L'économie belge évolue depuis plus de deux ans dans un climat de très haute conjoncture. Dès la fin de 1962, certaines tensions sont apparues. En particulier, le plein emploi ayant été atteint, le rythme de hausse des salaires s'est sensiblement accéléré.

Les prix de gros industriels étant à cette époque soumis à certaines pressions à la baisse, il s'est produit une diminution des marges bénéficiaires, plus ou moins prononcée suivant les secteurs. Ce phénomène a fait craindre que les investissements de l'industrie ne subissent une contraction. Toutefois, ce fait ne s'est pas produit jusqu'ici. Dans la mesure où elles ont manqué de moyens de financement propres, les entreprises ont préféré avoir recours au crédit bancaire, à celui des organismes paraétatiques, voire au marché.

Cet article vise à préciser certains aspects de la décision d'investir, à la lumière des réflexions critiques que nous suggère l'analyse des thèses émises par A. LAMFALUSSY dans ses deux livres : Investment and Growth in Mature Economies: The case of Belgium et The United Kingdom and the Six: an Essay on Economic Growth in Western Europe.

Les phénomènes de tension soutenue qui dominent la phase de haute conjoncture de l'économie belge se caractérisent depuis janvier 1964 par une intensité moindre sur les marchés de l'argent et des biens; l'excès global de la demande effective sur l'offre au marché apparaît atténué par des mesures destinées à freiner l'emballement de la demande beaucoup plus que par un élargissement de l'offre de biens.

Cette chronique s'assigne un but limité, différent de celui que se sont imposé les chroniques de finances publiques des numéros précédents. Au lieu de présenter une description et une analyse détaillées des comptes du pouvoir central en 1963, nous nous bornerons à examiner l'équilibre général des finances publiques, le financement du déficit global et l'influence tant de l'impasse que de sa méthode de financement sur l'économie du pays. L'analyse est donc ambitieuse, par l'ampleur des problèmes de politique économique qu'elle soulève, mais modeste par l'abondance et la précision des renseignements statistiques qu'elle fournit.

La conjoncture belge est caractérisée par une hausse générale des coûts et des prix beaucoup plus accentuée que l'accroissement des produits physiques (graphique I). Cette conjoncture en prix traduit un déséquilibre global entre la demande et l'offre effectives, entretenu par l'abondance relative des revenus des particuliers et du crédit. Elle apparaît en Belgique plus récente et moins intense qu'en France et en Italie.

Le présent diagnostic se situe à un moment particulièrement critique de la conjoncture économique, qui évolue depuis le début de 1963 dans un état de tension caractérisée. Ceci est une période très longue au regard de l'expérience historique. Il n'est donc pas étonnant que les incompatibilités entretenues par ces tensions se manifestent de plus en plus clairement.

La prise de position décisive ne vient cependant pas du Marché commun, où cette tension s'est prolongée sous l'empire des développements structurels, mais de la Grande-Bretagne, qui vient seulement d'atteindre l'état de plein emploi et de tension; la sensibilité de ce pays provient du fait que les tensions de conjoncture s'y polarisent sur la balance des paiements et mettent ainsi directement en cause la politique gouvernementale. La Grande-Bretagne devient ainsi soudainement tête de file dans l'évolution de la conjoncture.

L'instabilité des revenus d'exportation est une des difficultés essentielles rencontrées par de nombreux pays sous-développés dans leur effort de construction économique.

Monsieur José A. Mora, Secrétaire général de l'Organisation des Etats Américains, résume bien le point de vue des pays sous-développés à ce sujet lorsqu'il déclare: «… la stabilité des prix des produits de base est le plus important et le plus urgent (des problèmes). Je veux souligner ici que les régions sous-développées, y compris l'Amérique latine, ont en fait perdu plus d'argent par la suite des variations brutales et anarchiques de ces prix qu'elles n'en ont reçu au titre de l'aide économique. La stabilité des prix est indispensable pour que l'Amérique latine et les autres régions puissent se procurer les devises extérieures nécessaires pour payer les importations accrues, et leur permettre d'alimenter leur industrialisation et de mettre ainsi en valeur des investissements étrangers».

