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Pierre Bayle et Voltaire Avant Les Lettres Philosophiques

Published online by Cambridge University Press:  02 December 2020

Henry E. Haxo*
Affiliation:
University of North Dakota

Extract

Quoique l'influence de Pierre Bayle sur l'esprit philosophique et critique de Voltaire soit généralement reconnue et consacrée par la critique, elle n'a pas encore subi l'examen qu'elle comporte, et il reste à la démontrer et à la préciser. Sans doute, au premier abord, l'atmosphère baylienne règne suprême dans les œuvres de Voltaire. Voltaire lui-même, tout le premier, dans de nombreux passages, rend hommage à celui qu'il nomme complaisamment “son père spirituel.” Les épithètes élogieuses que Voltaire adresse au philosophe de Rotterdam abondent, mais elles ne sont souvent qu'un mot d'ordre et de ralliement et ne doivent être acceptées qu'avec réserve et caution. De plus, il se peut que la ressemblance de pensée et de méthode entre deux auteurs tels que Pierre Bayle et Voltaire soit purement accidentelle et ne relève d'aucune influence directe. Un écrivain du caractère de Voltaire, toujours en éveil, curieux de tout savoir, doué d'une mémoire remarquable, prêt à assimiler et à transformer tout ce qui l'intéresse, se joue à dérouter l‘étude la plus minutieuse. Les influences françaises ou anglaises qui ont pu agir sur le développement intellectuel de Voltaire sont multiples et complexes: elles s'entremêlent et s'entrecroisent. Comment donc les définir et en tracer la source? Si Voltaire loue Pierre Bayle jusqu’ aux nues, il ne loue pas moins l'Angleterre, “l‘île barbare des Cassitérides, ”Locke et Newton. La part exacte de l'influence du milieu français et de celle de l'Angleterre sur Voltaire est encore à établir d'une façon définitive. La présente étude ne s'intéresse qu‘à la période de Voltaire qui précède la publication des Lettres philosophiques. Elle se borne à préciser la pensée philosophique et critique de Voltaire à cette époque et à en suggérer les sources probables; elle cherche surtout à découvrir quelques indices de l'influence de Pierre Bayle sur l'esprit du jeune Voltaire et à indiquer certains rapports de pensée et de méthode entre ces deux écrivains.

Type
Research Article
Copyright
Copyright © Modern Language Association of America, 1931

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Footnotes

page 461 note 1

Dans la présente étude l'on s'est servi de l'édition Moland des Œuvres complètes de Voltaire et des éditions suivantes des œuvres de Pierre Bayle: Œuvres diverses, La Haye, 1727, 4 volumes; Dictionnaire historique et critique, Amsterdam, 1730, 4 volumes.

References

page 461 note 2 Voir Sainte-Beuve, Nouveaux Lundis, ix, 20; F. Brunetière, Etudes critiques, v, 112, 164–165; E. Faguet, Dix-Huitième Siècle, p. 20; Crouslé, Vie de Voltaire, i, 28–30; John Morley, Voltaire, p. 248; Nourrisson, Le Voltairianisme, p. 502; G. Pellissier, Voltaire philosophe, pp. 26–27. Frédéric le Grand rappelait lui-même à Voltaire que: “C'est à Bayle votre précurseur, et à vous sans doute, que la gloire est due de cette révolution qui se fait dans les esprits” (Voltaire, Œuvres, xlix, 376).

page 461 note 3 Œuvres, xliii, 332. Lire entre autres allusions à Bayle: “C'était une âme divine” (Ibid., xxxiii, 568); “le plus profond dialecticien qui ait jamais écrit” (Ibid., xxii, 263); “savant universel, dialecticien aussi profond qu'ingénieux” (Ibid., xxxv, 287); “le père de l'Eglise des sages” (Ibid., xxxix, 37); “l'immortel Bayle, l'honneur de la nature humaine” (Ibid., xx, 197–199); “le premier des critiques et le plus impartial des philosophes” (Ibid., xxxii, 458); l'opinion de Voltaire varie quelque peu dans l'Entretien d'Ariste et d'Acrotal (Ibid., xxiv, 274).

page 462 note 4 Op. cit., p. 58.

page 462 note 5 D'après les notes critiques de M. Lanson, Voltaire a dû consulter la plupart des œuvres de Bayle dans la composition des Lettres philosophiques. L'on peut voir que dans les œuvres de Bayle, ce sont bien les questions de controverse religieuse et surtout la philosophie grecque qui intéressaient le plus Voltaire.

