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Le renseignement statistique dans les pays de l'Est. Essai critique
Published online by Cambridge University Press: 17 August 2016
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L'Union soviétique est devenue en peu d'années une grande puissance industrielle. De nombreux pays d'Europe centrale ont été amenés à opérer sous son égide une transformation profonde de leurs économies. Ceux qui étaient peu industriels se sont orientés résolument dans la voie de l'industrialisation. Ceux qui avaient une industrie importante, Tchécoslovaquie et Allemagne orientale, en ont modifié considérablement la structure.
- Type
- Research Article
- Information
- Recherches Économiques de Louvain/ Louvain Economic Review , Volume 26 , Issue 2 , March 1960 , pp. 43 - 55
- Copyright
- Copyright © Université catholique de Louvain, Institut de recherches économiques et sociales 1960
References
(1) Parmi les plus connus, citons Bettelheim, Ch.. Voir notamment La planification soviétique, 3e éd., Paris, 1945 Google Scholar; Les problèmes théoriques et pratiques de la planification, Paris, 1946 Google Scholar, et L'économie soviétique, Paris, 1950 Google Scholar.
(2) a) Au niveau de l'entreprise, le plan est souvent très imparfait. «Dans bien des entreprises, le plan d'entreprise se trouve dans le coffre et est peu utilisé dans le travail journalier. Le directeur d'une grande entreprise de construction de machines disait qu'il ne pouvait pas travailler d'après le plan, car l'administration centrale compétente l'avait déjà si souvent modifié qu'il ne savait plus quel était le plan en vigueur». Hicke, W., Betriebsplan und Vertragssystem, dans Wirtschaftswissenschaft, Berlin (Est), 1954, n° 4, p. 431 Google Scholar, repris par Heuer, H., Zur Organisation der Betriebsplanung in der volkseigenen Industrie des sowjetischen Besatzungsgebietes, Berlin, Duncker u. Humblot, 1958 Google Scholar.
b) Le plan sous-estime souvent les capacités de production disponibles. Voici un passage repris à L. Gatovski, Professeur à l'Université de Moscou, et qui est très significatif à cet égard: «Ce n'est certes pas l'effet du hasard si le bilan de l'activité industrielle du deuxième semestre 1957 est, en règle générale, meilleur que celui du semestre correspondant de l'année précédente, que les chiffres comparés des premiers semestres de ces deux années. L'industrie a réalisé son plan avant terme, grâce surtout aux résultats du second semestre. Détail caractéristique: dans le passé, les ministères soulevaient habituellement des objections contre l'augmentation des plans de production des usines de constructions mécaniques. En 1957, s'appuyant sur les nouvelles réserves décelées par eux, un très grand nombre de sovnarkhoses ont insisté pour que les plans de production de ces entreprises soient augmentés. Or, c'est là un phénomène assez typique». Gatovski, L., Des forces motrices du développement de l'économie soviétique, dans L'économie soviétique en 1957, Bruxelles, U.L.B. Centre d'Étude des Pays de l'Est, 1958, p. 182 Google Scholar.
Les plus hautes autorités soviétiques se sont penchées sur ce problème. «Comme le disait Malenkow, dans le Rapport du Comité Central du P. C. de l'Union Soviétique au XIXe Congrès, dans de nombreux secteurs industriels, on s'arrange encore mal pour utiliser complètement les capacités de production. De nombreux ministères se basent encore, pour déterminer les capacités de production des entreprises, sur les goulots d'étranglement dans la production; dans le calcul des capacités, on fixe souvent des normes trop basses pour la productivité de l'équipement, on fixe des normes de travail pour la fabrication de produits sans considérer les progrès de la technologie et les meilleures méthodes d'organisation du travail. Au lieu d'accroître la production par une meilleure utilisation des réserves internes des entreprises, les ministères attendent souvent de l'État des investissements en construction de nouvelles entreprises». Kontorowitsch, W., Der Betriebsplan des Industriebetriebes, trad, du russe (édition originale en 1953), Berlin (Est), Die Wirtschaft, 1955, p. 146 Google Scholar.
