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(Francs les cumandent a Deu et a ses nuns, Roland, 3694)
Published online by Cambridge University Press: 02 December 2020
Charlemagne a ramené jusqu'à Saint Romain de Blaye les corps de Roland, d'Olivier, de Turpin. “Les Français,” dit M. Joseph Bédier traduisant le v. 3694 du Roland, “les remettent à Dieu et à ses Noms.” M. Wilmotte (Archivum Romanicum,xv, 155–156) trouve cette explication peu probable et en propose une nouvelle: il s'agirait des nuns (= nonnus ‘haute fonction ecclésiastique’) du monastère d'hommes de St. Romain à Blaye et il s'agirait d'un parallèle à l'enterrement d'Aude au mustier des nunains (v. 3730). Et M. Wilmotte de s'exclamer, triomphant sur ses devanciers, y compris le dernier éditeur, M. Bertoni: “Voilà la clef du mystère!”
Note 1 in page 13 On ne peut pas invoquer le Al Jhesu [congied] e al mien ! ‘allez par le congé de Jésus et le mien,‘ formule par laquelle “Charles se met sur le même rang que le Sauveur” (Fawtier p. 140)—Charles est un personnage légendaire, peut-être le rex et sacerdos, le “Priesterkönig” paré des traits du “dernier empeur” qui combat les forces de l'Antéchrist, si M. Heisig a raison (celui-ci cite notre passage dans son article “Die Geschichtsmetaphysik des Rolandsliedes . . . ”, ZRPh, lv, 74).
Note 2 in page 14 On se rappellera la même matérialisation du mot dans l'inscription (cil, x 8249, citée par Dieterich, p. 113) où les verba d'un homme exécré sont mis à côté de ses membres: os nasum mentum bucas labra. Sur la potestas analogue des lettres cf. D. Guerri, “Il nome adamitico di Dio” dans Miscellanea . . . Mazzoni, p. 70 (article sur lequel M. Singleton a attiré mon attention), et Dornseiff, Das Alphabet in Mystik und Magie, que je citerai plus loin.
Note 3 in page 15 M. Ph. Funk, dans un article intitulé “Überwelt und Welt im Mittelalter,” Histor. Jb. d. Görres-Gesellschaft (1931), p. 31 seq., a expliqué le fait qu'on trouve dans les églises gothiques le même personnage représenté plusieurs fois dans une même chapelle, peut-être sur un même autel, par un besoin religieux de les remplir d'autant d'objets de culte que possible. Et M. Walther Benjamin dans “Ursprung des deutschen Trauerspiels” (1928) nous a appris à voir ce qu'il appelle “allegorische Zerstückelung,” la “fragmentation” nécessaire à l'allégorie et culminant, à l‘époque baroque, dans la “cour d'emblèmes” autour du personnage central figuré: on n'a qu‘à analyser n'importe quelle œuvre allégorique du moyen âge et on arrivera rarement à faire triompher un ordre quelconque sur ces figures allégoriques jaillissant de l'imagination de l'auteur et se superposant les unes aux autres—heureux encore si une bataille ou guerre allégorique réussit au moins à séparer nettement deux camps ennemis, par exemple dans Flamenca (v. 118 seq.) Pres, Valor, Fes, Vergoina, Conoissensa, Benvolensa (tous sur le même plan) vaincus par Malvestat. Si Amore, qui n'est pas une “substance,” mais “uno accidente in sustanzia” (Vita nuova, xxv) peut être justifié par la “licence poétique,” la hiérarchie des substances trônant au-dessus des “accidents” est évidemment détruite. Cf. plus loin le passage du Pseudo-Aréopagite.
Note 4 in page 15 On notera par exemple la poésie sur le nom de Dieu: lo nomenat ! (p. 269) ‘celui qui est nommé’ (cf. d'après Augustin, De civ. Dei, xvi Christ = Sem ‘le nommé’) où on trouvera la théorie de cette onomasiologie lullienne:
Par l'intention “sainte” tout néologisme est justifié—et ce deitar devra sa naissance à un hasard linguistique qui ne se présente qu'en catalan: l'identité de l'abstrait féminin en -tat (=lat. -tas -tatis) et du participe masculin -tat (=-tatum neutre) rend possible un infinitif deitar formation rétrograde de dettai (=deitas), comme il y a p. 268 un infinitar (de infinitat ‘infinité‘; ou de infinitus?). Cette trouvaille linguistico-scolastique est justifiée par le caractère actif de Dieu:
Note 5 in page 16 D'après Saint Jérome, Liber de nominibus hebraicis. Cf. Guerri, l. c., sur Eli, le premier nom de Dieu, C'est M. Guerri seul qui mentionne Isidore.
