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La Notion De Dignité Humaine Selon Erasme De Rotterdam*

Published online by Cambridge University Press:  17 February 2016

Jean-Claude Margolin*
Affiliation:
Centre d’Études Supérieures de la Renaissance, Université François Rabelais, Tours
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Le platonisme florentin, et surtout le fameux discours de Pic de la Mirandole de dignitate hominis sont souvent considérés comme les manifestations primordiales de l’humanisme européen, pour peu que Ton accorde à ce dernier concept si controversé de par sa polysémie elle-même, le sens d’une philosophic ou, à tout le moins, d’une attitude mentale exaltant la grandeur ou la liberte de l’homme. La dignité de l’homme serait moins une valeur ajoutée a l’homme que l’expression même de son essence, ou sa définition spécifique: homo loquens, homo rationalis, zôon politicon, la notion de dignité subsumerait toutes les autres caractéristiques de l’homme, tant il est vrai que le don de la parole — qui distingue l’homme des animaux, capables seulement d’exprimer des sons (sonitus, mais non point voces ou verba) — la puissance de la raison — qui le distingue également des bêtes brutes, mues par l’instinct — ou encore la volonté de former avec ses semblables une communauté civile — si différente des rassemblements de hordes ou de troupeaux de bêtes — constituent des aspects ou des modalités de la dignitas.

Type
Part I. The Church in Europe
Copyright
Copyright © Ecclesiastical History Society 1991 

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Footnotes

*

Cet article a fait d’abord I’objet d’une conference a l’Université de Turin et a été publiée dans la Studi Francesci, 80 (1983), pp. 205–19.

References

1 Sur ce discours, Napoli, cf. Giovanni di, Ciovanni Pico delta Mirandola e la problematica dottrinale del suo tempo (Rome, 1965Google Scholar); Lubac, H. de, Pic de la Mirandole (Paris, 1974)Google Scholar; Martins, J. de Pina, Jean Pic de la Mirandole (Paris, 1976)Google Scholar; l’ édition Garin, d’E., De dignitate hominis (Edizione Nazionale dei dassici del pensiero italiano, Florence, 1942), pp. 102–64Google Scholar.

2 Distinction classique: cf. notamment Erasme, dans son traité De recta pronunciation, Clericus, éd. J, Desiderius Erasmus. Opera omnia, 10 vols (Lugduni Batavorum, 1703-6)Google Scholar, [= LBJ, 1, 913–14B; ed., Cytowska, M., Desiderius Erasmus. Opera omnia (Amsterdam, 1969—) [= ASD], 14 (1973), pp. 1415Google Scholar. Voiraussi, , Lingua, LB, 4, 661 et ASD.IV-I (1974), pp. 243–4Google Scholar.

3 Ouvrage imprimé à Bâle en 1532, et publié par les soins de J. Alex. Brassicano. Sur Giannozo Manetri, cf. Wittschier, H. W., Manetli, G., das Corpus des Orationes (Cologne-Graz, 1968Google Scholar).

4 Expression qui n’est pas classique, mais que I’on trouve notamment dans Tertullien, Apolo- geticus, 23.

5 Plus précisément encore: De nobilitate et praecellentiafoeminei sexus declamatio (Anvers, 1529, in. 8°). Dédiée à Marguerite d’Autriche. On pourrait faire remarquer que le terme de declamatio, qui désigne ordinairement un exercise oratoire par lequel on soutient une cause paradoxale, sinon absurde, laisse planer quelques doutes sur le degré de sincérité ou de profondeur de ce traité. Mais je pense que chez Agrippa, comme chez Erasme, le caractere ‘extérieur’ ou ‘formel’ de la declamatio est parfaitement compatible avec le sérieux et le caractére authentique des pro pos exprimés.

6 II porte aussi le titre de De humanae vitae felicitate liber, seu summi bonifruitatione et est dédié au roi Alphonse d’Aragon (il ne sera imprimé à Anvers, chez Planrin, qu’en 1556).

7 Humanisme et Renaissance (1938), pp. 102–45.

8 Notamment Die Kullur der Renaissance in Italien (Bâle, 1860). Cf. trad. fr. La Civilisation de la Renaissance en Italie (Paris, 1958).

9 L’affirmation d’un regnum hominis est une revendicarion de la spiritualité, car la dignitas hominis apparait dans tous ces textes — et jusqu’à Pic et à l’humanisme chrétien — contre toute interpretation physique du concept de microcosme.

10 C’est Nephalius qui s’exprime ainsi dans le Convivium religiosum, ed. Halkin, L.-E., ASD, 1–3 (1972). P. 253. line 710Google Scholar.

11 Theologiae Platonicae de immortalite animorum lib. XVIII (1488). Cf. l’ed., trad, de l’Abbé Marcel, R. (Paris, 1964, 1970)Google Scholar [= Classiques de l’humanisme].