(3) M. G. Clark qui, pendant plusieurs années, a étudié la sidérurgie soviétique et a procédé en cette matière à tous les recoupements possibles, émet l'avis que «Bien qu'aucun cas de falsification délibérée n'ait été rencontré, on a trouvé les auteurs soviétiques particulièrement disposés à choisir et à rejeter des données en vue d'arriver à justifier n'importe quel point qu'ils cherchent à établir». Clark, M. G., The Economics of Soviet Steel, Cambridge, Harvard University Press, 1956, p. 3 CrossRefGoogle Scholar.
(4) Cfr Ostrowitjanow, K., Die sozialistische Planung und das Wertgesetz, trad, du russe, dans Sowjetwissenschaft, 1948, n° 2, Berlin (Est), p. 37 Google Scholar: «A la différence du capitalisme, l'État soviétique planifie les prix des produits fabriqués dans les entreprises d'État, qui sont vendus dans un système de commerce étatique et collectif, et influence par des mesures économiques les prix du marché des kolkhozes, il planifie la quantité des produits qui entrent dans la sphère de la circulation des biens, le fonds de pouvoir d'achat de la population et des entreprises socialistes». On voit qu'implicitement au moins la théorie soviétique considère le problème de la valeur des biens de consommation mis à la disposition du public comme un problème distinct.
(5) Il semble qu'on ait établi depuis peu, en U.R.S.S., un certain marché des machines agricoles. Les fermes collectives les paient sur leurs bénéfices et en deviennent «propriétaires». On ne sait pas cependant dans quelle mesure le prix de ces machines est un véritable prix de marché ou s'il existe une sorte de rationnement qui lui fait perdre toute signification. La question est surtout théorique, car on ne connaît pas le prix de ces machines.
Il existe d'ailleurs très certainement en U.R.S.S. un mouvement puissant en faveur du retour à plus de vérité économique. «La revue polonaise Pro Prostu — interdite depuis — a signalé dans le projet de réorganisation industrielle de Krouchtchev une innovation essentielle: le réseau de dépôts et de magasins pour la vente libre des matières premières et des produits au service des entreprises. Selon Pro Prostu, ceci pourrait être le commencement d'un marché libre des moyens de production». Kuypers, G., dans L'économie soviétique en 1957, Bruxelles, U.L.B., 1958, p. 121 Google Scholar.
(6) Ces idées sont cependant sérieusement mises en question. Cfr à ce propos G. Kuypers, loc. cit., p. 120: «Un congrès important, tenu à Moscou en décembre 1956, a examiné les problèmes de la «loi» de la valeur et des prix d'un point de vue scientifique. Il a fait ressortir de considérables divergences de vue et a conclu à l'extrême urgence d'une étude approfondie du problème. … Le rapporteur s'en tenait à la vieille doctrine marxiste, empruntée à Adam Smith, du travail déterminant la valeur. A quoi quelqu'un a riposté que le fait que des marchandises soient refoulées dans le réseau de commerce sans trouver de débouchés prouve que le travail incorporé dans ces marchandises n'a pas été socialement reconnu. … Un autre orateur, membre de la Gosekonomkommissiya — organe qui n'existe plus — proclamait comme une loi que tous les produits, y compris les machines, sont des marchandises et, de ce fait, doivent être considérés comme des objets de vente».
(7) Cfr Arnold, Buchert U. Schmidt, Oekonomik der sozialistischen Industrie in der D.D.R., Berlin (Est), Die Wirtschaft, 1956, p. 626 Google Scholar: «Il faut chercher à établir les prix sur base des coûts moyens de production du secteur d'industrie. Ainsi, les entreprises s'organisent en vue de faire baisser leurs coûts de production et contribuent au meilleur établissement de la comptabilité économique».
(8) K. Ostrowitjanow, loc. cit., p. 36, cite un passage de Wossnessensky fort significatif: «Le prix des biens dans la société socialiste de l'U.R.S.S. se fonde sur la valeur ou sur les dépenses de production. Néanmoins, l'État soviétique fixe lui-même, dans l'intérêt du renforcement du socialisme et en vue de la hausse du niveau de vie, le prix effectif de chaque type de bien produit dans les entreprises étatiques ou à vendre dans le commerce d'État, et fixe dès lors aussi la mesure dans laquelle le prix de détail des produits s'écarte de leur valeur réelle».
