adrien von Ferscht, « No Spitting in the Silver Vase: The Chinese Export Silver Spittoon that Thought it was a Vase ! », http://chinese-export-silver.com/2013/02/.

95 Jörg, Christiaan J. A., Chinese Ceramics in the Collection of the Rijksmuseum, Amsterdam: The Ming and Qing Dynasties, Londres, Wilson, 1997, p. 118Google Scholar ; R. Finlay, The Pilgrim Art…, op. cit., p. 24.

96 J. Goodman, Tobacco in History…, op. cit., p. 81.

97 Nouveau dictionnaire de l’Académie françoise, Paris, J.-B. Coignard, 1718, p. 384.

98 N. Elias, On the Process of Civilisation…, op. cit., p. 155.

99 Henry Kissinger, White House Years, Boston, Little, Brown, 1979, p. 1058 ; Id., On China, New York, Penguin Press, 2011, p. 296 ; Ann Arbor, Gerald R. Ford Presidential Library, National Security Advisor Files, Memoranda of Conversations between Kissinger and Deng Xiaoping, 27 nov. 1974 et 21 oct. 1975.

100 R. Finlay, The Pilgrim Art…, op. cit., p. 169.

101 Les crachoirs sont décorés avec des sculptures représentant des têtes humaines, des léopards et des oiseaux, symboles du pouvoir du roi et de son autorité sur son peuple et sur la faune. Par la suite, les rois du Asante utilisèrent également des crachoirs en or, en bronze et en argile. Lettre personnelle de Francis Adjei, directeur du Prempeh II Jubilee Museum, Kumasi, 13 nov. 2012.

102 Griaule, Marcel et Dieterlen, Germaine, « Calebasses dahoméennes (Documents de la mission Dakar-Djibouti) », Journal de la Société des africanistes, 5-2, 1935, p. 203-246CrossRefGoogle Scholar.

103 Henk den Heijer (dir.), Naar de koning van Dahomey. Het journaal van de gezantschapsreis van Jacobus Elet naar het West-Afrikaanse koninkrijk Dahomey in 1733, Zutphen, Walburg Pers, 2000, p. 148 sq. L’éventail pliable, un article sino-japonais introduit en Europe par des marchands portugais avant d’être imité par des artisans européens, était un autre exemple de produit ayant déjà fait l’objet de transferts interculturels multiples avant d’arriver au Dahomey. Une liste de marchandises de l’établissement commercial néerlandais d’Offra dans le royaume d’Allada montre que, d’octobre 1690 à novembre 1691, la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales importa 9 395 éventails (kwispel) de différentes sortes dans la région. Par exemple, certains étaient décorés avec du cristal et des agates : soixante-dix pièces de ce type permettaient d’acheter un esclave. La Haye, Nationaal Archief, Tweede West-Indische Compagnie, 1024, « Generaale Reeckening » (Offra, 30 nov. 1691).

104 R. Norris, Memoirs of the Reign of Bossa Ahádee…, op. cit., p. 95. Sur la scénographie de l’ajalala, voir E. G. Bay, Wives of the Leopard…, op. cit., p. 11.

105 D’après un récit fondé sur une visite à Hueda en 1682, Agbangla était « généralement vêtu dans le style arabe, avec une tunique de taffetas pourpre » : Hair, Paul E., Jones, Adam et Law, Robin (dir.), Barbot on Guinea: The Writings of Jean Barbot on West Africa, 1678-1712, Londres, Hakluyt Society, 1992, vol. 2, p. 638Google Scholar. En revanche, en 1693, il portait une « robe de chambre » (« Reisebeschreibung und Lebenslauf von Johann Peter Oettinger », p. 76) et, en mai 1694, on le décrivait vêtu d’une « ample robe en damassé rouge » : T. Phillips, « A Journal of a Voyage Made in the Hannibal of London… », art. cit., p. 216. À la fin de l’année 1698, seuls les « membres de la famille royale » étaient autorisés à porter des vêtements rouges : W. Bosman, A New and Accurate Description of the Coast of Guinea…, op. cit., p. 350. A. Jones, Brandenburg Sources…, op. cit., p. 194, n. 53, a suggéré que cette « robe » rouge correspondait peut-être à la « robe de chambre japonaise en satin » que des commerçants néerlandais avaient offerte à Agbangla en 1691. La liste de marchandises de 1691 du comptoir d’Offra (« Generaale Reeckening ») illustre la valeur économique de ces biens de luxe en attestant que neuf « robes de soie japonaise » permettaient d’acquérir six esclaves.

