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Indice du potentiel de participation sociale des Québécois âgés : cartographie des inégalités des zones métropolitaines, urbaines et rurales

IPPS : cartographie des inégalités

Published online by Cambridge University Press:  17 October 2023

Daniel Naud*
Affiliation:
Centre de recherche sur le vieillissement, Centre integre universitaire de sante et de services sociaux de l’Estrie – Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke, Sherbrooke, QC, Canada
Mélissa Généreux
Affiliation:
Mélissa Généreux, Département des sciences de la santé communautaire, Université de Sherbrooke, Sherbrooke, QC, Canada
Jean-François Bruneau
Affiliation:
Jean-François Bruneau, Centre interuniversitaire de recherche sur les réseaux d’entreprise, la logistique et le transport (CIRRELT), Université de Montréal, Montréal, QC, Canada
Mélanie Levasseur
Affiliation:
Centre de recherche sur le vieillissement, Centre integre universitaire de sante et de services sociaux de l’Estrie – Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke, Sherbrooke, QC, Canada
*
Corresponding author: Daniel Naud; Email: [email protected]
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Résumé

Afin de mieux comprendre la distribution géographique des facilitateurs et des obstacles à la participation sociale des Québécois âgés, cette étude visait à documenter l’Indice du potentiel de participation sociale (IPPS) selon les zones métropolitaines, urbaines et rurales. Des analyses de données secondaires, dont l’Enquête transversale sur la santé des collectivités canadiennes, ont permis de développer et de cartographier un indice composé de facteurs environnementaux associés à la participation sociale, pondérés par une analyse factorielle. En zones métropolitaines, l’IPPS était supérieur au centre qu’en périphérie, compte tenu d’une concentration accrue d’aînés et des transports. Bien qu’atténuée, la configuration était similaire en zones urbaines. En zone rurale, un IPPS élevé était associé à une concentration d’aînés et un accès aux ressources accru, sans configuration spatiale. Pour favoriser la participation sociale, l’IPPS soutient que les transports et l’accès aux ressources doivent respectivement être améliorés en périphérie des métropoles et en zone rurale.

Abstract

Abstract

To better understand the geographic distribution of facilitators of, and barriers to, social participation among older Quebecers, this study aimed to document the Social Participation Potential Index (SPPI; Indice du potentiel de participation sociale) in metropolitan, urban and rural areas. Secondary data analyses, including the Canadian Community Health Survey, were used to develop and map a composite index of environmental factors associated with social participation, weighted by factor analysis. In metropolitan areas, the SPPI was higher in the center than in the periphery, due to an increased concentration of seniors and transportation. Although reduced, the pattern was similar in urban areas. In rural areas, a higher SPPI was associated with an increased concentration of older adults and access to resources, showing no spatial pattern. To promote social participation, the SPPI suggests that transportation and access to resources must be improved in the periphery of metropolitan areas and in rural areas, respectively.

Type
Article
Copyright
© Canadian Association on Gerontology 2023

Introduction

La population québécoise vieillissante requiert de développer des interventions adaptées, efficaces et innovantes pour le maintien et l’amélioration de la santé et du bien-être, notamment en favorisant la participation sociale. Selon une étude de portée ayant analysé 54 définitions et enrichie par un examen critique impliquant des aînés, la participation sociale peut être définie comme « l’implication d’une personne dans des activités qui lui procurent des interactions avec les autres » (Levasseur, Richard, Gauvin et Raymond, Reference Levasseur, Richard, Gauvin and Raymond2010, p. 2146) « dans la vie communautaire et dans des milieux partagés et importants, évoluant selon le temps et les ressources disponibles et en fonction du contexte sociétal des individus et de ce qui est désiré et signifiant pour elle » (Levasseur et al., Reference Levasseur, Lussier-Therrien, Biron, Raymond, Castonguay and Naud2022, p. 8). Au Québec entre 2016 et 2066, la proportion des ménages privés incluant des personnes de 65 ans et plus devrait croître de 25,6 à 36,8 %, soit représenter plus d’un ménage sur trois (Payeur, Azeredo et Girard, Reference Payeur, Azeredo and Girard2019). Compte tenu du désir des Québécois de vieillir dans leur domicile, ces changements démographiques ont des conséquences signifiantes pour les individus, leurs communautés et les services sociaux et de santé (Gouvernement du Québec, 2018), notamment lors de la survenue d’incapacités. En effet, plusieurs aînés rapportent vivre avec des maladies chroniques et près de la moitié ont ou auront des incapacités (Institut canadien d’information sur la santé, 2011). Pourtant, les maladies chroniques et les incapacités peuvent être évitées ou retardées par des interventions ciblées sur les déterminants modifiables de la santé et d’un vieillissement actif, tels que la participation sociale (Levasseur et al., Reference Levasseur, Lefebvre, Levert, Lacasse-Bédard, Desrosiers and Therriault2016). S’accomplissant la plupart du temps dans la communauté, la participation sociale inclut ainsi des activités formelles, comme le bénévolat, ou informelles, lors de rencontres familiales ou avec des amis ou d’autres citoyens (dans les commerces, par exemple). La participation sociale implique aussi un développement personnel et social, et sa signification est fondée sur les intérêts de la personne et contribue à son identité. En fournissant des informations sur des opportunités d’activités, la participation sociale peut encourager des comportements sains (p. ex. : pratique d’activités physiques) et agir sur les émotions négatives (p. ex. : anxiété) ou positives (p. ex. : sentiment de contrôle). Une participation sociale accrue est associée à une meilleure indépendance fonctionnelle (Levasseur et al., Reference Levasseur, Gauvin, Richard, Kestens, Daniel and Payette2011), à une satisfaction élevée envers la vie (Ponce, Rosas et Lorca, Reference Ponce, Rosas and Lorca2014) et à une préservation des fonctions cognitives (Glei et al., Reference Glei, Landau, Goldman, Chuang, Rodriguez and Weinstein2005). Grâce aux apports psychologiques et au soutien social qu’elle engendre, la participation sociale pourrait aider à composer avec le déclin de la vie sociale et les problèmes de santé liés au vieillissement. Enfin, une méta-analyse de 28 études a montré que les personnes ayant une participation sociale supérieure ont une probabilité de survie accrue de 14% (Nyqvist, Pape, Pellfolk, Forsman et Wahlbeck, Reference Nyqvist, Pape, Pellfolk, Forsman and Wahlbeck2014). La participation sociale des aînés est d’ailleurs considérée comme l’une des principales recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS, 2016), une composante essentielle du capital social (Moore et Kawachi, Reference Moore and Kawachi2017) et une des dimensions essentielles des Villes amies des aînés (Plouffe et Kalache, Reference Plouffe and Kalache2010).