Il est assez frappant de constater que la littérature — abondante— consacrée aux critères publics d'investissement dans une optique de développement, ne fait pas ou guère référence à la théorie classique de l'investissement privé. Lorsque mention est faite des outils de cette théorie, c'est pour signaler en quelques mots leur inadéquation pour l'étude des projets de développement.

Une autre caractéristique de la littérature des critères publics d'investissement est son hétérogénéité. On se trouve devant une série de formules qui mettent en évidence différents traits de « désirabilité » d'un investissement, mais entre lesquelles il est difficile de faire un choix.

Une des conditions nécessaires de l'équilibre international est l'intervention d'un système monétaire apte à satisfaire les échanges internationaux de biens et de capitaux. Le système actuel est alimenté par l'or et, de façon croissante, par les engagements d'un pays banquier; il est organisé sur un régime de changes fixes et facilite les adaptations internationales que permet la convertibilité extérieure.

Depuis plusieurs années, le développement de la production industrielle et des exportations du Royaume-Uni constitue un sujet de préoccupation, et un grand nombre d'interprétations ont été avancées.

Sans vouloir engager une controverse, il semble utile de systématiser et de nuancer certains aspects de ces intérpretations, en vue de mettre en lumiere et de preciser la nature des liens éventuels qui peuvent exister entre les investissements et la politique économique d'une part et la structure des exportations et des avantages comparatifs d'autre part.

En 1963, plus encore qu'au cours des années précédentes, la demande extérieure a constitué pour l'économie belge le principal facteur d'entraînement à la haute conjoncture. Par rapport à leur niveau déjà élevé de 1962, les ventes de biens et de services ont en effet progressé de 9 %, alors que la hausse des dépenses privées intérieures de consommation et d'investissement n'atteignait que quelque 6 %, soit un taux légèrement inférieur au développement du produit national brut à prix courants. Quant aux dépenses publiques, qui se sont elles aussi développées aux rythmes élevés de l'année antérieure, elles n'ont exercé aucune influence contracyclique; au contraire, elles ont contribué à exacerber les tensions apparues au second semestre dans le dispositif des prix.

Dans sa thèse sur la demande de monnaie, M. Falise, après avoir défini la monnaie comme pouvoir de choix à l'instar de nombreux auteurs tels que Anderson, Baudin, R. Mossé, L.H. Dupriez, etc., et la demande de monnaie comme une demande de pouvoir de choix s'insérant dans l'interdépendance générale, s'attachait à en montrer les fluctuations souvent adaptatives mais parfois motrices, dans les différents mouvements conjoncturels de type normal. La nature et les effets de la demande de monnaie-pouvoir de choix dans les conjonctures anormales n'étaient évoqués que d’assez loin.

Publié à l'automne 1962, le Memorandum de la Commission sur le programme d'action du Marché Commun pendant la deuxième étape a précisé en son chapitre 7 les mesures à prendre par la Communauté et les Etats membres pour réaliser les objectifs du Traité de Rome. Le document considère qu'il y a lieu de poursuivre deux politiques.

La première concerne le développement économique sur la base des structures existantes. Elle s'occupe des mesures à court terme, surtout à caractère anticyclique mais aussi à plus long terme. Ces dernières doivent définir la politique économique et financière des états membres pour des périodes de quatre ou cinq ans, et plus particulièrement déterminer le taux de croissance désirable, la répartition des revenus, les investissements, la consommation, l'équilibre du marché de l'emploi, etc.

Après avoir observé l'évolution des encaisses réelles dans quelques cas historiques d'inflation et de fin d'inflation, le moment est venu de tenter une systématisation des comportements relatifs à la demande d'encaisse dans ces conjonctures anormales.