page 462 note 6 Les opinions de quelques critiques peuvent surprendre quelque peu. Voir L. Foulet, Correspondance de Voltaire, pp. xiii–xiv; Crouslé, op. cit., i, 49; Leslie Stephen, History of English Thought in the Eighteenth Century, i, 179; John Morley, op. cit., p. 89; J. Churton Collins, Voltaire, Montesquieu and Rousseau in England, p. 116.

page 462 note 7 Voir Norman L. Torrey, PULA, xlii, 788–797.

page 463 note 8 Voir Crouslé, op. cit., i, xxiii; Lévy-Bruhl, History of Modern Philosophy in France, p. 174; C. B. Chase, The Young Voltaire, p. 235; G. Ascoli, Revue des Cours et Conférences, 15 avril 1924, pp. 25–27.

page 463 note 9 Citons le jugement de quelques-uns: “Voltairism may be said to have begun from the flight of its founder from Paris to London” (John Morley, op. cit., p. 44); “Voltaire had just left England (1728) after imbibing from the English deists the principles which, stored up in his keen intelligence, were to be radiated forth in the shape of the keenest of all human sarcasm” (Leslie Stephen, op. cit., i, 134); “It was here … that (Voltaire) received his initiation in that large philanthropy, that enlightened tolerance, and those cosmopolitan sympathies and interests which ever afterwards distinguished him” (J. Churton Collins, op. cit., p. 116); “Voltaire, without his visit to England, would not have been the Voltaire whom all the world knows” (A. Ballantyne, Voltaire's Visit to England, pp. 325–327); “This style was developed in England to meet the new intellectual needs which Voltaire's experience in England had developed. Had Voltaire never gone to England it seems at least doubtful whether he would have achieved this form of expression” (C. B. Chase, op. cit., p. 238); lire encore Nourrisson, Le Voltairianisme, p. 502; Lucien Foulet, op. cit., p. xi; J. Texte, Jean Jacques Rousseau et les origines du cosmopolitisme littéraire, pp. 68–72; Norman L. Torrey, Voltaire and the English Deists, pp. 199–206.

page 463 note 10 Revue des Deux Mondes, novembre 1910, p. 19. L'éminent critique reprend la même pensée en discutant les idées de Bayle (Ibid., p. 21): “Si ce n'est pas là tout le voltairianisme, c'en est le commencement et le résumé; et Voltaire en a pu dire autant, mais il n'en a dit ni pensé davantage, ou plutôt, il s'est arrêté là, sans jamais vouloir dépasser le déisme, tandis que Bayle, plus hardi, poussait encore plus avant.” D'autres critiques réfutent l'influence anglaise avec autant de vigueur que Brunetière; voir Perrens, Les libertins en France au xviie siècle, pp. 488, 406–407; Jean Delvolvé, Essai sur Bayle, p. 428; Texte, op. cit., pp. 69–70; C. A. Fusil, Revue d'Histoire littéraire de la France, 1928, p. 196.

page 463 note 11 Revue des Cours et Conférences, 24 décembre 1908.

page 464 note 12 Voir L. Foulet, op. cit., pp. x-xi; John Morley, op. cit., pp. 56–57; A. Ballantyne, op. cit., pp. 325–327; C. B. Chase, op. cit., p. 232.

page 464 note 13 A. Ballantyne (Op. cit., pp. 325–327) admet pourtant qu'il ne manquait pas de signes d'un côté sérieux dans les œuvres de Voltaire avant 1726.

page 464 note 14 J. Texte, op. cit., p. 69.

page 464 note 15 J. Texte, op. cit., p. 69.

page 464 note 16 Voltaire écrit en 1733: “Y a-t-il rien de plus fort que les Lettres persanes? Y a-t-il un livre où l'on ait traité le gouvernement et la religion avec moins de ménagement? (Œuvres, xxxiii, 365); plus tard, dans le Dictionnaire philosophique, Voltaire nie l'influence des Lettres persanes sur la Henriade (Œuvres, xix, 527).

page 464 note 17 Voltaire, Œuvres, ii, iv. Dans la Revue des Cours et Conférences (30 avril 1924, pp. 143–144) Georges Ascoli affirme également que: “Si les opinions de Voltaire se sont modifiées par la suite, sous d'autres influences, elles n'auront en général fait qu'évoluer dans le sens où elles tendaient déjà à se diriger: sur bien des points même, Voltaire mûri et vieilli, gardera ses convictions de jeunesse.”

page 465 note 18 Perrens, op. cit., p. 445; André Bellessort, Essai sur Voltaire, p. 34: “La question religieuse l'obsède. Il ne faut pas voir en lui un simple libertin qui, d'un coup, a jeté ses croyances par-dessus bords et ne s'en préoccupe plus. Sa raison se cabre devant les dogmes; et il veut en avoir le cœur net. … Il est bien plus sérieux qu'il n'en a l'air, il est terriblement sérieux.”