106 Le père Cipriano Pires Sardinha (du Minas Gerais) et le père Vicente Ferreira Pires (de Salvador de Bahia) se sont rendus au Dahomey en 1796-1798 en tant qu’émissaires de la Couronne portugaise. Le récit de cette mission fut envoyé au prince régent du Portugal en 1800 par le père Vincente (qui était peut-être un mulâtre). Cependant, il est probable que la majeure partie du rapport ait été rédigée par le père Cipriano, ancien étudiant de l’université de Coimbra et plus érudit, qui était le fils d’une esclave créole affranchie et de son maître, et le petit-fils d’un captif ouest-africain. Furtado, Júnia Ferreira, « Return as a Religious Mission: The Voyage to Dahomey Made by the Brazilian Mulatto Catholic Priests Cipriano Pires Sardinha and Vicente Ferreira Pires (1796-1798) », in Kirk, S. et Rivett, S. (dir.), Religious Transformations in the Early Modern Americas, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 2014Google Scholar ; Furtado, Júnia Ferreira, « The Eighteenth-Century Luso-Brazilian Journey to Dahomey: West Africa through a Scientific Lens », Atlantic Studies, 11-2, 2014, p. 256-276CrossRefGoogle Scholar.

107 da Lessa, Clado Ribeiro (dir.), Viagem de África em o reino de Dahomé. Escrita pelo padre Vicente Ferreira Pires no ano de 1800, São Paulo, Companhia editora nacional, 1957, p. 59Google Scholar.

108 Mc Leod, John, A Voyage to Africa, with Some Account of the Manners and Customs of the Dahomian People, Londres, J. Murray, 1820, p. 47Google Scholar.

109 Frederick E. Forbes, Dahomey and the Dahomans: Being the Journals of Two Missions to the King of Dahomey, and Residence at his Capital, Londres, Longman, Brown, Green, and Longmans, 1851, vol. 1, p. 78. Le makpo est un sceptre en forme de houlette que les rois remettaient à leurs messagers pour leur donner la capacité de parler en leur nom. On trouve également le terme recade (du portugais recado, signifiant « message ») : Adandé, Alexandre, Les récades des rois du Dahomey, Dakar, Institut français d’Afrique noire, 1962Google Scholar.

110 R. F. Burton, A Mission to Gelele…, op. cit., vol. 1, p. 240. Sur l’éternuement, voir W. Bosman, A New and Accurate Description of the Coast of Guinea…, op. cit., p. 341.

111 Témoignages de Suzy Landau (Fort-de-France) à partir de récits que lui a transmis sa grand-tante, enregistrés dans le film documentaire d’André Marie Johnson, Gbêhanzin, le rêve inachevé (Bénin, 2007) ; Maryse Condé, Les derniers rois mages, Paris, Mercure de France, 1992, p. 16 et 61.

112 Gil Blas, « Le crachoir de Behanzin », La chronique médicale, 13, 1906, p. 313.

113 Sur la mise en scène des hiérarchies sociales lors des rituels de salutation dans la région gbé, voir W. Bosman, A New and Accurate Description of the Coast of Guinea…, op. cit., p. 341. De telles pratiques cérémoniales sont également manifestes dans d’autres royaumes comme celui de Kongo (José Pellicer de Ossau y Tovar, Mission evangelica al reyno de Congo por la Serafica religion de los Capuchinos, Madrid, Domingo Garcia i Morràs, 1649, fol. 70v-71r) et l’État yoruba d’Oyo (Hugh Clapperton, Journal of a Second Expedition into the Interior of Africa; to Which is Added the Journal of Richard Lander from Kano to the Sea-Coast, Londres, John Murray, 1829, p. 77). On trouve des mentions plus précoces en lien avec l’empire du Ghana au xie siècle (Al Bakrī, in Hopkins, John F. P. et Levtzion, Nehemia (dir.), Corpus of Early Arabic Sources for West African History, Princeton, Markus Wiener Publishers, 2000, p. 62-87Google Scholar, ici p. 80), l’empire du Mali au xive siècle (The Travels of Ibn Baṭṭūṭa…, vol. 4, p. 960) et l’empire songhaï au xvie siècle (Leo Africanus, The History and Description of Africa and of the Notable Things Therein Contained, trad. par J. Pory, éd. par R. Brown, Londres, Hakluyt Society, [1550] 1896, vol. 3, p. 824 sq.).

