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L’expérience de retour au travail des personnes vieillissantes ayant subi une atteinte à la santé : un examen de la portée

Published online by Cambridge University Press:  02 May 2022

Alexandra Lecours*
Affiliation:
Département d’ergothérapie, Université du Québec à Trois-Rivières, Trois-Rivières, Canada Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation et intégration sociale, Québec, Canada
Roxanne Bédard-Mercier
Affiliation:
Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation et intégration sociale, Québec, Canada
*
Corresponding author: Correspondence and requests for reprints should be sent to / La correspondance et les demandes de tirés-à-part doivent être adressées à : Alexandra Lecours, erg, Ph.D., Département d’ergothérapie Université du Québec à Trois-Rivières, Pavillon de la Santé, 3351 Boulevard des Forges, Trois-Rivières, QC G8Z 4M3 Canada, 1-819-376-5011 # 2936 ([email protected])
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Abstract

Aging workers represent an emerging, growing, and essential population for the contemporary labour market. Considering their unique characteristics, these individuals are at risk of experiencing periods of disability at work due to different reasons (e.g., chronic diseases, occupational injuries) and a different return-to-work experience compared to younger workers. The scoping review presented in this article aimed to identify facilitators and barriers to returning to work in aging people who suffered a health impairment. Information from 34 manuscripts was extracted and analyzed, enabling the identification of factors hindering and facilitating the return to work of aging individuals, with regard to four systems: the individual, work, health, and compensation. The results suggest levers accessible to the various stakeholders involved in the process of returning to work for aging individuals to promote their healthy, safe, and satisfactory participation in work after a period of disability.

Résumé

Résumé

Les travailleurs vieillissants représentent une population émergente, grandissante, et essentielle pour le marché du travail contemporain. Considérant leurs caractéristiques singulières, ces personnes sont à risque de vivre des périodes d’invalidité au travail pour diverses raisons (p. ex. maladies chroniques, lésions professionnelles) et une expérience de retour en emploi qui soit différente par rapport à celle des travailleurs plus jeunes. L’examen de la portée présenté dans cet article visait à identifier les facilitateurs et obstacles au retour au travail chez les personnes vieillissantes ayant subi une atteinte à la santé. L’information de 34 manuscrits a été extraite puis analysée, permettant d’identifier des facteurs entravant et facilitant le retour au travail des personnes vieillissantes en regard de quatre systèmes d’importance, soient l’individu, le travail, la santé, et la compensation. Les résultats suggèrent des leviers accessibles aux différentes parties prenantes impliquées dans le processus de retour au travail des personnes vieillissantes afin de favoriser leur participation saine, sécuritaire, et satisfaisante au travail après une période d’invalidité.

Type
Article
Creative Commons
Creative Common License - CCCreative Common License - BY
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Copyright
© Canadian Association on Gerontology 2022

Problématique

En plus du vieillissement global de la population, le portait des aînés change de manière importante depuis les dernières années. Les personnes maintiennent plus longtemps un niveau de fonctionnement leur permettant de s’investir dans leurs occupations, dont le travail. Témoignant de cette tendance actuelle, la croissance de l’emploi au Québec s’observe principalement chez les travailleurs vieillissants (c.-à-d., âgés de 55 ans et plus ; Statistique Canada, 2017). Ces personnes ont enregistré une augmentation de 28 900 emplois en dix ans, passant d’un taux d’activité de 29,6 % en 2008 à 34,5 % en 2018 (ISQ, 2019). Ces chiffres représentent environ les trois quarts de la croissance totale de l’emploi au Québec (ISQ, 2019). La situation est semblable pour le reste du Canada puisqu’en 2016 les individus de 55 ans et plus représentaient plus du tiers de la population canadienne en âge de travailler, et 38 % d’entre eux étaient actifs sur le marché du travail (Fields, Uppal, & LaRochelle-Côté, Reference Fields, Uppal and LaRochelle-Côté2017). Ces proportions seraient les plus hautes notées depuis le début des compilations statistiques liées au travail il y a plus de 40 ans. Qui plus est, les prévisions suggèrent que le nombre de Canadiens âgés de plus de 55 ans continuera d’augmenter dans les prochaines années (Fields, Uppal, & LaRochelle-Côté, Reference Fields, Uppal and LaRochelle-Côté2017). Bien que le travail entraine des effets positifs pour les personnes vieillissantes, comme le maintien de contacts sociaux ou la sécurité financière, l’avancement en âge n’est pas sans risque pour la santé des travailleurs (Lecours & Robitaille, Reference Lecours and Robitaille2020). Qu’il s’agisse de risques physiques ou psychosociaux, les personnes vieillissantes sont susceptibles de subir des atteintes à la santé entrainant une période d’invalidité, qu’elle soit liée à une lésion professionnelle ou à une raison personnelle (p. ex., maladie chronique) (Lecours & Robitaille, Reference Lecours and Robitaille2020). Bien que les écrits scientifiques décrivent les facteurs à considérer pour favoriser un retour au travail (RaT) après une période d’invalidité, les personnes vieillissantes représentent une population émergente ayant des caractéristiques singulières la différentiant des travailleurs plus jeunes. Qui plus est, si de plus en plus d’études sont réalisées sur les travailleurs vieillissants toujours en emploi (p. ex., Egdell et al., Reference Egdell, Maclean, Raeside and Chen2020; Lecours & Robitaille, Reference Lecours and Robitaille2020), leur retour après une période d’invalidité a été moins exploré. Ce faisant, les facteurs qui influencent leur RaT après une période d’invalidité se doivent d’être étudiés de façon spécifique afin de permettre aux personnes vieillissantes de reprendre une participation au travail qui leur soit saine et satisfaisante. Cet article présente un examen de la portée visant à identifier les facilitateurs et obstacles au RaT chez les personnes vieillissantes ayant subi une atteinte à la santé, qu’elle soit liée au travail ou non.

État des connaissances

Portrait des personnes vieillissantes

Chez les travailleurs de 55 ans et plus, près de 75 % sont des employés du secteur privé ; les secteurs économiques de la vente et des services (20,65%), des affaires, finances et administrations (18,24%), et des transports et machineries (15,64%) sont ceux qui embauchent le plus les personnes vieillissantes (Statistique Canada, 2019). Ces travailleurs sont des hommes à 55 % (Statistique Canada, 2019) et sont en bonne santé et travaillent majoritairement à temps plein (Statistique Canada, 2020).

Impacts du travail pour les personnes vieillissantes et invalidité au travail

Le travail est important, tant sur les plans individuel que sociétal. Une participation prolongée au marché du travail est nécessaire pour faire face aux réalités sociales et économiques des sociétés vieillissantes. De plus, les bénéfices individuels de cette participation autres que sa valeur économique sont essentiels. Notamment, le travail permettrait aux personnes vieillissantes de maintenir leur santé physique et leurs capacités cognitives (Farrow & Reynolds, Reference Farrow and Reynolds2012). Travailler entraine également le sentiment de contribuer à la société et d’être reconnu, ce qui peut avoir des répercussions positives sur la santé et la qualité de vie des personnes vieillissantes (Nogues & Tremblay, Reference Nogues and Tremblay2017).

Le travail peut aussi engendrer des effets négatifs. Les personnes vieillissantes peuvent vivre des périodes d’invalidité, notamment en raison d’une maladie chronique ou encore d’une lésion professionnelle. Non seulement le risque de subir une lésion professionnelle augmente avec l’âge, mais la sévérité des blessures et la durée de l’invalidité s’accroissent également (CNESST, 2014). Les travailleurs de 55 ans et plus ont respectivement deux fois plus de risques de subir un accident au travail et six fois plus de risque de développer un trouble musculosquelettique par rapport aux travailleurs plus jeunes (Busque & Duguay, Reference Busque and Duguay2017). Entre 2015 et 2018, le nombre de troubles musculosquelettiques a augmenté de près de 30 % chez les travailleurs québécois de 55 ans et plus, ce qui est nettement supérieur au taux dans la population générale des travailleurs qui se situe autour de 10 % (CNESST, 2019). Les traumatismes des os, des nerfs, et de la moelle épinière seraient les blessures les plus fréquentes à survenir chez les personnes vieillissantes (Smith et al., Reference Smith, Bielecky, Mustard, Beaton, Hogg-Johnson and Ibrahim2013). L’écart entre les capacités des travailleurs et les exigences de l’emploi (Fraade-Blanar et al., Reference Fraade-Blanar, Sears, Chan, Thompson and Crane2017), de même que l’affaiblissement de la vue et de l’ouïe chez les adultes vieillissants (Gopinath et al., Reference Gopinath, McMahon, Burlutsky and Mitchell2016) figureraient parmi les facteurs explicatifs de ces hausses de blessures.

