Dès sa première rencontre avec Les Séquestrés d'Altona le lecteur retrouve dans cette piece de nombreux themes sartriens tels que l'emprisonnement, l'acte ou le geste de l'intellectuel, l'authenticite et la liberte de choix. Les personnages lui sont eux aussi familiers; ce sont les freres et les sceurs d'autres personnages connus: Frantz est a la fois Oreste, Hugo et Goetz; Johanna Eve, Jessica et Estelle; Leni Electre, Olga et Ines. Neanmoins Les Sequestris d'Altona est une piece differente de toutes les autres. Dans Les Mouches ou Huis-Clos ou Les Mains sales, le probleme etait nettement delimiter la liberte fondait sur Oreste comme la foudre, ou etait refusee a Garcin ou a Hugo. Ici, le probleme ontologique de l'homme a la recherche de son identite n'est que le tremplin d'une autre recherche. Argos, le salon de style Second Empire, ou le bureau de Hoederer sont depasses, et la chambre muree de Frantz s'elargit aux dimensions de l'Histoire. Peut-etre n'est-il pas teme-raire de faire remarquer que les pieces precedentes sont, dans une certaine mesure, des illustrations de L'Etre et le neant (Jean-Paul Sartre, L'Etre et le neant, Gallimard, 1943), et pour cette raison beaucoup plus orientees vers les problemes personnels et intimes d'individus particuliers. Avec Les Sequestres d'Altona, non seulement Hambourg, ou l'Allemagne, ou les Etats-Unis, ou la Russie, ou meme l'Organisation de l'Armee Secrete comme on l'a parfois suggere, entrent en scene, mais encore l'Histoire dans sa marche inexorable, de Luther a Hitler, et pourquoi ne pas le dire, de la chute d'Adam et d'Eve jusqu'au trente-et-unieme siecle. Les Sequestres d'Altona est la premiere piece qui corresponde a la Critique de la raison dialectique, c'est-a-dire a Taction de l'Homme sur l'Histoire, et de l'Histoire sur l'Homme.