114 Sur les questions cérémoniales liées aux rencontres courtoises entre les représentants européens et les rois du Dahomey, voir C. Brauner, Kompanien, Könige und caboceers…, op. cit., p. 225-270.

115 Sur les chasse-mouches comme symboles du statut, voir Wilks, Ivor, « The Golden Stool and the Elephant Tail: An Essay on Wealth in Asante », Research in Economic Anthropology, 2, 1979, p. 1-36Google Scholar ; Abiodun, Rowland, Yoruba Art and Language: Seeking the African in African Art, Cambridge, Cambridge University Press, 2014CrossRefGoogle Scholar.

116 A. Dalzel, The History of Dahomy…, op. cit., pl. 4.

117 Voir la toile appliquée représentant l’un de ses dignitaires avec les membres de son entourage portant différents symboles de statut – un crachoir, une ombrelle, une pipe, un éventail, un hamac et un coffre au trésor –, publiée et analysée dans Herskovits, Melville J., Dahomey: An Ancient West African Kingdom, New York, J. J. Augustin, 1938, vol. 2, p. 340Google Scholar et pl. 51.

118 Beaujean-Baltzer, Gaëlle, « Du trophée à l’œuvre. Parcours de cinq artefacts du royaume d’Abomey », Gradhiva. Revue d’histoire et d’archives de l’anthropologie, 6, 2007, p. 70-85Google Scholar, ici p. 80-85. Voir également Gaëlle Beaujean, « L’art de cour d’Abomey. Le sens des objets », thèse de doctorat, Ehess, 2015.

119 Il est bien établi que le parasol a été utilisé comme un symbole d’autorité pendant des siècles en Afrique et en Asie. Sur les traditions orales concernant l’introduction des parasols au Dahomey, voir E. G. Bay, Wives of the Leopard…, op. cit., p. 111.

120 Le rapport d’Oettinger de la fin du xviie siècle sur le Hueda (« Reisebeschreibung und Lebenslauf von Johann Peter Oettinger », p. 77) et celui de Burton sur le Dahomey au milieu du xixe siècle (R. F. Burton, A Mission to Gelele…, op. cit., vol. 1, p. 280) mentionnent tous les deux que les blagues à tabac étaient exhibées de manière ostentatoire par les officiers de haut rang comme symboles de leur statut.

121 La femme qui porte le crachoir est la deuxième en partant de la gauche, représentée agenouillée à côté du roi.

122 Un officiel y fut condamné à mort pour avoir osé utiliser un crachoir en or, alors qu’un tel objet était considéré comme la prérogative de l’empereur : Hsueh-man Shen (dir.), Gilded Splendor…, op. cit., p. 310.

123 R. F. Burton, A Mission to Gelele…, op. cit., vol. 1, p. 181. En revanche, l’interdiction portant sur l’usage des verres devint obsolète à partir des années 1860. Parallèlement, au xixe siècle, il fut interdit de voir le roi boire : C. Brauner, Kompanien, Könige und caboceers…, op. cit., p. 260.

124 À la différence de certaines sociétés musulmanes du Soudan central (où la population était dissuadée de fumer par des prescriptions religieuses et où, en revanche, la demande en noix de kola était forte), et bien que les routes commerciales de la noix de kola entre l’Asante et le Nord du Nigéria actuel passassent juste au nord du Dahomey, la consommation de kolas n’y fut pas aussi importante pendant la période étudiée : Lovejoy, Paul E., Caravans of Kola: The Hausa Kola Trade, 1700-1900, Zaria, Ahmadu Bello University Press, 1980, p. 3Google Scholar et 24 sq. ; Id., « Kola Nuts: The ‘Coffee’ of the Central Sudan », in J. Goodman, P. E. Lovejoy et A. Sherratt (dir.), Consuming Habits: Drugs in History and Anthropology, Londres, Routledge, 2007, p. 103-125, ici p. 104 sq.