page 465 note 19 Op. cit., p. 57

page 465 note 20 A propos de l'influence de Fontenelle sur Voltaire voir F. Brunetière, Revue des Deux Mondes, novembre 1910, pp. 22–23; G. Desnoiresterres, Voltaire et la société au xviiie siècle, vol. i, pp. 196–198; Voltaire, Œuvres, xxxiii, 56–58; viii, 566. En 1723, dans la Henriade, Voltaire tenait encore à la théorie des tourbillons (Œuvres, viii, 191); dans l'édition de 1730 il adopte l'attraction de Newton (Ibid., p. 170). Il est évident que les découvertes de Newton n‘étaient pas encore parvenues jusqu’à lui en 1723. La vulgarisation scientifique de Fontenelle ne l'avait même pas encore converti, quoiqu'il ait dû certainement s'y intéresser (Ibid., x, 475).

page 465 note 21 Voir G. Lanson, Revue des Cours et Conférences, juin et juillet, 1908; F. Brunetière, Etudes critiques, v, 163–164. M. Daniel Mornet (La Pensée française au xviiie siècle, p. 31) déclare que “le Dictionnaire a été peut-être la plus grande œuvre de la première moitié du xviiie siècle. Dans les catalogues de 500 bibliothèques privées, c'est lui que j'ai trouvé le plus souvent (288 fois).” Lire aussi dans deux lettres de Voltaire de 1734: “Des révérends pères jésuites fanatiques ont fait incendier ici sept exemplaires de Bayle … dans le temps que d'autres jésuites, plus adroits, font imprimer Bayle à Trévoux” (Œuvres, lettre au comte d'Argentai, xxxviii, 175); “Je vous prie de m'envoyer le Bayle qui est dans la bibliothèque de Sans-Souci, afin que je le brûle, je ne doute pas que le roi n'y consente” (Œuvres, lettre au marquis d'Argens, xxxviii, 182); et Sainte-Beuve (Nouveaux Lundis, ix, 25 et suiv.).

page 466 note 22 Mémoires et Lettres, p. 41.

page 466 note 23 Voltaire écrivait dans ses Lettres sur Œdipe: “Aujourd'hui il y a des consciences timorées qui prétendent que je n'ai point de religion, parce que Jocaste se défie des oracles … Faudra-t-il donc qu'un homme soit persécuté dans sa patrie, uniquement parce qu'il court une carrière dans laquelle il peut faire honneur à sa patrie même” (Œuvres, ii, 16).

page 466 note 24 Voltaire, p. 24.

page 466 note 25 G. Desnoiresterres, op. cit., i, 99.

page 466 note 26 “It seems to me that his judgment of mankind, and his observations of human actions in a lofty and philosophical view, is one of the principal characteristics of the writer, who, however, is not less a poet for being a man of sense” (A. Ballantyne, op. cit., p. 71).

page 467 note 27 Voir George R. Havens et Norman L. Torrey, op. cit., pp. 997–998; Mod. Philol., xxvii, 4.

page 467 note 28 A son retour à l'hôtel de Bernières en 1724 Voltaire écrit à son ami Thieriot: “J'ai trouvé la moitié de nos livres égarés” (Œuvres, xxxiii, 121).

page 467 note 29 Œuvres, viii, 76.