Afin de développer des environnements ayant un potentiel élevé de participation sociale, il importe de mieux susciter le sentiment d’appartenance envers la communauté et de réduire les inégalités sociales et de santé, et ce, pour l’ensemble des milieux de vie. Selon l’OMS (2016), les inégalités sociales et de santé proviennent des conditions de vie quotidienne, c.-à-d. d’un ensemble de caractéristiques de l’environnement physique et social agissant simultanément. Selon le Modèle de développement humain – Processus de production du handicap (MDH-PPH), la participation sociale est influencée par les facteurs personnels (les systèmes organiques et les capacités) et environnementaux (les grandes orientations sociales et le milieu de vie de la personne, c.-à-d. son domicile, ses proches et sa communauté; Fougeyrollas, Reference Fougeyrollas2021). Par ailleurs, comme l’illustre le Modèle écologique du vieillissement (Glass et Balfour, Reference Glass, Balfour, Kawachi and Berkman2003), des facilitateurs environnementaux (p. ex. : des horaires flexibles dans les commerces, des transports accessibles, la disponibilité et la diversité des ressources, les opportunités de participation et le soutien social) peuvent optimiser les capacités de la personne, comme la mobilité, ce qui permet une participation accrue. Lorsque les obstacles environnementaux (p. ex. : des services et infrastructures inaccessibles et la non-disponibilité des ressources) outrepassent les capacités de la personne, sa participation sociale est restreinte. L’accessibilité du quartier et le soutien du réseau social sont ainsi des éléments essentiels pour faciliter la participation des aînés, dont plusieurs de leurs activités dans la communauté (Lord, Reference Lord2011). Puisqu’ils impliquent des caractéristiques et des expériences différentes, les milieux de vie urbains et ruraux présentent des associations distinctes avec la participation sociale. Bien qu’il n’existe pas de consensus à ce sujet, une des définitions du milieu urbain repose à l’intersection de la densité et de la diversité : « le maximum de ‘choses sociales’ différentes dans le minimum d’étendue » (Lévy, Reference Lévy1999, p. 208). Le milieu rural se caractérise par une faible densité et taille de population, une distance relative aux centres urbains, et un sentiment d’appartenance accrue à la communautaire (Keating et Phillips, Reference Keating, Phillips and Dans2008), ainsi qu’une fragilité démographique et économique qui hypothèque leur développement et la qualité de vie des résidents (Simard, Reference Simard2020). L’urbain et le rural seraient deux pôles d’un même continuum (Jean, Reference Jean2011) et ont donné lieu à plus d’une douzaine de classifications des milieux de vie, selon des dimensions sociospatiales (densité, bâti, fonctions, etc.) ou socioculturelles (modes de vie, socialisation, rythme, etc.; Halfacree, Reference Halfacree1993). Parmi les plus utilisées, la typologie développée par Statistique Canada (2017) propose un continuum allant de la zone métropolitaine (une zone urbaine comptant au moins 100 000 habitants, auquel se sont greffées des municipalités contiguës) à la zone rurale (définie par ce qui n’est pas urbain). Dans une perspective gérontologique, Lord et collègues (Reference Lord, Negron-Poblete and Després2017) ont développé une typologie s’appuyant sur le bâti résidentiel, qui décrit la diversité de chaque zone (secteurs pavillonnaires vs tours d’habitation, par exemple, en zone métropolitaine).

Quelle que soit la typologie, on connaît peu les facteurs environnementaux associés avec la participation des aînés selon leur milieu de vie. Les Québécois âgés réaliseraient en moyenne un peu moins d’une activité sociale par jour (p. ex. : sortie avec la famille ou des amis, sport, activité culturelle, bénévolat) et aucune différence dans leur fréquence de participation sociale n’aurait été observée selon les zones géographiques (Levasseur et al., Reference Levasseur, Généreux, Bruneau, Vanasse, Chabot and Beaulac2015). Cette absence de différence a aussi été observée dans une autre étude, malgré des disparités géographiques en matière de revenus, d’accès aux transports, de services et de ressources, d’utilisation d’une automobile et du sentiment de sécurité (Therrien et Desrosiers, Reference Therrien and Desrosiers2010). Une étude à l’échelle canadienne a toutefois montré que la fréquence de participation sociale est supérieure dans les zones urbaines, comparativement aux zones métropolitaines (Naud, Généreux, Bruneau, Alauzet et Levasseur, Reference Naud, Hamel, Caron, Cardin, Roux and Levasseur2019).

S’appuyant sur la Classification internationale du fonctionnement (OMS, 2001), une recension élargie des écrits scientifiques (Levasseur et al., Reference Levasseur, Généreux, Bruneau, Vanasse, Chabot and Beaulac2015) a montré que les principaux indicateurs associés à la participation sociale provenaient de trois catégories : 1) l’environnement naturel et aux transformations humaines de l’environnement, 2) les produits et les technologies de l’aménagement du territoire et 3) les services, les systèmes et les politiques. Dans la catégorie environnement naturel et transformations humaines de l’environnement, une concentration d’aînés et une densité populationnelle supérieures seraient associées à une convivialité accrue à l’égard des aînés, selon des enquêtes menées auprès de municipalités pancanadiennes et manitobaines (Menec et al., Reference Menec, Hutton, Newall, Nowicki, Spina and Veselyuk2015). Selon les travaux de Putnam (Reference Putnam2001), appuyés par deux études canadiennes (Menec et al., Reference Menec, Hutton, Newall, Nowicki, Spina and Veselyuk2015; St-Pierre, Braverman, Dubois et Levasseur, Reference St-Pierre, Braverman, Dubois and Levasseur2022), une communauté présentant une proportion supérieure d’aînés serait plus conviviale et susceptible de disposer de services et de commerces adaptés à la population vieillissante, ce qui faciliterait leur participation sociale. La convivialité à l’égard des aînés était inférieure en zone rurale, notamment pour les opportunités de participation sociale dans les régions les plus éloignées d’une métropole (St-Pierre et al., Reference St-Pierre, Braverman, Dubois and Levasseur2022). En zone métropolitaine, la présence de cafés et de restaurants était importante pour créer des opportunités d’interactions entre aînés d’une même communauté, selon des entretiens menés auprès de résidents de Minneapolis (Finlay et Kobayashi, Reference Finlay and Kobayashi2018). Selon une étude britannique (n=994; Bowling, Reference Bowling2005) et comparativement à un quartier favorisé, les résidents âgés d’un quartier défavorisé socialement et matériellement seraient presque deux fois plus nombreux (27 contre 15 %) à signaler des obstacles (p. ex. : congestion, bruit, criminalité et présence de déchets) à leurs activités sociales, telles que la marche, la participation à des associations et le bénévolat.

