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Published online by Cambridge University Press: 02 December 2020
Le problème fondamental que les réalistes se sont efforcés de résoudre, c'est celui de l'imitation dans les arts. Dès le début du dix-neuvième siècle, tout un groupe d'artistes s‘éloignent résolument des procédés de l'esthétique classique. Au lieu de prendrepour modèle un idéal abstrait, universel, ils se bornent à imiter un être individuel et concret. C'est ce qu'on a appelé l‘école du modèle. En 1805, Emeric David publie son fameux mémoire intitulé Recherches sur l'art statuaire. Ce mémoire, couronné par l'Institut, non seulement prône l'imitation de la nature, mais recommande aux artistes de ne copier que ce qu'ils voient. “Peut-être vous a-t-on dit qu'il ne faut pas copier servilement la Nature, qu'il faut l'ennoblir. Copiez, au contraire, ce que vous voyez; ne faites maintenant rien de plus.”
1 Dans les Souvenirs de Delécluze nous lisons que David ne cessait de mettre ses élèves en garde contre “les doctrines surannées et fausses des vieux académiciens.” (p. S3) et de leur recommander l'étude du modèle. “Etudie les maîtres qui te vont, disait-il à l'un d'eux, … Titien, Tintoret, Giorgione, … puis reviens devant le modèle, oublie les maîtres et copie la nature comme tu copierais un tableau, sans science … avec naïveté, et tu seras étonné d'avoir bien fait.” (p. 55)
2 P. 309.
3 P. 322.
4 Pour plus de détails voir: R. Schneider, l'Esthétique chez Qualremère de Quincy, pp. 10, 11.—Le réalisme est une doctrine qui a d'abord été prônée par les peintres, mais Courbet a eu de nombreux précurseurs. Dès 1814, par exemple, Deseine disait à ses confrères: “Copiez fidèlement le modèle sans vous inquiéter des défauts.” (Cf. Schneider p. 10) Delécluze nous rapporte de son coté que David recommandait à ses élèves de “traiter des sujets humbles, simples, familiers même, si la nature nous a fait naître pour cela … Tel qui fera supérieurement des bergers, ajoutait-il, se fera moquer de lui s'il veut peindre des héros. Ouvr. cit., p. 56.
5 Paul Janet nous dit en effet que la thèse de Jouffroy sur le Sentiment du beau, quoique publiée en 1816, “est un produit de l'enseignement de Cousin.” Cf. Vie de Cousin, p. 93, note.
6 Les premières leçons de son Cours sont consacrées à réfuter les opinions de ses prédécesseurs. Elles n'offrent aucun intérêt particulier, j'entends pour l'étude des origines du mouvement réaliste. Ce sont les leçons ayant pour objet les moyens d'expression du beau qui, pour le but que nous poursuivons, sont les plus importantes.
7 Il la définit ainsi: “dans l‘émotion intéressée, l'objet répond à nos besoins, soit qu'il les satisfasse ou non, … dans l‘émotion esthétique, l'objet nous touche sans se rapporter à nos besoins.” Cf. p. 151.
8 P. 143. Notons en passant la ressemblance de ces théories de Jouffroy sur la force avec celles exposées par Balzac dans Séraphita sur le même sujet. Voir Séraphita, p. 202, éd. Calmann Lévy (1879).
9 P. 145.
10 P. 154. Il entend par symbole “ce qui produit une certaine impression sur nous; et la suite de cette impression éveille en nous certaines idées qui elles-mêmes en réveillent d'autres qui s'en distinguent.” (p. 131).
11 P. 157.—On sait que cette distinction entre la vérité et la réalité se retrouve chez plusieurs écrivains et critiques de cette époque. Marsan (cf. Bataille romantique, i, 34) la signale chez de Vigny. On connaît également ce passage souvent cité d'une lettre de Sainte-Beuve au ministre Duruy (1860) “Je me déclare pour la vérité, fut-elle même la réalité. Voir aussi Pellissier, le Réalisme du romantisme, p. 57, etc.
12 P. 158.—C'est ce que Balzac appellera la littérature imagée qu'il opposera à la littérature idéêe. Cf. Illusions perdues, éd. Calmann-Lévy, pp. 449, 450.