page 468 note 30 Dans la correspondance le nom de Bayle ne paraît que vers 1733 (xxxiii, 353). Mentionnons seulement quelques traces de l'influence de Bayle sur Voltaire après 1726. (1) Voltaire a plus d'une fois pensé aux ouvrages de Bayle en composant les siens: “Je compte vous envoyer incessamment une nouvelle édition du Siècle de Louis XIV. Je me suis un peu donné carrière sur les articles des écrivains. J'ai usé de toute la liberté que prenait Bayle; j'ai tâché seulement de resserrer ce qu'il étendait trop” (Lettre à Mme du Defiant, Œuvres, xxxvii, 489); en écrivant le Traité sur la tolèrance Voltaire déclare: “Je sens bien que je marche sur des charbons ardents: il faut toucher le cœur, il faut rendre l'intolérance absurde, et ridicule, et horrible … Au reste, il y a dans le Contrains-les d'entrer, de Bayle des choses beaucoup plus hardies. A peine s'en est-on aperçu, parce que l'ouvrage est long et abstrus. Ceci est court, et à la portée de tout le monde … J'ai beaucoup retranché, corrigé, refondu” (Lettre à M. Vernes, Œuvres, xlii, 448). (2) Voltaire mentionne les œuvres de Bayle aux endroits suivants: Dictionnaire historique et critique: Œuvres, ix, 476, xiv, 38, xvii, 461, xviii, 315–316, 367, xix, 51, 204, 591, xx, 503, xxii, 263, xxxii, 456; Pensées diverses: Œuvres, xvii, 475, xix, 29; Commentaire philosophique: Œuvres, xlii, 448; Nouvelles de la République des Lettres: Œuvres, xil, 132, xviii, 291; Réponse aux questions d'un provincial: Œuvres, viii, 77, xvii, 212. (3) Dans son Dictionnaire philosophique Voltaire cite la plupart des ouvrages de Bayle. (4) Certains passages témoignent une connaissance étendue des œuvres de Bayle: “Le Dictionnaire encyclopédique ne prend pas à la vérité de telles hardiesses, mais il traite toutes les matières que Bayle a traitées” (Œuvres, xli, 472–473); “Une centaine de remarques répandues dans le Dictionnaire de Bayle lui ont fait une réputation immortelle” (Œuvres, ix, 476); “Ses plus grands ennemis sont forcés d'avouer qu'il n'y a pas une seule ligne dans ses ouvrages qui soit un blasphème évident contre la religion chrétienne; mais ses plus grands défenseurs avouent que, dans les articles de controverse, il n'y a pas une seule page qui ne conduise le lecteur au doute, et souvent à l'incrédulité” (Œuvres, xxvi, 502); “Ses livres tout diffus qu'ils peuvent être seront à jamais la bibliothèque des nations” (Œuvres, xxxiii, 568); Voltaire conseille à ses lecteurs de lire le Dictionnaire: “Consultez Bayle aux articles Banck, Du Pinet, Drelincourt” (Œuvres, xix, 51); et encore:

J'abandonne Platon, je rejette Epicure.

Bayle en sait plus qu'eux tous; je vais le consulter:

La balance à la main, Bayle enseigne à douter,

Assez sage, assez grand pour être sans système,

Il les a tous détruits, et se combat lui-même:

Semblable à cet aveugle en butte aux Philistins,

Qui tomba sous les murs abattus par ses mains.

(Poème sur le désastre de Lisbonne, Œuvres, ix, 476).

(5) Voltaire a montré une prédilection marquée pour l'anecdote d'Acindynus (Bayle, Dict., art. Acindynus), car il s'en est servi dans l'Ingénu et dans Cosi-Sancta et en a fait mention dans le Dictionnaire philosophique. Le nom d'Akakia fameux par la Diatribe du Docteur Akakia lui a sans doute été fourni par le Dictionnaire (art. Akakia). Le Projet du Dictionnaire (Dict., iv, 606), comme le suggère F. Brunetière, a pu inspirer à Voltaire les meilleures pages de Jeannot et Colin. Voltaire s'est peut-être inspiré de l'érudition de Bayle en composant Mahomet et la Pucelle (Dict., articles Mahomet et Haillan). (6) La méthode “d'amuser l'esprit” et “d'égayer la matière” aux dépens des choses sérieuses, on la retrouve dans Bayle et surtout dans Voltaire (Œuvres, xxxiii, 311).

page 469 note 31 “Tout l'esprit de Bayle se trouve dans un seul tome, de son propre aveu; car ce judicieux philosophe, ce juge éclairé de tant d'auteurs et de tant de sectes, disait souvent qu'il n'aurait pas composé plus d'un in-folio, s'il n'avait écrit que pour lui, et non pour les libraires” (Œuvres, viii, 577; voir aussi xxxiii, 568).

page 469 note 32 Œuvres, xxxiii, 568.

page 469 note 33 Œuvres, xiv, 37.

page 469 note 34 Lire la lettre à Mme de Bernières, Œuvres, xxxiii, 74.

page 470 note 35 Lire certains passages significatifs dans ses épîtres à l'abbé de— (1715), au prince de Vendôme (1717), à M. de Génonville (1719), au duc de Sully, à une Dame un peu mondaine (1715), à Mme. de G— (1716), dans la Fêle de Bélébat et dans la pièce Dans tes vers, Duché, je te prie (1706, Œuvres, x, 467).

page 471 note 36 Voir Condorcet, Vie de Voltaire, Œuvres de Voltaire, i, 198; Crouslé, op. cit., i, 57; Desnoiresterres, op. cit., i, 230–231; G. Pellissier, op. cit., p. 26; G. Ascoli (Revue des Cours et Conférences, 15 avril 1924, pp. 20–21) déclare que: “L'évolution de la pensée de Voltaire, en matière de religion … est maintenant achevée.”