Dans la catégorie des produits et les technologies de l’aménagement du territoire, des intersections mal adaptées peuvent générer de l’insécurité en ne laissant pas suffisamment de temps aux piétons pour traverser (Van Cauwenberg et al., Reference Van Cauwenberg, Clarys, De Bourdeaudhuij, Van Holle, Verté and De Witte2012) et aux automobilistes pour estimer la position et la vitesse des autres véhicules (Braitman, Kirley, Ferguson et Chaudhary, Reference Braitman, Kirley, Ferguson and Chaudhary2007). L’adaptation du domicile serait un autre facilitateur de la participation, et ce, selon plus de la moitié des 91 aînés (58,2 %) inscrits à un programme norvégien de réadaptation à domicile (Vik, Lilja et Nygård, Reference Vik, Lilja and Nygård2007). D’après quatre Suédois âgés de 39 à 75 ans, cette adaptation domiciliaire permettait de compenser le déclin de leurs capacités fonctionnelles, de conserver leurs rôles sociaux et leurs activités signifiantes, de demeurer dans leur domicile et de prendre part à la société (Pettersson, Löfqvist et Malmgren Fänge, Reference Pettersson, Löfqvist and Malmgren Fänge2012). Enfin, la catégorie des services, des systèmes et des politiques vise à favoriser la mobilité, notamment par des infrastructures de transport. Par exemple, les opportunités de participation sociale déclinent habituellement en zones rurales (St-Pierre et al., Reference St-Pierre, Braverman, Dubois and Levasseur2022) mais peuvent être compensées par l’accès aux municipalités voisines grâce à la conduite automobile (Lord, Negron-Poblete et Després, Reference Lord, Negron-Poblete and Després2017). Lorsqu’ils cessent de conduire et que les services de transports sont inadéquats ou absents, les aînés sont néanmoins à risque d’isolement (Weeks, Stadnyk, Begley et MacDonald, Reference Weeks, Stadnyk, Begley and MacDonald2015).

Pour favoriser la participation sociale, il est essentiel de mieux comprendre globalement ses associations avec les facteurs environnementaux, et ce, selon les zones géographiques. Une meilleure compréhension de ces facteurs permettrait d’identifier le potentiel de participation sociale des milieux, ce qui guiderait l’évaluation des inégalités des ressources ou des opportunités de participer. Ce potentiel de participation sociale n’est pas le reflet des activités sociales réellement réalisées par une ou plusieurs personnes, mais plutôt des facilitateurs et des obstacles dans l’environnement. En présence de facilitateurs tels des mesures inclusives, des opportunités abordables et une meilleure accessibilité aux ressources de proximité, un milieu de vie aurait ainsi un meilleur potentiel de participation sociale. La prise en compte d’un ensemble de caractéristiques environnementales, plutôt que des facteurs isolés, permettrait de mieux comprendre ce qui engendre les inégalités de participation sociale. Un ensemble de caractéristiques peut être représenté sous la forme d’un indice composite, c.-à-d. une synthèse de l’ensemble des composantes d’un système complexe, et ce, pour faciliter une compréhension holistique (Nardo, Saisana, Saltelli et Tarantola, Reference Nardo, Saisana, Saltelli and Tarantola2005). Cartographier un tel indice selon les zones géographiques en utilisant des données secondaires déjà accessibles par l’entremise de diverses banques, dont la couverture territoriale est presque totale, assurerait une perspective originale sur les configurations spatiales (p. ex. : entre centre et périphérie). D’autres indices composites sont utilisés au Canada, par exemple, afin d’estimer la défavorisation matérielle (p. ex. : revenu moyen moindre et proportions des personnes ayant une scolarité inférieure et n’occupant pas un emploi) et la défavorisation sociale à l’échelle de quartiers (p. ex. : proportions des personnes vivant seules, monoparentales et séparées, divorcées ou veuves; Pampalon et al., Reference Pampalon, Hamel, Gamache, Philibert, Raymond and Simpson2012). Ces indices de défavorisation permettent aussi de vérifier leurs associations avec la santé et de mieux cibler les interventions selon les zones géographiques. Un autre exemple est l’Indice du développement humain (IDH; Klugman, Rodríguez et Choi, Reference Klugman, Rodríguez and Choi2011), une alternative au produit intérieur brut dans l’évaluation du développement à l’échelle nationale, agrégeant des indicateurs d’espérance de vie, d’éducation et de revenu.

À notre connaissance, il n’existe toutefois pas d’indice permettant d’estimer le potentiel de participation sociale. Identifier les caractéristiques environnementales qui facilitent et font obstacle à la participation est essentiel pour déterminer les ressources à maintenir ou améliorer, notamment pour réduire les inégalités sociales et de santé. De plus, bien qu’ils diffèrent selon le contexte, la plupart des indices environnementaux associés à la santé sont généralement appliqués sans distinction à la zone géographique (Rugel et al., Reference Rugel, Chow, Corsi, Hystad, Rangarajan and Yusuf2022), ce qui engendre des estimations non contextualisées. Puisque les caractéristiques environnementales associées à la participation sociale sont nombreuses et peuvent parfois différer d’une zone géographique à l’autre, les synthétiser selon le milieu de vie permet de créer des indices composites qui reflètent leurs facilitateurs et leurs obstacles respectifs. Contrairement à d’autres indices composites visant la comparaison et le classement (p. ex. : IDH), le développement d’un indice à l’échelle du quartier et selon la zone géographique appuierait éventuellement la prise de décision et sensibiliserait les décideurs sur les caractéristiques à optimiser pour accroître le potentiel de participation sociale. Cette étude avait pour but de développer un Indice du potentiel de participation sociale (IPPS) à l’échelle des quartiers. Plus précisément, l’objectif de l’étude visait à documenter l’IPPS selon les zones géographiques métropolitaines, urbaines et rurales.

