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Luciano Allegra, L’ebreo che sposò una bufala. Il falso nelle rappresentazioni degli ebrei, sec. xvi-xviii, Turin, Silvio Zamorani editore, 2024, 204 p.

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Luciano Allegra, L’ebreo che sposò una bufala. Il falso nelle rappresentazioni degli ebrei, sec. xvi-xviii, Turin, Silvio Zamorani editore, 2024, 204 p.

Published online by Cambridge University Press:  30 December 2024

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Abstract

Type
Mondes juifs médiévaux et modernes (comptes rendus)
Copyright
© Éditions de l’EHESS

Jouant sur la polysémie du mot bufala (qui signifie en italien à la fois bufflonne et canular ou bobard), le titre du livre de Luciano Allegra évoque non seulement la première histoire racontée dans son ouvrage, mais aussi le thème qui se trouve au cœur de sa réflexion. Le texte débute en effet par l’analyse d’un manuscrit conservé à la Bibliothèque nationale de Florence, qui raconte l’histoire fictive, mais présentée comme une relation véridique rédigée en italien, d’un Juif de Hambourg qui aurait épousé une bufflonne. En déconstruisant patiemment l’intrigue, en identifiant les différentes manipulations et les absurdités du texte, en reconstituant la façon dont l’imaginaire juif y est déformé (des noms des protagonistes au mythe des dix tribus perdues et du fleuve Sambatyon, en passant par la prétendue inclination des Juifs pour les pratiques magiques), l’auteur dissèque les caractéristiques d’un « pastiche qui sent le faux à mille lieues à la ronde » (p. 21). Cette démarche ne cherche pas tant à retrouver l’identité de l’auteur (un objectif philologiquement tentant, mais dont l’apport historiographique est somme toute assez faible) qu’à débusquer les modalités et les enjeux de la construction d’un récit qui cherche à décrire les Juifs comme un groupe friand de pratiques inhumaines et dangereuses. D’une certaine façon, cette histoire aurait pu apporter quelque nouveauté à la lutte idéologique contre le judaïsme, en mêlant des éléments traditionnels à d’autres, plus inédits : par exemple, l’idée que les Juifs utilisent le sang chrétien pour le salut de leur peuple. Le manuscrit est cependant resté inédit et il est impossible de savoir exactement pourquoi il n’a pas été imprimé. On convient donc volontiers avec l’auteur que « si cette relation est restée enfouie dans les collections d’une bibliothèque, c’est peut-être pour le mieux » (p. 27).

Le deuxième chapitre explore les récits de procès fragmentaires tirés de certains textes conservés au sujet de la condamnation d’un « escroc globe-trotter ». Bien qu’il n’ait pas été ordonné prêtre, Michele Calvo, dit De Castro, le protagoniste de cette histoire, se vantait de ses titres et de ses relations ecclésiastiques dans différentes villes d’Amérique et d’Europe. Il exerça à plusieurs reprises la fonction de curé de paroisse, une expérience qui se concluait immanquablement par des tentatives de vols de trésors communautaires ou d’effets personnels. Ces aventures sans scrupules prirent fin dans la ville de Pavie, où Calvo fut jugé par l’Inquisition. Le tribunal ecclésiastique prononça une sentence plus légère que celle émise par la cour séculière, qui le condamna à mort. Deux récits érudits sur sa vie, de styles opposés (l’un sur ses méfaits, l’autre sur les vertus de la contrition et du pardon), forment le socle de la documentation. À partir de celle-ci, L. Allegra part à la recherche d’attestations et de preuves, de détails et d’explications dans diverses archives et publications. La biographie de Calvo change de nature lorsque, quasiment au moment de sa condamnation ou peu de temps après son exécution, des histoires en partie fictives commencent à circuler à son propos, sous la forme « d’avis imprimés » ou de « canards ». Il s’agissait là de tracts destinés à être vendus au cours de grands rassemblements (sur des places les jours de marché ou lors des foires), bien souvent par des colporteurs. Le rapport à la vérité n’était certes pas la priorité de ce type de publication. Bien au contraire, la déformation et l’exagération y étaient mises, au service d’une histoire édifiante qui devait avant tout frapper le lecteur, être piquante, et finalement attirer l’attention du plus grand nombre pour être vendue. Dans cette version de l’histoire, Calvo devient rabbin, et l’image des Juifs s’y trouve gravement écornée. Le fait même que L. Allegra retrouve ces canards dans les archives des communautés juives de Mantoue et de Reggio d’Émilie, et non dans les bibliothèques publiques italiennes, en dit long sur les conséquences de telles publications. Les Juifs ont ainsi été invités à rassembler de la documentation sur l’affaire afin de prouver la fausseté du récit tel que présenté dans certains canards.