Les personnes vieillissantes nécessiteraient plus de temps que les travailleurs plus jeunes pour retourner au travail après une atteinte à la santé (Van Eerd, Smith, & Vu, Reference Van Eerd, Smith and Vu2019). Pour les travailleurs de 55 ans et plus, la durée moyenne de la période d’invalidité à la suite d’une lésion professionnelle est de 137,4 jours, ce qui représente une différence majeure par rapport aux travailleurs de 15 à 24 ans, qui est de 45,7 jours (Boucher, Duguay, & Busque, Reference Boucher, Duguay and Busque2019). Bien que d’autres études soient requises pour expliquer cette situation, des facteurs liés à la gravité des blessures, au ralentissement de la réparation des tissus, à la diminution des capacités de réserve, et à la présence de comorbidités contribueraient à allonger les périodes d’invalidité chez les personnes vieillissantes (Neary et al., Reference Neary, Katikireddi, Brown, Macdonald and Thomson2019; Van Eerd et al., Reference Van Eerd, Smith and Vu2019). La guérison peut aussi être compliquée ou allongée par les effets biologiques du vieillissement, comme la réparation plus lente des tissus et la diminution de l’élasticité des muscles lisses (Berecki-Gisolf et al., Reference Berecki-Gisolf, Clay, Collie and McClure2012). Ne pas être en mesure de retourner au travail peut être vécu par les travailleurs comme un échec personnel, ce qui peut nuire à la qualité de vie des personnes (Wells et al., Reference Wells, Williams, Firnigl, Lang, Coyle and Kroll2013). Puisque les personnes vieillissantes sont particulièrement à risque d’invalidité au travail, en raison d’une maladie chronique ou d’une lésion professionnelle, et que la trajectoire vers le RaT est influencée par le processus du vieillissement, il importe de s’intéresser aux facteurs qui influencent le RaT spécifiquement chez les personnes vieillissantes ayant subi une atteinte à la santé.

Facteurs qui influencent le RaT

Les écrits scientifiques portant sur la prévention de l’incapacité prolongée au travail suggèrent que quatre systèmes doivent être considérés pour favoriser un RaT sain et durable après une période d’invalidité, soit 1) le système personnel du travailleur, 2) le système du travail, 3) le système de santé, et 4) le système de la compensation (Durand et al., Reference Durand, Coutu, Tremblay, Sylvain, Gouin and Bilodeau2020; Loisel et al., Reference Loisel, Durand, Berthelette, Baril and Gagnon2001; Schwarz, Claros-Salinas, & Streibelt, Reference Schwarz, Claros-Salinas and Streibelt2018). Des exemples de facteurs influençant le RaT ont été documentés pour chacun des systèmes. Par exemple, les réactions émotionnelles et cognitives (Persoon et al., Reference Persoon, Buffart, Chinapaw, Nollet, Frings-Dresen and Koning2019), la motivation à retourner au travail (Schwarz et al., Reference Schwarz, Claros-Salinas and Streibelt2018), et les relations qu’entretient le travailleur avec les autres (Costa-Black, Feuerstein, & Loisel, Reference Costa-Black, Feuerstein and Loisel2013) sont des facteurs se rattachant au système du travailleur. Le fait de maintenir le contact avec le milieu de travail lors de l’absence (Durand et al., Reference Durand, Coutu, Tremblay, Sylvain, Gouin and Bilodeau2020; Persoon et al., Reference Persoon, Buffart, Chinapaw, Nollet, Frings-Dresen and Koning2019) et les adaptations offertes par le milieu de travail (Durand et al., Reference Durand, Coutu, Tremblay, Sylvain, Gouin and Bilodeau2020; Schwarz et al., Reference Schwarz, Claros-Salinas and Streibelt2018) sont des facteurs liés au système du travail. Du côté du système de santé, le soutien des professionnels (Persoon et al., Reference Persoon, Buffart, Chinapaw, Nollet, Frings-Dresen and Koning2019) a été identifié comme un facteur influençant le RaT. Enfin, pour la catégorie du système de la compensation, des facteurs comme les règles des organismes d’indemnisation (Durand et al., Reference Durand, Coutu, Tremblay, Sylvain, Gouin and Bilodeau2020) ont été soulevés dans la littérature. Bien que ces facteurs offrent des leviers permettant de favoriser le RaT des travailleurs âgés de 55 ans et plus, ils ont pour la plupart été identifiés à la suite d’études conduites auprès de la population générale des travailleurs et ne tiennent pas compte des spécificités des personnes vieillissantes.

Spécificités des personnes vieillissantes

Les personnes vieillissantes portent des caractéristiques spécifiques les distinguant des autres cohortes de travailleurs. En plus des différences liées à l’âge biologique, la littérature suggère que des différences générationnelles sont présentes. Par exemple, les personnes vieillissantes que sont maintenant les Baby Bommers (c.-à-d., personnes nées entre 1946 et 1964) auraient une plus grande satisfaction au travail et une moins grande volonté de quitter leur emploi en comparaison avec les travailleurs plus jeunes (Benson & Brown, Reference Benson and Brown2011). Le soutien du superviseur et des collègues ainsi que les opportunités de promotion sont des exemples de caractéristiques encourageant leur satisfaction au travail, tandis que la sécurité d’emploi, les ressources disponibles et la clarté des rôles encouragent particulièrement leur engagement dans l’organisation de travail (Benson & Brown, Reference Benson and Brown2011). Les résultats d’une étude sur les valeurs des différentes générations de travailleurs démontrent que les travailleurs plus âgés sont les moins probants à valoriser les avantages extrinsèques d’un emploi, comme le prestige, le salaire, et les biens matériels (Twenge et al., Reference Twenge, Campbell, Hoffman and Lance2010). Ils rechercheraient les avantages intrinsèques d’un emploi, comme les opportunités de responsabilités, de défis, et de contacts sociaux (Twenge et al., Reference Twenge, Campbell, Hoffman and Lance2010).

Les écrits suggèrent que les personnes vieillissantes soient visées par des préjugés, qu’ils soient positifs ou négatifs (Egdell et al., Reference Egdell, Maclean, Raeside and Chen2020); les résultats d’une étude sur les stéréotypes concernant les personnes vieillissantes notent que ces dernières sont généralement vues par les travailleurs plus jeunes comme étant plus loyales au milieu de travail, mais s’adaptant moins rapidement à la technologie (McCann & Keaton, Reference McCann and Keaton2013). Pourtant, dans les faits, bien que certaines s’inquiètent de ne pas être à jour concernant la technologie, les personnes vieillissantes s’adaptent, notamment en choisissant de compenser la détérioration de leur santé par l’exercice physique et en misant sur leurs expériences accumulées (Ng & Law, Reference Ng and Law2014). Les jeunes travailleurs font une description assez positive du tempérament de leurs collègues aînés ; les travailleurs de 55 à 65 ans sont perçus comme étant généralement moins extravertis et ouverts, mais plus consciencieux, agréables, et stables émotionnellement (Truxillo et al., Reference Truxillo, McCune, Bertolino and Fraccaroli2012). Autrement, ils sont aussi perçus par les plus jeunes comme étant moins proactifs et détenant un moins haut niveau d’intelligence fluide (c.-à-d., raisonnement abstrait, traitement de nouvelles informations), mais un plus haut niveau d’intelligence cristallisé (c.-à-d., vocabulaire et capacités verbales, culture générale) que les travailleurs plus jeunes (Truxillo et al., Reference Truxillo, McCune, Bertolino and Fraccaroli2012). Ces préjugés peuvent également être portés par les gestionnaires qui peuvent considérer les travailleurs vieillissants plus positifs et fiables que leurs homologues plus jeunes, mais aussi moins productifs, et démontrant une capacité d’adaptation réduite (Kroon et al., Reference Kroon, Van Selm, ter Hoeven and Vliegenthart2018; Zheltoukhova & Baczor, Reference Zheltoukhova and Baczor2016). Ces différences générationnelles qui prévalent entre les gestionnaires, les jeunes travailleurs, et les travailleurs vieillissants concernant le rapport au travail et le rôle de travailleur peuvent avoir un impact sur le RaT des personnes vieillissantes ayant subi une atteinte à la santé, notamment parce que les échanges sociaux entre les individus dans un milieu de travail influencent la réintégration d’un travailleur après une période d’invalidité (Tjulin, MacEachen, & Ekberg, Reference Tjulin, MacEachen and Ekberg2010).