Méthodologie

Dispositif

Afin de développer l’IPPS, plusieurs étapes ont été réalisées (Figure 1). Une recension systématique des écrits (Levasseur et al., Reference Levasseur, Généreux, Bruneau, Vanasse, Chabot and Beaulac2015) mise à jour (Naud et al., Reference Naud, Généreux, Bruneau, Alauzet and Levasseur2019) a d’abord permis d’identifier les variables environnementales associées à la participation sociale de la population vieillissante. Les variables recensées ont ensuite guidé les analyses de données secondaires impliquant de multiples sources (Figure 1). Pour l’Enquête transversale sur la santé des collectivités canadiennes – Vieillissement en santé, de 2008–09 (ESCC-VS; Statistique Canada, 2009), seuls les répondants âgés de 65 ans et plus habitant au Québec (n=2 737) ont été sélectionnés pour la présente étude. Bien que l’ESCC soit une enquête annuelle, l’année 2008–09 a été retenue, puisqu’elle portait spécifiquement sur la population vieillissante (45 ans et plus) et qu’il s’agit de la seule ayant un volet sur la participation sociale. Cette enquête excluait les résidents des réserves et peuplements autochtones et les membres à temps plein des Forces canadiennes et, puisque seules les données du questionnaire abrégé ont été recueillies pour ces participants, les personnes vivant en établissement ou dans des logements collectifs. Afin de mieux refléter le contexte environnemental des participants, les données environnementales ont été ciblés en s’appuyant sur une recension élargie des écrits scientifiques (Levasseur et al., Reference Levasseur, Généreux, Bruneau, Vanasse, Chabot and Beaulac2015) basée sur la Classification internationale du fonctionnement (OMS, 2001) et proviennent de six sources (Figure 1 et Tableau 1) sélectionnées le plus près possible temporellement de la période de collecte de l’ESCC-VS.

Tableau 1. Caractéristiques environnementales

AD: Aire de diffusion; SDR: Subdivision de recensement; OT: Organisation de transport.

1. Société d’habitation du Québec (2008); 2. DMTI Enhanced Points of Interest (2010); 3. Recensement canadien (2006); 4. Institut national de santé publique du Québec (2011); 5. QPPS (2016); 6. Statistique Canada (2022).

a Mesurée à l’échelle la plus fine.

Figure 1. Résumé de la méthode et des étapes préalables.

Premièrement, la suite Desktop Mapping Technologies Inc. (DMTI) Enhanced points of interest (DMTI Spatial Inc, 2010) a permis d’extraire les points d’intérêt, c.-à-d. les ressources de loisirs, les commerces et les magasins, et les services de santé et de soins personnels. Deuxièmement, la Société d’habitation du Québec (SHQ) a fourni les données sur les adaptations domiciliaires. Troisièmement, le recensement canadien de 2006 (Statistique Canada, 2006) a permis d’obtenir les effectifs de population par groupe d’âge, malgré la disponibilité de l’Enquête nationale sur les ménages de 2011, puisque la transition vers une enquête volontaire avait été critiqué pour des analyses sur de petites aires de diffusion (Institut de la statistique du Québec, 2013). Quatrièmement, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ, 2019) a fourni les indices de défavorisation matérielle et sociale. Cinquièmement, Statistique Canada (2022) donne accès au Réseau routier national, un fichier qui rend compte des segments routiers et des jonctions, utilisé pour mesurer la connectivité du réseau routier d’une municipalité. Sixièmement, l’absence de données sur le transport en commun régulier et adapté a incité à mener une enquête originale. Les 164 organisations de transport public régulier et adapté ont été invitées à remplir un Questionnaire sur le potentiel de participation sociale (QPPS) bilingue en ligne, comprenant 46 questions organisées en cinq sections : 1) caractéristiques sociodémographiques des répondants, 2) transport en commun régulier, 3) transport adapté, 4) métro et 5) train de banlieue (Levasseur, Naud, Routhier et Bruneau, Reference Levasseur, Naud, Routhier and Bruneau2020). Les questions concernaient les arrêts d’autobus ou les stations de métro, l’accès à l’autobus et au métro, les kilomètres parcourus, les tarifs réduits pour les personnes âgées et la taille de la flotte de véhicules. Validé par cinq experts et prétesté par un organisme de transport en commun, le questionnaire présente une bonne validité apparente et de contenu, en plus d’une cohérence interne adéquate (α=0,77 et α=0,75, respectivement pour le transport régulier et adapté). Enfin, diverses données (p. ex. : jours d’opération, nombre de véhicules adaptés, kilomètres parcourus et achalandage en une année) ont aussi été extraites : 1) du répertoire statistique sur le transport adapté du ministère des Transports du Québec (MTQ, 2015) et 2) des rapports d’activités des organismes de transport n’ayant pas répondu au QPPS. La présente étude a été approuvée par le Comité d’éthique et de la recherche du CIUSSS de l’Estrie-CHUS (#2015-465).

Variables et mesures

Afin de calculer le potentiel de participation sociale, les indicateurs environnementaux retenus consistaient en points d’intérêt (c.-à-d. les destinations possibles), adaptations domiciliaires, concentration de la population aînée, indices de défavorisation matérielle et sociale, intersections routières et transport adapté. La participation sociale a d’abord été estimée par la somme du nombre autorapporté d’activités réalisées mensuellement avec d’autres personnes selon huit catégories (Figure 1; Richard et al., Reference Richard, Gauvin, Kestens, Shatenstein, Payette and Daniel2013). La cohérence de l’échelle était satisfaisante (α = 0,72).