Note 6 in page 16 D'ailleurs dans le texte parallèle que cite P. Meyer dans son édition de Flamenca (p.317) nous trouvons: Potentia dei patris, sapiencia filii Dei, virtus Spiritus Sancti deffendat famulum suum . . . correspondant aux formes voisinant ici sapientia-virtus.—Le deus virtutum répond aux des Grecs.
Note 7 in page 17 Je suppose que le sens du français dialectal agiaux ‘salamalechs’ (v. REW, s. v. hagios et ZRPh, xlvi, 578) se ressent de l'emploi de cette formule liturgique dans des pratiques de magie populaire.—Je ne sache pas que quelqu'un ait expliqué le utis qui se trouve entre fons et lapis dans le texte provençal. Cela doit être nom que s'attribue Ulysse dans l'épisode de Polyphème: or, nous savons par P. Lehmann, Parodie im Mittelalter, p. 240, que vers 1290 un Raduifus (Français?) a écrit un Sermo ou Historia de Nemine, qui fut l'origine d'un culte de Nemo dans une secte (secta Neminiana), et causa une réfutation par Stephanus de S. Georgio: Raduifus avait vu dans nombreux passages bibliques et patristiques un nemo, non pas négatif, mais nom de personne. D'autre part, M. Pflaum, Arch. rom., xviii, 327, a attiré l'attention sur l'auto sacramental de Montalvan (xvire siècle): El Polifemo. où le Christ est identifié avec Ulysse (et Polyphème avec le diable) et se nomme: Yo soy yo mismo (= Ehye ascher ehye, v. plus bas). La présence de utis dans notre texte (le ms. remonte au milieu du xive siècle) pourrait prouver (1) que l'identification du Christ avec Ulysse était antérieure au xviie siècle et que Montalvan puisait dans une tradition, (2) que la thèse de Denifle (et d'ailleurs aussi de P. Meyer)—à savoir que le “néminianisme” de Raduifus était sérieux et que l'intention parodique des textes postérieurs manquait au premier, thèse à laquelle M. Lehmann ne semble pas donner son assentiment complet—semble assez juste, étant donné l'existence de Ulis comme nom ‘sérieux’ de Dieu. La boutade qu'Homère nous raconte a été mise en rapport avec des textes bibliques comme Dies formabantur et in eis Nemo Deum vidit. Comme Nemo est ne homo, nullus homo, d'après Isidore, le Christ, il est vrai, est né du Père, mais en même temps procedit de lui comme le Saint-Esprit, qui lui, ne fait que procedere: c'est ainsi que je m'explique les contradictions des mss. que signale Denifle, Archiv für Literatur- und Kirchengeschichte des Mittelalters, iv, 534. Il faudra donc admettre plusieurs équations étymologiques: = nemo — ne homo = Christus. Sur le Christ identifié avec Ulysse comme vainqueur de la mort et de la tentation terrestre v. Borinski, Die Antike in Poetik und Kunsttheorie, i, 82.—Pour agla P. Meyer propose dubitativement agalma, qui est glosé CGIL ‘larva, sigillum, simulacrum,’ par Forc.-De Vit ‘ornamentum, oblectamentum, statua,’ par ‘locus trinitatis, der hymel’ dans Du Cange (= ‘liesse’ de ‘se réjouir’) et qui se trouve dans des textes classiques pour l'effigie d'une divinité = Veneris effigia chez Plaute; cf. Jax, Wiener Studien, liv, 47. On pourrait penser à aigla ‘aigle,’ puisque l'aigle est mentionné dans le texte de Nisard (et cf. St. Jérôme sur le Christ: Homo nascendo, vitulus morièndo, leo resurgendo, aquila ascendendo—vitulus, leo sont dans le texte prov.). D'autre part, je trouve dans une conjuration médiévale de l'esprit d'Ariel, que cite Güntert, Von der Sprache der Götter und Geister, p. 10 (sans nous dire la langue originale du texte), deux fois le nom Agle, une fois comme “le saint nom de Dieu que Loth a entendu avec toute sa famille et par lequel il a été ‘guéri” et l'autre: “par les trois noms secrets de notre Seigneur . . .: Agle, Eloha et Tetragrammaton.” Une des planches (xv) que publie M. Hahnloser dans son oeuvre sur “Villard de Honnecourt” (1935) montre au-dessus de Notre Dame (qui est à la gauche d'un Christ crucifié avec l'inscription I H S) l'inscription AGLA, que l'éditeur considère comme erroné pour —mais ne serait-ce pas ‘la resplendissante’?