page 471 note 37 Œuvres, ix, 358; G. Lanson, Lettres philosophiques, ii, 230; G. Bengesco, Bibliographie de Voltaire, i, 159–160.

page 472 note 38 Œuvres, ix, 358–362.

page 473 note 39 G. Desnoiresterres, op. cit., i, 85–89.

page 473 note 40 Lenient, Etude sur Bayle, p. 208.

page 473 note 41 Il est bon de noter ici qu'à part Plutarque et Bayle, aucun de ces livres ne paraît dans la liste des livres de Voltaire à Leningrad publiée par G. R. Havens et N. L. Torrey (Mod. Philol. xxvii, 1 et suiv.).

page 474 note 42 Voltaire a pu consulter un recueil paru en 1720 contenant le Journal de Henri III, les Amours d'Alcandre et la Confession de Sanci (Cf. Mathieu Marais, Journal et Mémoires, Juin 1720, édition de Lescure, i, 288).

page 477 note 43 Dans une lettre à M. Cambiague portant la date de 1724 (Œuvres, xxxiii, 107), Voltaire explique l'idée de son poème épique comme il suit: “J'ai trop recommandé dans mon poème l'esprit de paix et de tolérance en matière de religion, j'ai trop dit de vérités à la cour de Rome, j'ai répandu trop peu de fiel contre les réformés, pour espérer qu'on me permette d'imprimer dans ma patrie ce poème.” La Henriade reçut des contemporains l'admiration qu'elle méritait, toutefois la prophétie de Condorcet ne s'est guère réalisée: “La Henriade est née dans le siècle de la raison. Aussi plus la raison fera de progrès parmi les hommes, plus ce poème aura d'admirateurs” (Voltaire, Œuvres, i, 200). Lire aussi l'appréciation de Mathieu Marais, l'ami de Pierre Bayle (Journal et Mémoires, iii, 89).

page 477 note 44 Œuvres, xix, 527.

page 477 note 45 Œuvres, xxxiii, 74.

page 477 note 46 Œuvres, xxxiii, 121. L'Histoire du calvinisme du père Maimbourg avait été critiquée par Pierre Jurieu dans son Histoire du calvinisme et du papisme mis en parallèle, Rotterdam, 1682; Pierre Bayle l'avait critiquée également dans sa Critique générale de l'Histoire du calvinisme de M. Maimbourg (1682). Est-ce bien l'ouvrage de Jurieu que réclamait Voltaire et non celui de Bayle? C'est fort probable, car Thieriot faisant la sourde oreille Voltaire réitère un peu plus tard son urgente demande: “Je vous demandai, il y a quelque temps, ce qu'est devenue la réponse de Jurieu à Maimbourg sur le calvinisme (3 vol. in-40). Vous ne m'avez point fait de réponse sur cela” (Œuvres, xxxiii, 126). Il n'est fait aucune mention de l'ouvrage de Jurieu dans la liste partielle des livres de Voltaire à Leningrad publiée tout récemment (Mod. Philol., xxvii, 1 et suiv.).

page 478 note 47 Tabaraud, De la philosophie de la Henriade, pp. 20–21. Georges Ascoli diffère sur ec point et affirme avec trop d'assurance peut-être en ce qui concerne l'influence de Pierre Bayle: “Il serait bien difficile de dire à qui Voltaire emprunta ces idées sur la tolérance. Aucune concordance d'argumentation ou d'expression n'invite à les rapprocher de celles de Bayle qui fut le maître de tant d'esprits libéraux. Au reste, au temps de Voltaire, ces idées étaient devenues communes, et l‘étude historique à laquelle il s‘était livré pour composer son poème épique, en l'amenant à considérer les horreurs d'une guerre de religion, avait développé la tendance antifanatique qui était la sienne” (Revue des Cours et Conférences, 30 avril 1924, p. 131).

page 480 note 48 Lire encore plus bas quelques extraits du Commentaire philosophique de Pierre Bayle. En dehors des livres de controverse protestants il est fort possible, comme nous l'avons indiqué plus baut, que les ouvrages mêmes de François de Mézeray aient influencé le jeune Voltaire; voir quelques passages tirés de l‘Abrégé chronologique et cités par Pierre Bayle dans sa Critique générale (Œuvres, ii, 41) dans lesquels Mézeray parle des vices et des déréglements de l'Eglise du xvie siècle; Bayle loue la grandeur d‘âme de Mézeray (Ibid., p. 12).