Les variables environnementales ont été sélectionnées par une recherche (Levasseur, Naud, Bruneau et Généreux, Reference Levasseur, Naud, Bruneau and Généreux2020) ayant vérifiée leur association avec la participation sociale des Québécois âgés de 65 ans et plus, selon la zone métropolitaine, urbaine ou rurale. Pour la construction de l’IPPS, seules les variables associées significativement à la participation sociale ont été retenues, groupées selon les catégories de la Classification internationale du fonctionnement (OMS, 2001; Tableau 1). Tirés de DMTI, les points d’intérêt ont été extraits en utilisant la Standard Industrial Classification (SIC) à quatre chiffres. Lorsqu’aucun code SIC était disponible pour une catégorie spécifique (p. ex. : centres culturels), une liste de mots-clés a été interrogée. Les ressources et services ont été testés individuellement et selon les regroupements suivants : ressources de loisir (c.-à-d. centres sportifs, centres culturels, bibliothèques et jardins communautaires), commerces et magasins (c.-à-d. grandes surfaces, pharmacies, quincailleries, dépanneurs, banques, stations-service, bureaux de poste et hôtels) et les cliniques médicales. La SHQ a compilé le nombre d’aides financières versées pour les adaptations domiciliaires, pour l’année 2008, selon la municipalité des bénéficiaires. Le programme d’adaptation de domicile de la SHQ fournit une aide financière pour faciliter l’adaptation du logement (p. ex. : rampe d’accès, barres d’appui), pour permettre à la personne ayant une incapacité d’accomplir sans obstacle ses activités courantes (SHQ, 2022). Les effectifs de population par groupe d’âge du recensement canadien de 2006 (Statistique Canada, 2006) ont permis de mesurer la concentration de la population aînée au sein d’une municipalité, c.-à-d. le pourcentage des résidents de 65 ans et plus qui habitent un quartier, par rapport à la municipalité. Fournis par l’INSPQ (2019), les indices de défavorisation matérielle et sociale sont respectivement des synthèses : 1) d’indicateurs d’éducation, de revenu et d’emploi et 2) de la proportion de personnes vivant seules, de personnes séparées, divorcées ou veuves et de familles monoparentales (Pampalon et al., Reference Pampalon, Hamel, Gamache, Philibert, Raymond and Simpson2012). La défavorisation matérielle reflète l’accès aux ressources telles que le logement et le transport, tandis que la défavorisation sociale représente un réseau social plus faible, tant au niveau familial que communautaire. À partir du Réseau routier national (Statistique Canada, 2022), la connectivité d’une municipalité est mesurée par le nombre d’intersections par km2 (en 2012), en excluant les intersections autoroutières, les entrées et sorties des autoroutes et les intersections de moins de trois segments routiers (Robitaille, Comtois et Lasnier, Reference Robitaille, Comtois and Lasnier2011). Enfin, des indicateurs sur le transport adapté ont été considérés. Le transport adapté se distingue du transport en commun régulier par un service porte-à-porte, flexible, recourant à des minibus ou des taxis et nécessitant une réservation et une éligibilité (handicap ou restrictions de mobilité qui empêchent la personne d’utiliser le transport en commun régulier; MTQ, 2003). La taille de la flotte a été normalisée par la population aînée d’une municipalité et la distance parcourue, par les kilomètres de routes totales dans une municipalité.

Lorsque possible, les variables indépendantes ont été collectées à l’échelle de l’aire de diffusion (AD). Recensant généralement entre 400 à 700 habitants, l’AD est la plus petite unité spatiale pour laquelle les données de recensement sont disponibles publiquement (Statistique Canada, 2010). Afin de calculer l’IPPS à la plus petite échelle possible, les données uniquement disponibles à l’échelle de la subdivision de recensement (SDR; correspondant aux frontières municipales) ont été transposées à l’échelle des AD. Selon leur SDR respective, les AD ont été classées en quatre zones géographiques : 1) les grandes zones métropolitaines de recensement (RMR; > 2M habitants); 2) les autres zones métropolitaines (100k – < 2M habitants); 3) les zones urbaines (agglomérations de recensement; 10k – < 100k habitants)); et 4) les zones rurales (< 10k habitants).