—cremus dans le texte provençal, inintelligible pour P. Meyer, entre Caritas d'une part, creator, redemptor de l'autre, sera súrement= eternus, puisque la version française de Nisard nous offre, dans cet ordre: Charité—Eternité—Créateur—Rédempteur.—Hic geren—hic geronay remontent peut-etre à Geryon, le trimembris, tergeminus, pastor triformis, triplicis naturae (Forcellini-De Vit), mentionné par les Pères et par Isidore—allusion à la trinité. geronay sera Geryoneu[s]. L'article hic rappelle l'usage des glossaires. Pour gigas= Christus voir l'index de Patrol, lat. ccxix (. . . Geryonem Hispaniae regem triplicis forma proditum. Fuerunt enim tres fratres tantae concordiae ut in tribus cor paribus quasi una anima esset).—zachias = Zacharias ‘summus sacerdos, typum Christi gerit’ dans l'index de la Patrol. lat., cité col. 249.—cazarny sera un qualerni[o]: soit latinisation de tetragramma, soit allusion aux quatre éléments (cf. Dornseiff, p. 22), à la trinité+le quartum quid qui forment l'univers fini, les quatre corps (terrestre, sacramental, mystique, glorifié) du Christ, v. Dunbar, Symbolism in Medieval Thought, p. 336 seq., soit à la species quarti similis filio Dei, la quatrième personne apparaissant à côté des trois hommes invulnérables dans le miracle du feu décrit par le livre de Daniel (Borinski, l. c., p. 78).—Sur le lion = le Christ cf. Lozinski, Neuphilologische Mitteilungen (1930), p. 210 seq.
Note 8 in page 18 72 rois servent le prêtre Jean, cf. Olschki, “Storia letteraria delle scoperte geografiche” p. 208. M. J. Bides dans “Mélanges Boisacq,” p. 84, pense que le chiffres de 72, mentionnés comme les traducteurs de la septuaginta, remonte en dernier lieu aux 72 étoiles fixes qui dominent les semaines (à 5 jours) des astrologues chaldéens.—Sur la légende rabbinique des 70 langues dans lesquelles la voix unique de Dieu de Sinaï se serait scindée, et les rapports de cette légende avec le mystère de la Pentecôte v. M. Dibelius, Deutsche Literaturzeitung 1940, col. 217.
Note 9 in page 19 On trouve dans Dreves, Analecta hymn. xv, 1,2, parmi ces “Reimgebete und Leselieder,” qui proviennent des méditations religieuses de particuliers et qui, par conséquence, sont plus originaux que les textes liturgiques officiels, le texte du xie siècle “De divinis nominibus” (Margarita exorcistarum), où des strophes entières sont réservées à El, Eloi, Eloe, Sabath, Elton, Ascher eje (= “Deus est”) etc.; on trouvera, accolés à ces hébraïsmes, des mots grecs:
Note 10 in page 20 Très édifiant à ce regard est le passage cité par M. Hatzfeld, ZRPh lii, 696 (dans son article “Stilwesenszüge der altfranz. religiösen Reimdichtung”): Perceval 6484 ff.: E an cele oreison [de Perceval] si ot Asez des noms notre seignour Car il i furent li greignor Que nomer ne doit boche d'ome—souvenir de l'ineffable nomen sacrum de Jéhova mêlé avec la quantité des noms-ersatz.—La richesse synonymique est en général en sémantique un indice de la puissance attractive qu'exerce un complexe ou champ sémantique marqué d'affectivité, voir l'attraction qu' a exercé “la faim” sur des champs sémantiques tout à fait différents chez les prisonniers de guerre (Spitzer, “Die Umschreibungen des Hungers in ital. Kriegsgefangenenbriefen.”)