page 480 note 49 Voltaire, Œuvres, i, 148.

page 481 note 50 Dans son livre sur la Philosophie de la Henriade, Tabaraud juge avec discernement la portée de l‘œuvre voltairienne. Selon Tabaraud la Henriade renferme “les germes de toutes les attaques que Voltaire n'a cessé de livrer depuis à tous les cultes positifs, à celui des chrétiens surtout, et plus particulièrement au culte catholique” (p. 136); et encore: “c'est de l‘époque de la Henriade que … les mots de fanatisme et de religion sont devenus synonymes … C'est là où il a donné le signal à ses disciples. Ceux-ci n'ont fait depuis que resasser jusqu'au dégoût les déclamations de leur maître” (pp. 88–89); “Les maximes philosophiques y sont distribuées avec plus de discrétion, ou du moins avec plus d'art, que dans plusieurs de ses autres ouvrages” (pp. 17–18).

page 481 note 51 La note de Voltaire dans la Henriade à la date de 1723 à propos des vers ci-dessus est des plus significatives: “Quelques lecteurs peu attentifs pourront s'effaroucher de la hardiesse de ces expressions. Il est juste de ménager sur cela leur scrupule, et de leur faire considérer que les mêmes paroles qui seraient une impiété dans la bouche d'un catholique sont très-séantes dans celle du roi de Navarre. Il était alors calviniste. Beaucoup de nos historiens mêmes nous le peignent flottant entre les deux religions; certainement, s'il ne jugeait de l'une et de l'autre que par la conduite des deux partis, il devait se défier des deux cultes, qui n'étaient soutenus alors que par des crimes” (Œuvres, viii, 66; lire aussi p. 134, note 2 de 1723).

page 482 note 52 Lire encore chant vii, Œuvres, viii. 170–171, 191–192; chant x, p. 263 et p. 258.

page 482 note 53 Voir J. Texte, op. cit., p. 42: “Les réfugiés restent donc, pendant les trente premières années du siècle, les vulgarisateurs les plus laborieux, les plus informés et les plus qualifiés de la littérature anglaise.”

page 482 note 54 J. Texte, op. cit., pp. 26–42; G. van Roosbroeck, Romanic Rev., xviii, 162.

page 482 note 55 Lire Norman L. Torrey, Mod. Philol., xxvi, 308: “Tindal had not yet published his Christianity as old as the Creator (1730), and Voltaire shows no familiarity with the philosophical deists, Collins and Toland. For ten years, in the Eléments de la philosophie de Newton (1738), he wrote”: Quant à la religion naturelle, jamais homme n'en a été plus partisan que Newton. “These are not at all the partisans of natural religion to whom Voltaire was to refer in later life.” Voir aussi G. Lanson, Reme des Cours et Conférences, 25 février 1909.

page 483 note 56 Op. cit., p. 52. Lire aussi A. Bellessort, Essai sur Voltaire, p. 41.

page 483 note 57 Gustave Lanson déclare que le déisme anglais a probablement introduit quelque chose de grave et de sérieux dans le déisme français, cela est possible, mais il ne peut être question d'une telle introduction avant 1726. Lire encore du même auteur: “Ce déisme anglais a sur le déisme français l'avantage de s'étaler franchement, sans précautions politiques, de présenter une pensée libre et organisée qui construit son système comme elle veut, d'une façon complète et claire” (Revue des Cours et Conférences, 25 février 1909).

page 483 note 58 Les Aventures de Jacques Sadeur, l'Histoire des Sévarambes et même le Voyage forcé de Becafort sont des œuvres qui ne peuvent représenter un esprit absolument isolé à cette époque.

page 483 note 59 Cf. Revue des Cours et Conférences, 1908–1909. Voir aussi Daniel Mornet, op. cit., pp. 27–34; Perrens, op. cit.; pour une opinion contraire Frédéric Lachèvre, Les derniers libertins, pp. vi–xi.

page 483 note 60 Cf. Bayle, Œuv. div., iii, 604. Bayle lui-même déclare: “Notre siècle … est plein d'Esprits-forts et de Déistes. On s'en étonne, mais pour moi je m'étonne qu'il n'y en ait davantage vu les ravages que la religion produit dans le monde” (Ibid., ii, 366).

page 484 note 61 Œuvres, ix, 358. Voir aussi Ibid., xxxiii, 112 et la lettre à M. de la Visclède de 1776 (A. Bellessort, op. cit., p. 13).

page 485 note 62 Voir G. Ascoli, Revue des Cours et Conférences, 15 avril 1924, pp. 18–22; G. Desnoiresterres, op. cit., i, 459–460.