Le troisième chapitre est consacré à une analyse détaillée de l’ouvrage de Giovanni Pietro Vitti, les Memorie storico-cronologiche di varj bambini, ed altri fanciulli martirizzati in odio di nostra fede dagli ebrei, publié à Venise en 1761. Le thème central y est l’accusation de meurtre rituel portée contre les Juifs, sur laquelle il existe de nombreuses publications à l’époque, et dont les polémistes catholiques avaient, dès le xvie siècle, contribué à définir les canons narratifs. L’ouvrage prend la forme d’une compilation concise de meurtres allégués, fondée sur une série d’ouvrages antérieurs, en particulier les œuvres des Bollandistes qui considéraient les Juifs comme une grave menace pour la chrétienté. En fait, l’ouvrage de G. P. Vitti introduit quelques éléments notables, tels que le mécanisme des citations emboîtées, avec des références postérieures plus ou moins déguisées ou modifiées avec art, ou encore l’usage fréquent d’une forme de syllogisme qui associe l’existence d’un culte à la preuve qu’un fait a bel et bien eu lieu. En parcourant les sources et les témoignages, quand ils sont cités (et quand ils sont cités correctement), L. Allegra explore les frontières entre histoire et hagiographie et démonte l’édifice argumentatif fragile de G. P. Vitti : aussi découvre-t-on souvent des « on-dit », des relata refero, ou des informations déformées pour renforcer les thèses soutenues. L. Allegra n’est certes pas le premier historien à se pencher sur l’œuvre de G. P. Vitti, mais il le fait en éprouvant de façon intéressante une méthode destinée à percer à jour la construction du faux. Bien évidemment, il est impossible de savoir combien de lecteurs ont réellement eu entre les mains l’œuvre de G. P. Vitti ou combien exactement ont pu s’en faire lire des extraits. Il est de même impossible de connaître la circulation et la lecture réelles des autres textes voués à propager des thèses antijuives. Il est certain cependant que l’œuvre de G. P. Vitti visait à frapper l’esprit des lecteurs non éduqués par le biais d’images évocatrices, parfois absolument atroces. En d’autres termes, il s’agissait de convaincre le lecteur de la dangerosité et de la monstruosité des Juifs. On ne peut que s’étonner de la longévité d’une telle légende, qui n’est pas sans résonance aujourd’hui. Pour preuve, l’auteur publie en annexe de ce chapitre un texte extrait d’un blog antisémite contemporain, dont il retrace les principales sources, et qui recense 57 prétendus meurtres rituels.