Analyses statistiques

Afin de refléter leur importance relative et considérant qu’il s’agit d’un premier projet visant le développement d’un tel indice, une pondération non constante a été attribuée aux variables à l’aide d’une analyse factorielle (Figure 1). Assigner un poids égal à toutes les variables ne prendrait pas en compte leur contribution relative au potentiel de participation, et pourrait amplifier leur contribution au score final, si au moins deux variables sont corrélées entre elles (Decancq et Lugo, Reference Decancq and Lugo2013). À l’inverse, les facteurs obtenus avec l’analyse factorielle sont non corrélés et le poids de chaque variable est proportionnel à sa contribution à la variance totale de l’ensemble des variables incluses dans l’analyse (Nardo et al., Reference Nardo, Saisana, Saltelli and Tarantola2005). L’utilisation de l’analyse factorielle sous-tend que plus la variance d’une variable est grande, plus elle exercerait une influence sur la variance du potentiel de participation sociale. Les étapes de pondération d’une variable sont les suivantes : 1) retenir les facteurs dont la valeur propre est supérieure à celle obtenue par une analyse parallèle aléatoire (Hayton, Allen et Scarpello, Reference Hayton, Allen and Scarpello2004); 2) faire pivoter les facteurs selon la méthode Varimax; 3) calculer le carré du coefficient de saturation (factor loading) de la variable afin de n’avoir que des poids positifs; 4) diviser ce carré par la somme des carrés des coefficients de saturation du facteur (pour que la somme des poids soit égale à un); et, s’il y a plus d’un facteur retenu, 5) multiplier le carré du coefficient de saturation par la proportion de la variance du facteur (Sharpe et Andrews, Reference Sharpe and Andrews2012). Enfin, les poids mesurés par l’analyse factorielle sont appliqués aux variables. Les variables pondérées ont été synthétisées par la moyenne géométrique (c.-à-d. la racine nième du produit des valeurs) qui réduit l’effet de substituabilité en accordant aux valeurs fortes une importance moindre que la moyenne arithmétique (Nardo et al., Reference Nardo, Saisana, Saltelli and Tarantola2005). En conséquence, le faible score d’une variable n’est pas compensé par le score élevé d’une autre. Cette agrégation a eu lieu en trois étapes : 1) les variables pondérées ont d’abord été transformées selon la méthode minimum-maximum, avec un intervalle de zéro à un (Figure 1); 2) afin de considérer les valeurs égales à zéro, la valeur « un » a été ajoutée à toutes les observations, puis soustraite après le calcul de la moyenne géométrique; 3) pour faciliter leur interprétation, les variables associées négativement à la participation ont été inversées (p. ex. : la densité des intersections, dans les autres zones métropolitaines) – un score supérieur à l’ensemble des variables est ainsi associé à une participation sociale élevée. Les moyennes géométriques ont ensuite été rapportées sur une échelle de 0 [potentiel nul] à 100 [potentiel maximal] (Figure 1) de manière à obtenir l’IPPS. Puisque l’IPPS n’est pas composé des mêmes variables, la comparaison des zones géographiques n’est pas recommandée. Pour documenter l’IPPS, les variables ont d’abord été décrites à l’aide de moyennes et d’écarts-types, selon la zone géographique et pour la province. Ces moyennes ont ensuite été comparées à l’aide d’ANOVA, suivie de comparaisons pairées ajustées selon la correction Bonferroni (α=0,002). Les valeurs standardisées de l’IPPS ont été cartographiées par zone géographique selon leur déviation de la moyenne. Par souci de clarté visuelle et d’interprétation, le nom des municipalités régionales de comté, plutôt que celui des municipalités, a été identifié sur la carte. L’autocorrélation spatiale, c.-à-d. la similitude des observations en fonction de leur proximité spatiale, a été mesurée avec l’indice de Moran (I) et pondérée par l’inverse de la distance euclidienne (Longley, Goodchild, Maguire et Rhind, Reference Longley, Goodchild, Maguire and Rhind2005). Le I prend une valeur entre -1, représentant une dissimilarité des unités spatiales, ou et +1, c.-à-d. leur similarité. Pour chaque zone géographique, la distance maximale pour inclure les unités spatiales dans la mesure de l’autocorrélation a été déterminée par un calcul successif du I, par tranche de 1 000 mètres, en retenant la distance pour laquelle l’autocorrélation était la plus significative (la valeur-z la plus élevée). De plus, le calcul de la matrice de pondération par l’inverse de la distance euclidienne et par tranche de 1 000 mètres permet de vérifier que chaque unité spatiale possède au moins un voisin et d’éviter un biais qui tende vers la valeur de zéro. L’utilisation de la méthode des plus proches voisins aurait été inappropriée pour les municipalités insulaires, en ne considérant pas comme voisines des municipalités sur des rives opposées (p. ex. : Laval et la rive-nord). Des tests-z ont permis de comparer les I entre les zones géographiques. Les analyses statistiques et spatiales ont été respectivement réalisées à l’aide de Stata 15.1 et ArcMap 10.2.2.

Résultats

Au Québec en 2006, la moitié (46,0 %) des 13 408 AD était dans les grandes zones métropolitaines, le cinquième (18,2 %) dans les autres zones métropolitaines, un dixième (12,7 %) dans les zones urbaines et le cinquième (23,1 %) en zone rurale (résultats non présentés). Une distribution similaire était observée pour les 1 089 120 Québécois âgés de 65 ans ou plus : près de la moitié (45,9 %) habitait une grande zone métropolitaine, approximativement le cinquième (19,1 %) une autre zone métropolitaine, un peu plus du dixième (12,8 %) une zone urbaine et environ le cinquième (22,1 %) une zone rurale. La concentration moyenne des aînés était nettement supérieure dans les zones rurales que métropolitaines et urbaines (Tableau 2). La distance parcourue par le transport adapté était supérieure dans les zones urbaines et inférieure en zones rurales. Le nombre de véhicules adaptés oscillait entre un et deux véhicules par mille aînés respectivement dans les zones rurales et métropolitaines. La densité des intersections et des ressources et des services était sept fois supérieure dans les grandes zones métropolitaines que rurales, sauf pour les cliniques et les grandes surfaces. La défavorisation sociale et la densité des bibliothèques étaient similaires dans toutes les zones géographiques (Tableau 2).

Tableau 2. Description des aires de diffusion, selon la zone géographique

1. Calculée avec une ANOVA entre les quatre milieux; 2. Manquant; TA: Transport adapté.

Les milieux de vie qui ont une lettre en commun ne sont pas significativement différents (p>0.01).

Dans les grandes zones métropolitaines, l’IPPS était composé de deux facteurs composés de deux et trois caractéristiques, respectivement: 1) une concentration de la population aînée (37,0 % de la pondération totale; Tableau 3) et une distance parcourue en transport adapté par km de routes (29,4 %), et 2) une densité des adaptations domiciliaires (22,9 %), des salons de coiffure (10,2 %) et des cliniques médicales (0,5 %). Dans les autres zones métropolitaines, l’IPPS synthétisait le nombre de véhicules adaptés par 1 000 résidents de 65 ans et plus et une densité des intersections, pondérés de manière égale. Dans les zones urbaines, trois variables étaient synthétisées : une défavorisation sociale (52,9 %), le nombre de véhicules adaptés par 1 000 résidents de 65 ans et plus (28,1 %) et une densité des magasins (19,1 %). Dans les zones rurales, l’IPPS comprenait deux facteurs, chacun composé de deux caractéristiques : 1) une densité des bibliothèques (32,0 %) et des ressources de loisirs (29,8 %), et 2) une concentration de la population aînée (19,9 %) et une densité des grandes surfaces (18,3 %; Tableau 3).

