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Published online by Cambridge University Press: 01 December 2020
The numerous interpretations by critics of all decades of Rimbaud's sonnet on the “Vowels” are mostly based on considering A E I O U solely as letters and not as sounds. New perspectives on the poem can be opened by emphasizing its sonorous aspects and stressing the importance of vowels as primeval shouts. An analysis of the sound structure in the sonnet reveals that the profusion of images, colors, movements, emotions, evoked by the five vowel sounds, appear to be derived directly from larynx vibrations and from the shape and movement of the lips as they pronounce each key vowel. This discovery of the “naissances latentes” possible origin in the “Vowels” relies greatly on Rimbaud's other poetic works and on his new theories on poetry. A close look at some of his predecessors' ideas, themes, and images—like Victor Hugo's and Baudelaire's—that elicit a probable influence on the young poet or a strange correspondence with his own objectives further unveils, in the study of each vowel, the esoteric aspects and poetic elaboration of the “Vowels.” A living vestige of Rimbaud's adolescent voice speaking to us in its original spontaneity, the sonnet thus discloses the poet's secret: shown in the very process of creating a new language, he is like a true God: through the magic of his word, he creates light, colors, a whole new world of vivid sound-objects, that illustrate the five stages of man's life from nonexistence to eternity. (In French)
1 Arthur Rimbaud, CEuvres completes (Paris: Gallimard, Bibliotheque de la Pleiade, 1963), “Fetes de la faim,” p. 138. Ouvrage desormais designe dans le texte par OC.
2 Etudes telles que celle de R. Fauresson, par exemple, “A-t-on LU Rimbaud?” parue dans la revue Bizarre, numero special 4eme trimestre, 1961 (J.-J. Pauvert, ed.). Le choix du titre meme met en evidence l'accent mis par l'auteur sur l'aspect graphique des “Voyelles.”
Je me bornerai a citer deux autres interpretations fondees, elles aussi, sur l'ecriture.Mon propos, en effet, n'est pas de faire l'inventaire des ouvrages qui ont trait aux “Voyelles.” Etiemble y a consacre 242 pages de son livre (voir n. 3). Je ne compte presenter, dans cette elude, qu'un aspect meconnu du sonnet de Rimbaud.
L'une de ces interpretations est celle de M. Sausy, exposee dans son article: “Du nouveau sur Rimbaud dans les Nouvelles Litteraires du 2 sept. 1933. Fort interes-sante a bien des egards—j'en discuterai l'un des points les plus revelateurs dans la suite de cette etude—elle repose, malheureusement, sur un texte inexact.
Si l'on remonte encore dans le passe d'une trentaine d'annees, Ernest Gaubert propose aux lecteurs du Mercure de France le ler nov. 1904 une “Explication nouvelle du sonnet des Voyelles d'Arthur Rimbaud” fondee sur la decouverte d'un abecedaire pour les tout petits datant approximativement de 1850. Les correspondances d'imageset de couleurs entre l'abecedaire et le sonnet de Rimbaud sont extremement troublantes.
3 (Paris: Gallimard, 1968): essai qui, malgre son caractere polemique et le point de vue parfois trop etroit adopte par 1'auteur, presente une documentation tres riche.
4 Ainsi, d'ailleurs, que la mise en evidence du “Y” dans “Yeux” par sa majuscule et sa place finale dans le sonnet selon l'ordre traditionnel des voyelles en frangais.
5 Rimbaud I'enfant (Paris: Corti, 1948), p. 9.
6 Bernard, CEuvres de Rimbaud (Paris: Gamier, 1960), p. 407; Plessen, Promenade et poesie: VExperience de la marche et du mouvement dans Fwuvre de Rimbaud (La Haye-Paris: Mouton, 1967), p. 303; ii. 3, p. 228.
7 L'etude qui va suivre ne pretend pas annuler les autres interpretations du sonnet, particulierement les explications graphiques. Elle a pour dessein de mettre en evidence la richesse du poeme, de lui decouvrir une nouvelle dimension, de lui restituer ainsi sa signification totale, au lieu de faire un decoupage electif arbitraire et insuffisant. Roland Barthes a admirablement analyse cette richesse “encyclo-podique” du verbe poetique depuis Rimbaud, verbe “qui contient simultanement toutes les acceptions,” dans Le Degre zero de l'ecriture (Paris: Seuil, 1953), p. 70.
8 Il est interessant de noter que cette structure, telle qu'elle apparait deja ici et qu'elle se revelera au fur et a mesure de cette etude, dans le domaine de la sonorite desvoyelles, a egalement frappe Jacques Plessen en ce qui concerne le mouvement de la marche, dans son livre sur Rimbaud deja cite n. 6: Promenade et poisie, ou il decouvre une structure caractensee par une dialectique “deja tant de fois rencontree: dialectique du mouvement et du repos, de l'ouverture et de la fermeture, de la verticalite” et de l'horizontalite“ (p. 306).
Cette remarque confirme une intuition prealable de Jacques Gengoux, qu'il n'a pas developpee, dans son ouvrage sur Rimbaud, La Pense'e poetique de Rimbaud (Paris: Nizet, 1950), ouil suggere “l'existence d'une systematisation dialectique des sons” (p. 450).
9 Ce qui, naturellement, n'implique pas que le sonnet ait ete compose a cette date.
10 Premiere date inscrite dans I'Album zutique au verso du feuillet 10 (Paris: J.-J. Pauvert, 1962).
11 C'est egalement ce que remarque Gwendolyn Bays dans The Orphic Vision: Seer Poets from Novalis to Rimbaud (Lincoln: Univ. of Nebraska Press, 1964): “His famous sonnet on the Vowels doubtless represents his own first effort in the direction of the new poetic language” (p. 198).