Les capacités de travail des personnes vieillissantes varient en raison des spécificités individuelles des travailleurs, de leur emploi, et de leurs conditions de travail. Les exigences de travail ne sont pas toujours ajustées par rapport aux changements biologiques qui surviennent chez les personnes vieillissantes; ainsi, la charge de travail peut être plus élevée pour ces travailleurs (Costa & Sartori, Reference Costa and Sartori2007). Cependant, le vieillissement est aussi représentatif d’années d’expérience et d’astuces accumulées au fil du temps (Costa & Sartori, Reference Costa and Sartori2007). Cela dit, des résultats de recherche démontrent que les capacités de travail diminuent de manière prononcée à partir de 55 ans pour les travailleurs œuvrant dans des emplois aux tâches physiques ou aux conditions difficiles (p. e.x., travail de nuit) (Costa & Sartori, Reference Costa and Sartori2007). Concernant les habiletés cognitives, les personnes vieillissantes seraient autant qualifiées cognitivement que les travailleurs plus jeunes (Brough et al., Reference Brough, Johnson, Drummond, Pennisi and Timms2011). Ainsi, de manière générale, malgré les présomptions à leur égard présentées précédemment, les personnes vieillissantes ont des niveaux d’intelligence fluide et cristallisée semblables aux travailleurs plus jeunes (Brough et al., Reference Brough, Johnson, Drummond, Pennisi and Timms2011).

Considérant 1) le nombre grandissant de travailleurs vieillissants, 2) leur risque accru de vivre une atteinte à la santé menant à une période d’invalidité, et 3) leurs particularités (p. ex., biologiques, générationnelles) pouvant modifier le processus visant la réintégration en emploi, il importe d’identifier les facteurs qui influencent leur RaT afin d’offrir des services adaptés à cette population singulière.

L’objectif de cette étude était d’identifier les facilitateurs et obstacles au RaT chez les personnes vieillissantes ayant subi une atteinte à la santé.

Méthode

Devis

Un devis d’examen de la portée a été choisi pour structurer cette étude (Arksey & O’Malley, Reference Arksey and O’Malley2005). Ce devis est utile pour brosser un portrait global de l’état actuel des connaissances par rapport à un sujet, en y incluant des informations sur la quantité et la portée de manuscrits de différente nature (c.-à-d., articles scientifiques, mais aussi articles professionnels ou thèses par exemple) (Arksey & O’Malley, Reference Arksey and O’Malley2005). Ce devis favorise aussi l’identification de lacunes présentes dans la littérature existante, en plus d’être efficace pour résumer les résultats de la recherche pour les cliniciens, les décideurs, et la population générale (Arksey & O’Malley, Reference Arksey and O’Malley2005).

Procédure et analyse

Le protocole de cette étude comporte cinq étapes systématiques, inspirées de la méthode originale de Arksey & O’Malley (Reference Arksey and O’Malley2005). Les recommandations de Daudt, Van Mossel, & Scott (Reference Daudt, Mossel and Scott2013) et de Levac, Colquhoun, & O’Brien (Reference Levac, Colquhoun and O’Brien2010) ont aussi été intégrées à la procédure. Bien qu’elles s’appliquent généralement aux protocoles des revues systématiques et des méta-analyses, les recommandations du « Preferred Reporting Items for Systematic Reviews and Meta-Analyses Protocols » (PRISMA-P) ont été prises en compte dans la rédaction de cet article afin d’en augmenter la rigueur scientifique.

Étape 1 : Identifier la question de recherche

La question de recherche identifiée pour la présente étude était : « Quels sont les facilitateurs et obstacles au RaT chez les personnes vieillissantes ayant subi une atteinte à la santé ? » Cette question de recherche est vaste et ouverte afin d’inclure le plus de manuscrits pertinents en lien avec les facilitateurs et les obstacles des quatre systèmes (c.-à-d., système du travailleur, du travail, de santé, et de compensation) qui influencent le RaT.

Étape 2 : Sélectionner les études pertinentes

Pour cette étude, des bases de données liées à diverses disciplines, comme l’ergonomie, la gérontologie, la psychologie, et les relations industrielles, ont été utilisées pour explorer le sujet d’étude. Des combinaisons de mots clés liés spécifiquement au sujet de la recherche ont été identifiées pour obtenir l’information la plus pertinente possible. En plus des bases de données, les listes de références des manuscrits sélectionnés ont été consultées afin d’y repérer d’autres manuscrits pertinents. Enfin, une recherche à l’aide de « Google » a été menée, avec les mêmes mots clés que ceux utilisés dans les bases de données scientifiques afin d’accéder aux manuscrits issus de la littérature grise. La stratégie de recherche a été validée par une bibliothécaire-conseil spécialisée dans le sujet de l’étude. Le tableau 1 présente les mots clés utilisés ainsi que les bases de données interrogées.

Tableau 1: Stratégie de recherche

* Les termes ont été cherchés dans les titres, résumés et mots clés. Chaque mot clé a été utilisé au singulier et au pluriel. Plusieurs combinaisons de ces mots clés ont été utilisées.

Étape 3 : Étudier la sélection

Pour être inclus dans l’étude, un manuscrit devait concerner : (1) la population des personnes vieillissantes (2) les travailleurs ayant subi une atteinte à la santé, peu importe sa nature, et (3) les facilitateurs et obstacles d’un RaT à temps plein ou à temps partiel. Afin d’avoir un portrait contemporain de la situation, seuls des articles publiés dans les quinze dernières années ont été sélectionnés. Pour des raisons de faisabilité, seuls les manuscrits rédigés en anglais et en français ont été retenus. Ces critères ont d’abord été appliqués pour évaluer les titres et les résumés des manuscrits recensés. Par la suite, ce sont les textes complets des manuscrits sélectionnés qui ont été passés en revue selon les critères d’inclusion et d’exclusion identifiés.

Étape 4 : Extraire et schématiser les données

Les données recensées ont été extraites à l’aide d’une grille élaborée selon les quatre systèmes qui influencent le RaT après une atteinte à la santé. En plus des résultats des études recensées, les informations concernant les auteurs, l’année de publication, la localisation géographique de l’étude, la population étudiée, les buts de l’étude, et la méthodologie ont été incluses dans la grille (Arksey & O’Malley, Reference Arksey and O’Malley2005). Deux personnes, ayant toutes deux lu les manuscrits retenus, se sont rencontrées après l’extraction des données provenant de cinq manuscrits pour s’assurer que la méthode était constante et que la grille permettait de couvrir le sujet de façon optimale (Levac et al., Reference Levac, Colquhoun and O’Brien2010). Au cours du processus d’extraction, des rencontres régulières ont été réalisées entre les deux personnes impliquées dans cette étape de la recherche afin d’assurer l’uniformité dans le processus d’extraction et d’éviter les biais personnels.

Étape 5 : Examiner, résumer et rapporter les résultats

La dernière étape de la procédure de recherche consiste à présenter les résultats. Ceux-ci sont exposés en détail dans la section suivante.

Éthique

L’obtention d’une approbation éthique n’est pas requise pour l’analyse d’écrits scientifiques déjà publiés.

Résultats

Description des manuscrits retenus

Le processus de sélection des manuscrits a permis d’obtenir un total de 34 manuscrits pour l’examen de la portée. La liste des manuscrits inclus dans l’étude est présentée à l’annexe A. Le processus de sélection des manuscrits est illustré à la figure 1.

Figure 1: Logigramme du processus de sélection des manuscrits

Plus de 80 % des manuscrits conservés étaient des articles scientifiques; les autres étant des résumés de conférences, des articles de journaux, et des thèses. Les participants des études provenaient majoritairement de l’Europe et de l’Amérique du Nord, mais aussi de l’Océanie, de l’Asie, ainsi que de l’Amérique Centrale et du Sud. Enfin, les études consultées avaient majoritairement des devis quantitatifs, mais d’autres étaient basées sur des devis qualitatifs ou mixtes. Les caractéristiques des manuscrits retenus sont présentées dans le tableau 2.

Tableau 2: Description des manuscrits retenus

Facilitateurs et obstacles au RaT des personnes vieillissantes ayant subi une atteinte à la santé

Cette section de l’article présente les informations recueillies dans les écrits décrivant les obstacles et les facilitateurs au RaT chez les personnes vieillissantes ayant subi une atteinte à la santé. Les résultats ont été organisés selon les quatre systèmes influençant le RaT, soit le système de l’individu, du travail, de la santé, et de la compensation. Le tableau 3 résume les résultats de l’étude.

Tableau 3: Facteurs influençant le RaT des personnes vieillissantes ayant subi une atteinte à la santé

* Certains manuscrits ont abordé plus d’un système; ainsi le nombre rapporté dans ce tableau excède le nombre de manuscrits consultés (n = 34).