(9) Il est assez curieux de constater que la théorie économique de ces pays quand elle pose le principe de la «rentabilité» des entreprises ou des secteurs d'industrie indique presque toujours aussitôt qu'il peut y être dérogé. Ainsi par exemple, Arnold, Buchert U. Schmidt, loc. cit., p. 629: «La rentabilité dans l'industrie socialiste est un critère important pour juger de l'efficacité économique de l'entreprise. Plus la rentabilité de l'industrie socialiste est élevée, mieux les besoins croissants de l'ensemble de la société pourront être couverts.
La rentabilité de chaque entreprise et secteur socialiste pris en particulier est subordonnée à la rentabilité de l'ensemble de l'économie». Ou encore, L. Gatovski, loc. cit., pp. 178–179: « Les conditions objectives du socialisme font de la rentabilité un élément subordonné du développement harmonieux de l'économie nationale dans l'intérêt de tous les membres de la société. Mais la rentabilité est un élément indispensable de la reproduction socialiste élargie et un important critère pour décider de la production de tel ou tel article ou du choix du lieu où les entreprises seront établies. La rentabilité est un des indices fondamentaux (mais non unique) servant à apprécier le fonctionnement d'une entreprise ou d'une branche. Certes, lorsqu'il s'agit, par exemple, du montant des investissements dans l'industrie ou dans la métallurgie, la différence des capitaux investis dans chacune de ces grandes branches ne saurait être fonction des normes de profit. Mais il en est autrement lorsqu'il s'agit d'investissements visant à assurer le développement de telle production au sein d'une même branche. Les frais comparatifs de production et la rentabilité y acquièrent une importance de premier ordre».
(10) Cfr Werner, W., Der Nutzeffekt der Investitionen in der volkseigenen Industrie, Berlin (Est), Die Wirtschaft, 1959, p. 11 Google Scholar: «En regime capitaliste, on ne procède aux investissements que lorsqu'ils contribuent à accroître le profit. Aussi les méthodes de calcul de l'efficacité des investissements ne sont-elles qu'un essai en vue de prévoir le gain qu'on en retirera.
En conditions socialistes, ces méthodes ne sont pas ou ne sont que peu applicables. Sans doute, le calcul de la rentabilité doit-il intervenir chez nous dans la recherche de l'efficacité, mais il n'est qu'une partie de l'ensemble du calcul et son contenu n'est pas le même qu'en régime capitaliste. La différence consiste en ce qu'en régime capitaliste on voit tout du point de vue de la rentabilité de l'entreprise tandis que, chez nous, la rentabilité de l'entreprise est subordonnée à la rentabilité de l'ensemble de l'économie; et aussi en ce que, chez nous, toutes les ressources de la loi de la valeur sont systématiquement utilisées tandis qu'en régime capitaliste cette loi joue spontanément».
(11) Si l'on connaît quelques prix de biens de consommation, on ignore pratiquement tout du prix des autres biens. C'est de ces derniers qu'il est plus particulièrement question ici.
(12) Cfr L. Gatovski, loc. cit., p. 178: «Le même processus s'est manifesté dans l'industrie. Les prix de gros des moyens de production étaient autrefois trop bas. Ils ont été augmentés. Grâce à cela, et grâce aussi à la réduction considérable du coût de la production, l'industrie lourde est devenue rentable, ce qui a permis de renoncer au système des subventions introduites dans ces branches pendant la guerre. L'autofinancement s'y est notablement renforcé. Les prix des articles se sont rapprochés de leur base, c'est-à-dire de leur valeur, reflétant mieux les frais effectifs de la production, élément très important de la planification».
(13) Les chiffres donnés pour les récoltes sont souvent une estimation des récoltes sur pied («récolte biologique»). Cette estimation est faite en vue de fixer les quantités à livrer, pour éviter de trop grandes soustractions ou négligences. Les paiements à faire au Stations de Machines et Tracteurs (aujourd'hui supprimées), et donc à l'État, étant fonction de l'importance de la récolte ainsi évaluée, il y a eu une tendance à faire des estimations trop fortes. Ce système a fini par tromper les dirigeants soviétiques eux-mêmes. Malenkov a déclaré en 1952 que le problème du blé était résolu, avec une récolte de 130 millions de tonnes, alors qu'en fait elle a dû être d'environ 90 millions. Cfr, à ce propos, Nove, A., L'Agriculture en U.R.S.S., dans L'économie soviétique en 1957, Bruxelles, U.L.B., 1958 Google Scholar.