12 Diderot, “Lettre sur les sourds et muets,” Ecrits philosophiques (Utrecht: J. J. Pauvert, 1964), p. 133.
13 Jean-Jacques Rousseau, OZuvres completes (Paris: Gallimard, Bibliotheque de la Pleiade, 1964), iii, “Discours sur l'origine et les fondements de l'inegalite parmi les hommes” (p. 148). C'est moi qui souligne.[II ne s'agit sans doute pas ici d'une influence directe de Diderot ou de Rousseau sur Rimbaud. Celui-ci n'a probablement connu leurs theories linguistiques qu'indirectement, par ses lectures d'auteurs du xix6 siecle qui ont repris certaines idees philosophiques du xviii3 siecle sur le langage, comme Ballanche par exemple.]
14 Bernard, CEuvres de Rimbaud, p. 470.
15 Manuscrit reproduit dans I'Album Rimbaud, Icono-graphie reunie et commentee par Henri Matarasso et Pierre Petitfils (Paris: Gallimard, Bibliotheque de la Pleiade, 1967), p. 115.
16 Victor Hugo, CEuvres poetiques (Paris: Gallimard, Bibliotheque de la Pleiade, 1967), II,Les Contemplations, “Au bord de l'infini,” “Ce que dit la bouche d'ombre” (p. 818).C'est moi qui souligne. Desormais designe dans le texte par OP.
17 On sait que Rimbaud a longtemps ete obsede par l'idee de metempsycose, la possibilite de vivre d'autres vies; voir a ce sujet Une Saison en enfer: “Je ne me souviens pas plus loin que cette terre-ci et le christianisme” (OC, p. 221), “Qu'etais-je au siecle dernier: je ne me retrouve qu'aujourd'hui” (p. 221), “Vite! est-il d'autres vies?” (p. 224), “A chaque etre, plusieurs autres vies me semblaient dues” (p. 237).
18 “Emir” est 1'un des mots mentionnes a la voyelle E dans l'abecedaire cite n. 2.
19 Voir par exemple “Les Assis”: “les yeux cerctes de bagues / Vertes …” des vieillards (OC, p. 70).
20 Charles Baudelaire, CEuvres completes (Paris: Gallimard, Bibliotheque de la Pleiade, 1961), p. 1256. Dosor-mais dosigno dans le texte par B.
21 C'est ainsi que Rimbaud nomme Baudelaire dans sa lettre a Paul Demeny du 15 mai 1871 (OC, p. 273).
22 Lettres a Izambard du 13 mai 1871 et a Demeny du 15 mai 1871: “JE est un autre. Tant pis pour le bois qui se trouve violon” (p. 268), et: “JE est un autre. Si le cuivre s'eveille clairon, il n'y a rien de sa faute” (p. 270).
23 II est interessant de noter que pour Baudelaire le violet evoque la femineite de l'eglise dans Fusees: “De la couleur violette (amour contenu, mysterieux, voile, couleur de chanoinesse)” (B, p. 1248).
Baudelaire reprend cette idee dans un article sur “Les femmes et les filles” publie en 1859 dans L'Artiste et repris dans L'Art romantique en 1869, que peutetre Rimbaud a eu sous les yeux. Comme dans Fusees, le violet prete a equivoque: religion et feminite sont associees dans le terme de “chanoinesse”: “sur un fond d'une lumiere infernale ou sur un fond d'aurore boreale, rouge, orange, sulfureux, rose (le rose revelant une idee d'extase dans la frivolite), quelquefois violet (couleur affectionnee des chanoinesses, braise qui s'eteint derriere un rideau d'azur), sur ces fonds magiques, imitant diversemente les feux de Bengale, s'enleve l'image variee de la beaute interlope” (p. 1187). Je souligne.
24 C'est la une experience qu'a partagee Baudelaire telle qu'il la relate dans son poeme “Elevation” (B, p. 10).
25 Voir saDefense et illustration; cite par Jacques Gengoux, La Pense'epoetique de Rimbaud, p. 635.
26 Emilie Noulet, persuadee qu'il faut voir dans l'abecedaire deja mentionne la clef des “naissances latentes” du sonnet, remarque avec beaucoup de justesse et d'intuition: “Dire que Rimbaud a rendu aux voyelles leur force de choc, vitalisant leur son, leur forme, leur ordre, les barbouillant de couleur, les deroulant comme un kaleidoscope d'images disparates, n'ecarte pas l'idee que, sur ce souvenir de ses trois ou quatre ans, ses seize ans n'aient congu un dessein tres conscienf' (Le Premier Visage de Rimbaud, Bruxelles: Palais des Academies, 1953, p. 169). Plessen, quant a lui, affirme: ”En examinant les objets dont il est question dans ce poeme, on a l'impression que le dire rimbaldien n'est autre qu'une enumeration chaotique des choses de ce monde [. . . ] Toutefois [. . . ] Rimbaud ne se contente pas de cette simple enumeration: les choses du monde s'y trouvent classees, et dans le chaos qu'etait le monde avant qu'il fut dit, les mots du langage poetique introduisent des structures“ (Promenade et poesie, p. 293). C'est moi qui ai souligne les termes dans la citation d'Emilie Noulet.
27 Le Sonnet des Voyelles, p. 216.