Note 11 in page 20 Il est également exagéré de dire, comme le fait A. Ramé, Rev. d. sociétés savantes ii, 3, 661, que le suppliant, dans les formules préservatrices des Heures de Talbot reproduisant notre type de prière, “emprunte à toutes les langues” les titres divers pour s'adresser à Dieu. Il ne s'agit que des trois langues sacrées. Je cite à titre de curiosité un texte allemand du xive siècle allégué par Güntert, Die Sprache der Götter und Geister p. 87, où on nous dit que dans la messe se trouvent quatre langues, la latine (on ne donne pas d'exemple), la grecque (p. ex. kyrieleison), l'hébraïque (amen), “dv vierdv ist himmelschiu sprache, das ist alleluia.” Le trilinguisme sacré est reflété par le Credo du Mystère de la Resurrection de N.-S. J.-C. lu par Saint Pierre en hébreu (!), grec et latin, dont le texte hébreu est, d'après M. Schwab, Rev. d'ét. juives, xlv, 297, une traduction exacte du texte latin, faite sans l'aide d'un juif (qui aurait évité les solécismes grossiers!).
Note 12 in page 20 Dornseiff, Dos Alphabet in Mystik und Magie (p. 54), énumère comme éléments du “Namenzauber” (a) des noms de dieux étrangers, (b) des séries de lettres arrangées à l'aventure (le nom du dieu pouvant se trouver parmi elles par hasard), (c) un baragouin faisant une impression étrange et étrangère. Nos prières sus-mentionnées sont donc assez conservatrices et relativement claires.
Note 13 in page 21 Curieuse aussi l'invocation de l'increalus pater, increalus filius, et increatus Spiritus sanctus, répondant au Crédo du Missale Romanum: . . . Filium Dei unigenitum et ex Patre natum ante omnia saecula . . . genitum non factum, consubstantialem Patri. Je prends à tout hasard la formule de Gualterus de Castillione, Liber de trinitate (Pair. lat. ccix): “Pater a nullo est; Filius a Patre genitus est, ab eodemque procedit; Spiritus sanctus procedit, non genitur, a Patre et Filio.” La formule d'exorcisation insiste donc sur ce qui est commun aux trois personnes de la trinité. V. plus haut note 7 sur utis.
Note 14 in page 22 Cette métaphore remonte à la littérature rabbinique et cabalistique: les différents noms du Dieu unique y sont comparés à la vue du soleil, par l'intermédiaire de plusieurs verres coloriés, qui produisent des impressions différentes, mais ne changent rien à la nature du soleil (Jewish Encyclopedia, l. c).
Note 15 in page 23 L'idée de Dieu pouvait être séparée du nom de Dieu conçu comme puissance indépendante (“Machtwesen,” expression de Fr. Giesebrecht, Die alttestamentliche Schätzung des Gottesnamens, 1901): Dornseiff (p. 54) cite Stobaeus (5/6. s.), qui fait expliquer par Hermès à son fils, demandant s'il y a quelque chose d'encore plus beau que la connaissance du sens qu'expriment les étoiles: ‘Dieu est unique, mon enfant, mais chose plus grande encore est le nom de Dieu.’ D'après A. Dieterich, Eine Mithrasliturgie (p. 110), Jéhova exhorte Israël (Ex. xxiii, 21) de ne pas se rebeller contre l'ange qu'il lui envoie, parce que ‘son nom’ serait en lui. Par conséquent, on avale dans les pratiques magiques des billets portant des noms: celui qui les avale est invulnérable (“fest gegen Schuss und Hieb”). Nisard, l. c., n'a pas compris le sens de l'oraison (qui doit être avalée “Pour être dur”), qu'il publie: “Pour être dur, comment, quand et pourquoi? Je ne vois ici de dur que ce qui est à avaler.” Dieterich a donné la réponse.
Note 16 in page 24 Cf. encore Hatzfeld, l. c., p. 696: Purg. Patr., v. 904: Apres cele invocation k'il [s. Patrice poursuivi par les diables à l'enfer] fist de cel saintisme nun [de Jésus] Fust delivrés.