Système de l’individu

Le système de l’individu est celui pour lequel il a été recensé le plus d’écrits, suggérant une influence du travailleur sur son RaT. Selon la littérature, plusieurs personnes vieillissantes entretiennent des craintes nuisant à leur RaT. Il peut s’agir de la crainte que la douleur ne leur permette pas de remplir leurs fonctions (Hartke & Trierweiler, Reference Hartke and Trierweiler2015; Maillette, Coutu, & Gaudreault, Reference Maillette, Coutu and Gaudreault2017) ou encore la peur de vivre une autre atteinte à la santé (Hartke & Trierweiler, Reference Hartke and Trierweiler2015). D’autres travailleurs peuvent aussi appréhender que le milieu de travail fasse preuve d’incompréhension en regard de leur nouvelle condition (Neary et al., Reference Neary, Katikireddi, Brown, Macdonald and Thomson2019; Patel, Greasley, & Watson, Reference Patel, Greasley and Watson2007), ou encore craindre de perdre leur emploi (Hartke & Trierweiler, Reference Hartke and Trierweiler2015; Maillette, Coutu, & Gaudreault, Reference Maillette, Coutu and Gaudreault2017) et de ne pas être en mesure d’en intégrer un nouveau (Maillette, Coutu, & Gaudreault, Reference Maillette, Coutu and Gaudreault2017) parce qu’ils sont en compétition avec des travailleurs en santé (Patel et al., Reference Patel, Greasley and Watson2007). L’image projetée dans le milieu de travail est aussi sujette à des appréhensions ; des travailleurs ont peur d’être jugés par leurs collègues (Hartke & Trierweiler, Reference Hartke and Trierweiler2015; McGrath et al., Reference McGrath, Mihala, Beesley, Lynch, Graves and Gordon2017) alors que d’autres craignent de se sentir comme un poids pour eux (Maillette, Coutu, & Gaudreault Reference Maillette, Coutu and Gaudreault2017).

Selon Maillette, Coutu, & Gaudreault (Reference Maillette, Coutu and Gaudreault2017), la différence entre les attentes et la réalité influencent négativement le retour en emploi. Par exemple, des personnes vieillissantes ayant subi des problèmes orthopédiques peuvent s’attendre à ne plus ressentir de douleur et à retrouver leurs capacités antérieures lors du RaT, mais ce n’est pas toujours le cas.

Des difficultés liées au transport jusqu’au lieu de travail (Gard et al., Reference Gard, Pessah-Rasmussen, Brogårdh, Lundgren Nilsson and Lindgren2019; Hartke & Trierweiler, Reference Hartke and Trierweiler2015) peuvent aussi faire obstacle au RaT des personnes vieillissantes. Certains travailleurs peuvent se voir imposer des restrictions à conduire un véhicule automobile à la suite de leur maladie ou blessure ou ne pas avoir l’énergie nécessaire pour conduire; d’autres peuvent avoir de la difficulté à parcourir de longues distances à pied, ce qui entrave l’utilisation du transport en commun (Gard et al., Reference Gard, Pessah-Rasmussen, Brogårdh, Lundgren Nilsson and Lindgren2019).

Les difficultés physiques (Giordani, Pandolfi, & Teneggi, Reference Giordani, Pandolfi and Teneggi2017; Hartke & Trierweiler, Reference Hartke and Trierweiler2015) représentent un obstacle régulièrement souligné dans la littérature. Les difficultés à bouger le bras (Schmidt et al., Reference Schmidt, Scherer, Wiskemann and Steindorf2019; Zomkowski et al., Reference Zomkowski, Cruz de Souza, Moreira, Volkmer, Da Silva Honorio and Santos2019), à manipuler des outils (Zomkowski et al., Reference Zomkowski, Cruz de Souza, Moreira, Volkmer, Da Silva Honorio and Santos2019), ainsi qu’une perte de force (McGrath et al., Reference McGrath, Mihala, Beesley, Lynch, Graves and Gordon2017) sont des éléments faisant obstacle au RaT. De la même façon, les difficultés cognitives, comme la fatigue (Bergelt et al., Reference Bergelt, Ullrich, Rath, Otto, Kerschgens and Raida2017; Hartke & Trierweiler, Reference Hartke and Trierweiler2015; Sanchez, Richardson, & Mason, Reference Sanchez, Richardson and Mason2004; Schmidt et al., Reference Schmidt, Scherer, Wiskemann and Steindorf2019), les problèmes de mémoire, et les difficultés de l’attention (Schmidt et al., Reference Schmidt, Scherer, Wiskemann and Steindorf2019) représentent des entraves RaT. D’autres difficultés, cette fois d’ordre psychologique (Giordani et al., Reference Giordani, Pandolfi and Teneggi2017), ont été soulevées par différents auteurs, comme l’anxiété, la détresse (Patel et al., Reference Patel, Greasley and Watson2007), les frustrations (Neary et al., Reference Neary, Katikireddi, Brown, Macdonald and Thomson2019; Patel et al., Reference Patel, Greasley and Watson2007), la perte d’identité ou de sens (Neary et al., Reference Neary, Katikireddi, Brown, Macdonald and Thomson2019), les troubles émotionnels (Hartke & Trierweiler, Reference Hartke and Trierweiler2015), ou le ressentiment (McGrath et al., Reference McGrath, Mihala, Beesley, Lynch, Graves and Gordon2017).

La diminution de l’état de santé général, plus fréquemment rencontrée chez les personnes vieillissantes par rapport aux plus jeunes, est aussi reconnue comme un obstacle par certains auteurs. La sévérité initiale de la blessure (Endo et al., Reference Endo, Sairenchi, Kojimahara, Haruyama, Sato and Kato2016; Neary et al., Reference Neary, Katikireddi, Brown, Macdonald and Thomson2019; Workers Compensation Research Institute, 2005), le stade avancé de la maladie (Bergelt et al., Reference Bergelt, Ullrich, Rath, Otto, Kerschgens and Raida2017), la présence de comorbidités (Aas et al., Reference Aas, Haveraaen, Brouwers and Skarpaas2018), les complications (McGrath et al., Reference McGrath, Mihala, Beesley, Lynch, Graves and Gordon2017), et les problèmes de santé persistants (Stikeleather, Reference Stikeleather2004) sont des facteurs affectant le RaT. Ces facteurs nuiraient notamment aux capacités de travail des personnes vieillissantes (Wallin & Fjellman-Wiklund, Reference Wallin and Fjellman-Wiklund2019). Il semble aussi qu’il soit difficile d’entamer un RaT avec la présence de douleur; l’augmentation de celle-ci (Morrison et al., Reference Morrison, Ehlers, Bronars, Patten, Brockman and Cerhan2016) et son caractère imprévisible (Patel et al., Reference Patel, Greasley and Watson2007) compliquant la réintégration en emploi. De la même façon, l’augmentation de la fatigue (Morrison et al., Reference Morrison, Ehlers, Bronars, Patten, Brockman and Cerhan2016) ou une durée de sommeil excessive pouvant affecter les personnes vieillissantes (Lynch et al., Reference Lynch, Mihala, Beesley, Wiseman, Gordon and Lynch2016), entravent le RaT. Une étude de 2019 informe que, à la suite d’un accident vasculaire cérébral, la vitesse de marche influence le retour en emploi : en effet, comme la nécessité de marcher se retrouve quotidiennement dans le travail, les travailleurs ayant une vitesse de marche plus lente seraient moins susceptibles de retourner en emploi par rapport à ceux ayant une vitesse de marche régulière (Jarvis et al., Reference Jarvis, Brown, Price, Butterworth, Groenevelt and Jackson2019).

Le faible niveau d’éducation est un obstacle rapporté dans les écrits. Des auteurs notent que les travailleurs peu scolarisés ou moins qualifiés se retrouvent désavantagés lors de leur retour en emploi (Ervasti et al., Reference Ervasti, Vahtera, Virtanen, Pentti, Oksanen and Ahola2014; Gordon et al., Reference Gordon, Beesley, Lynch, Mihala, McGrath and Graves2014; Patel et al., Reference Patel, Greasley and Watson2007); Harris (Reference Harris2014 ; 2012) explique que ces travailleurs ne sont généralement pas dans des milieux de travail qui sont en mesure d’investir des ressources pour maintenir le travailleur en emploi après une période d’invalidité. Des auteurs soutiennent que ces travailleurs ont besoin de plus de temps avant de réintégrer leur emploi puisqu’ils ont tendance à œuvrer dans des emplois physiques (Schmidt et al., Reference Schmidt, Scherer, Wiskemann and Steindorf2019), alors que d’autres rapportent qu’ils ont tendance à avoir moins de marge de manœuvre pour bénéficier d’accommodements dans leur emploi (Wilkie, Cifuentes, & Pransky, Reference Wilkie, Cifuentes and Pransky2011).

La proximité de la retraite peut avoir une influence négative sur le retour en emploi (Gordon et al., Reference Gordon, Beesley, Lynch, Mihala, McGrath and Graves2014; Su et al., Reference Su, Azzani, Tan and Loh2018); pour Endo et al. (Reference Endo, Sairenchi, Kojimahara, Haruyama, Sato and Kato2016), les travailleurs dans la cinquantaine ont tendance à se « résigner » vers la retraite comparativement aux travailleurs plus jeunes.