Le quatrième chapitre est consacré à l’univers des écrits dits « mineurs », adressés principalement à une large frange de la population, et qui recoupent tout à la fois les lettres, les chansons, les avvisi et les premiers articles de journaux. Plus précisément, L. Allegra y étudie le lien entre la façon dont ces types d’écrits diffusent de fausses nouvelles ou des nouvelles injurieuses (parfois dérisoires, parfois proprement infamantes), et la propagation ou l’entretien d’un climat hostile aux Juifs. Les agressions dans les ghettos sont heureusement rares dans les communautés juives italiennes à l’époque moderne ; elles deviennent plus fréquentes lors de certains épisodes, à l’instar des événements de la période révolutionnaire. L. Allegra prend l’exemple d’un cas, survenu à Mantoue, qui constitue un précieux témoignage des mécanismes contribuant à alimenter la méfiance, voire la haine envers les Juifs, malgré les nombreuses tentatives des dirigeants de la communauté et des Juifs locaux de demander, sans l’obtenir tout à fait, une intervention décisive de la part des autorités municipales ou des tribunaux compétents. L’épisode commence en 1754, lors de l’attaque du ghetto juif de la ville. Quelques jours plus tôt, la vente de plusieurs exemplaires de la chanson Gnora Luna a mis le feu aux poudres. Ce texte, bien connu de l’historiographie, n’est après tout guère plus infamant que ceux qui circulaient alors. L. Allegra évoque la structure argumentative de certains de ces écrits, dans le sillage d’études qui se sont tout particulièrement penchées sur les représentations littéraires et théâtrales des Juifs dans la longue duréeFootnote 1. Des garçons qui entonnent la chanson sont vite rejoints par d’autres fauteurs de troubles, et la situation ne s’apaise finalement qu’une douzaine de jours plus tard, après l’intervention de l’armée. L. Allegra compare ces incidents, déjà examinés par Shlomo SimonsohnFootnote 2, à un second événement, survenu en 1792 et qu’il détaille davantage. Cette fois-ci, on ne parvient pas à contenir la flambée de violence. Depuis quelques mois, les fenêtres des maisons juives sont la cible de jets de pierres ; puis on commence à s’en prendre aux personnes et aux Juifs qui rentrent chez eux, le soir, après un enterrement, le 9 avril. L’émeute éclate entre le 13 et le 14 du même mois lors d’une nouvelle agression. Trois jeunes Juifs sont frappés ; escortés par deux soldats jusqu’à leur domicile, les trois jeunes gens réussissent à retrouver l’un des assaillants qui s’est introduit dans le ghetto, qu’ils passent à tabac. La justice municipale se montre sévère à l’égard des trois Juifs, qui sont condamnés à des châtiments corporels, à l’exil, ainsi qu’à la saisie de biens dans le cas d’un des protagonistes. Elle laisse en revanche tranquille les gens qui ont lancé des pierres ou qui ont agressé les Juifs. Cette pratique judiciaire, visant à rétablir la hiérarchie des communautés et la subordination des Juifs et non à juger la responsabilité des individus, se conjugue avec la persistance d’un climat diffamatoire. Cette atmosphère pesante est entretenue par des écrits qui invitent le peuple à se rassembler contre les Juifs comme s’il s’agissait d’un « bal populaire » (p. 130). Les massari, chefs de la communauté juive, se plaignent à plusieurs reprises de la diffusion de textes outranciers qui alimentent un climat de haine, notamment sous la forme de « poésies » chantées, et qui racontent des faits totalement inventés. Aussi l’attaque du ghetto juif se poursuit-elle encore pendant plusieurs jours, jusqu’à ce que le commandant de la place décide d’augmenter le nombre de gardes destinés à le défendre, ce qui parvient à peine à apaiser les esprits. Aux poèmes chantés s’ajoutent d’autres manuscrits produits dans la frénésie des événements : on a ainsi conservé deux avvisi, une chansonnette et un petit poème, ainsi que des articles de quatre journaux. Il s’agit de textes différents, dont le degré de violence et de détournement de la vérité varie. Par exemple, l’un est un faux grossier présenté comme un édit, prétendument émis par la cour de Vienne, légitimant la possibilité pour les catholiques de Lombardie de frapper les Juifs, mais sans aller au-delà. Un autre est un article de la Gazzetta di Mantova, repris ensuite par différents journaux, qui présente à ses lecteurs un récit truffé de mensonges, destiné davantage à alimenter l’hostilité à l’égard les Juifs qu’à informer sur les faits.

Les moqueries lors des funérailles tout comme les jets de pierres sur les fenêtres ne sont certes pas nouveaux. Présentes dès le Moyen Âge, ces agressions sont ainsi souvent lues par les chercheurs et les chercheuses à la lumière de la longue histoire de l’antijudaïsme. Cependant, la combinaison des pratiques infamantes, des principes de justice distributive, de la diffusion à différents niveaux de nouvelles dégradantes et injurieuses, ainsi que les bouleversements politiques qui renversent l’ordre établi (le lien entre la France révolutionnaire et les Juifs est souvent tenu pour acquis dans l’Italie de la fin du xviiie siècle) contribuent à expliquer les épisodes les plus violents comme le climat d’impunité général dont bénéficient ceux qui frappent verbalement ou physiquement les Juifs.