Note 17 in page 24 yod, he, waw, he, comme dit Maimonide (le schem hamphorasch) et cf. l'ancien Rhythmus: ad Deum ex Dei nominibus, Guerri, l.c., p. 60. On ne rappelle pas assez que le système des mots-lettres (CGT, Hapag, YMCA etc.) remonte en dernier lieu au tétragramme hiératique, de même que les abréviations commerciales (vve Dubois, felli Bocca, Hutzler Bros.), remontent aux mots formés d'initiales de mots sacrés tels INRI, etc. Toute lettre de l'alphabet écrite était virtuellement sanctifiée au moyen âge parce que les noms de Dieu se composaient de lettres (S. François gardait tout chiffon de papier parce qu'il pouvait porter une de ces lettres), de même que le livre et l'écriture au moyen âge était sanctifiés par le fait que Dieu avait donné sa révélation dans un livre. A comparer les légendes, recueillies par un G. de Coincy ou Bonvezin da la Riva, du moine simple d'esprit qui ne pouvait apprendre du latin que les mots Ave Maria: après sa mort les cinq lettres, de M aria deviennent des roses, poussant de sa bouche. G. de Coincy appelle la Vierge la Dame aux cinq lettres (=Marie, ce qui rappelle l'hébreu arvaoth Jahve ‘les quatre lettres de Jahve,’ Dornseiff, p. 175; curieux comme le tabou religieux appelle la même technique que le tabou scatologique: all. sich auf seine fünf Buchstaben setzen ‘s'asseoir’>‘se mettre sur les posteriora’).
Note 18 in page 25 Cf. la Fides provençale v. 319: Lo seus noms es Adonai: Aitai lo diss a Moysi. Poderos es per ver aissi, De quant manded, res no.n falli, passage qui fait allusion au passage d'Ex. Nous voyons la même attitude cryptique au v. 72 de Fides: Fides a nom per Deu mandad, que M. Alfaric commente ainsi: “Le nom de la sainte est enfin prononcé! Il ne le sera plus dans la suite, car il ne doit pas être employé en vain. De plus, il n'apparaît plus que sous sa forme latine. C'est qu'il a été choisi et imposé par Dieu, qui parle la langue de ses ministres. Il y aurait quelque sacrilège à le traduire en un dialecte profane. Le poème latin dit à ce sujet: Fides ei nomen, cui verum contulit omen. . . ”—Blondheim pensait que el Dio, ‘le nom du Dieu juif chez les sépharditas (s'opposant au Dios des chrétiens), venait de la formule de la berachah: hakadosch baruch hu, qui aurait été traduit par el Dio bendilo. Je pense plutôt que l'article de el Dio s'explique par des formules comme adonaj hu hoelōhim ‘Adonai c'est le dieu, le vrai Dieu.’
Note 19 in page 25 Dans Verm. Beitr. i, 397, Tobler mentionne la périphrase tes noms me crea—Dieus (et aussi le vostre nom=vous, dit d'êtres humains) dans Baudouin de Sebourg, et dit de dieu et son (ses) nom(s): “der allerwärts begegnende Ausdruck . . . [wird] als eine Tautologie zu nachdrücklicher Bezeichnung des Einen Wesen zu betrachten sein.” J'ai déjà indiqué dans Neuere Sprachen xliii, 485 qu'il faut rattacher ces périphrases de l'anc. fr. aux exemples latino-grecs de Hirzel (et les périphrases avec ‘nom’ pour des êtres humains aux exemples grecs Stace: illic ingenita certant nomina = les héros devant Troie; “und wenn Ludwig der Heilige von Frankreich bei seinem eigenen Namen schwor [en nom de mi ou au nom de moy], so stellte sich der fromme Mann nicht einem Gotte gleich, sondern schwor einfach bei seiner Person, per suam salutem, oder, wie Haduwig, die Herzogin von Schwaben, ‘beim Leben der Haduwig’” (Hirzel, p. 12). Cf. encore dans les tablettes d'exécrations latines nomen Seneciani = Senecianus, grec biblique ‘personne’ (Löfstedt, “Eranos” x 23), l'ail. Weibsen mot familier pour Weib, litt. Weibes Name et équivalant à Weibsbild=Weib, litt. ‘corps de femme,’ tous deux sémantiquement déchus comme fr. un drôle de corps. La construction de nomen avec des choses inanimées (nomen amoris=amor, Lucrèce; nomen villarum = villae, Tacite) n'est restée en roman qu'après des prépositions: par nun d'offrir li fist duner ‘pour’ (Tilander), litt, ‘à titre de’; cf. le célèbre vers de la Ch. de R. par nun d'ocire i enveierai le mien [fils] ‘au risque de’ (Bédier), en non de moteür ‘pour son malheur’ (Tilander). J'ajoute l'exemple catalan du Dicc. Aguiló un horn rich feu un gran convit en nom de almoyna ‘com, a guisa de’ et a.prov. en nom (per) nom de ‘à titre de, comme,’ roum. cu numele ‘angeblich,’ supt nume, ‘unter dem Vorwand,’ a lud in nume de bine, de rău ‘wohl, übel aufnehmen’ (Tiktin). Sur nomen Christianum ‘chrétienté’ (Ste. Eulalie: lo nom chrestien), populi romani nomen, latinum nomen ‘le peuple romain’ cf. Eberwein, l.c., p. 16 et 80; Spitzer, Neuphil. Mitt. 1934, p. 161: à ajouter nom hébreu = ‘la. langue hébraïque’ dans le myst. d. Actes des Ap. (R. d. é. juives, xlvi, 148). Toutes les prétendues “périphrases” de Tobler (sur chair; v. mon article de Neuere Sprachen, sur personne le livre de Rheinfelder) étaient à l'origine des modes de pensée très vivants, dont le grammairien n'envisage que la carcasse “grammaticalisée.”