Tableau 3. Analyse factorielle et pondération des variables

1 Coefficient de saturation;

2 Coefficient normalisé au carré;

3 Relatif à la variance expliquée

Dans les grandes zones métropolitaines, l’IPPS était fortement autocorrélé (Tableau 4), c.-à-d. que les valeurs de l’IPPS dans les unités spatiales proches les unes des autres se ressemblaient davantage que dans les plus éloignées. Un IPPS supérieur s’observait dans la partie centrale de l’île de Montréal et à Laval, tandis qu’il était inférieur dans les couronnes (Figure 2). Dans les couronnes, quelques quartiers présentaient un potentiel de participation sociale supérieur, dont la population est généralement concentrée dans un secteur restreint, le reste étant à dominance agricole. L’IPPS était aussi autocorrélé dans les autres zones métropolitaines (Tableau 4) et, similairement aux grandes zones métropolitaines, les quartiers centraux présentaient un potentiel supérieur aux quartiers périphériques (Figure 3), tel qu’observé dans les régions du Saguenay, de la Mauricie, de Gatineau, de Québec et de Sherbrooke. L’autocorrélation était plus faible dans les zones urbaines (Tableau 4) et, bien que la configuration spatiale était généralement similaire aux zones métropolitaines, certaines municipalités (p. ex. : Granby, Victoriaville, Saint-Georges, Rimouski et Rivière-du-Loup) présentaient une première couronne ayant un potentiel de participation sociale inférieur au centre, mais qui s’accroissait progressivement dans la périphérie (Figure 4). Enfin, en zone rurale, la distribution spatiale de l’IPPS (Tableau 4) était aléatoire. Outre une couronne rurale ayant un potentiel inférieur entourant la région de Montréal, la cartographie ne présente pas de configuration particulière (Figure 5).

Tableau 4. Description de l’IPPS, selon la zone géographique

AD : Aire de diffusion; N/A : non disponible.

Figure 2. Indice du potentiel de participation sociale des grandes métropoles (calculé à l’échelle des aires de diffusion).

Figure 3. Indice du potentiel de participation sociale des autres métropoles (calculé à l’échelle des aires de diffusion).

Figure 4. Indice du potentiel de participation sociale des centres urbains (calculé à l’échelle des aires de diffusion).

Figure 5. Indice du potentiel de participation sociale des régions rurales (calculé à l’échelle des aires de diffusion).

Discussion

La présente étude visait à développer l’IPPS, puis de le documenter selon les zones géographiques métropolitaines, urbaines et rurales. L’IPPS est une cartographie du potentiel de participation sociale de l’environnement en soutien à la décision couvrant la totalité des municipalités québécoises, et souligne l’importance d’un aménagement convivial pour les populations vieillissantes. Dans les grandes zones métropolitaines, une concentration accrue de la population âgée, une distance élevée parcourue par le transport adapté, le financement d’adaptations domiciliaires et une densité supérieure de salon de coiffure et inférieure de cliniques médicales contribuaient à un meilleur potentiel de participation. Une offre supérieure de véhicules adaptés facilitait la participation dans les autres zones métropolitaines et urbaines. Plus spécifiquement, un potentiel supérieur dans les autres zones métropolitaines était associé à une densité inférieure d’intersections et, dans les zones urbaines, à une densité accrue de magasins et une faible défavorisation sociale. En zone rurale, une concentration accrue de la population âgée, une densité élevée des ressources de loisir et des grandes surfaces et une densité inférieure des bibliothèques contribuaient à un IPPS élevé. Dans les zones métropolitaines et urbaines, la configuration spatiale du potentiel distinguait les municipalités centrales et périphériques, où l’IPPS était inférieur, tandis que le potentiel était distribué aléatoirement dans les zones rurales. Contrairement à d’autres indices (p. ex. : défavorisation matérielle et sociale), l’IPPS reflète des facilitateurs et des obstacles associés à la participation sociale qui sont parfois uniques à chaque zone géographique. De plus, les configurations spatiales observées suggèrent qu’il existe, en zones métropolitaines et rurales, une diversité d’aménagements du territoire qui présentent des défis qui leur sont propres. Enfin, certains indicateurs peuvent être nuancés quant à la direction ou l’intensité de leur association avec la participation sociale, dont la densité des intersections.

L’IPPS présente des configurations spatiales qui révèlent une diversité des aménagements du territoire, notamment au sein des zones métropolitaines et rurales. Bien que l’IPPS puisse suggérer des défis propres à chaque zone géographique, il ne fait pas état de l’exhaustivité des associations entre les caractéristiques environnementales et le potentiel de participation sociale des aînés québécois. Selon la typologie de Lord et collègues (Reference Lord, Negron-Poblete and Després2017), il existe une diversité des milieux de vie à l’intérieur d’une même zone géographique. Les zones métropolitaines comprennent des secteurs pavillonnaires, mixtes ou composés de tours d’habitation et, hors des métropoles, des secteurs ruraux, mixtes, de villégiatures et des cœurs de village. Ces secteurs présentent chacun des défis relatifs à la participation sociale qui leur sont propres. Dans la présente étude, par exemple, un potentiel inférieur de participation a d’ailleurs été observé dans la périphérie des zones métropolitaines, mais pourrait être compensé par un meilleur accès à l’automobile pour profiter des opportunités offertes dans les municipalités avoisinantes (Lord et al., Reference Lord, Negron-Poblete and Després2017).

L’association entre la participation sociale et certains facilitateurs ou obstacles environnementaux inclus dans l’IPPS nécessite d’être nuancée, notamment à l’aide de données plus détaillées, d’études qualitatives ou de mesures subjectives. La prise en compte d’autres caractéristiques des intersections routières peut influencer la mobilité des aînés : par exemple, la présence d’une signalisation piétonne aux feux de circulation facilite la mobilité des piétons plus craintifs (Lord, Cloutier, Garnier et Christoforou, Reference Lord, Cloutier, Garnier and Christoforou2018) et une densité plus faible d’intersections peut réduire la connectivité d’une communauté et complexifier les déplacements vers les destinations souhaitées (Lord et al., Reference Lord, Negron-Poblete and Després2017). Dans la présente étude, une participation sociale inférieure était associée à une densité supérieure de cliniques médicales et de bibliothèques, respectivement dans les grandes zones métropolitaines et les zones rurales. L’association de ces ressources avec la participation pourrait être nuancée par une exploration plus détaillée de la convivialité de ces quartiers. Enfin, des études québécoise et britannique ont montré que les mesures objectives et subjectives de l’environnement mesuraient des aspects différents et contribuent indépendamment à la participation sociale (Bowling et Stafford, Reference Bowling and Stafford2007; Richard et al., Reference Richard, Gauvin, Kestens, Shatenstein, Payette and Daniel2013). L’évaluation subjective des caractéristiques du quartier est commune dans les écrits (deux tiers des mesures identifiées dans une recension systématique étaient subjectives; Levasseur et al., Reference Levasseur, Généreux, Bruneau, Vanasse, Chabot and Beaulac2015) et permet de considérer la perception que se font les aînés de leur environnement (p. ex. : vandalisme, sentiment de sécurité, voisinage). Les mesures objectives faciliteraient néanmoins la définition des interventions environnementales qui visent la promotion de la santé (Lin et Moudon, Reference Lin and Moudon2010).