Parmi les facilitateurs au RaT des personnes vieillissantes, il y aurait d’abord les intentions du travailleur de réintégrer son emploi. Pour Samuel et al. (Reference Samuel, Adaba, Askari, Maeda, Duffus and Small2019), le fait d’avoir l’intention de retourner au travail dès le début de la période d’invalidité faciliterait le retour en emploi. Les auteurs proposent que cela soit dû à un désir de maintien du statut social ou financier, la fébrilité du travailleur, ou les encouragements qu’il reçoit. Cette intention de retourner en emploi pourrait également être alimentée par le désir de revoir les collègues (Hartke & Trierweiler, Reference Hartke and Trierweiler2015).

Les ressources internes du travailleur portent leur lot d’influence sur le RaT. Des auteurs identifient le degré élevé de bien-être (Sanchez et al., Reference Sanchez, Richardson and Mason2004), la motivation intrinsèque en regard du travail (Wallin & Fjellman-Wiklund, Reference Wallin and Fjellman-Wiklund2019), les stratégies d’adaptation (Hartke & Trierweiler, Reference Hartke and Trierweiler2015), et le fait de percevoir sa situation comme quelque chose qu’il est possible d’améliorer (Maillette et al., Reference Maillette, Coutu and Gaudreault2017) sont des ressources internes favorisant le RaT. Au contraire, d’autres auteurs identifient que la résistance aux changements (Patel et al., Reference Patel, Greasley and Watson2007) ou le manque d’ambition (Bergelt et al., Reference Bergelt, Ullrich, Rath, Otto, Kerschgens and Raida2017) serait défavorable au succès du RaT.

Enfin, recevoir du soutien social de la part de la famille et des proches – par exemple lorsque ceux-ci démontrent une attitude positive en regard du travailleur ayant une atteinte à la santé (Zomkowski et al., Reference Zomkowski, Cruz de Souza, Moreira, Volkmer, Da Silva Honorio and Santos2019) ou aident dans les tâches ménagères, dans les finances, ou dans les transports (Hartke & Trierweiler, Reference Hartke and Trierweiler2015) – favorise le RaT.

Système du travail

Divers facteurs liés au travail peuvent nuire ou faciliter le RaT des personnes vieillissantes ayant subi une atteinte à la santé. Tout d’abord, les écrits font état de préjugés associés à l’âgisme pouvant nuire au RaT des personnes vieillissantes ayant subi une atteinte à la santé, notamment lorsque celles-ci désirent réintégrer le marché du travail dans un emploi différent que celui qu’elles occupaient avant la période d’invalidité. Une étude de 2019 (Neary et al., Reference Neary, Katikireddi, Brown, Macdonald and Thomson2019) illustre que le travailleur peut faire face à des réactions négatives de la part de l’employeur ou entrer malgré lui dans les failles d’un processus de sélection d’employés. Par exemple, lorsqu’un processus d’embauche (pour intégrer un nouvel emploi lors du RaT) nécessite des connaissances en informatique (p. ex., candidature en ligne, tests et questionnaire à l’ordinateur avant l’entrevue), les personnes vieillissantes peuvent être désavantagées par rapport aux autres candidats lorsqu’ils ne sont pas familiers avec cette technologie (Neary et al., Reference Neary, Katikireddi, Brown, Macdonald and Thomson2019).

Le contexte du travail influencerait également le RaT après une période d’invalidité chez les personnes vieillissantes. Le fait de travailler à temps partiel (Workers Compensation Research Institute, 2005) ou pour une grande organisation sans y occuper une fonction de professionnel ou gestionnaire (Gordon et al., Reference Gordon, Beesley, Lynch, Mihala, McGrath and Graves2014) est associé à des difficultés de RaT, notamment parce que les employeurs pourraient être moins enclins à accorder des accommodements aux travailleurs vieillissants qui reviennent d’une période d’invalidité s’ils ne travaillent pas un grand nombre d’heures par semaine ou encore si leur emploi ne nécessite pas de compétences spécifiques. Su et al. (Reference Su, Azzani, Tan and Loh2018) notent que les travailleurs œuvrant dans l’entreprise privée ont tendance à avoir plus de difficulté à se voir proposer des conditions favorables au retour (p. ex. adaptation des tâches) par rapport à ceux qui œuvrent dans la fonction publique. Les emplois requérant des tâches manuelles (Sen et al., Reference Sen, Bisquera, McKevitt, Rudd, Wolfe and Bhalla2018) ou des exigences élevées (Hartke & Trierweiler, Reference Hartke and Trierweiler2015) sont identifiés comme des obstacles du RaT ; les emplois exigeant peu d’efforts physiques (Sankar et al., Reference Sankar, Gignac, Palaganas, Badley, Beaton and Davis2012; Sen et al., Reference Sen, Bisquera, McKevitt, Rudd, Wolfe and Bhalla2018) étant plus tolérables pour les personnes vieillissantes (Zomkowski et al., Reference Zomkowski, Cruz de Souza, Moreira, Volkmer, Da Silva Honorio and Santos2019). De plus, McGrath et al. (Reference McGrath, Mihala, Beesley, Lynch, Graves and Gordon2017) informent que les changements dans les conditions de travail survenus pendant l’absence du travailleur sont parfois difficiles à gérer et représentent une source de stress, ce qui peut nuire au RaT.

L’indisponibilité des emplois peut aussi entraver le RaT. Il est possible qu’il n’y ait simplement pas d’emploi disponible pour l’individu qui souhaite retourner en emploi (Ervasti et al., Reference Ervasti, Vahtera, Virtanen, Pentti, Oksanen and Ahola2014).

Finalement, les travailleurs qui éprouvent des insatisfactions antérieures en regard de leur travail sont plus à risque de rencontrer des entraves lors de leur retour. Les écrits évoquent des insatisfactions par rapport aux tâches et à l’employeur, notamment en raison d’une mauvaise relation avec lui (Heinesen et al., Reference Heinesen, Kolodziejczyk, Ladenburg, Andersen and Thielen2017) ou d’un manque de confiance (Workers Compensation Research Institute, 2005).

Parmi les facteurs qui influencent positivement le RaT des personnes vieillissantes ayant subi une atteinte à la santé, on retrouve d’abord la collaboration de l’organisation. Par exemple, lorsqu’une organisation conserve la disponibilité du poste du travailleur vieillissant pendant son invalidité, il contribue à faciliter le retour (McGrath et al., Reference McGrath, Mihala, Beesley, Lynch, Graves and Gordon2017). La flexibilité pour adapter les tâches (McGrath et al., Reference McGrath, Mihala, Beesley, Lynch, Graves and Gordon2017; Wilkie et al., Reference Wilkie, Cifuentes and Pransky2011; Zomkowski et al., Reference Zomkowski, Cruz de Souza, Moreira, Volkmer, Da Silva Honorio and Santos2019) et les heures de travail (Hartke & Trierweiler, Reference Hartke and Trierweiler2015; McGrath et al., Reference McGrath, Mihala, Beesley, Lynch, Graves and Gordon2017), l’aide dans la réalisation des tâches (Maillette et al., Reference Maillette, Coutu and Gaudreault2017; Zomkowski et al., Reference Zomkowski, Cruz de Souza, Moreira, Volkmer, Da Silva Honorio and Santos2019) et la possibilité de prendre des pauses plus fréquentes (Maillette et al., Reference Maillette, Coutu and Gaudreault2017) seraient d’autres éléments liés au système du travail qui facilitent le RaT. Gard et al. (Reference Gard, Pessah-Rasmussen, Brogårdh, Lundgren Nilsson and Lindgren2019) soulignent que le retour progressif (c.-à-d., l’augmentation graduelle des heures de travail hebdomadaires) est fortement recommandé pour les travailleurs vieillissants.

Le soutien organisationnel (Hartke & Trierweiler, Reference Hartke and Trierweiler2015) de la part des collègues et de l’employeur manifesté par l’inclusion (Asahina, Skaczkowski, & Wilson, Reference Asahina, Skaczkowski and Wilson2019) ou une attitude positive envers le travailleur (Zomkowski et al., Reference Zomkowski, Cruz de Souza, Moreira, Volkmer, Da Silva Honorio and Santos2019) facilite aussi le RaT. Maintenir le contact entre le travailleur et le milieu de travail pendant la période d’invalidité figure aussi parmi les facilitateurs (Asahina et al., Reference Asahina, Skaczkowski and Wilson2019; McGrath et al., Reference McGrath, Mihala, Beesley, Lynch, Graves and Gordon2017). Les écrits suggèrent notamment que l’organisation de rencontres sur le lieu de travail pendant la période d’invalidité serait bénéfique pour les personnes vieillissantes (Aas et al., Reference Aas, Haveraaen, Brouwers and Skarpaas2018).