125 M. J. Herskovits, Dahomey…, op. cit., vol. 2, p. 269-280. Parfois, le vendeur crache aussi dans la bouche de l’acheteur en lui remettant l’objet doté de pouvoirs : Rivière, Claude, Anthropologie religieuse des Évé du Togo, Lomé, Nouvelles Éditions africaines, 1981, p. 185Google Scholar sq. Pour une analyse critique des méthodes de recherche de Herskovits, voir Blier, Suzanne Preston, « Field Days: Melville J. Herskovits in Dahomey », History in Africa: A Journal of Debates, Methods, and Source Analysis, 16, 1989, p. 1-22CrossRefGoogle Scholar.

126 S. P. Blier, African Vodun…, op. cit., p. 74-80.

127 Autre fluide corporel, le sang avait la même fonction. Dans les cérémonies d’initiation, le sang des animaux sacrifiés était utilisé pour attacher les nouveaux fidèles à une divinité particulière : M. J. Herskovits, Dahomey…, op. cit., vol. 2, p. 121. En outre, lors des fêtes du xwetanu, le sang des victimes humaines était essentiel pour « arroser les tombes » des rois défunts, c’est-à-dire pour transmettre la « richesse en personnes » (wealth in people) sacrifiée aux ancêtres royaux qui étaient honorés. Ainsi, les fluides corporels permettaient la communication entre le monde des vivants (Gbɛtomɛ) et le monde des morts (Kutomɛ).

128 Sweet, James H., Domingos Álvares, African Healing, and the Intellectual History of the Atlantic World, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 2011, cité p. 209Google Scholar.

129 M. J. Herskovits, Dahomey…, op. cit., vol. 2, p. 136 et 223 ; J. H. Sweet, Domingos Álvares…, op. cit., p. 124.

130 Un récit oral recueilli (de sources non identifiées) dans les années 1930 par Paul Hazoumé apporte un intrigant indice à ce sujet. Hazoumé, dont le père était un conseiller influent du roi de Porto Novo, a fréquenté une école de missionnaires catholiques avant d’étudier à l’École normale au Sénégal puis à l’Institut d’ethnologie de Paris. Il est devenu par la suite un brillant intellectuel du Dahomey colonial et postcolonial. Dans Le pacte de sang au Dahomey – la première étude ethnographique sur le vodun rédigée par un érudit local –, il explique que, selon une croyance, on pouvait transmettre la tuberculose à une personne si on faisait lécher sa salive par un caméléon : P. Hazoumé, Le pacte de sang au Dahomey, op. cit., p. 48. Bien que ce témoignage ait été enregistré dans un contexte très différent (et chronologiquement distant), il semble recouper le récit que l’on trouve dans les archives de l’Inquisition du xviiie siècle au sujet de Domingos Álvares. Selon les deux sources, la culture vodun associait la salive à la tuberculose, maladie qui provoque précisément des accès de toux et l’expulsion de phlegmes contagieux. Sur Hazoumé, voir Dictionnary of African Biography, Oxford, Oxford University Press, 2012, vol. 6, p. 47-49.

131 Je remercie Émile-Désiré Ologoudou – sociologue et dignitaire du culte Oro – pour avoir attiré mon attention sur la fonction protectrice de cette pratique  (communication personnelle, Ouidah, 9 janv. 2012). Le premier observateur occidental à avoir compris cet usage des crachoirs est probablement Ellis, Alfred Burton, The Ewe-Speaking Peoples of the Slave Coast of West Africa: Their Religion, Manners, Customs, Laws, Languages…, Londres, Chapman and Hall, 1890, p. 99Google Scholar.

132 P. Hazoumé, Le pacte de sang au Dahomey, op. cit., p. 48.

133 M. J. Herskovits, Dahomey…, op. cit., vol. 2, p. 44. Sur les différents rôles des épouses du roi (axɔsi) qui étaient les seules, avec le roi, les eunuques et les princesses, à vivre à l’intérieur des palais, voir E. G. Bay, Wives of the Leopard…, op. cit..