12 LB 10, in fine.

13 C’est-à-dire conforme au texte hébreu original (quand on en a connaissance et que l’on est hébraisant), ou au texte grec (censé être resté fidéle au texte hébreu de l’Ancien Testament). A propos de la traduction latine du Nouveau Testament par Erasme et de ses références au texte grec (constitué à partir d’un certain nombre de manuscrits médiévaux), Jonge, cf. H. J. De, ‘Novum Tatamentum a nobis versum. De essentie van Erasmus’ uitgave van het Nieuwe Testa ment’, Lampas, 15 (1982), pp. 231–48Google Scholar.

14 Cf. mes deux editions: Genève, Droz, 1966 (avec trad, fr., étude critique et commentaire); ASD, 1–2 (1971), pp. 1–78.

15 LB, 493B;Droz, p. 353; ASD.1-2, p. 31, line 21.

16 A propos de ce passage, Dresden, cf. S., dans une conférence donnée à Rotterdam en avril 1969: ‘Geloof me: mensen worden niet geboren.’Google Scholar

17 ASD, 1–2, p. 31: ‘Arbores fortasse nascuntur, licet aut steriles aut agresti foetu; equi nascuntur, licet inutiles; at homines, mihi crede, non nascuntur, sed finguntur.’

18 Cf. mon article, ‘Pédagogie et philosophic dans le Depueris instituendis de Erasme’, Paeiagogica Historica, 4 (1065), pp. 370–91.

19 J’emprunte ces formules frappantes — qui correspondent d’ailleurs exactement au latin d’Erasme — au philosophe Gaston Bachelard, au demeurant maître-pédagogue.

20 On connait le passage d’Horace, Ep. 1, 10, 24: ‘Naturam expellas furca, tamen usque recurrit’, qui est à la source de ce topos.

21 Sur les rapports dialecriques de ratio et d’oratio, cf. notamment Boyle, M. O’Rourke, Erasmus on Language and Method in Theology (Toronto, 1977), notamment ch. 2 (oratio)Google Scholar.

22 Pour en avoir une idée claire, exposée rapidement mais substantiellement, cf. les deux brèves monographies Halkin, de L-E., Erasme et I’humanisme chrétien (Paris, 1969)Google Scholar [- Classiques du XXe siècle) et de Mesnard, P., Erasme et le christianisme critique (Paris, 1969)Google Scholar. Cf. aussi mon Erasme (Editions du Seuil, Paris, 1965).

23 Voir ma note sur declamatio dans mon édition du De pueris (Genève), p. 110.

24 Ce Pédagogue mérite le nom de Magister: c’est le Christus Magister, plutàt que le Christus Dominus (encore que ce dernier terme designe, tout aussi bien, dans un cadre antique, le maître par rapport à l’esclave, que, dans un cadre chrétien, le Seigneur dont la maîtrise ou la domination est toute spirituelle).

25 Cf. le colloque De rebus ac vocabulis, ed. Halkin, ASD, I-3, p. 566. C’est Luther qui reprochait à Erasme de parler (verba) pour ne pas dire grand’chose de susbtanriel (res).

26 Precatio est le terme ordinaire qui le désigne (cf. Precatio dominica d’Erasme, son commentaire du Pater), mais Erasme se sert parfois d’oratfo; l’orateur pouvant exercer son éloquence aussi bien sur la place publique que dans une église (auquel cas il deviendra ecclesiastes, l’orateur ‘sacré’). De toute faÇon, Erasme insiste sur le dialogue, l’échange (même muet).

27 Diatribe de libero arhitrio (Froben, Bâle, sept. 1524).

28 Lecler, Cf. J. et Valkhoff, M. F., Les premiers défenseurs Je la liberté religieuse, 1 (Paris, 1969Google Scholar). Sébastien Castellion, Sur (1515-63), cf. pp. 95131Google Scholar, et notamment la préface de son Traité des hérétiques(1554)

29 La Peuren Occident (Paris, 1978), notamment ch. 11 et 12, pp. 346–88. Muchem- bled, Cf. aussi R., La Sorcière au village (Archives-Julliard, 1979)Google Scholar.

30 Margolin, J.-C., ‘Antisémitisme d’hier et d’aujourd’hui: antisémitisme éternel?’, Temps modernes, 410 (1980), pp. 429–43Google Scholar.

31 Markish, Simon, Erasme et les Juifs (Lausanne, 1979)Google Scholar, lettera ‘L’Age d’Homme’.

32 Erasmi opus epistolarum, ed., Allen, P. S. and Allen, H.M., 12 vols (Oxford, 1906-58), 2, ep. 549 (10 mars 1517)Google Scholar.

33 Ibid., 3, ep. 739(15 mars 1518).

34 Texte cité dans Margolin, ‘Antisémitisme’, p. 434.

35 Par exemple à l’égard du moine espagnol Sepulveda, qui lutta de routes ses forces contre l’influence d’Erasme et de l’érasmisme en Espagne (cf. à cet égard Bataillon, M., Erasme el Espagne [Paris, 1937], passim)Google Scholar.