Système de santé

Plusieurs auteurs ont observé des obstacles au RaT qu’il est possible d’associer au système de santé. Des difficultés d’accès, tant aux centres de soins qu’aux professionnels, ont été identifiées. Entre autres, l’éloignement géographique (Zomkowski et al., Reference Zomkowski, Cruz de Souza, Moreira, Volkmer, Da Silva Honorio and Santos2019) et la difficulté à obtenir un rendez-vous (Maillette et al., Reference Maillette, Coutu and Gaudreault2017) seraient des obstacles au RaT. Des facteurs comme une hospitalisation prolongée (Gordon et al., Reference Gordon, Beesley, Lynch, Mihala, McGrath and Graves2014) ou des traitements invasifs, comme la mastectomie (Giordani et al., Reference Giordani, Pandolfi and Teneggi2017) ou la chimiothérapie (Giordani et al., Reference Giordani, Pandolfi and Teneggi2017; Gordon et al., Reference Gordon, Beesley, Lynch, Mihala, McGrath and Graves2014; Schmidt et al., Reference Schmidt, Scherer, Wiskemann and Steindorf2019), représentent aussi des entraves au RaT. Patel et al. (Reference Patel, Greasley and Watson2007) expliquent qu’il est difficile pour les travailleurs de planifier un RaT lorsque les traitements nécessitent beaucoup de temps au quotidien. Des lacunes dans le processus de réadaptation sont également notées dans les écrits. Une étude de Stikeleather (Reference Stikeleather2004) a démontré que des travailleurs jugent que le temps alloué à leur réadaptation est trop court ou que les soins reçus étaient principalement orientés sur le traitement de la blessure, ne tenant pas compte de leur condition de santé globale (Stikeleather, Reference Stikeleather2004). D’autres personnes vieillissantes auraient apprécié recevoir de l’information par rapport aux emplois ou aux tâches qui étaient les plus appropriées à leur nouvelle condition (Patel et al., Reference Patel, Greasley and Watson2007). Finalement, une mauvaise communication entre les professionnels de la santé représente un obstacle pour le RaT, notamment parce que cela génère du stress chez le travailleur (Gard et al., Reference Gard, Pessah-Rasmussen, Brogårdh, Lundgren Nilsson and Lindgren2019).

Des influences positives de facteurs liés au système de santé ont aussi été remarquées dans la littérature. D’abord, un dépistage précoce de la maladie (Su et al., Reference Su, Azzani, Tan and Loh2018) et une prise en charge rapide (Sen et al., Reference Sen, Bisquera, McKevitt, Rudd, Wolfe and Bhalla2018) sont associés à de plus grandes probabilités de RaT. La multidisciplinarité dans le processus est aussi associée à des expériences positives d’intervention pour les patients (Gard et al., Reference Gard, Pessah-Rasmussen, Brogårdh, Lundgren Nilsson and Lindgren2019). Hartke et al. (Reference Hartke and Trierweiler2015) notent que les services d’orientation sont bénéfiques pour les personnes vieillissantes, notamment pour forger la confiance en soi, négocier avec l’employeur, ou suggérer des adaptations à l’emploi ou un nouvel emploi. Gard et al. (Reference Gard, Pessah-Rasmussen, Brogårdh, Lundgren Nilsson and Lindgren2019) suggèrent quant à eux que la possibilité de participer à des thérapies de groupes et de recevoir une aide psychologique sont des facilitateurs. Le soutien des professionnels de la santé est le dernier facilitateur associé au système de santé qui a été recensé (Hartke & Trierweiler, Reference Hartke and Trierweiler2015; Maillette et al., Reference Maillette, Coutu and Gaudreault2017; Wallin & Fjellman-Wiklund, Reference Wallin and Fjellman-Wiklund2019). Adopter une pratique centrée sur le travailleur et l’inclure dans les processus décisionnels pour assurer une cohérence avec ses besoins sont des approches à utiliser pour favoriser ce soutien qui facilite de RaT. De plus, la collaboration entre les différents professionnels de la santé est nécessaire pour favoriser un soutien adéquat (Wallin & Fjellman-Wiklund, Reference Wallin and Fjellman-Wiklund2019). Maillette et al. (Reference Maillette, Coutu and Gaudreault2017) démontrent que les travailleurs ayant reçu des soins de réadaptation dans le secteur privé ont l’impression d’être davantage soutenus que ceux du secteur public. D’autres auteurs rapportent les personnes vieillissantes recevraient un plus haut niveau de soutien des institutions de réadaptation par rapport aux travailleurs plus jeunes (Heuser et al., Reference Heuser, Halbach, Kowalski, Enders, Pfaff and Ernstmann2018); et ils seraient aussi plus satisfaits des soins et conseils reçus (Pransky et al., Reference Pransky, Benjamin, Savageau, Currivan and Fletcher2005). Wallin et al. (Reference Wallin and Fjellman-Wiklund2019) rappellent tout de même l’importance d’engager le travailleur vieillissant dans le processus de réadaptation puisque les initiatives que prend le travailleur influencent le soutien qu’il reçoit.

Système de la compensation

Le système de compensation influence également le retour en emploi. D’abord, l’intention du travailleur de demander une pension d’invalidité avant de commencer sa réadaptation pourrait créer plus de difficultés à retourner au travail (Bergelt et al., Reference Bergelt, Ullrich, Rath, Otto, Kerschgens and Raida2017). Aussi, une étude de Aas et al. (Reference Aas, Haveraaen, Brouwers and Skarpaas2018) concernant les retombés d’un programme de RaT démontre que d’avoir des rencontres fréquentes avec l’assureur générerait l’effet de retarder le RaT, dans le but d’éviter une rechute.

Pour d’autres auteurs, le système de compensation représente une influence positive sur le retour en emploi. Selon Hartke et Trierweiler (Reference Hartke and Trierweiler2015), le fait de recevoir des prestations d’assurance serait un facilitateur puisque cela aide financièrement le travailleur à obtenir les traitements nécessaires à sa condition. Les personnes vieillissantes ont aussi tendance à recevoir un plus haut niveau de soutien (Heuser et al., Reference Heuser, Halbach, Kowalski, Enders, Pfaff and Ernstmann2018) et des réponses plus satisfaisantes de la part des assureurs (Pransky et al., Reference Pransky, Benjamin, Savageau, Currivan and Fletcher2005), comparativement à des travailleurs plus jeunes.

Facteurs dont l’influence est mitigée

Malgré que les écrits permettent d’identifier des facilitateurs et des obstacles au RaT des personnes vieillissantes ayant subi une atteinte à la santé, l’extraction des informations des manuscrits a permis de soulever la présence d’autres facteurs, dont l’influence est mitigée. Il y aurait notamment la position du travailleur en regard de la flexibilité du marché du travail. Certains travailleurs se montrent préoccupés par la nouvelle flexibilité du marché du travail; certains se demandent si un emploi atypique (p. ex., à durée indéterminée ou à heures variables) leur permettra de répondre financièrement à leurs besoins tandis que d’autres y voient l’occasion d’équilibrer leurs implications et de prendre en considération leurs limites, notamment en diminuant le nombre d’heures de travail (Neary et al., Reference Neary, Katikireddi, Brown, Macdonald and Thomson2019). De la même façon, le contexte de vie de l’individu influence le RaT, mais il existe quelques contradictions dans la littérature. Des auteurs indiquent que les individus vivants seuls (Giordani et al., Reference Giordani, Pandolfi and Teneggi2017) ou qui ne sont pas en couple (Harris, Reference Harris2014) ont moins tendance à retourner au travail. Pour Harris (Reference Harris2012 ; 2014), le fait d’être en couple peut s’accompagner d’une responsabilité financière par rapport au conjoint, ce qui encourage le RaT. D’autres auteurs suggèrent que ne pas être en couple peut encourager un individu à retourner au travail pour retrouver une sécurité financière et des contacts sociaux (Schmidt et al., Reference Schmidt, Scherer, Wiskemann and Steindorf2019).