13 “A l'origine de l'art la sculpture, pour exprimer les forces naturelles ou morales qui la frappaient dans ce monde, employait des figures d'hommes ou de femmes qu'elle entourait de différents symboles, indications de ces forces. La justice, par exemple, c'était une femme la balance à la main … L'art se perfectionnant de plus en plus, la sculpture a définitivement débarrassé les figures de tous ces attributs factices, elle a remplacé les symboles artificiels par les symboles naturels.” (p. 155).
14 P. 231.
15 Voir p. 215.
16 P. 158.
17 P. 230.
18 P. 194.
19 P. 195.
20 P. 200.
21 P. 202.
22 Balzac va bientôt mettre en scène des femmes de trente ans.
23 P. 203.
24 P. 204.
25 P. 218.
26 p 219.
27 Ibid.
28 Ibid.
29 P. 220.
30 Notons qu'il ne s'agit pas ici d'éliminer certains signes, mais de les altérer.
31 P. 232.
32 Cf. Réalisme de Duranty, deuxième numéro, et Rev. des deux mondes, janvier-mars 1855, p. 881.
33 Schneider, ouvr. cit., p. 32.
34 Notons que ces leçons, professées en 1822, ne furent publiées qu'en 1843 et d'après le manuscrit d'un des élèves de Jouffroy, M. Delorme. Mais, d'abord, ces notes de M. Delorme ont été revues par Jouffroy lui-même, et Damiron qui les a publiées, nous assure qu'il s'est fait un scrupule de ne rien changer à la substance de la doctrine. Damiron, du reste, avait, comme on le sait, des tendances spiritualistes et il n'était guère porté à exagérer le réalisme de son ami. Disons, enfin, que même en 1843, la doctrine réaliste était loin d'être précise et qu'on se servait encore indifféremment du mot réalisme et du mot naturalisme tant à la Revue des Deux Mondes qu'à la Revue de Paris. Cf. “Réalisme and Kindred Words,” par Elbert B. O. Borgerhoff, PMLA, liii (1938), 837–843.
35 Du reste les esprits n'étaient pas préparés à cette révolution littéraire. La soumission au modèle était acceptée par un certain nombre de peintres, mais la transposition de ces procédés dans le domaine de la littérature ne devait se faire que lentement.
36 Damiron nous dit qu'ils étaient de vingt à vingt-cinq et Sainte-Beuve de quinze à vingt. (Cf. Lundis, viii, 302–304.)
37 Il est probable que quelques-uns de ceux qui, en 1824, furent appelés par Dubois à collaborer au Globe assistèrent à ces leçons. (Voir Michaut, Sainte-Beuve avant les Lundis, P. 54.)
38 Seules ses opinions sur l'immortalité de l'âme—opinions exprimées dans la préface à sa traduction des Esquisses de Philosophie Morale de D. Stewart—suscitèrent une querelle qui fut encore envenimée par la publication des Nouveaux Mélanges, où se trouvait le fameux morceau intitulé la Nuit de Décembre. (Cf. J. Pommier, Jouffroy et son temps, p. 53.)
39 Il est possible, cependant, que certaine théorie développée par Taine dans sa Philosophie de l'art—celle, par exemple, sur “le degré de convergence des effets”—ait été, en partie du moins, empruntée à Jouffroy.
40 Cf. T. M. Mustoxidi, Histoire de l'Esthétique Française, p. 121.
41 Dans un livre récent, De Restif à Flaubert ou Le Naturalisme en marche par Charles Beuchat, éd. La Bourdonnais (1939), les théories de Jouffroy sont complètement ignorées.
Je n'ai signalé que l'essentiel des doctrines de Jouffroy. Un grand nombre d'autres problèmes apparentés au réalisme sont discutés dans le Cours d'esthétique: la peinture des classes populaires (pp. 221–222), la modernité des sujets (pp. 210–213), la question de l'art pour l'art (p. 30). Le mot réalisme est déjà employé. Il est possible, cependant, que ce soit Damiron qui l'ait introduit dans le texte, puisqu'il nous avoue que cette leçon (la vingtseptième) est une de celles qu'il rédigea lui-même sur un résumé de Jouffroy.