36 Cf. à ce sujet quelques pages Telle, d’E.-V., Erasme et le septième sacrement. Etude d’evangélisme matrimonial au XVI’ Steele (Geneve, 1954), pp. 84–5, 193–4Google Scholar.

37 Margolin, Cf. J.-C., ‘Erasme et le problème social’ (conférence prononcée à Moscou, le 23 août 1970), Rinascimento, 13 (1973), pp. 85112Google Scholar.

38 Cf. en particulier les colloques philogamiques, et notamment Agamos gamos sive Conjugium impar, ASD, 1–3, pp. 591–600.

39 Cf. trad. fr. édit, du Pot Cassé; 4.’ Livre des Colloques, pp. 61–83.

40 Cf. ed., crit. Halkin, ASD, 1–3, pp. 403–8, et trad. fr. Halkin. Les Colloques d’Erasme (Bruxelles, 1971). pp.90-6.

41 Margolin, Cf. J.-C., ‘Une princesse d’inspiration érasmienne: Marguerite de France, duchesse de Berry, puis de Savoie’ in Culture etpouvoirau temps de I’Humanisme et de la Renaissance = Actes du Congrés Marguerite de Savoie (Genéve et Paris, 1978), pp. 155–83Google Scholar (pour l’idéal de la virago, pp. 155–6); et ‘Margaret More-Roper: l’idéal érasmien de la virago’ (communication préparée pour le Colloque international de Lodz [Pologne] sur la Femme à l’epoque de la Renaissance [oct. 1982]).

42 De pueris instituendis, ed., Margolin (Genève), p. 587 et n. 832 (LB, 514C) et pp. 421 et 540 (note): cf. LB 503A.

43 LB, 489D et ASD, p. 25, lignes 2–3, ‘Audio te patrem esse factum, et quidem prole mascula.’

44 Depueris instituendis, LB, 503C et ASD, p. 55, lignes 2–3: ‘Praeter naturam est foeminam in masculos habere imperium.’

45 Inst, christ. matrim., LB, 1, 712E-F. Cf. aussi ce même passage du Depueris.

46 Cf. notre Anthologie. Guerre et Paix dans la pensée d’Erasme de Rotterdam (Paris, 1973).

47 Ed. Halkin, ASD, I-3, pp. 154–8.

48 Trad. Halkin, Les Colloques, pp. 17–23.

49 Texte complet dans LB, 4. De larges extraits traduits en francais dans norre Anthologie, pp. 328 et sea. (cf. lettie a Johan Rinck, 17 mars 1530: Allen, 8, ep. 2285). Cf. aussi notre article ‘Erasme et la guerre contre les Turcs’, ll Pensiero Politico (1980), pp. 3–38.

50 Cf. notamment Confessio militis et la Querela pacts (1517): notre Anthologie, p. 221.

51 Adage 925, LB, 2, 374D.

52 Ce concept aristotélicien correspondant à l’aequitas naturalis a fait l’objet d’une étude appliquée aux humanistes et notamment à Erasme: Kisch, G., Erasme und die Jurisprudent seiner Zeit (Bâle, 1960)Google Scholar.

53 ASD, IV-i (1974), ed., Schalk, , pp. 221370Google Scholar.

54 Par différentiation et même par opposition avec l’homo loauens, celui qui fait de la parole l’usage qui est inscrit dans son essence. Le bavard, c’est aussi legarrulus, celui qui ne dit que fadaises (nugas). Cf. Lingua, pp. 293–4.

55 Les très jeune enfant, qui répète sans les comprendre les mots entendus, qui s’habitue à la voix humaine, fait de même (cf. De recta pronuntiatione, ed., M. Cytowska, M., ASD, I-4 [1973], p. 14)Google Scholar.

56 Ed. Böoking, E. des Opera omnia, 3 (Leipzig, 1866), pp. 106Google Scholar et seq.

57 Adage 1401, LB, 2, 551E. Cf. notre trad, in Anthologie, pp. 178–84.

58 ASD, 1–2 (1971), p. 266: ‘De consuetudine unum muldtudinis numero compellandi.’

59 Ibid., pp. 272–3.

60 2 vols, repr. (O. Zeller, Osnabrück, 1966).

61 Hippeus anhippos, ASD, l-3, pp. 612–19.

62 Ce que nous avons essayé de montrer dans notre article ‘Erasme et la vérité’, in Colloquium Erasmianum (Mons, 1968), pp. ns-69 (repris dans Recherches érasmiennes (Genéve, 1969), pp. 45–69.

63 Sur l’ambiguite de la devise et de l’emblême de dieu Terminus qui en avait été la source, cf. Wind, E., ‘Aenigma Termini: the emblem of Erasmus’, Journal of the Warburg and Courtauli Institutes, 1 (1937), pp. 66–9Google Scholar.