Enfin, le dernier chapitre examine de plus près la littérature variée produite dans les milieux catholiques pour tenter de pousser les Juifs à la conversion. Là encore, le faux n’est pas loin. Un premier type d’ouvrages est constitué des livres dits « contra hebreos », des discours savants et doctrinaires qui prétendent démontrer les erreurs d’interprétation des rabbins (et du Talmud, honni), souvent rédigés par des néophytes. Un second type est celui des récits de conversion. Rares à l’époque moderne, surtout sous forme d’autobiographie, ils deviennent plus nombreux au cours du xixe siècle et changent de nature. Avant la Révolution française, l’intervention divine occupait une place fondamentale dans ces récits, évacuant toute idée de choix conscients opérés par le converti. L’ensemble confinait bien souvent à l’hagiographique. Au cours du xixe siècle, les choses changent : ces publications s’adressent à un lectorat majoritairement catholique, plus sensible à la dimension historique des récits. Les cas étudiés montrent toutefois que ces écrits continuent de mélanger savamment le vrai et le faux.

L’ouvrage de L. Allegra est d’abord une proposition de méthode. Les lecteurs n’y trouveront pas un traitement systématique des accusations de déicide, de profanation de l’hostie, d’homicide rituel, pas plus que des analyses concernant la figure du Juif comme vendeur déloyal de produits d’occasion ou comme banquier exploitant avidement les finances et le sang des chrétiens ; le livre n’étudie pas non plus systématiquement les moyens de pression traditionnels mis en place par l’Église catholique pour limiter les motifs de contact entre chrétiens et Juifs et tenter de pousser ces derniers à la conversion – à l’instar des maisons de catéchumènes, des sermons forcés ou des restrictions liées entre autres à la vie dans les ghettos. L’enquête procède au contraire par études de cas apparemment isolées les unes des autres qui mettent en évidence des types textuels spécifiques. Chacune des micro-histoires présentées dans le livre permet de subsumer et d’explorer les principales formes de récit qui ont contribué à la diffusion des stéréotypes antijuifs en Italie. Ce procédé présuppose néanmoins une certaine familiarité avec le sujet pour s’orienter dans l’ouvrage – qui n’est d’ailleurs pas exempt de quelques coquilles. L’auteur ne revient pas, en effet, sur les formes de la présence juive dans la péninsule italienne, la ghettoïsation, les aspects économiques et sociaux de l’organisation des communautés juives, comme sur les relations entre Juifs et société environnante, autant de thèmes qu’il a traités jadis dans des études novatricesFootnote 3. Cette même méthode permet toutefois d’éviter de lire un simple catalogue de méfaits et d’accusations. Chaque histoire se voit restituée dans un contexte précis, où les Juifs sont des acteurs à part entière et non de simples victimes spectatrices de leur sort.

En passant au crible l’ensemble des sources, L. Allegra dévoile les toiles de fond et les objectifs principaux des différentes représentations des Juifs. Si les textes étudiés ont en commun la distorsion et le mélange du vrai et du faux, le dosage de ces éléments y est toujours spécifique, lié aux époques, aux contextes historico-géographiques de production (qu’il s’agisse de chansons ou de pamphlets), aux destinataires et aux buts visés. Le premier grand mérite du livre est donc de proposer une méthode d’enquête. Celle-ci permet de souligner que le faux fut l’un des instruments médiatiques privilégiés par le monde catholique pour se rapporter aux Juifs. En outre, elle ouvre la voie à des recherches futures : si l’approche micro-historienne permet de détailler les contextes et de dévoiler les mécanismes de propagande à l’œuvre, elle laisse ouverte la question de la quantification et de la représentativité (dans quelle mesure cet instrument était-il diffusé ?).