page 485 note 63 Voir les Poésies libertines de Chaulieu publiées par Frédéric Lachèvre dans Les derniers libertins, pp. 125–204. Il faut lire surtout: J'ai vu de près le Styx, j'ai vu les Euménides, au marquis de La Fare, 1695 (p. 145); Princesse, en qui l'art de plaire, à la duchesse de Bouillon, 1700 (p. 150); Plus j'approche du terme, et moins je le redoute, au marquis de La Fare, 1708 (p. 170); l'Ode contre l'esprit, 1708 (p. 167); la Réponse aux deux épîtres de l'abbé Courtin (p. 160); Toi qui, né Philosophe au milieu des grandeurs, au chevalier de Bouillon, 1704 (p. 162); Elève que j'ai fait en la loi d'Epicure, au même, 1713 (p. 173).

page 486 note 64 Voir G. Desnoiresterres, op. cit., i, 98; Perrens, op. cit., pp. 444–445.

page 486 note 65 Selon Desnoiresterres (Op. cit., i, 231), l'Epître à Uranie “n'est elle-même que le commentaire de la philosophie révoltée qui se professait aux banquets du Temple.”

page 486 note 66 A part quelques vers de l'Ode à l'honneur de la religion, la plupart des poésies de La Fare sont peu significatives. Voir Frédéric Lachèvre, Les derniers libertins, pp. 205–254.

page 486 note 67 Dans le Dictionnaire philosophique (Œuvres, xvii, 453–476), Voltaire objecte à l'athéisme que professait Bayle dans ses Pensées diverses sur la comète et refuse de suivre ce dernier sur cette voie dangereuse. Sa riposte est nette:'Il est très-vrai que par tout pays la populace a besoin du plus grand frein, et que si Bayle avait eu seulement cinq à six cents paysans à gouverner, il n'aurait pas manqué de leur annoncer un Dieu rémunérateur et vengeur“ (Ibid., p. 463).

page 486 note 68 Mathieu Marais s‘écrie dans une de ses lettres (1711): “J'accepte volontiers le titre de Bayliste, et je ne crois pas qu'il s‘élève jamais une cabale assez forte pour me faire rétracter, ni pour détruire le temple que nous lui bâtissons” (Journal et Mémoires, i, 140; Sainte-Beuve, Nouveaux Lundis, ix, 13–30).

page 486 note 69 Etudes critiques, v, 164–165. A propos du déisme Brunetière déclare que: “Bayle … en aurait donc donné la formule avant les Libres penseurs anglais” (Ibid., p. 142); “Avant même que Voltaire soit né, Bayle va plus loin que Voltaire. Ni Bolingbroke, ni Collins, ni Toland n'ajouteront rien à la force de ses déductions” (Hist. de la litt. franç. classique, iii, 59). Perrens ajoute (op. cit., pp. 406–407): “Les déistes anglais sont les disciples avérés des nôtres, et notamment de Bayle … La France se laissera plus aisément inoculer le déisme que le protestantisme: il n'est pas dans notre nature de nous arrêter à moitié du chemin.”

page 487 note 70 Pourtant G. Lanson observe que Bayle confond le déisme et l'athéisme et que “le déisme anglais imposera le sentiment qu' une différence existe entre les deux termes” (Revue des Cours et Conférences, 25 février 1909).

page 487 note 71 Dans les Remarques sur les pensées de M. Pascal, Voltaire, selon G. Lanson, favorise la morale du déisme anglais: “C'est la morale du déisme anglais dont Voltaire adopte ici la réhabilitation optimiste de l'amour-propre et des passions, contrairement au point de vue chrétien de la corruption que Bayle conserve encore” (Voltaire, Lettres philosophiques, ii, 231 note 30); voir aussi Delvolvé, Essai sur Bayle, p. 104.

page 487 note 72 Œuvres, xlii, 448.

page 487 note 73 Comparer les chapitres iv et v du Traité sur la tolérance et la sixième lettre des Lettres philosophiques sur les Presbytériens au chapitre v du Commentaire philosophique (Œuvr. div., ii, 415); le chapitre vii du Traité sur la tolérance au Discours préliminaire du Commentaire philosophique (Œuvr. div., i, 124). Comprenant parfaitement toute l'importance du Commentaire philosophique, Pierre Jurieu le traita de “manifeste perfide d'une secte de mauvais réformés qui cherchaient à établir l'indifférence des religions sur le dogme de la tolérance universelle; il soutint que la doctrine de Bayle conduisait directement au déisme; que les droits qu'il reconnaissait à la conscience individuelle étaient outrés” (Ch. Weiss, Histoire des réfugiés protestants de France, ii, 111).