Note 20 in page 27 M. Hatzfeld, dans des travaux comme “A expressão de ”o santo“ na linguagem poética dos románticos Portugueses e catalães” (Coimbra, 1935) et le travail parallèle sur les romantiques espagnols, s'occupe de la langue religieuse individuelle de certains poètes et introduit, comme il est nécessaire pour les temps modernes, les cadres nationaux.
Note 21 in page 29 Il est curieux de voir les moralisateurs et les édits royaux que cite Zöckler (p. S seq.) proscrire particulièrement les “vilains sairemens” mentionnant les membres (les cheveux, la tête, la coeur, le ventre etc.) de Dieu ou du Christ, sans en général rappeler les jurons du type de nom(s) de Dieu (seulement Louis XI dit: “plusieurs gens de felon couraige . . . regnyent, despitent et maugréent le très-saint nom de notre sauveur et redempteur Jesus-Christ. . . ”)—je suppose que le péché de la matérialisation de l'acte de la passion était supposé plus grave et que cette matérialisation était aussi plus fréquente que l'invocation blasphématoire plus abstraite des noms du seigneur, connus plutôt dans des milieux cléricaux. La brochure exclusivement descriptive de Zöckler devrait être réécrite en tenant compte de l'histoire des moeurs et des courants spirituels de la chrétienté.
Note 22 in page 30 Un schéma commode pour des litanies était obtenu en accouplant avec Dieu tous ces personnages mineurs qui pullulent dans la théologie catholique: voir p. ex. la litanie publiée par Ive dans Ztschr. xxxiv, p. 320, tirée d'un codex florentin du XVe siècle et qui s'intitule “Le sante parole”: la liste des “paroles” est une sorte de grammaticalisation de ce polythéisme inhérent à la religion chrétienne et l'élément constant Die mai (= Dio m'ajuti) est devenu, d'après REW 172, une expression stéréotypée, une exclamation des marins vénitiens qui n'ont pas vu la terre depuis quelques jours. Voici le texte de la litanie:
suivent les apôtres, les évangélistes, les martyrs, les confesseurs, les docteurs, les saints—toute la hiérarchie semi-divine de l'église centrée autour de Dieu et tenue en dépendance de Lui.
Note 23 in page 31 Pflaum, l. c., p. 326, mentionne comme fait tout à fait isolé que dans un auto sacramental de la circoncision du Seigneur la vierge est accompagnée des tres Virtudes, qui parlent pour elle, et il explique ce trait par le goût allégorisant des Espagnols. Pourtant le type Dieu et ses vertus, Marie et ses vertus est tout préparé dans la littérature a. fr.—Thudichum, Geschichte des Eides (Tubingue 1911) met l'apparition du serment par ‘Dieu et ses saints’ au ixe s. avec l'habitude, naissant à la même époque, des évêques et des couvents d'acheter des reliques. Le même savant atteste le serment par ‘Dieu et la Sainte Écriture’ à partir de 1240.
Note 24 in page 31 Ce “style appositionnel” n'a rien à faire avec la determinatio médiévale, comme pense M. Hatzfeld, ZRPh, iii, 701, dont l'essentiel est, comme le démontre M. Brinkmann au lieu cité par M. Hatzfeld, le cumul de la même construction: “unica determinatio non facit ornatum, sed inculcatio determinationum,” dit la rhétorique médiévale: p. ex.: Est igitur proba juncta probo, formosa decoro, callida sensato, religiosa pio, ou pour choisir un exemple a. fr. (cité par M. Curtius comme exemple de 1‘ ‘amplification’: Alexis 89/90):
El nom la virgene qui portat salvetet,
Sainte Marie qui portat Damnedeu.