134 N. Elias, On the Process of Civilisation…, op. cit., p. 155.

135 Il est possible qu’une préoccupation similaire ait inspiré la pratique décrite dans le contexte du Kongo au xviie siècle : « Lorsqu’il [le roi du Kongo] crache, un serviteur recouvre immédiatement la salive avec de la terre » (J. Pellicer de Tovar, Mission evangelica al reyno de Congo…, op. cit., fol. 70v).

136 Je me réfère à la troisième édition en douze volumes : Frazer, James George, The Golden Bough: A Study in Magic and Religion, Londres, Palgrave Macmillan, 1906-1915Google Scholar. La première édition, en deux volumes, avait été publiée en 1890.

137 Dans un sous-chapitre intitulé « Spittle Tabooed », J. G. Frazer, The Golden Bough…, op. cit., vol. 3, chap. 5.9, dresse une liste de pratiques et de croyances hétérogènes concernant la salive, de l’Amérique latine à la Nouvelle-Zélande, dont certaines sont associées aux monarques. Cependant, plutôt que d’analyser les tabous spécifiques dans leurs contextes, il les traite comme un épiphénomène universel du stade de la pensée magique dans l’évolution de l’humanité.

138 Pour un aperçu, voir De Heusch, Luc, « The Symbolic Mechanisms of Sacred Kingship: Rediscovering Frazer », The Journal of the Royal Anthropological Institute, 3-2, 1997, p. 213-232CrossRefGoogle Scholar ; Graeber, David, « The Divine Kingship of the Shilluk: On Violence, Utopia, and the Human Condition, or, Elements for an Archaeology of Sovereignty », Hau: Journal of Ethnographic Theory, 1-1, 2011, p. 1-62CrossRefGoogle Scholar. La distinction entre les cas extrêmement rares de rois divins (pharaons) et le modèle plus courant de rois sacrés a été conceptualisée par Frankfort, Henri, Kingship and the Gods: A Study of Ancient Near Eastern Religion as the Integration of Society and Nature, Chicago, University of Chicago Press, 1978Google Scholar, et appliquée aux études anthropologiques par De Heusch qui a rejeté la catégorie des « rois divins » dans le cas des souverains africains. Plus récemment, Graeber a élaboré une nouvelle conceptualisation de ce terme. Selon lui, l’aspect divin de ces monarques n’est pas lié à leur nature divine : ils sont « divins » (ou, pourrait-on dire, semblables à dieu) car ils incarnent à la fois la justice et la menace d’une violence arbitraire et indiscriminée à l’encontre de leurs propres sujets.

139 Selon J.-P. Warnier, The Pot-King…, op. cit., p. 187 sq., les pipes et le fait de fumer étaient des éléments importants dans la culture courtoise des monarchies de la région des Grassfield, car la fumée « rendait visible le souffle royal » qui est en lui-même une forme transmuée de l’ancestrale substance vitale. À cet égard, on peut évoquer les longues pipes cérémoniales en céramique et très décoratives des rois bamouns : d’après la croyance, la fumée de ces pipes – qui étaient allumées dans des contextes rituels par un « feu sacré » symbolisant la continuité de la monarchie – avait le pouvoir de chasser les mauvais esprits et de faire fructifier les sujets du royaume et leurs cultures. Voir Geary, Christraud M., Things of the Palace: A Catalogue of the Bamun Palace Museum in Foumban (Cameroon), Wiesbaden, F. Steiner, 1983, p. 108Google Scholar ; Blier, Suzanne Preston, The Royal Arts of Africa: The Majesty of Form, Londres, L. King, 1998, p. 36Google Scholar. Sur la base des sources historiques, il est difficile de savoir si de telles conceptions de la fumée ont également joué un rôle dans le cas des monarchies de l’aire gbé.

140 Il est important de noter à ce sujet que la pratique consistant, pour le fon du Mankon, à asperger la foule de vin de raphia et de salive lors des fêtes annuelles semble présenter quelques similitudes avec le cas de l’Asante où – comme l’émissaire britannique Joseph Dupuis l’observa lors de son séjour à Kumasi en 1820 – « le souverain crache couramment sa salive sur ses courtisans » dans un geste de bénédiction : Joseph Dupuis, Journal of a Residence in Ashantee: Comprising Notes and Researches Relative to the Gold Coast, and the Interior of West Africa, Chiefly Collected from Arabic mss. and Information Communicated by the Moslems of Guinea: To Which is Prefixed an Account of the Origin and Causes of the Present War, Londres, H. Colburn, 1824, p. 178.