Le genre du travailleur est également abordé dans les écrits scientifiques, mais son influence sur le RaT demeure mitigée. Le fait d’être un homme serait un facilitateur au RaT, notamment en raison de préjugés sociaux (Gorevski et al., Reference Gorevski, Varughese, Sachdeva, Succop and Martin-Boone2011; Sankar et al., Reference Sankar, Gignac, Palaganas, Badley, Beaton and Davis2012; Sen et al., Reference Sen, Bisquera, McKevitt, Rudd, Wolfe and Bhalla2018). Sen et al. (Reference Sen, Bisquera, McKevitt, Rudd, Wolfe and Bhalla2018) expliquent que les hommes seraient perçus comme la principale source de revenu de la famille, ce qui encouragerait leur réintégration auprès des employeurs. Toutefois, le RaT pourrait aussi être compliqué par le fait d’être un homme puisque Wallin et al. (Reference Wallin and Fjellman-Wiklund2019) nomment que les hommes exprimant souffrir psychologiquement peuvent être dirigés vers de mauvaises ressources (p. ex., traitements physiques), ce qui nuit au RaT. Aussi, les femmes peuvent être plus motivées à retourner au travail puisqu’elles y retrouvent plus souvent des réseaux de relations amicales et du soutien émotionnel, ce qui faciliterait leur processus de retour en emploi (Harris, Reference Harris2012).

D’autres influences mitigées ont été soulevées dans la littérature concernant les problèmes financiers ou la détresse financière (Bergelt et al., Reference Bergelt, Ullrich, Rath, Otto, Kerschgens and Raida2017; Gordon et al., Reference Gordon, Beesley, Lynch, Mihala, McGrath and Graves2014; Hartke & Trierweiler, Reference Hartke and Trierweiler2015; Samuel et al., Reference Samuel, Adaba, Askari, Maeda, Duffus and Small2019; Stikeleather, Reference Stikeleather2004; Su et al., Reference Su, Azzani, Tan and Loh2018). Certains auteurs considèrent les problèmes financiers comme un obstacle : le fait d’avoir un statut économique plus bas (Bergelt et al., Reference Bergelt, Ullrich, Rath, Otto, Kerschgens and Raida2017), de se sentir moins aisé financièrement (Gordon et al., Reference Gordon, Beesley, Lynch, Mihala, McGrath and Graves2014), et de rencontrer des difficultés dans l’obtention des prestations (Hartke & Trierweiler, Reference Hartke and Trierweiler2015) n’aiderait pas le RaT du travailleur en créant un stress financier. Cependant, une perte de salaire (Stikeleather, Reference Stikeleather2004; Su et al., Reference Su, Azzani, Tan and Loh2018), un salaire réduit (Su et al., Reference Su, Azzani, Tan and Loh2018), ou ne pas recevoir de pensions ou de prestations (Samuel et al., Reference Samuel, Adaba, Askari, Maeda, Duffus and Small2019) inciterait les travailleurs à retourner au travail. Cela dit, bien que ces facteurs appellent au RaT des personnes vieillissantes, il faut comprendre qu’ils ne peuvent être considérés comme des facilitateurs considérant qu’ils engendrent un choix forcé de retourner au travail par nécessité financière, et ce, en dépit des impacts possibles sur la santé (Stikeleather, Reference Stikeleather2004).

Discussion

Cette étude a permis d’identifier les facilitateurs et obstacles au RaT chez les personnes vieillissantes ayant subi une atteinte à la santé. L’analyse de 34 manuscrits a permis de mettre en lumière différents facteurs liés au travailleur, au travail, au système de santé, ou à la compensation qui influencent spécifiquement le RaT des personnes vieillissantes. Cette étude contribue à l’avancement des connaissances selon quatre idées maitresses pour soutenir le RaT des travailleurs vieillissants : 1) considérer équitablement l’influence des différents systèmes, 2) miser sur le soutien, 3) défaire les préjugés, et 4) transformer le travail. Des leviers et pistes d’action spécifiques aux travailleurs vieillissants sont suggérés pour favoriser leur participation saine, sécuritaire, et satisfaisante au travail après une période d’invalidité.

Le travailleur évolue dans un système complexe : importance de ne pas lui faire porter le poids du succès ou de l’échec du RaT

L’analyse des écrits scientifiques révèle que le système de l’individu est largement plus documenté que les autres ; d’autres auteurs ont aussi suggéré cette conclusion (Durand et al., Reference Durand, Coutu, Tremblay, Sylvain, Gouin and Bilodeau2020). Les systèmes du travail et de la santé sont moins documentés et celui de la compensation ne l’est que très peu. Bien que la majorité des études aient porté sur l’influence des facteurs liée au travailleur, il est primordial de ne pas lui faire porter le poids du succès ou de l’échec du RaT. En effet, le travailleur évolue dans un environnement complexe aux influences multiples ; les résultats de l’étude démontrent qu’un grand nombre de facteurs sur lequel il n’a pas de pouvoir influencent son RaT. De même, Seing et al. (Reference Seing, Ståhl, Nordenfelt, Bülow and Ekberg2012) soutiennent qu’il y a une répartition inégale du pouvoir entre les différentes parties. Par exemple, il appert que l’ouverture ou l’interprétation des employeurs par rapport aux possibilités d’aménagements du travail ait une influence prépondérante sur l’orientation du RaT, en dépit de ce que le travailleur peut développer comme capacités dans son processus de réadaptation. Il est requis de documenter équitablement tous les systèmes pour favoriser le partage des responsabilités entre les parties prenantes, ce qui est en accord avec les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS, 2007). Gard et al. (Reference Gard, Pessah-Rasmussen, Brogårdh, Lundgren Nilsson and Lindgren2019) propose une idée intéressante pour optimiser ce partage des responsabilités par la présence d’un coordonnateur du processus de RaT, œuvrant pour les intérêts du travailleur. Un tel tiers ayant une vision globale du processus pourrait faciliter la communication et la participation active des parties prenantes vers l’atteinte de l’objectif commun du RaT. Considérant que les travailleurs vieillissants sont souvent considérés comme une population vulnérable, il serait d’autant plus pertinent de leur offrir ce soutien dans le processus de RaT.

Le soutien : un facilitateur clé pour le RaT des personnes vieillissantes ayant subi une atteinte à la santé

La littérature démontre sans équivoque que le soutien est un puissant vecteur du RaT des travailleurs vieillissants. Il a été identifié de manière récurrente dans les quatre systèmes documentés. Des auteurs ont suggéré la possibilité d’offrir une aide aux employeurs ou superviseurs, tel qu’une formation ou un mentor, afin de les aider à soutenir adéquatement les travailleurs qui réintègrent les milieux (Wallin & Fjellman-Wiklund, Reference Wallin and Fjellman-Wiklund2019). D’autres auteurs ont rapporté l’utilité de brochures informatives que les professionnels de la santé pourraient offrir aux travailleurs et leur famille ou encore aux employeurs et collègues afin d’accompagner les personnes dans la compréhension du processus de RaT et créer les bases propices au soutien (Gard et al., Reference Gard, Pessah-Rasmussen, Brogårdh, Lundgren Nilsson and Lindgren2019). Les relations avec les collègues et le superviseur (Benson & Brown, Reference Benson and Brown2011), de même que les contacts sociaux (Twenge et al., Reference Twenge, Campbell, Hoffman and Lance2010), sont considérés comme des valeurs importantes pour les travailleurs vieillissants, en dépit du contexte de RaT. Il apparait judicieux d’utiliser le levier du soutien pour mettre en place des conditions gagnantes au RaT, qui sont adaptées aux besoins de travailleurs vieillissants. D’autant plus qu’au-delà de la sphère professionnelle, le soutien est un facteur d’importance pour les personnes vieillissantes (Dykstra, Reference Dykstra2007). Des auteurs rapportent spécifiquement que la satisfaction des personnes vieillissantes à l’égard du soutien qu’elles reçoivent serait en lien avec un meilleur état de santé général en plus de diminuer les effets négatifs de facteurs de stress (White et al., Reference White, Philogene, Fine and Sinha2009). Étant donné les effets positifs sur le RaT et la santé des personnes vieillissantes, de même que l’adéquation avec leurs valeurs, le soutien appert être une ressource de choix à mettre en place. Un soutien adéquat pourrait non seulement favoriser une participation au travail saine, sécuritaire, et satisfaisante pour les travailleurs vieillissants au retour d’une période d’invalidité, mais aussi contribuer à diminuer les préjugés dont ils sont victimes.