Retombées pratiques et scientifiques

Le développement et la documentation de l’IPPS sont des étapes nécessaires afin d’informer et de sensibiliser les décideurs sur les inégalités sociales et de santé tel que le potentiel de participation sociale. L’IPPS a mis en évidence des enjeux du vieillissement de la population québécoise propres à chaque zone géographique, notamment sur l’accès au transport adapté et aux ressources de proximité. Puisque l’IPPS montre que la densité des ressources de loisirs et des commerces est distribuée inégalement, optimiser l’accès au transport peut être essentiel en milieu rural afin de pallier les lacunes des municipalités. En effet, les résidents aînés des zones rurales doivent souvent couvrir des distances de plus d’une heure de voiture pour avoir accès à ces ressources (Lord et al., Reference Lord, Negron-Poblete and Després2017). La collaboration intermunicipale et régionale devrait être envisagée pour planifier des infrastructures et des réseaux de transport, mais aussi pour obtenir des fonds de développement (Spina et Menec, Reference Spina and Menec2015).

Le présent article met aussi de l’avant l’importance de mieux documenter les caractéristiques modifiables de l’environnement. L’analyse d’un indice composé de variables objectives, en parallèle avec des mesures subjectives pourrait permettre de mieux prendre en compte la complexité des enjeux de la participation sociale des aînés. Enfin, le développement et la documentation de l’IPPS faciliteront éventuellement l’identification des données secondaires les plus pertinentes pour trouver un équilibre entre la facilité d’application, la comparaison interzonale, la complexité des calculs d’un tel indice et la réalisation de son suivi temporel.

Forces et limites

À titre d’outil unique, tant au Québec qu’ailleurs, l’IPPS a été développé afin d’informer la prise de décision. L’indice composite synthétise un phénomène multidimensionnel et son interprétation est facilitée par une cartographie qui couvre la totalité du territoire. En ne limitant pas le développement de l’IPPS à des zones résidentielles, l’IPPS reconnaît que des quartiers peu populeux peuvent aussi offrir un potentiel élevé de participation sociale. L’utilisation d’une typologie simple et reconnue du continuum rural-urbain facilite sa compréhension par un public non scientifique. Alors que plusieurs villes ont adopté ou adopteront une politique encourageant la participation des aînés, il est important que les caractéristiques modifiables qui la facilitent soient bien reconnues. L’IPPS comprend néanmoins des limites. Des aspects qualitatifs propres aux municipalités ne sont pas pris en compte (p. ex. : les politiques de soutien aux aînés). Dans une perspective d’interventions environnementales, seules des variables populationnelles ont été mesurées, bien que des variables subjectives soient associées à la participation (Naud, Hamel, et al., Reference Naud, Hamel, Caron, Cardin, Roux and Levasseur2019). Des études qui répliqueraient l’IPPS avec des données plus récentes (p. ex. : le recensement de 2016 et les points d’intérêt de 2021) permettraient de valider les résultats du présent article. L’application d’une typologie plus exhaustive des milieux (p. ex. : Lord et al., Reference Lord, Negron-Poblete and Després2017, ou le recourt aux zones d’influence métropolitaine) aurait permis de révéler des enjeux intrarégionaux susceptibles d’être abordés, mais aurait réduit la puissance statistique des modèles de la participation sociale. La mesure des variables était limitée aux frontières municipales, mais il est plausible que des ressources régionales aient un impact sur le potentiel de participation (comme en région rurale où on se déplace davantage qu’en zone urbaine). Enfin, les tests de multicolinéarité réalisés lors de la régression de la participation sociale sur les caractéristiques environnementales (Levasseur, Naud, Bruneau et Généreux, Reference Levasseur, Naud, Bruneau and Généreux2020) ont pu mener à l’abandon de variables colinéaires, les excluant de l’IPPS.

Conclusion

La présente étude visait à développer l’IPPS, un indice composite mesuré à l’échelle des quartiers et de le documenter, selon la zone métropolitaine, urbaine ou rurale. Les caractéristiques propres aux différentes zones géographiques suggèrent que la promotion de la participation sociale des aînés doit être réalisée à une échelle locale, sinon régionale. Le transport adapté, dans les zones métropolitaines et urbaines, et la concentration de la population âgée, dans les grandes zones métropolitaines particulièrement, contribuaient au potentiel de participation et généraient un clivage entre le centre et la périphérie. Dans les zones rurales, la densité des ressources de loisir et des commerces suggérait l’importance de l’accès aux ressources de proximité. Afin d’encourager le vieillissement dans sa communauté, l’environnement local doit être optimisé pour faciliter la participation sociale. Les inégalités dans la distribution du potentiel de participation sociale suggèrent que des interventions innovantes pourraient être explorées, notamment en matière de transport et d’accès aux ressources. Enfin, les développements futurs de ce projet porteront sur la validation de l’IPPS, la comparaison de différentes typologies géographiques et l’identification d’un équilibre entre l’application de l’indice, la pondération des indicateurs et le suivi temporel.

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Figure 0

Tableau 1. Caractéristiques environnementales

Figure 1

Figure 1. Résumé de la méthode et des étapes préalables.

Figure 2

Tableau 2. Description des aires de diffusion, selon la zone géographique

Figure 3

Tableau 3. Analyse factorielle et pondération des variables

Figure 4

Tableau 4. Description de l’IPPS, selon la zone géographique

Figure 5

Figure 2. Indice du potentiel de participation sociale des grandes métropoles (calculé à l’échelle des aires de diffusion).

Figure 6

Figure 3. Indice du potentiel de participation sociale des autres métropoles (calculé à l’échelle des aires de diffusion).

Figure 7

Figure 4. Indice du potentiel de participation sociale des centres urbains (calculé à l’échelle des aires de diffusion).

Figure 8

Figure 5. Indice du potentiel de participation sociale des régions rurales (calculé à l’échelle des aires de diffusion).