141 J.-P. Warnier, The Pot-King…, op. cit., p. 185.

142 Law, Robin, The Slave Coast of West Africa, 1550-1750: The Impact of the Atlantic Slave Trade on an African Society, Oxford, Clarendon Press, 1991, p. 78Google Scholar.

143 E. G. Bay, Wives of the Leopard…, op. cit., p. 79, 112 et 218.

144 Sur la fête de xwetanu, voir Coquery-Vidrovitch, Catherine, « La fête des coutumes au Dahomey. Historique et essai d’interprétation », Annales ESC, 19-4, 1964, p. 696-716Google Scholar ; Law, Robin, « ‘My Head Belongs to the King’: On the Political and Ritual Significance of Decapitation in Pre-colonial Dahomey », The Journal of African History, 30-3, 1989, p. 399-415CrossRefGoogle Scholar ; E. G. Bay, Wives of the Leopard…, op. cit. ; Monroe, J. Cameron et Janzen, Anneke, « Le festin dahoméen. Femmes du palais, politiques internes et pratiques culinaires en Afrique de l’Ouest au xviiie-xixe siècle », Afriques. Débats, méthodes et terrains d’histoire, 5, 2014, http://journals.openedition.org/afriques/1632Google Scholar.

145 Certes, les cultes ancestraux « n’étaient pas un trait distinctif de la royauté, mais ils étaient également pratiqués par les roturiers » : R. Law, The Slave Coast of West Africa…, op. cit., p. 78. Cependant, dans la mesure où l’intervention des ancêtres royaux était cruciale pour le bien-être ou la disgrâce du royaume entier (et pas seulement du lignage royal), le xwetanu avait une importance politique unique et son déroulement était au cœur même de la royauté.

146 E. G. Bay, Wives of the Leopard…, op. cit., p. 112.

147 Wilks, Ivor, Asante in the Nineteenth Century: The Structure and Evolution of a Political Order, Cambridge, Cambridge University Press, 1989, p. 200Google Scholar sq.

148 R. Finlay, The Pilgrim Art…, op. cit., p. 212.

149 S. P. Blier, The Royal Arts of Africa…, op. cit., p. 112-116.

150 J. K. Thornton, A Cultural History of the Atlantic World…, op. cit., p. 342-396.

151 À l’instar des sanctuaires vodun (N. L. Norman, « Sacred Vortices of the African Atlantic World… », art. cit.), la culture matérielle des palais était donc nourrie par une « esthétique accumulative » ou – pour reprendre les termes de S. P. Blier, « Europia Mania… », art. cit., p. 264 – par un « cannibalisme artistique ».

152 Le roi Louis XIV possédait deux grands crachoirs en argent, pesant chacun pas moins de 54 kilos. Ornés de fleurs de lys ainsi que de têtes de bélier et de lion « évoquant la puissance du roi et de la monarchie », ils auraient pu avoir, au moins en théorie, une fonction de représentation. Cependant, le fait que ces objets précieux – qui sont attestés dans les inventaires de la maison royale – ne sont jamais mentionnés dans les nombreuses descriptions de la cour du roi Soleil semble suggérer que ces magnifiques crachoirs n’étaient pas montrés dans le contexte des audiences royales. Voir Antoine Maës, « L’ameublement du salon d’Apollon, xviie-xviiie siècle », Bulletin du Centre de recherche du château de Versailles, § 48, http://journals.openedition.org/crcv/12144

153 Sur les espaces privés, semi-publics et publics dans et devant les palais dahoméens, voir J. C. Monroe, The Precolonial State in West Africa…, op. cit., p. 178-190.

154 Norman, Neil L., « Powerful Pots, Humbling Holes, and Regional Ritual Processes: Towards an Archaeology of Huedan Vodun, ca. 1650-1727 », African Archaeological Review, 26-3, 2009, p. 187-218CrossRefGoogle Scholar, ici p. 193.