L’urgence de défaire les perceptions négatives

Les résultats de l’étude suggèrent que des préjugés teintent le processus de RaT, dans les divers systèmes documentés. Par exemple, l’analyse des écrits démontre que les travailleurs eux-mêmes peuvent véhiculer des préjugés via les craintes qu’ils ressentent en regard de leur RaT, notamment celle d’être remplacé par un travailleur plus jeune (Maillette et al., Reference Maillette, Coutu and Gaudreault2017). Du côté du système de santé, Stikeleather (Reference Stikeleather2004) démontre que le processus de réadaptation cible parfois uniquement les causes de l’invalidité, omettant de tenir compte de l’état de santé général des travailleurs vieillissants, ce qui peut causer un préjudice pour cette population pour qui l’âge influence la performance. Cette situation semble d’ailleurs spécifique aux travailleurs vieillissants en comparaison à leurs comparses plus jeunes. Durand et al. (Reference Durand, Coutu, Tremblay, Sylvain, Gouin and Bilodeau2020) notent cette tendance : les représentations entretenues par les professionnels de la réadaptation à l’égard des travailleurs vieillissants peuvent brimer l’accès de ceux-ci aux soins dont ils auraient besoin. Par exemple, un manque de sensibilité à certains besoins des travailleurs vieillissants peut influencer leur processus de réadaptation. Enfin, ce serait dans le système du travail où les préjugés envers les travailleurs vieillissants seraient les plus marqués. Entre autres, le milieu de travail renferme des perceptions négatives, quelquefois plutôt directes (p. ex., réactions négatives de l’employeur) et d’autres fois plus implicites (p. ex., liées au processus d’embauche) (Neary et al., Reference Neary, Katikireddi, Brown, Macdonald and Thomson2019). Il est possible de changer ces tendances, mais cela nécessite de grandes initiatives d’accommodation, de diversité, et d’inclusion de la part des milieux de travail (Vasconcelos, Reference Vasconcelos2015). Plusieurs suggestions peuvent être proposées pour défaire les préjugés à l’égard du vieillissement qui sont véhiculés dans les milieux de travail. Tout d’abord, il importe de modifier la culture du milieu de travail afin de valoriser l’apport des travailleurs vieillissants, en complémentarité avec celui des plus jeunes. Pour Fasbender (Reference Fasbender2016), des contacts sociaux fréquents et positifs ainsi que le fait d’encourager une identité commune entre les différents groupes d’âge contribuent à la collégialité et à l’appréciation de chacun. D’autres auteurs ont proposé de sensibiliser les autres employés aux mythes et réalités du vieillissement, ce qui pourrait faciliter la cohabitation intergénérationnelle (Rupp, Vodanovich, & Crede, Reference Rupp, Vodanovich and Crede2006). Du côté des gestionnaires, les pratiques de management inclusives par rapport à l’âge, comme l’égalité d’accès à la formation, le recrutement et la promotion sans distinction d’âge, ainsi que la formation des gestionnaires sur la manière de gérer les différences d’âge sur le lieu de travail, s’avèrent des pratiques favorisant l’inclusion des travailleurs vieillissants, ce qui contribue à défaire les préjugés (Fasbender, Reference Fasbender2016). Ces changements dans la culture et les pratiques pourraient ouvrir la voie à une transformation du travail qui soit bénéfique pour la participation des travailleurs vieillissants ayant vécu une période d’invalidité.

Optimiser le potentiel des travailleurs vieillissant passe par la transformation du travail

Les travailleurs vieillissants représentent des ressources essentielles pour le marché de l’emploi contemporain. Ces travailleurs ont des qualités qui leur sont spécifiques, comme une grande expérience accumulée (Costa & Sartori, Reference Costa and Sartori2007; Ng & Law, Reference Ng and Law2014). Bien qu’ils savent faire preuve d’adaptabilité, ces travailleurs vivent des changements de différentes natures, notamment dans leurs capacités physiques et cognitives (Wong & Tetrick, Reference Wong and Tetrick2017). De plus, des caractéristiques de leur emploi peuvent avoir évolué avec le temps (Wong & Tetrick, Reference Wong and Tetrick2017). Ainsi, les exigences de travail ne sont plus toujours en adéquation avec les changements biologiques survenus avec l’âge (Costa & Sartori, Reference Costa and Sartori2007). Afin d’optimiser la contribution de ces travailleurs à la main-d’œuvre contemporaine, il serait requis de modifier la vision du travailleur vieillissant pour ne plus mettre l’accent sur la diminution des capacités, mais bien sur le développement de nouvelles opportunités. Cette stratégie pourrait avoir des avantages importants pour eux, leurs employeurs, ainsi que la société en général (Durand et al., Reference Durand, Coutu, Tremblay, Sylvain, Gouin and Bilodeau2020). Notamment, ce changement de paradigme augmenterait la motivation des travailleurs (Durand et al., Reference Durand, Coutu, Tremblay, Sylvain, Gouin and Bilodeau2020) en plus de tirer un plus grand avantage de leur potentiel. Selon Krause, Dasinger, & Neuhauser (Reference Krause, Dasinger and Neuhauser1998), modifier les tâches de travail pour offrir de nouvelles opportunités en adéquation avec les capacités des travailleurs vieillissants faciliterait le RaT, tant pour les travailleurs en situation d’incapacité temporaire que permanente; ceux bénéficiant de ces modifications reviendraient au travail deux fois plus rapidement. Des travaux futurs devraient être entrepris à court terme afin de proposer des pistes de solutions tangibles pour transformer le travail afin que les travailleurs vieillissants puissent y contribuer de façon saine, sécuritaire, et satisfaisante après une période d’invalidité.

Limites de l’étude et pistes de recherche futures

Des précautions sont nécessaires dans l’interprétation des résultats présentés. D’une part, en accord avec le devis d’examen de la portée, la qualité des manuscrits inclus n’a pas été évaluée. De plus, aucune distinction par rapport aux causes de l’invalidité des travailleurs et aux types d’emploi n’a été faite en raison du caractère exploratoire de l’étude. Un fait intéressant est qu’aucun manuscrit retenu ne s’intéressait spécifiquement à l’invalidité pour une raison de santé mentale. Pourtant, au Canada, une réclamation d’invalidité sur trois serait liée à des raisons de santé mentale (Commission de Santé Mentale du Canada, 2016). Puisque les travailleurs vieillissants sont aussi à risque de subir une période d’invalidité pour une raison liée à la santé mentale, il serait requis d’investir ce créneau de recherche pour cette population singulière. Enfin, il serait pertinent de s’intéresser à l’influence du genre pour le RaT de ce groupe de travailleurs puisque les écrits en rapportent une influence inconsistante. Aussi, l’analyse de cette étude a été réalisée en tenant compte des quatre systèmes fréquemment nommés dans la littérature comme ayant une influence sur le retour au travail (c.-à-d., systèmes du travailleur, du travail, de la santé, et de la compensation). Bien que les écrits reconnaissent que ces systèmes s’inscrivent dans une dynamique d’échanges entre acteurs sociaux faisant partie d’un contexte culturel (Costa-Black, Feuerstein, & Loisel, Reference Costa-Black, Feuerstein and Loisel2013), il pourrait être intéressant de définir spécifiquement le système social dans une prochaine étude portant sur le retour au travail des travailleurs vieillissants, puisque les préjugés, croyances, et stéréotypes représentent des facteurs d’influence pour cette population singulière. Enfin, bien que les résultats de cette étude présentent une classification des facteurs selon chacun des systèmes, il ne faut pas perdre de vue qu’une interaction est présente entre les facteurs, comme il est rapporté dans d’autres études portant sur le retour et le maintien au travail après une période d’invalidité (Buys & Rennie, Reference Buys and Rennie2001; Lecours et al., Reference Lecours, Durand, Coutu, Groleau and Bédard-Mercier2021). Ainsi, bien que cette étude permette de comprendre les bases des facteurs qui influencent le retour au travail des personnes vieillissantes, d’autres travaux sont requis pour en comprendre la complexité, notamment via l’interaction entre les facteurs et la spécificité des différences avec les travailleurs plus jeunes.

Conclusion

Les travailleurs vieillissants constituent une ressource essentielle pour le marché du travail contemporain. Ils sont susceptibles de vivre des périodes d’invalidité au travail et une expérience singulière lors de leur RaT. Cette étude avait comme objectif d’identifier les facilitateurs et obstacles au RaT chez les personnes vieillissantes ayant subi une atteinte à la santé. Les 34 manuscrits retenus dans cette étude ont fait état de différentes catégories d’obstacles et de facilitateurs, soit ceux liés à l’individu, au travail, au système de santé, et à celui de la compensation. Bien que d’autres études soient requises, des leviers (p. ex., soutien) et pistes d’actions (p. ex. : transformer le travail) peuvent maintenant guider les parties prenantes pour favoriser le succès du RaT chez les travailleurs vieillissants ayant subi une atteinte à la santé.

Financement

Cette étude a été financée par une Subvention d’établissement de jeune chercheur associée à une bourse de carrière junior 1 des Fonds de recherche du Québec / Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et sécurité du travail (dossier no 280189)

Déclaration de conflits d’intérêt

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêt.

Supplementary Materials

To view supplementary material for this article, please visit http://doi.org/10.1017/S0714980822000095.

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Figure 0

Tableau 1: Stratégie de recherche

Figure 1

Figure 1: Logigramme du processus de sélection des manuscrits

Figure 2

Tableau 2: Description des manuscrits retenus

Figure 3

Tableau 3: Facteurs influençant le RaT des personnes vieillissantes ayant subi une atteinte à la santé

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