Un second trait fondamental du livre tient à la volonté de se concentrer sur un éventail de publications qu’on pourrait qualifier d’« ordinaires » et qui touchaient potentiellement un large spectre de la société catholique : des canards aux relations sur les œuvres d’assistance et de repentance des condamnés à mort menées par les confréries de la Miséricorde ou de la Bonne Mort (à l’instar de celle rédigée pour l’escroc Michele Calvo), en passant par les chansons et les fausses nouvelles des articles de journaux écrits pour alimenter le discrédit, la peur ou fomenter la haine contre les Juifs. L’auteur s’intéresse ici à un domaine volontiers délaissé par l’historiographie, qui s’est plus souvent appuyée sur les règlements ecclésiastiques, les textes savants, les parcours de convertis célèbres ou le fonctionnement des maisons de catéchumènes (auxquelles L. Allegra a d’ailleurs lui-même consacré par le passé des travaux fondamentaux à propos du cas turinoisFootnote 4). Le lien entre les écrits antijuifs et les autorités ecclésiastiques demeure souvent ténu dans le livre, quand il n’est pas tout simplement absent. L’hypothèse d’un lien entre les Jésuites et les libelles antijuifs, formulée au chapitre 2, reste par exemple à l’état de pure hypothèse, aussi intrigante et originale soit-elle. Le mérite de la démarche ne réside pas en effet dans l’identification d’une volonté explicite (difficile à attester au demeurant) des autorités ecclésiastiques, centrales ou périphériques, visant à encourager la flambée ou la recrudescence de violentes campagnes antijuives. Cette démarche permet en revanche de décrire la façon dont sont diffusées dans la société, parfois par capillarité, des images négatives des Juifs, accusés de perturber l’ensemble de l’ordre religieux, politique et social. En d’autres termes, l’ouvrage de L. Allegra défriche un champ de recherche largement inexploré, du moins à propos de la présence juive dans la péninsule italienneFootnote 5, qui ouvre un grand nombre de questions.

Lorsque l’auteur étudie les textes produits par les catholiques, mais destinés aux lecteurs juifs, en particulier aux rabbins (une audience certes réduite dans l’absolu, mais cruciale dans la vie et l’organisation des communautés), il y décèle des insinuations spécifiques qui visent un public bien plus large que celui des élites religieuses juives. Il interroge ainsi les différentes logiques qui sous-tendent l’utilisation de nouvelles manifestement erronées ou manipulées avec art. L’une des principales explications vient de l’idée que les communautés juives italiennes lisaient peu ou pas d’ouvrages d’histoire. Aussi la déformation de faits historiques à des fins prosélytes n’aurait-elle pas posé de problèmes théoriques majeurs aux rabbins à qui les ouvrages étaient d’abord destinés. Pour les catholiques, s’adresser aux rabbins signifiait s’adresser à un groupe considéré comme la pierre angulaire de l’identité collective et de la structuration du monde juif. Pour les autorités ecclésiastiques, convertir les rabbins visait à entraîner des conversions en cascade. Cette stratégie a eu peu de succès, chiffres en main : à Livourne, on compte seulement 0,03 % de convertis au sein de la population juive à l’époque moderne, pour 0,14 % à Rome, un chiffre plus élevé qui confirme la pression exercée au sein du ghetto dans la ville du pape (p. 188). Cet insuccès des opérations de conversion en dit long sur la faible connaissance que l’on avait alors de cette minorité religieuse.

References

1. Umberto Fortis, Immagini dell’ebreo nella letteratura italiana. Un excursus tra narrativa e teatro, sec. xiv-xix, Livourne, Belforte, 2021.

2. Shlomo Simonsohn, History of the Jews in the Duchy of Mantua, Jerusalem, Kiryath Sepher, 1977.

3. Luciano Allegra (dir.), Una lunga presenza. Studi sulla popolazione ebraica italiana, Turin, Silvio Zamorani, 2009 ; Luciano Allegra, La povertà degli ebrei. Voci dal ghetto, Turin, Silvio Zamorani, 2021.

4. Luciano Allegra, Identità in bilico. Il ghetto ebraico di Torino nel Settecento, Turin, Silvio Zamorani, 1996.

5. Sur la superposition de différents récits concernant la vie et le procès de Joseph Süss Oppenheimer (dit le « Juif Süss »), voir Yair Mintzker, The Many Deaths of Jew Süss: The Notorious Trial and Execution of an Eighteenth-Century Court Jew, Princeton, Princeton University Press, 2017.