page 489 note 74 Comparer ce passage au vers fameux de Voltaire: “Je ne suis pas Chrétien; mais c'est pour t'aimer mieux” (Epítre à Uranie).

page 491 note 77 Lenient, Etude sur Bayle, pp. 231–232.

page 491 note 78 Œuvres, xxxv, 216. Lire encore: “Bayle … a brodé des toiles d'araignée comme un autre; il argumente, à l'article Zénon, contre l'étendue divisible de la matière et la contiguïté des corps; il dit tout ce qu'il ne serait pas permis de dire à un géomètre de six mois” (Œuvres, xviii, 271); “(Bayle) ne savait presque rien en physique. Il ignorait les découvertes du grand Newton” (Œuvres, xiv, 38). Toutefois Voltaire nous assure en 1735 qu'il n'y a pas “vingt Français qui entendent Newton” (Œuvres, xxxiii, 556).

page 491 note 79 Etudes critiques, v, 179.

page 492 note 80 Portraits littéraires, i, 367.

page 492 note 81 Œuvres, diverses, i, 101.

page 492 note 82 Que l'on compare ces deux passages, l'un de Bayle et l'autre de Voltaire: “N'est-il pas certain qu'un cordonnier, qu'un meunier, qu'un jardinier sont infiniment plus nécessaires à un état que les plus habiles peintres ou sculpteurs; qu'un Michel Ange ou qu'un cavalier Berni? N'est-il pas vrai que le plus chétif maçon est plus nécessaire dans une ville que le plus excellent chronologue ou astronome, qu'un Joseph Scaliger ou qu'un Copernicus? On fait néanmoins infiniment plus de cas du travail de ces grands hommes, dont on se pourroit fort bien passer, que du travail absolument nécessaire de ces artisans.” (Pierre Bayle, Dissertation concernant le projet, Dict. hist. et crit., iv, 613). “O philosophes! les expériences de physique bien constatées, les arts et métiers, voilà la vraie philosophie. Mon sage est le conducteur de mon moulin, etc. … et fournit à moi et aux miens une nourriture aisée. Mon sage est celui qui, avec la navette, couvre les murs de tableaux de laine ou de soie, brillants des plus riches couleurs; ou bien celui qui met dans ma poche la mesure du temps en cuivre et en or. Mon sage est l'investigateur de l'histoire naturelle. On apprend plus dans les seules expériences de l'abbé Nollet que dans tous les livres de l'antiquité.” (Voltaire, Dict. philo., Œuvres, xx, 599).

page 493 note 83 Lire aussi Œuv. div., i, 69; Dict. hist. et crit., art. Nausicaa, rem. C; art. Amphitryon, rem. B.

page 493 note 84 Ce propos de Voltaire sur Dante a son intérêt: “(Marini) dit des injures à Bayle et à moi, et nous reproche comme un crime de préférer Virgile à Dante. Ce pauvre homme a beau dire, le Dante pourra entrer dans la bibliothèque des curieux, mais il ne sera jamais lu.” (Œuvres, xli, 252).

page 493 note 85 Voir G. Ascoli, Revue des Cours et Conférences, 30 avril 1924, p. 143 et les éloges de Mathieu Marais à l'apparition de la Ligue (Journal et Mémoires, iii, 89).

page 494 note 86 Œuvres, xxxiii, 74.

page 495 note 87 Tabaraud suggère que cette théorie est une des maximes qui étaient venues d'Angleterre (Op. cit., pp. 134–135); c'est possible; pourtant elle est plus ou moins un lieu commun protestant et peut provenir de la Hollande.

page 496 note 88 Quelques-unes de ses remarques ne le démontrent que trop: “La démocratie ne semble convenir qu'à un très-petit pays; encore faut-il qu'il soit heureusement situé. Tout petit qu'il sera, il fera beaucoup de fautes, parce qu'il sera composé d'hommes.” (Œuvres, xviii, 333); voir aussi Ibid., xviii, 547; xlvi, 251; vii, 213. Sans doute, la foi de Voltaire dans le progrès est irréfutable: ses contradictions ne sont souvent qu'apparentes. Il faut donc savoir choisir les passages et les citations qui sont en parfait accord avec sa véritable pensée. Lire G. Pellissier, Voltaire philosophe, pp. 235–302.

page 497 note 89 Voltaire, p. 36. Voir aussi G. Ascoli, Revue des Cours et Conférences, 15 avril 1924, pp. 25–27; 30 avril 1924, pp. 143–144; A. Bellessort, op. cit., p. 48.